CEDH, Commission, RYCHETSKY c. la SUISSE, 10 septembre 1992, 18916/91
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission, 10 sept. 1992, n° 18916/91 |
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Numéro(s) : | 18916/91 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 4 juin 1990 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-24986 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1992:0910DEC001891691 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 18916/91
présentée par Karel RYCHETSKY
contre la Suisse
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en
chambre du conseil le 10 septembre 1992 en présence de
MM. C.A. NØRGAARD, Président
J.A. FROWEIN
F. ERMACORA
A.S. GÖZÜBÜYÜK
A. WEITZEL
J.C. SOYER
H.G. SCHERMERS
H. DANELIUS
Sir Basil HALL
MM. F. MARTINEZ
C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
MM. L. LOUCAIDES
J.C. GEUS
M.P. PELLONPÄÄ
B. MARXER
M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 4 juin 1990 par Karel RYCHETSKY
contre la Suisse et enregistrée le 7 octobre 1991 sous le No de dossier
18916/91 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :EN FAIT
Le requérant est un ressortissant colombien d'origine
tchécoslovaque, né en 1923. Il est domicilié à Hillarys (Australie).
Dans la procédure devant la Commission, il est représenté par
M. Jean Cosson, docteur en droit, conseiller honoraire à la Cour de
cassation de Paris.
Les faits de la cause, tels que présentés par le requérant,
peuvent se résumer comme suit :
A. Le requérant et X. conclurent en 1963 un contrat de société
simple afin de diffuser sur le plan international notamment des poudres
de limonade et de thés. X. était titulaire de marques de fabrique,
ainsi que de procédés et recettes pour la fabrication de poudres ou
cubes de limonade et de thés de plantes. La société L. était chargée
de la fabrication des produits. Le requérant, quant à lui, disposait
d'une expérience dans le commerce international. Aussi ces deux
personnes décidèrent-elles de s'associer en vue d'assurer la diffusion
internationale des produits. A cette fin, la société O. fut constituée
en 1964, dont le capital social appartenait pour 45 % au requérant et
pour 55 % à X., les deux associés disposant pourtant des mêmes droits
sociaux par le truchement d'actions privilégiées.
En mai 1968, les associés conclurent un nouveau contrat de
société simple, dont certaines clauses furent amendées en juillet de
la même année.
En 1969, la fabrication des produits fut reprise par une autre
société. Celle-ci fut totalement contrôlée par X. à partir du mois de
mars 1971.
Par la suite, le requérant et X. entrèrent en litige au sujet des
prix facturés par la société de X. à la société O.
Le 7 janvier 1976, le requérant et X. signèrent une convention
aux termes de laquelle le requérant accepta de vendre à X. ses actions
de la société O. pour un prix à déterminer par un tribunal arbitral et
renonça à toutes ses fonctions au sein de ladite société.
Le 17 avril 1978, le tribunal arbitral, composé de deux juges du
Tribunal fédéral et d'un expert-comptable, rendit une sentence
partielle. Celle-ci fit l'objet de divers recours.
Le 30 août 1983, le requérant forma devant le tribunal cantonal
vaudois un recours pour retard injustifié du tribunal arbitral en se
fondant sur l'article 17 du concordat intercantonal sur l'arbitrage.
Le 17 novembre 1983, le tribunal cantonal rejeta le recours pour
défaut manifeste de fondement, aucune faute ne pouvant être mise à la
charge des arbitres.
Un recours de droit public formé par le requérant contre ce
jugement fut rejeté comme étant mal fondé par arrêt du Tribunal fédéral
en date du 9 février 1984.
Par sentence finale du 29 mars 1984, le tribunal arbitral
condamna X. à payer au requérant un solde de 192.457 FS., avec intérêts
à 5 % l'an dès le 7 janvier 1976 et fixa ses débours et honoraires à
120.000 FS. et les frais d'expertise à 37.800 FS. Le requérant fut
condamné à payer à X. une somme de 35.000 FS. à titre de frais et
dépens.
Le 30 avril 1984, le requérant interjeta un recours en nullité
devant le tribunal cantonal vaudois.
Ce recours fut rejeté le 5 juin 1985.
Rappelant que son contrôle ne pouvait être que de nature
cassatoire, le tribunal cantonal estima dans son jugement de 103 pages,
que si certains choix du tribunal arbitral pouvaient apparaître erronés
ou discutables, il n'y avait pas d'arbitraire du seul fait qu'une autre
solution aurait été concevable ou même préférable pour autant qu'elle
ne soit pas manifestement insoutenable.
Le 29 octobre 1985, à l'occasion d'un recours de droit public
contre le jugement du 5 juin 1985, le requérant saisit le président du
Tribunal fédéral d'une demande de récusation dirigée contre l'ensemble
des juges fédéraux et de leurs suppléants. Cette demande était motivée
par les doutes du requérant sur l'impartialité des membres du Tribunal
fédéral, étant donné que deux des trois membres du tribunal arbitral
étaient des juges fédéraux en exercice.
Par ordonnance du 4 décembre 1985, le président du Tribunal
fédéral institua, pour la première fois en Suisse, une cour
extraordinaire du Tribunal fédéral, composée de cinq présidents des
tribunaux suprêmes de cantons non intéressés, tirés au sort.
Par arrêt du 6 mars 1986, la cour extraordinaire du Tribunal
fédéral rejeta la demande de récusation présentée par le requérant en
concluant que celui-ci n'avait pas établi l'existence de circonstances
propres, séparément ou dans leur ensemble, à justifier objectivement
la crainte que ceux dont la récusation était demandée pourraient être
tentés, pour des raisons de collégialité, de prendre en considération,
lors de l'examen du recours de droit public, des éléments étrangers à
cette cause.
Le recours de droit public formé par le requérant contre le
jugement du tribunal cantonal vaudois du 5 juin 1985 fut rejeté par le
Tribunal fédéral par arrêt du 22 juillet 1986.
Dans cet arrêt comprenant 59 pages, le Tribunal fédéral examina
principalement la question de savoir si la cour cantonale avait violé
l'article 36 du concordat intercantonal sur l'arbitrage en ne
sanctionnant pas une sentence arbitrale que le requérant estimait
entachée d'arbitraire. Au terme d'un examen approfondi des griefs du
requérant, le Tribunal fédéral estima que tel n'était pas le cas et
rejeta le recours de droit public comme mal fondé dans la mesure où il
était recevable.
B. Dans une première requête présentée à la Commission (No
10881/84), le requérant s'était plaint de la durée de la procédure
devant le tribunal arbitral qui avait débuté le 7 janvier 1976 et qui
s'était terminée par la sentence finale du 29 mars 1984.
Après avoir été communiquée au Gouvernement défendeur
conformément à l'article 42 par. 2 b) du Règlement intérieur alors en
vigueur, la requête a été déclarée irrecevable par la Commission le 4
mars 1987 comme étant manifestement mal fondée, au sens de l'article
27 par. 2 de la Convention. La Commission a estimé qu'en signant un
compromis d'arbitrage, le requérant avait renonçé à la possibilité de
soumettre le litige à un tribunal étatique. Quant à l'affirmation du
requérant selon laquelle l'arbitrage lui avait été imposé par son
adversaire sous la contrainte, la Commission a considéré que le
requérant n'avait pas épuisé les voies de recours internes sur ce point
parce qu'il n'avait exercé aucun recours tendant à faire établir un
vice de consentement de sa part.
Tenant compte de tous les éléments concernant la nature de la
procédure d'arbitrage en cause et le cadre législatif, la Commission
a considéré que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être mise en
cause pour les agissements des arbitres à moins et dans la mesure où
les juridictions étatiques aient été appelées à intervenir.
La Commission a rappelé que les juridictions étatiques n'étaient
pas appelées à s'occuper de l'affaire aussi longtemps que le requérant
ne les avait pas saisies, c'est-à-dire avant le 30 août 1983, pour
retard injustifié de la procédure arbitrale. Il en est résulté,
d'après la Commission, qu'elles ne pouvaient pas être tenues pour
responsables de la durée antérieure à cette saisine, que le requérant
avait tardé à effectuer pendant plus de sept ans et demi. En outre,
par cette saisine le litige lui-même n'avait pas été transféré du
tribunal arbitral à l'autorité judiciaire, mais était resté pendant
devant le tribunal arbitral. L'autorité judiciaire, une fois saisie,
n'avait exercé qu'une fonction de contrôle. Ce contrôle avait été
exercé dans un délai raisonnable. Le tribunal cantonal vaudois et, sur
recours, le Tribunal fédéral, avaient statué sans retard, à savoir en
cinq mois et une semaine.
C. Une deuxième requête présentée par le requérant le 22 janvier
1987 (No 12759/87) portait notamment sur les points suivants :
- la durée de la procédure arbitrale qui, selon le requérant,
devait être examinée dans son ensemble, à savoir de 1976 à l'arrêt du
Tribunal fédéral du 22 juillet 1986 ;
- la partialité alléguée des juges du Tribunal fédéral ;
- le refus des autorités judiciaires suisses de sanctionner les
multiples violations du droit à un procès équitable commises, selon le
requérant, par le tribunal arbitral.
Ces griefs, y inclus le grief que les juges-arbitres s'étaient
ralliés à une fausse expertise établie en violation du code pénal
suisse, avaient été exposés par le requérant dans sa requête du
22 janvier 1987.
Dans une lettre adressée à la Commission le 2 décembre 1988, il
avait précisé que l'article 6 par. 1 de la Convention avait été violé
par des mesures que les juges-arbitres avaient prises pendant la phase
d'instruction de son procès pour en fausser le résultat. Etant en
possession d'un important rapport d'expertise, ils auraient, sans
critiquer le travail de l'expert commis par un juge suisse compétent,
ordonné une nouvelle expertise qui était faussée et non susceptible de
voies de recours et cependant d'une importance capitale pour l'issue
du procès.
Le 11 juillet 1989, la Commission a déclaré cette requête
irrecevable.
Quant au grief relatif à la durée de la procédure, la Commission
a considéré que sur ce point la requête était essentiellement la même
que la requête précédente (No 10881/84) et devait dès lors être rejetée
par application de l'article 27 par. 1 b) de la Convention et que pour
autant que la période du 29 mars 1984, date de la sentence arbitrale,
au 22 juillet 1986, date de l'arrêt du Tribunal fédéral, était
concernée, la requête devait être rejetée pour défaut manifeste de
fondement par application de l'article 27 par. 2 de la Convention.
La Commission a rejeté également pour défaut manifeste de
fondement le grief du requérant concernant la partialité alléguée du
Tribunal fédéral. Elle a notamment estimé que le seul fait que la
demande de récusation formulée par le requérant ait été rejetée et que
le Tribunal fédéral ait succombé ultérieurement dans le recours de
droit public formé auprès du Tribunal fédéral, ne suffisait pas à
établir que ledit tribunal ait été, pour des raisons de collégialité,
partial dans l'examen des griefs formulés par le requérant à l'égard
du comportement des arbitres.
Enfin, quant au grief du requérant de ne pas avoir bénéficié
d'un procès équitable, la décision de la Commission était motivée comme
suit :
"La Commission a examiné les divers griefs que le requérant a
formulés à l'encontre de la procédure arbitrale et la manière
dont les juridictions étatiques ont examiné ces griefs dans les
limites du pouvoir de contrôle de nature cassatoire qui leur
était imparti par l'article 36 du concordat intercantonal. Elle
observe que le tribunal cantonal vaudois comme le Tribunal
fédéral ont rendu des arrêts extrêmement détaillés et
circonstanciés.
Il ne saurait dès lors être allégué par le requérant que les
autorités judiciaires suisses dans le cadre limité de leur
saisine, aient porté atteinte au droit du requérant de bénéficier
devant ces instances d'un procès équitable. Ce grief doit donc
également être rejeté pour défaut manifeste de fondement par
application de l'article 27 par. 2 de la Convention."
D. Quant à la présente requête, le requérant précise qu'il s'agit
d'une requête en révision contre la décision de la Commission du 11
juillet 1989 eu égard à des faits nouveaux intervenus postérieurement
à cette décision.
a. Il présente, en premier lieu, comme fait nouveau un arrêt rendu
le 30 août 1989 par la cour de cassation du canton de Genève et par
lequel cette cour l'a acquitté de l'inculpation de calomnie. Il
ressort des documents présentés par le requérant que la procédure
pénale ayant abouti à cet arrêt peut se résumer comme suit :
Dans la procédure visant à l'annulation de la sentence arbitrale
finale du 29 mars 1984, plus précisément dans son recours de droit
public formé contre l'arrêt du tribunal cantonal vaudois du 5 juin
1985, le requérant, représenté par son avocat, avait allégué que le
fils de son adversaire X. avait manipulé les bilans de la société O.
Celui-ci porta plainte contre le requérant et son avocat.
Par la suite, le requérant et son avocat furent inculpés et
traduits devant le tribunal de police du canton de Genève sous la
prévention de calomnie.
Le tribunal de police procéda à l'audition de deux témoins, un
docteur ès sciences économiques et sociales et professeur d'université,
qui avait pris connaissance de toutes les expertises établies dans
cette affaire, et un ancien juge fédéral et professeur de droit, auteur
d'un important avis de droit dans cette affaire. Ces témoins
déclarèrent que la comptabilité de la société O. avait été manipulée
mais qu'ils ignoraient l'auteur de ces manipulations.
Par jugement du 27 juin 1988, le tribunal de police condamna le
requérant et son avocat à une amende de 1.000 FS. chacun pour calomnie.
En appel, la cour de justice du canton de Genève, par jugement
du 10 avril 1989, répondit par la négative à la question de savoir si,
en se plaignant d'une manipulation des bilans, les accusés avaient
sciemment énoncé un fait faux. La cour de justice souligna qu'au vu
des avis recueillis auprès de deux personnes particulièrement
compétentes qui avaient admis qu'il y avait eu manipulation de bilans
et l'avaient déclaré au tribunal de police sous serment, on ne pouvait
conclure qu'à l'absence d'intention de calomnie des prévenus.
Toutefois, s'agissant de l'auteur des manipulations, la cour de
justice estima que le requérant et son avocat avaient agi avec légèreté
et un manque de prudence indéniable. Sur ce point, la cour de justice
reconnut le requérant et son avocat coupables de calomnie et les
condamna à une amende de 250 FS.
Statuant sur les pourvois en cassation interjetés par le
requérant et son avocat, la cour de cassation du canton de Genève, dans
son arrêt du 30 août 1989, estima que le dol éventuel ne suffisait pas
pour constituer la calomnie. Or, selon la cour de cassation, l'arrêt
attaqué n'avait pas constaté que l'allégation était fausse. Toujours
selon la cour de cassation, l'arrêt attaqué avait seulement retenu que
l'exactitude de l'allégation n'était pas établie. En outre, cet arrêt
n'avait pas non plus constaté que les deux recourants avaient
conscience de proférer une accusation mensongère. La cour de cassation
conclua que les éléments constitutifs de l'infraction n'étaient pas
réalisés et prononça l'acquittement des recourants.
Les recours du plaignant contre cet acquittement furent déclarés
irrecevables par le Tribunal fédéral le 14 novembre 1989.
b. Un autre fait nouveau est selon le requérant la découverte d'une
ordonnance du tribunal arbitral du 22 mars 1983 demandant à un expert
de procéder à un complément d'expertise. Les motifs de cette décision
contiendraient des constatations constituant la preuve de l'intention
frauduleuse qu'avaient les deux juges-arbitres en cause lorsqu'ils
avaient ordonné une nouvelle expertise qui par la suite s'était avérée
comme fausse. Le requérant conteste en particulier la constatation
faite dans cette décision, selon laquelle il avait estimé une expertise
inutile puisqu'il s'était opposé à ce mode de preuve. Or, il ne
s'était pas opposé à une expertise en tant que telle mais à une
nouvelle expertise.
Cette ordonnance démontrerait à nouveau la mauvaise foi des
juges-arbitres à son égard. Ils auraient su qu'une expertise existait
déjà et auraient agi avec connaissance et résolution pour faire en
sorte qu'une fausse expertise intervienne au procès. Une possibilité
que les deux juges aient été trompés doit être absolument exclue selon
le requérant.
c. Le requérant se réfère également aux développements suivants
intervenus dans son affaire :
Le 8 juin 1990, il déposa une plainte pénale contre les deux
juges fédéraux pour leurs agissements dans la procédure d'arbitrage.
Les autorités judiciaires vaudoises n'ont pas donné suite à cette
plainte.
Le requérant se réfère en outre à des déclarations de
personnalités compétentes qui ont confirmé leurs avis exprimés
antérieurement à la décision de la Commission du 11 juillet 1989 et
selon lesquels, en violation des principes d'un procès équitable, la
comptabilité de la société O. avait été modifiée en 1976
rétroactivement pour les années 1973 et 1974 dans le but de transférer,
de manière infondée, les bénéfices de la société O. au profit de la
société de X. L'expertise litigieuse aurait été intentionnellement
falsifiée et les deux juges l'auraient su. Il ressort du dossier que
les experts se déclarèrent prêts à témoigner, même devant la Commission
parlementaire suisse ou en justice, de leur conviction que les arbitres
avaient été complices d'une fausse expertise.
Le requérant se réfère également à de très nombreux articles
parus dans la presse suisse et à l'étranger. La procédure et le
comportement des autorités judiciaires y avaient été sévèrement
critiqués.
Enfin, le requérant se réfère à une pétition qu'il a adressée le
19 juin 1992 à la commission des pétitions du Conseil National et à la
commission des pétitions du Conseil des Etats.
GRIEFS
Tout en soutenant que les faits nouveaux présentés par lui
permettent un réexamen de sa cause par la Commission, le requérant se
plaint du comportement de la justice suisse dans cette affaire qui
serait contraire aux principes d'un procès équitable au sens de
l'article 6 par. 1 de la Convention et aux règles d'administration de
la justice dans un Etat de droit. Il est évident, selon lui, que tous
les tribunaux suisses, jusqu'au Tribunal fédéral auraient dû annuler
la sentence arbitrale en cause.
Ces tribunaux auraient caché la vérité qui ressortirait
maintenant clairement de l'arrêt de la cour de cassation du canton de
Genève du 30 août 1989. Ce fait, s'il avait été connu par la
Commission, aurait modifié sa décision. Il s'y agissait d'ailleurs du
premier procès contradictoire et public en cette affaire.
En raison de tous ces faits et des conséquences graves pour sa
vie et sa famille imputables aux agissements de deux juges, tolérés et
confortés par les plus hautes autorités suisses, le requérant demande
à la Commission de lui rendre enfin justice.
Il se plaint, en outre, que, dans sa décision du 11 juillet 1989,
la Commission a omis de tenir compte des conclusions qu'il lui avait
présentées par lettre du 2 décembre 1988 à l'appui de sa précédente
requête et dans lesquelles il avait souligné que les juges fédéraux
avaient fondé leur sentence finale du 29 mars 1984 sur une fausse
expertise.
EN DROIT
Le requérant se plaint d'avoir été privé du droit à un procès
équitable dans la procédure devant le tribunal arbitral et par la suite
devant le tribunal cantonal vaudois et le Tribunal fédéral. Il se
plaint également de la durée de la procédure qui a débuté le 7 janvier
1976 et qui a pris fin le 22 juillet 1986 par un arrêt du Tribunal
fédéral. Il invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
La Commission note que le requérant se plaint uniquement de la
procédure arbitrale, qui s'est terminée par l'arrêt du Tribunal fédéral
du 22 juillet 1986 et de la manière selon laquelle cette procédure a
été conduite par les autorités judiciaires. En revanche, le requérant
ne se plaint pas de la procédure pénale à laquelle la cour de cassation
du canton de Genève a mis un terme par son arrêt du 30 août 1989
prononçant l'acquittement du requérant et de son avocat.
Quant à la procédure arbitrale, il formule les mêmes griefs qui
avaient déjà fait l'objet d'examens par la Commission lors de deux
requêtes précédentes (Nos 10881/84 et 12759/87). Il s'ensuit que la
présente requête est essentiellement la même qu'une requête
précédemment examinée par la Commission et doit être rejetée
conformément à l'article 27 par. 1 b) (art. 27-1-b) de la Convention
si elle ne contient pas de faits nouveaux.
Il est vrai que le requérant fait état de faits nouveaux qui,
selon lui, permettent à la Commission de réexaminer ses griefs.
La Commission ne partage pas l'avis du requérant. Elle se réfère
à sa jurisprudence selon laquelle ne sont pas considérés comme des
faits nouveaux des informations nouvelles ou des arguments nouveaux
soumis à la Commission, qui ne sont pas de nature à modifier les bases
sur lesquelles elle s'était placée pour rejeter une requête antérieure
(voir No 8206/78, déc. 10.7.81, D.R. 25 p. 147).
Le requérant se refère en premier lieu à l'arrêt rendu le 30 août
1989 par la cour de cassation du canton de Genève dans une procédure
pénale engagée contre lui et son avocat pour calomnie. Tenant compte
des déclarations faites par les témoins lors de cette procédure, la
cour de cassation a conclu à l'absence d'intention de calomnie des
prévenus pour avoir allégué que les bilans de la société O. avaient été
manipulés et que le fils de X. avait été l'auteur de ces manipulations.
La Commission note que les prévenus ont été acquittés de
l'inculpation d'avoir sciemment énoncé des faits faux. En revanche,
ni la cour de justice ni la cour de cassation du canton de Genève n'ont
constaté que l'exactitude de l'allégation était établie. Il s'ensuit
que les décisions judiciaires genevoises rendues lors de la procédure
pénale ne sont pas de nature à modifier les bases sur lesquelles la
Commission s'est placée pour décider sur la recevabilité des deux
précédentes requêtes du requérant. L'arrêt de la cour de cassation du
canton de Genève du 30 août 1989 ne saurait dès lors être considéré
comme constituant des "faits nouveaux" au sens de l'article 27 par. 1
b) (art. 27-1-b) de la Convention.
De l'avis de la Commission, il en est de même en ce qui concerne
les autres "faits nouveaux" présentés par le requérant. Il s'agit
d'une plainte pénale déposée le 8 juin 1990 contre les juges fédéraux
en cause, d'une ordonnance du tribunal arbitral du 22 mars 1983, des
déclarations de personnalités compétentes qui confirment leurs vues
exprimées dans des expertises précédentes, des articles parus dans la
presse, et d'une pétition adressée le 19 juin 1992 aux commissions de
pétitions du Conseil National et du Conseil des Etats.
La Commission estime que ces faits n'ont aucune incidence sur ces
décisions antérieures.
En ce qui concerne plus particulièrement l'omission prétendue de
la Commission d'avoir tenu compte, lors de l'examen de la précédente
requête du requérant, de ses conclusions du 2 décembre 1988, la
Commission observe qu'elle a examiné l'ensemble des griefs du
requérant, y compris ceux qui étaient contenus dans sa lettre du
2 décembre 1988 et qui avaient déjà été présentés en substance dans sa
requête introductive du 22 janvier 1987.
Quant à l'ensemble des faits et griefs présentés par le requérant
dans sa présente requête, la Commission estime que l'interprétation que
le requérant donne de l'expression figurant à l'article 27 par. 1 b)
(art. 27-1-b) en y incluant des arguments complémentaires sur
l'interprétation de la Convention, n'est pas compatible avec le sens
usuel des mots "information" dans la version anglaise ou "faits" dans
la version française. Par ailleurs, accepter ce genre d'interprétation
priverait de leur caractère final les décisions de la Commission sur
la recevabilité des requêtes et ouvrirait en fait une possibilité de
recours que la Convention ne prévoit pas (voir par exemple Cour Eur.
D.H., arrêt Klass et autres du 6 septembre 1978, série A n° 28, p. 17,
par. 32).
Aussi la Commission estime-t-elle que la présente requête est
essentiellement la même que les requêtes Nos 10881/84 et 12759/87 et
qu'elle ne contient pas de faits nouveaux.
Il s'ensuit que la requête doit être rejetée conformément à
l'article 27 par. 1 b) (art. 27-1-b) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire Le Président
de la Commission de la Commission
(H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)