CEDH, Cour (première section comité), GIZZI c. ITALIE, 10 janvier 2023, 20007/07

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section Comité), 10 janv. 2023, n° 20007/07
Numéro(s) : 20007/07
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 7 mai 2007
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-223049
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2023:0110DEC002000707
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION

Requête no 20007/07
Maria Teresa GIZZI
contre l’Italie

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant le 10 janvier 2023 en un comité composé de :

 Péter Paczolay, président,
 Gilberto Felici,
 Raffaele Sabato, juges,
et de Liv Tigerstedt, greffière adjointe de section,

Vu :

la requête (no 20007/07) contre la République italienne et dont une ressortissante de cet État, Mme Maria Teresa Gizzi (« la requérante »), née en 1930, représentée par Me N. Paoletti, avocat à Rome, avait saisi la Cour le 7 mai 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »),

la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement italien (« le Gouvernement »), représenté successivement par ses anciens agent et coagent, Mme E. Spatafora et M. N. Lettieri, et par son agent, M. L. D’Ascia,

les observations des parties,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

OBJET DE l’AFFAIRE

1.  La présente affaire concerne la privation des biens de la requérante en application du principe de l’« expropriation indirecte ».

2.  Le 14 novembre 1977, la commune de Ceprano adopta un plan d’urbanisme qui affecta les terrains de la requérante. L’occupation d’urgence des biens eut lieu le 20 novembre 1979.

3.  Le 25 février 1985, la requérante saisit le tribunal de Bénévent d’un recours en dommages-intérêts à l’encontre de la commune. Elle alléguait que l’occupation des terrains était illégale et que les travaux de construction s’étaient terminés sans expropriation formelle, ni paiement d’une quelconque indemnité. La requérante réclamait une somme correspondant à la valeur vénale des terrains, majorée des intérêts et de la réévaluation.

4.  Le 15 mai 2001, le tribunal constata que les terrains avaient été irréversiblement transformés par les ouvrages publics, affirma que, conformément au principe de l’expropriation indirecte, la propriété des terrains était passée à l’administration et condamna, en application de l’article 5bis de la loi no 359/1992, la commune à payer à la requérante la somme de 93 408 463 lires italiennes (ITL), plus intérêts et réévaluation. Cette décision fut en substance confirmée par la cour d’appel de Rome qui rehaussa l’indemnité d’expropriation à 192 023 458 ITL (soit 99 171,80 euros (EUR)) avec intérêts et réévaluation à partir du 20 novembre 1984.

5.  Le 7 mars 2014, la Cour de cassation cassa ledit arrêt et renvoya la cause devant une autre chambre de la cour d’appel de Rome pour la détermination de l’indemnité basée sur la valeur vénale des terrains.

6.  Le 9 février 2016, la cour d’appel de Rome condamna la commune à payer la somme de 180 243,45 EUR réévaluée à partir du 20 novembre 1984 et jusqu’à la décision, et majorée des intérêts jusqu’au solde.

7.  Le 28 septembre 2017, à la suite du décès de la requérante survenu le 10 février 2017, ses héritiers, MM. Andrea et Antonio Sassano et Mmes Anna Pia et Simonetta Sassano, ont exprimé le souhait de maintenir la requête.

8.  Le 24 avril 2017, face à des difficultés budgétaires, la commune avait décidé d’accéder à une procédure de rééquilibrage des comptes. Le 23 juillet 2017, elle délibéra un Plan de paiement d’une durée maximale de 10 ans, comprenant plusieurs crédits au profit des héritiers de la requérante, dont l’indemnité d’expropriation chiffrée à 1 078 142,56 EUR.

9.  Le 2 mai 2022, les héritiers de la requérante ont indiqué à la Cour avoir reçu 911 398 EUR et dû s’acquitter de 103 910 EUR à titre d’impôt à la source, s’élevant à 20% (article 11 de la loi no 413/1991).

10.  Invoquant l’article 1 du Protocole no 1 et l’article 6 de la Convention, la requérante se plaignait d’avoir été privée de ses terrains et de l’insuffisance de l’indemnité obtenue et, de plus, soumise à imposition fiscale, d’avoir dû attendre longtemps avant d’obtenir un dédommagement considéré, par ailleurs, insuffisant et de l’inefficacité des recours internes.

APPRÉCIATION DE LA COUR

  1. Sur la qualité des héritiers pour agir devant la Cour

11.  La Cour note que les héritiers de la requérante, MM. A. et A. Sassano et Mmes A.P. et S. Sassano, souhaitent maintenir la requête et que le Gouvernement ne s’y oppose pas.

12.  Elle estime qu’ils ont un intérêt légitime à poursuivre la requête et leur reconnaît dès lors la qualité pour se substituer à Mme Gizzi dans la présente procédure (voir, mutatis mutandis, Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 39, CEDH 1999 VI). Toutefois, pour des raisons d’ordre pratique, la présente décision continuera de désigner cette dernière comme « la requérante », bien qu’il faille aujourd’hui attribuer cette qualité à ses héritiers.

  1. Sur la violation alléguée de de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention

13.  Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour estime approprié d’examiner les griefs du requérant sous l’angle seulement de l’article 1 du Protocole no 1.

14.  Le droit interne pertinent relatif à l’expropriation indirecte se trouve décrit dans l’arrêt Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 58858/00, §§ 18-48, 22 décembre 2009.

15.  La Cour note, d’abord, que la requérante a été privée de ses biens par le biais d’une expropriation indirecte, une ingérence dans le droit au respect des biens que la Cour a déjà considérée, dans un grand nombre d’affaires, comme incompatible avec le principe de légalité et qui l’a amenée à conclure à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 (voir, entre autres, Carbonara et Ventura c. Italie, no 24638/94, §§ 63-73, 30 Mai 2000, et, plus récemment, Messana c. Italie, no 26128/04, §§ 38-43, 9 février 2017). En l’espèce, après avoir examiné l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis et les observations des parties, la Cour n’a trouvé aucun fait ou argument susceptible de la persuader de parvenir à une conclusion différente.

16.  La Cour estime, toutefois, que la cour d’appel de Rome a reconnu le caractère illégal de la privation de propriété et s’est conformée à sa jurisprudence en accordant à la requérante une somme correspondant à la valeur vénale des terrains au moment de la perte de propriété, actualisée à la date de la décision et assortie d’intérêts (voir Guiso-Gallisay, précité, § 105). Dans des affaires similaires à la présente, la Cour a déjà estimé comme approprié et suffisant le redressement reconnu par les juridictions internes et a conclu que les requérants ne pouvaient plus se prétendre victime de la violation alléguée (voir Armando Iannelli c. Italie, no 24818/03, §§ 35-37, 12 février 2013). Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’imposition d’une taxe à 20 % (voir Guiso et Consiglio c. Italie (dec.), no 50821/06, §§ 41 et 49, 16 janvier 2018, Colazzo c. Italie (dec.) [Comité], no 36944/06, §§ 30-34, 14 mai 2019, Guiso-Gallisai c. Italie (dec.) [Comité], no 95/06, §§ 35-39, 16 juin 2020, et Guiso Gallisai c. Italie (dec.) [Comité], nos 10212/05 et 2 autres, §§ 33-35, 23 novembre 2021).

17.  S’il est vrai que l’indemnité n’a pas encore été versée dans son intégralité aux héritiers de la requérante, la Cour constate, toutefois, que la commune a approuvé en 2017 un Plan de paiement finalisé à l’extinction de ses dettes dans un délai maximum de 10 ans et que, en exécution de ce plan, elle a payé la plupart de la dette fondée sur la décision de la cour d’appel de Rome du 9 février 2016 (voir paragraphe 9 ci-dessous). La Cour note que dans d’autres affaires concernant la non-exécution de jugements internes de la part des administrations locales (voir Lavić c. Bosnie-Herzégovine (déc.), no 6340/20, §§ 13-14, 9 Novembre 2020, et Muhović et autres c. Bosnie-Herzégovine (déc.), nos 40841/13 et 12 autres, §§ 17 et 30-33, 8 octobre 2020), elle a jugé qu’un délai d’exécution d’une durée plus longue, où la date finale était fixée à 2041, était acceptable et équivalait à la mise en œuvre des mesures générales qu’elle avait indiquées. Il n’y a aucune raison d’adopter une approche différente en l’espèce.

18.  Par conséquent, la Cour estime que la requérante ne peut plus se considérer victime d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 2 février 2023.

 Liv Tigerstedt Péter Paczolay
 Greffière adjointe Président

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