CEDH, Commission, X. c. l'AUTRICHE, 19 décembre 1961, 1140/61

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission, 19 déc. 1961, n° 1140/61
Numéro(s) : 1140/61
Publication : Recueil 8, pp. 57-63
Type de document : Recevabilité
Niveau d’importance : Importance élevée
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-27869
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1961:1219DEC000114061
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Texte intégral

EN FAIT

Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:

Le requérant, ressortissant autrichien né en ..., se trouve

actuellement détenu à l'établissement pénitentiaire de B. . Condamné

en 1948 à onze ans et trois mois de réclusion rigoureuse (schwerer

Kerker) pour vol qualifié (Raub), il bénéficia, le ... 1955, de la

remise conditionnelle du restant de sa peine, soit (un peu plus de

quatre ans) en vertu d'un décret présidentiel de grâce (Gnadenerlass).

Ledit décret fixait à cinq ans la durée de la période de probation.

Le ... 1960, le Tribunal (Landesgericht) de C. infligea trois mois de

réclusion rigoureuse à X. pour abus de confiance qualifié

(Veruntreuung, article 183 du Code pénal).

En conséquence, le même tribunal révoqua, le ... 1960, le sursis de

cinq ans accordé à l'intéressé par le décret de grâce conditionnelle

du ... 1955.

X. a attaqué le jugement du ... 1960 au moyen d'une requête

(Beschwerde) que la Cour (Oberlandesgericht) de C. a rejetée, le ...

1960, en audience non publique et après consultation du Ministère

Public (nach Anhörung der Oberstaatsanwaltschaft in nichtöffentlicher

Sitzung).

La Cour a relevé que la décision entreprise se fondait sur l'arrêté

ministériel du 13 novembre 1920 relatif à la grâce conditionnelle

(bedingte Begnadigung).  Cet arrêté se réfère aux articles 2 à 11 de

la loi du 23 juillet 1920 (modifiée en 1949) sur les condamnations et

libertés conditionnelles (bedingte Verurteilung und bedingte

Entlassung);  il précise que

"Lorsqu'un condamné bénéficie d'une mesure de grâce conditionnelle

produisant les effets d'une condamnation conditionnelle, les

prescriptions des articles 2 à 11 de la loi du 23 juillet 1920

s'appliquent mutatis mutandis (dem Sinne nach), pour autant que l'acte

de grâce ou les prescriptions ci-après n'en disposent pas autrement."

Or, selon l'article 3, paragraphe 1, alinéa 3, de la loi en question:

"Le sursis doit être révoqué et la peine exécutée:

1. ...

2. ...

3. ... si (le condamné) commet à nouveau un acte punissable.  Le

tribunal peut néanmoins s'abstenir de révoquer le sursis lorsque l'acte

punissable en question constitue un simple délit (Vergehen) ou une

simple contravention (Übertretung) de faible gravité (den Umständen

nach geringfügig), que l'infraction ancienne et l'infraction nouvelle

ne reposent pas sur le même penchant nuisible (schädliche Neigung) et

qu'il existe des raisons particulières de présumer que le condamné

malgré sa faute nouvelle (abermalige Verfehlung), se conduira bien à

l'avenir.

4. ..."

La Cour a constaté que le requérant s'était rendu coupable, pendant la

période de probation, d'une infraction qualifiée crime (Verbrechen),

de sorte que le juge avait l'obligation de revoquer le sursis.

X. ayant soutenu que, d'après l'article 12, paragraphe 4 de la loi

précitée de 1920/1949, le Président fédéral n'aurait pas dû assigner

à ladite période une durée (cinq ans) supérieure à celle de la peine

non encore purgée (...), la Cour a répondu:

- que les décrets présidentiels de grâce ne peuvent faire l'objet

d'aucun recours;

- qu'au demeurant, l'arrêté ministériel du 13 novembre 1920 ne renvoie

pas à l'article 12 de la loi de 1920/1949 (applicable en matière de

libération conditionnelle), mais uniquement aux articles 2 à 11;

- que le même arrêté ne réglemente pas la longueur de la période de

probation;

- que le décret présidentiel du 2 juillet 1955 n'avait pas fixé une

durée d'un à trois ans, telle que la prévoit l'article 2, paragraphe

1 de la loi de 1920/1949 (applicable en matière de condamnation

conditionnelle);

- que le jugement de révocation avait eu lieu après l'expiration de la

période de probation, mais avant celle du délai de six mois visé à

l'article 4 paragraphe 1 de la loi de 1920/1949. Selon cette

disposition,

"Lorsque six mois se sont écoulés depuis la fin de période de

probation, le sursis ne peut plus être révoqué.  Si le condamné fait,

avant l'expiration de ladite période, sursis peut encore être révoqué

dans les six semaines qui suivent la clôture définitive (rechtskräftige

Beendigung) de la procédure pénale".

Le ... 1960, le requérant a formé une demande de sursis à l'exécution

de sa peine (Strafaufschub), que le Tribunal (Landesgericht) de C.,

statuant en audience non publique après consultation du Ministère

Public (nach Anhörung der Staatsanwaltschaft C. ... in

nichtöffentlicher Sitzung), a repoussée le .... 1960, pour le motif que

les conditions exigées par l'article 401 du Code de procédure pénale

ne se trouvaient pas réunies. Aux termes de cet article, "le tribunal

de première instance peut, à la demande d'un condamné, différer

l'exécution d'une peine privative de liberté n'excédant pas un an" -

en l'occurrence, la peine à purger avait une durée nettement supérieure

- "lorsque l'exécution immédiate de la peine compromettait le

gagne-pain du condamné ou la subsistance de sa famille innocente, ou

lorsqu'un sursis s'impose impérieusement en vue du règlement d'affaires

familiales".

Le ... 1961, le requérant a invité le Procureur Général près la Cour

Suprême (Oberster Gerichtshof) à introduire un pourvoi en cassation

dans l'intérêt de la loi (Nichtigkeitsbeschwerde zur Wahrung des

Gesetzes) contre le jugement de révocation du ... 1960.  Le ... 1961,

le Parquet (Staatsanwaltschaft) de C. l'a informé que le Procureur

Général, après examen du dossier, n'estimait pas devoir prendre

l'initiative prévue à l'article 33, paragraphe 2 du Code de procédure

pénale.  X. souligne que sa demande ne se fondait point sur cette

prescription, mais bien sur les articles 5 et 13 de la Convention, et

reproche au Procureur Général d'avoir méconnu ce fait.

Considérant que les griefs du requérant peuvent se résumer ainsi:

X. précise qu'il ne se plaint pas de ses condamnations pénales en tant

que telles, mais seulement de la manière dont la législation en vigueur

lui a été appliquée.  Il avance, à l'encontre de l'arrêt du ... 1960:

a) que les décrets présidentiels de grâce peuvent bel et bien faire

l'objet de recours (Beschwerde);

b) que l'arrêté ministériel du 13 novembre 1920 viole le principe de

l'égalité de tous devant la loi et, en écartant le jeu de l'article 12

de la loi de 1920/1949, méconnaît la primauté de la loi sur le

règlement, d'autant plus qu'il s'agit d'une loi postérieure à sa

publication;

c) que, conformément audit article 12, la période de probation aurait

dû s'achever en l'espèce le ... 1959 et que, partant, la décision de

révocation du ... 1960 manque de base légale même si l'on tient compte

de l'article 4, paragraphe 1, précité, de la loi de 1920/1949 (délai

de six mois).

Le requérant proteste enfin contre l'arrêt par lequel la Cour

Constitutionnelle d'Autriche a déclaré le 14 octobre 1961, dans une

autre affaire à laquelle il est totalement étranger que l'article 5 de

la Convention ne possède en Autriche ni la valeur d'une norme

constitutionnelle, ni même le caractère self-executing.

Selon X., cet arrêt enfreint l'article 13 de la Convention et constitue

un déni de justice, d'autant plus que les autorités compétentes ont

négligé, jusqu'ici d'élaborer et de promulguer une législation donnant

effet à la Convention dans l'ordre interne autrichien

(Durchführungsbestimmungen).

Alléguant la violation de l'article 5 paragraphe 1 a) et b) et de

l'article 13 de la Convention, le requérant réclame une indemnité de

250 schillings pour chaque jour passé "indûment" en détention.

EN DROIT

Considérant, pour autant que le requérant paraît revendiquer le droit

d'obtenir un sursis à l'exécution du restant de sa peine

(Strafaufschub), que la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme

et des Libertés fondamentales, aux termes de son article 1er (art. 1),

garantit uniquement les droits et libertés définis en son Titre I;  que

tout grief formulé par une personne physique, une organisation non

gouvernementale ou un groupe de particuliers doit, selon l'article 25

paragraphe 1 (art. 25-1), avoir trait à la violation alléguée de l'un

de ces droits et libertés et d'eux seuls, faute de quoi son examen ne

saurait relever de la compétence ratione materiae de la Commission;

que le droit susmentionné ne figure pas, en tant que tel, parmi lesdits

droits et libertés;  que la requête est donc, à cet égard, incompatible

avec les dispositions de la Convention et, partant, irrecevable par

application de l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2);

Considérant, d'autre part, que les audiences tenues le ... 1960 par

l'Oberlandesgericht de C. et le ... 1960 par le Landesgericht de la

même ville semblent avoir revêtu un caractère non contradictoire;  que

le requérant ne s'en plaint pas, du moins expressément, mais que la

Commission estime utile de rechercher d'office s'il a pu ou non, en ces

occasions, être victime d'une violation des droits que consacre

l'article 6 (art. 6) de la Convention;

Qu'au moment où il a attaqué, devant l'Oberlandesgericht de C., le

jugement prononcé le ... 1960 par le Landesgericht, l'intéressé

possédait la qualité de condamné et non plus celle d'accusé, au sens

de l'article 6 (art. 6) de la Convention, car les sentences qui

l'avaient frappé en 1948 et le ... 1960 avaient acquis l'autorité de

la chose jugée;  que son recours à l'Oberlandesgericht, tout comme sa

présente requête à la Commission, ne visait d'ailleurs point lesdites

sentences, mais simplement la décision qui avait révoqué, le ... 1960,

la remise conditionnelle dont il avait bénéficié le ... 1955;  que

l'Oberlandesgericht ne se trouvait saisi d'aucune accusation pénale

dirigée contre X.;

Qu'une conclusion analogue vaut pour le jugement du ... 1960, par

lequel le Landesgericht de C. s'est borné à statuer, en l'absence

d'accusation pénale, sur une demande de "Strafaufschub";

Que le problème de l'"égalité des armes" (Waffengleichheit) ne se pose

donc pas, en l'espèce, de la même façon que dans les affaires Ofner (N°

524/59), Pataki (N° 596/59), Hopfinger (N° 617/59) et Dunshirn (N°

789/60);  retenues à cet égard par la Commission les 19 décembre 1960

(Annuaire III, pages 331, 365 et 379) et 15 mars 1961;  que les quatre

requérants susnommés se plaignent en effet, à la différence de X.,

d'avoir eu à répondre d'une accusation pénale devant une Cour d'Appel

(Oberlandesgericht) ou devant la Cour Suprême (Oberster Gerichtshof)

sans jouir d'une complète égalité avec le Ministère Public ou le

Procureur Général;

Que l'Oberlandesgericht et le Landesgericht de C. n'ont pas eu

davantage à trancher, les ... et ... 1960, de contestations relatives

à des "droits ou obligations de caractère civil" (article 6 paragraphe

1 (art. 6-1) de la Convention);

Qu'il s'ensuit que l'article 6 (art. 6) de la Convention ne

s'appliquait pas en l'occurrence;

Considérant enfin, quant aux autres aspects de la requête, que l'examen

du dossier ne permet pas en l'état de dégager, même d'office,

l'apparence d'une violation des droits et libertés reconnus dans la

Convention, y compris les articles 5 et 13 (art. 5, 13);

Qu'il échet de rappeler en particulier, pour autant que le requérant

conteste la compatibilité du décret présidentiel du 2 juillet 1955 et

de l'arrêté ministériel du 13 novembre 1920 avec la législation

autrichienne, et reproche à l'Oberlandesgericht de C. de ne pas avoir

accueilli sa thèse sur ce point, que la Commission a pour seule tâche,

selon l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des

engagements résultant de celle-ci pour les Etats contractants;  qu'il

en découle entre autres, compte tenu des prescriptions de l'article 27

paragraphe 2 (art. 27-2), que la Commission, au stade de l'examen de

la recevabilité des requêtes introduites en vertu de l'article 25

(art. 25), ne peut contrôler l'interprétation ou l'application du droit

interne d'un Etat contractant par une autorité, judiciaire ou autre,

de cet Etat que si et dans la mesure où les normes dont il s'agit lui

semblent, soit en elles-mêmes soit pas la manière dont ladite autorité

les a interprétées ou appliquées, susceptibles de porter atteinte aux

droits et libertés garantis par la Convention (cf. la décision du 29

mars 1960 sur la recevabilité de la requête N° 458/59, Annuaire, III,

page 233);  que tel n'est pas le case en l'espèce;

Qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter cette dernière partie de la

requête sur la base de l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2) de la

Convention, pour défaut manifeste de fondement;

Par ces motifs, déclare la requête irrecevable."

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