CEDH, Commission, SCHERTENLEIB c. la SUISSE, 1er juillet 1992, 14938/89

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission, 1er juill. 1992, n° 14938/89
Numéro(s) : 14938/89
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 20 mars 1989
Jurisprudence de Strasbourg : Cour Eur. D.H. Arrêt Eckle du 15 juillet 1982, série A no 51, p. 35, par. 80
Arrêt Lechner et Hess du 24 avril 1987, série A no 118, p. 16, paras. 60 et ss.
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-24926
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1992:0701DEC001493889
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Texte intégral

                          DEUXIEME CHAMBRE

                         SUR LA RECEVABILITE

                      de la requête No 14938/89

                      présentée par Francis SCHERTENLEIB

                      contre la Suisse

                            __________

      La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1992

en présence de

             MM.  G. JÖRUNDSSON, Président en exercice

                                 de la Deuxième Chambre

                  S. TRECHSEL

                  A. WEITZEL

                  J.-C. SOYER

                  H. G. SCHERMERS

                  H. DANELIUS

             Mme  G. H. THUNE

             MM.  F. MARTINEZ

                  L. LOUCAIDES

                  J.-C. GEUS

             M.   K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ;

      Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

      Vu la requête introduite le 20 mars 1989 par Francis SCHERTENLEIB

contre la Suisse et enregistrée le 25 avril 1989 sous le No de dossier

14938/89 ;

      Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

      Après avoir délibéré,

      Rend la décision suivante :

EN FAIT

      Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les

parties, peuvent être résumés comme suit.

      Le requérant a la double nationalité suisse et française. Il est

né en 1939 et exerce la profession d'avocat. Il réside en France.

      La requête concerne une procédure pénale diligentée contre le

requérant en Suisse de divers chefs d'accusation liés à son activité

relative à la liquidation de la société genevoise ICT Incorporated SA.

      En octobre 1976, plusieurs plaintes pénales ont été déposées

contre le requérant et le liquidateur de la société susmentionnée par

le dirigeant de cette société ainsi que par la société Wall Street Fund

Ltd Bahamas qui estimaient que le requérant s'était rendu coupable, à

leur détriment, notamment d'extorsion, de gestion déloyale et d'abus

de confiance. Le 27 octobre 1976, le requérant a été informé qu'une

information pénale était ouverte contre lui.

      Le requérant a été entendu par le juge d'instruction le 6

décembre 1976. Il a été arrêté le 24 mars 1977 et inculpé le lendemain.

      Le 22 août 1978, le requérant a introduit devant la Commission

la requête N° 8339/78. Il a fait valoir que sa détention était

contraire à l'article 5 par. 1 de la Convention ; que la durée de sa

détention provisoire était excessive et donc contraire à l'article 5

par. 3 ; que la durée de la procédure diligentée à son encontre

excédait le "délai raisonnable" au sens de l'article 6 par. 1 de la

Convention ; qu'enfin ses droits de défense, garantis à l'article 6

par. 2 et 3 de la Convention, étaient violés.

      Le 12 juillet 1979, la Commission a déclaré recevables les griefs

portant sur la durée de la détention et la durée de la procédure. Elle

a déclaré la requête irrecevable pour le surplus. Dans son Rapport du

11 décembre 1980, elle a exprimé l'avis qu'il n'y avait pas eu

violation de l'article 5 par. 3 de la Convention du fait de la durée

de la détention provisoire du requérant, ni violation de l'article 6

par. 1 de la Convention du fait de la durée de la procédure. Dans sa

résolution DH(81)9, adoptée le 1er juillet 1981, le Comité des

Ministres du Conseil de l'Europe, statuant en vertu de l'article 32 de

la Convention, a fait sien l'avis exprimé par la Commission et décidé

qu'il n'y avait pas eu violation de la Convention dans l'affaire.

      Entre-temps, le 28 mai 1979, le requérant a été renvoyé en

jugement devant la cour d'assises du canton de Genève par ordonnance

de la chambre d'accusation de Genève. Le requérant a obtenu un

non-lieu pour une accusation d'escroquerie.

      Le 17 octobre 1979, le requérant a été mis en liberté provisoire

sous caution de 500.000 FS.

      Le 3 septembre 1979, le requérant a déposé un mémoire devant la

cour d'assises après avoir obtenu une prolongation de deux mois environ

du délai initialement fixé. Le procureur général du canton de Genève

a déposé son mémoire le 31 janvier 1980, après avoir, lui aussi, obtenu

une prolongation de trois mois du délai pour le dépôt. L'affaire a été

plaidée le 20 novembre 1980.

      Le 28 juillet 1981, la Cour de cassation du canton de Genève,

saisie d'un recours dirigé contre l'ordonnance de renvoi en cour

d'assises, a écarté certaines accusations, notamment celles de délit

manqué d'entrave à l'action pénale, d'instigation à la banqueroute et

d'extorsion. Le renvoi a été maintenu pour abus de confiance, faux et

usage de faux ainsi que pour gestion déloyale.

      Le 10 mars 1982, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable un

recours de droit public dirigé contre l'arrêt susmentionné de la Cour

de cassation.

      Le 21 décembre 1982, la cour d'assises du canton de Genève a

reconnu le requérant coupable d'abus de confiance qualifié, portant sur

trois montants, à savoir 549 515 FS, 750 000 FS et 191 744,30 FS. Elle

a déclaré le requérant coupable de faux et usage de faux. Elle a, en

outre, prononcé l'absolution du requérant pour ce qui concernait

l'accusation de gestion déloyale. La cour d'assises a prononcé à

l'encontre du requérant la peine de huit ans de réclusion et

l'interdiction de l'exercice de la profession d'avocat pour une durée

de cinq ans.

      Le requérant s'est pourvu en cassation. Il a déposé un mémoire

le 11 mars 1983 après avoir obtenu une prorogation de trois mois du

délai pour ce dépôt. Le procureur général du canton de Genève a déposé

son mémoire le 20 mai 1983. Le 1er décembre 1983, la Cour de cassation

a tenu une audience dans cette affaire.

      Le 21 mai 1984, la Cour de cassation du canton de Genève a rejeté

un recours du requérant dirigé contre l'arrêt de la cour d'assises.

Elle a cependant réduit le séquestre et l'émolument de justice

prononcé.

      Le requérant s'est pourvu en nullité devant le Tribunal fédéral.

      Le 4 octobre 1985, le Tribunal fédéral a considéré que, faute de

constatations de fait sur l'individualisation du montant de 750 000 FS,

l'arrêt du 21 mai 1984 de la dernière instance cantonale devait être

annulé sur ce point. Le pourvoi a été partiellement admis, dans la

mesure où il était recevable, et la cause renvoyée à l'autorité

cantonale pour déterminer si les 750 000 FS étaient entrés par mélange

ou non dans la propriété du recourant. Par ailleurs, le Tribunal

fédéral a estimé que l'acquittemement et non l'absolution du chef de

gestion déloyale devait être prononcé. La condamnation du chef des

autres infractions (deux abus de confiance, faux et usage de faux) n'a

pas été remis en cause par le Tribunal fédéral.

      Contre le même arrêt cantonal et contre l'arrêt de la cour

d'assises, le requérant avait également formé un recours de droit

public, qui a été rejeté par le Tribunal fédéral le 4 octobre 1985,

dans la mesure où il était recevable.

      Les considérants des deux arrêts du Tribunal fédéral rendus le

4 octobre 1985 ont été adressés aux parties le 12 février 1986.

L'affaire a été renvoyée à la Cour de cassation cantonale. La date de

l'audience a été fixée au 24 juin puis, sur demande du requérant, au

9 septembre 1986. A la veille de cette audience le requérant a récusé

le procureur général. Sa récusation a été admise le 30 septembre 1986.

L'affaire a été plaidée le 4 décembre 1986.

      Le 25 février 1987, la Cour de cassation du canton de Genève a

renvoyé la cause à la cour d'assises cantonale. Le requérant a recouru

contre cet arrêt devant le Tribunal fédéral. Il a soutenu que la Cour

de cassation aurait dû prononcer son acquittement des accusations de

gestion déloyale et d'abus de confiance. Ce recours a été rejeté le

28 avril 1987. Le 29 janvier 1988, le plenum de la cour de justice du

canton de Genève a rejeté la demande de récusation du président de la

cour d'assises que le requérant avait formée le même jour. Cette

décision a été confirmée par arrêt du 7 juillet 1988 du Tribunal

fédéral. L'audience s'est tenue le 1er février 1988. Le jour de

l'audience le requérant a demandé que l'affaire soit renvoyée en juin

1988. Cette demande a été rejetée. En outre, le requérant a recouru,

le 13 janvier 1988, au Tribunal fédéral à l'encontre de la liste de

questions rédigées par le Président et soumises au jury. Le recours a

été rejeté le 3 février 1988.

      Le 2 février 1988, la cour d'assises a prononcé l'acquittement

du requérant de la prévention d'abus de confiance qualifié portant sur

le montant de 750 000 FS. Elle a de plus constaté que l'accusé avait

été reconnu coupable d'abus de confiance qualifié à concurrence des

montants de 549 515 FS et 191 744,30 FS ainsi que de quatre infractions

de faux dans les titres et d'usage de faux, qu'il n'était pas coupable

de gestion déloyale et qu'il avait commis les abus de confiance dans

l'exercice de la profession d'avocat. Cette juridiction a ajouté

que :

      " ..., si le jury avait dû statuer à ce jour sur les

      infractions dont l'accusé s'est rendu coupable, il aurait

      vraisemblablement admis la circonstance atténuante du temps

      relativement long,

      Qu'il convient donc de prendre en considération dans une

      mesure importante d'ancienneté des infractions qui

      remontent à plus de quatorze ans."

      La cour d'assises a condamné le requérant à une peine de cinq ans

de réclusion, sous déduction de la détention préventive subie, et lui

a interdit l'exercice de la profession d'avocat pour une durée de

quatre ans.

      Le 27 juin 1988, la Cour de cassation de Genève a confirmé

l'arrêt de la cour d'assises du 2 février 1988.

      Le requérant a introduit devant le Tribunal fédéral un recours

de droit public et un recours en nullité dirigés contre les décisions

cantonales.

      Dans son recours de droit public, il a invoqué les articles 6 et

7 de la Convention. Il a soutenu notamment qu'il y a eu dépassement du

délai raisonnable prévu à l'article 6 par. 1 de la Convention et a

demandé une réparation du préjudice subi de ce fait. Il a en

particulier demandé l'annulation de l'interdiction d'exercer la

profession d'avocat, l'arrêt des poursuites et la libération de la

caution de 500 000 FS.

      Dans son arrêt du 14 novembre 1988, le Tribunal fédéral a déclaré

irrecevables les conclusions du requérant tendant à son acquittement

ou à la libération de la caution. Il a, en outre, déclaré irrecevable

un grief selon lequel les dispositions du droit fédéral sur la

prescription  seraient contraires aux articles 6 et 7 de la Convention.

      S'agissant du grief du requérant tiré de la durée de la

procédure, le Tribunal fédéral a estimé ce qui suit :

      "... On ne voit pas en quoi l'annulation de la décision

      attaquée donnerait satisfaction à la défense ; cela aurait

      pour seul effet de prolonger la procédure pénale dont le

      condamné dénonce la durée, déjà exagérée à ses yeux.

      On pourrait certes imaginer que le Tribunal fédéral

      ordonne, par des injonctions, à l'autorité cantonale d'agir

      plus rapidement. Mais cela ne changerait rien en l'espèce

      puisque l'on se trouve précisément au stade où, sur le plan

      cantonal, la procédure pénale est terminée ; la déclaration

      de culpabilité et la peine ont été fixées. Sous cet angle,

      faute d'un intérêt actuel et pratique juridiquement

      protégé, les conclusions du recourant sont irrecevables.

      Certes, si l'on admettait que le retard allégué était

      injustififé, pourrait se poser la question d'une réparation

      pour acte illicite de l'Etat. Il s'agirait alors d'une

      action en responsabilité contre la collectivité publique

      dont les autorités judiciaires ont tardé. Le Tribunal

      fédéral ne saurait être saisi, en instance unique, d'un

      recours de droit public portant sur une telle action."

      Toutefois, selon le Tribunal fédéral "ces questions de

recevabilité (pouvaient) demeurer indécises puisque le retard allégué

(n'était) pas injustifié ni déraisonnable."

      Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal fédéral, se référant

au Rapport de la Commission du 11 décembre 1980, a constaté que le

dossier pénal comptait plus de 4700 pièces à la fin de l'instruction,

soit 13 classeurs ainsi que 11 classeurs de documents. Il s'agissait

d'une affaire financière compliquée posant des problèmes difficiles aux

magistrats de la poursuite, de l'instruction et du jugement.

      Par ailleurs, la manière dont l'affaire a été traitée par les

autorités genevoises apparaissait, selon le Tribunal fédéral, comme

"soutenable, compte tenu de la difficulté du cas et des nombreux

recours formés par l'accusé".

      Quant au comportement du requérant, le Tribunal fédéral a révélé

ce qui suit :

      "Sans compter le recours de droit public examiné ici, le

      Tribunal fédéral a dû rendre 14 décisions dans cette

      affaire à compter du mois d'août 1978. Hormis deux cas

      d'admission partielle, le recourant a toujours succombé.

      Il faut souligner aussi que 13 de ces 14 arrêts concernent

      des recours de droit public, voie réservée aux violations

      des droits constitutionnels ou conventionnels. On distingue

      un seul pourvoi en nullité pour violation du droit pénal

      (arrêt du 4 octobre 1985). Il convient de préciser que,

      saisie d'un recours de droit public, la Cour de cassation

      pénale du Tribunal fédéral agit en tant que tribunal

      constitutionnel. En outre, le requérant a fait appel à

      plusieurs avocats successifs.

      Des énumérations qui précèdent l'attitude délibérément

      dilatoire du recourant ressort avec clarté."

      Le Tribunal fédéral a conclu comme suit :

      "La manière d'agir des autorités judiciaires genevoises,

      souvent retardées par les démarches mal fondées du

      recourant, ne peut être incriminée. Celui-ci se prévaut

      aujourd'hui de l'article 6 par. 1 (de la Convention) alors

      qu'il aurait eu des moyens de faire accélérer la procédure

      s'il avait estimé que les autorités manquaient de

      diligence. Au contraire, surtout depuis l'admission

      partielle du 4 octobre 1985 de son pourvoi en nullité au

      Tribunal fédéral, il a utilisé tous les procédés pour

      atteindre la prescription. Cette manière d'une part de

      retarder la procédure et d'autre part de se plaindre d'un

      retard est incompatible avec le principe de la bonne foi.

      Ainsi, ce moyen tiré d'une violation de l'article 6 par. 1

      (de la Convention) doit être rejeté. La durée de la

      procédure même si elle peut apparaître longue n'est

      nullement injustifiée ni déraisonnable dans de telles

      circonstances.

      Le moyen tiré d'une violation de l'article 7 (de la

      Convention) doit être rejeté car il repose sur l'existence

      alléguée d'un délai excédant le raisonnable ; or, on vient

      de voir qu'il n'en était rien."

      Le 14 novembre 1988, le Tribunal fédéral a rejeté, par ailleurs,

le pourvoi en nullité introduit par le requérant.

      Ces arrêts ont été notifiés au requérant le 9 janvier 1989.

GRIEFS

1.    Le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale en

cause. Selon lui cette procédure a duré, pour le moins, 11 ans, 7 mois

et 16 jours. Il allègue de ce fait une violation de l'article 6 par.

1 de la Convention.

      Le requérant précise sur ce point qu'il a soulevé ce grief devant

toutes les autorités saisies de son affaire depuis 1982. Il soutient,

par ailleurs, que contrairement aux estimations du Tribunal fédéral,

les recours qu'il a exercés n'étaient aucunement dilatoires et souligne

qu'il a pu obtenir à chaque stade de la procédure des résultats

positifs. Il en conclut que c'était à juste titre qu'il a exercé les

recours qui lui étaient ouverts pour se défendre.

      Enfin, le requérant précise qu'il a un intérêt à ce que la

violation de son droit à être jugé dans un délai raisonnable soit

constatée et reconnue, explicitement ou en substance, et qu'elle soit

réparée. Or, selon lui, ni la constatation de la violation ni la

réparation du préjudice subi ne sont possibles en droit suisse. A cet

égard, il souligne que l'arrêt des poursuites, qui pourrait constituer

une réparation, n'est pas connu du droit suisse et ne peut être ordonné

par le Tribunal fédéral.

2.    Par ailleurs, le requérant se plaint de la non-application des

dispositions nationales sur la prescription dans son affaire.

      Il développe sur ce point l'argumentation selon laquelle

l'article 72 du Code pénal suisse prévoyant la prescription des

infractions dont il a été accusé dans un délai de 15 ans est contraire

à l'article 6 par. 1 de la Convention, car 15 ans de procédure ne sont

guère concevables dans l'ordre juridique de la Convention. En

conséquence, à la place de l'article 72 il échet d'appliquer l'article

70 du Code pénal prévoyant la prescription des infractions en question

dans un délai de 10 ans. De l'avis du requérant, sa condamnation

méconnaît cette disposition et par conséquent l'article 7 de la

Convention qui interdit la condamnation pour des faits prescrits.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

      La requête a été introduite le 20 mars 1989 et enregistrée le

25 avril 1989.

      Le 5 novembre 1990, la Commission a décidé de porter la requête

à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à

présenter, dans un délai échéant le 1er février 1991, par écrit, ses

observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête.

      Après avoir obtenu une prorogation du délai mentionné, le

Gouvernement a présenté ses observations le 28 février 1991.

      Le requérant a présenté ses observations en réponse le

17 avril 1991.

EN DROIT

1.    Le requérant se plaint que la procédure pénale engagée contre lui

a excédé le délai raisonnable prévu à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de

la Convention.

      L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dispose :

      "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ...

      dans un délai raisonnable, par un tribunal ... qui décidera

      ... du bien-fondé de toute accusation en matière pénale

      dirigée contre elle".

      La Commission a déjà précisé, dans sa décision sur la

recevabilité de la première requête du requérant relative à la

procédure pénale en cause, que cette procédure a débuté le 27 octobre

1976, lorsque le requérant a été informé qu'une information pénale

était ouverte contre lui (No 8339/78, déc. 12.7.1979, D.R. 17 p. 180).

Elle s'est achevée par les deux arrêts du 14 novembre 1988 du Tribunal

fédéral rejetant le pourvoi en nullité et le recours de droit public

du requérant.

      La période à considérer en l'espèce est donc de 12 ans et 18

jours.

      Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure doit

s'apprécier suivant les circonstances de la cause et eu égard aux

critères consacrés par la jurisprudence des organes de la Convention

(voir par exemple Cour Eur. D.H., arrêt Lechner et Hess du 24 avril

1987, série A n° 118, p. 16, par. 60 et suivants). Il échet de tenir

compte de la complexité de l'affaire, du comportement du requérant et

de celui des autorités compétentes (voir Cour Eur. D.H., arrêt Eckle

du 15 juillet 1982, série A n° 51, p. 35, par. 80).

      Le Gouvernement conclut à l'absence de violation de la

Convention.  Il expose en effet, d'une part, que l'affaire était

complexe et, d'autre part, que c'est le comportement du requérant qui

est à l'origine du fait que la procédure a duré plus que 12 ans. Le

Gouvernement reproche sur ce point au requérant d'avoir introduit

plusieurs recours n'ayant aucune chance d'aboutir.

      Le requérant conteste que l'affaire ait été complexe. Il

souligne, en outre, que les recours qu'il a exercés ont pour la plupart

abouti, ne fût-ce que partiellement.

      La Commission observe que la matière des délits financiers, dont

le requérant était accusé, présente une complexité particulière,

complexité qu'elle avait déjà relevée lors de l'examen de la première

requête du requérant.

      Par ailleurs, la Commission relève que de nombreux recours ont

été introduits par le requérant. Si l'on ne saurait faire grief à

celui-ci d'avoir exploité les possibilités de recours que lui offrait

le droit national, il n'en reste pas moins que l'introduction de ces

recours a, sans doute, été de nature à prolonger la procédure.

      En ce qui concerne le comportement des autorités judiciaires, la

Commission note ce qui suit :

      Le requérant ne soutient pas qu'il existe des périodes

d'inactivité imputables à ces autorités mais il se borne, pour

l'essentiel, à soutenir que son propre comportement était justifié pour

la présentation de sa défense. Selon le Gouvernement défendeur, les

juridictions saisies de l'affaire se sont montrées soucieuses de

réduire la durée de la procédure en question.

      La Commission a examiné la chronologie des diverses étapes de la

procédure litigieuse. Elle constate que cet examen n'a pas révélé

l'existence de périodes d'inactivité des juridictions mises en cause.

Certes, prise dans son ensemble, la durée de la procédure en question

est considérable et apparaît à première vue critiquable. Cependant,

compte tenu de la complexité des questions que les juridictions

cantonales et fédérales ont dû trancher et du nombre de recours sur

lesquels elles ont dû se prononcer, leur comportement n'a pas ralenti

la marche du procès et ne saurait être considéré comme ayant indûment

prolongé la procédure.

      La Commission rappelle, sur ce point, que seules les lenteurs

imputables à l'Etat peuvent amener à conclure à l'inobservation du

"délai raisonnable". Or, l'examen de la cause n'a pas permis de

constater des retards imputables aux autorités judiciaires et engageant

la responsabilité de l'Etat défendeur sur le terrain de la disposition

invoquée.

      Il s'ensuit qu'aucune atteinte au droit du requérant à ce que sa

cause soit entendue dans un délai raisonnable ne peut être décelée en

l'espèce et que cette partie de la requête est manifestement mal fondée

au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

2.    Le requérant se plaint en outre, invoquant l'article 7 (art. 7)

de la Convention, qu'il a été condamné pour des infractions qui

auraient dû être considérées comme prescrites. Le requérant argue que,

pour être compatible avec les exigences de l'article 6 (art. 6) de la

Convention quant au "délai raisonnable" d'une procédure pénale, le

droit national aurait dû prévoir la prescription des infractions dont

il était accusé en dix ans.

      La Commission ne suit aucunement cette argumentation du

requérant. Elle estime qu'on ne saurait déduire des articles 6 et 7

(art. 6, 7) de la Convention, pris isolément ou combinés, une

obligation pour les Etats contractants de prévoir la prescription de

certaines infractions dans un délai déterminé. Aucune violation de la

Convention ne peut, dès lors, être décelée sur le point considéré.

      Il s'ensuit que cette partie de la requête est également

manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de

la Convention.

      Par ces motifs, la Commission à la majorité

      DECLARE IRRECEVABLE le grief tiré du requérant tiré de la durée

                          de la procédure en cause

      DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.

    Le Secrétaire de la                Le Président en exercice de la

     Deuxième Chambre                        Deuxième Chambre

        (K. ROGGE)                             (G. JÖRUNDSSON)

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