CEDH, Commission, MOREL-A-L'HUISSIER c. la FRANCE, 8 janvier 1993, 16532/90

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission, 8 janv. 1993, n° 16532/90
Numéro(s) : 16532/90
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 29 janvier 1990
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Editions Périscope du 26 mars 1992, série A n° 234-B, p. 11, par. 35
Cour Eur. D.H. Arrêt Nevese Silva du 27 avril 1989, série A n° 153-A, p. 14, par. 37
Arrêt Vernillo du 20 février 1991, série A n° 198, p. 12, par. 30
Arrêt X. c/France du 31 mars 1992, à paraître dans série A n° 236
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Partiellement recevable
Identifiant HUDOC : 001-25134
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1993:0108DEC001653290
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Texte intégral

                                 FINALE

                         SUR LA RECEVABILITE

                      de la requête No 16532/90

                      présentée par Adrien MOREL-A-L'HUISSIER

                      contre la France

                            __________

      La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 8 janvier 1993 en présence

de

             MM.  S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre

                  G. JÖRUNDSSON

                  A. WEITZEL

                  J.-C. SOYER

                  H. G. SCHERMERS

                  H. DANELIUS

             Mme  G. H. THUNE

             MM.  L. LOUCAIDES

                  J.-C. GEUS

             M.   K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ;

      Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

      Vu la requête introduite le 29 janvier 1990 par Adrien MOREL-A-

L'HUISSIER contre la France et enregistrée le 30 avril 1990 sous le No

de dossier 16532/90 ;

      Vu la décision partielle de la Commission en date du

25 février 1991 ;

      Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le

12 juillet 1991 et les observations en réponse présentées par le

requérant le 10 octobre 1991 ;

      Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

      Après avoir délibéré,

      Rend la décision suivante :

EN FAIT

      Le requérant, né en 1924, est de nationalité française et réside

à Millau (Aveyron). Il est retraité de la fonction publique.

      Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les

parties, peuvent se résumer comme suit :

      Le requérant se présenta en 1972 à un concours de conseiller

principal d'éducation.

      Ayant réussi le concours, il se plaignit de ne pas être affecté

à un poste correspondant à ses qualifications.

      Le 4 janvier 1980, il se vit infliger un blâme par

l'administration qui lui reprochait deux abandons de poste.

      Il obtint, par jugement rendu le 10 avril 1981 par le tribunal

administratif de Toulouse, l'annulation de cette sanction en raison de

l'irrégularité de la procédure disciplinaire.

      Le 10 juillet 1981, le requérant adressa au ministre de

l'Education Nationale une demande en réparation de préjudices qu'il

aurait subis tant dans le déroulement de sa carrière que dans ses

conditions d'existence, en raison notamment du mauvais vouloir de

l'administration qui n'aurait pas fait disparaître de son dossier

administratif toutes les traces de la sanction disciplinaire annulée

par le tribunal administratif.

       Le 14 décembre 1981, il saisit le tribunal administratif de

Toulouse de la décision implicite de rejet du ministre et sollicita une

indemnité de 580 000 francs en réparation des préjudices invoqués.

      Le 29 septembre 1982, le juge administratif fit usage de son

pouvoir de mise en demeure à l'égard de l'administration et l'invita

à déposer rapidement ses observations, ce qu'elle fit moins d'un mois

plus tard.

      Le tribunal administratif de Toulouse statua le 6 octobre 1983.

Il considéra notamment que l'exécution tardive par l'administration du

jugement du 10 avril 1981 constituait une faute de nature à engager la

responsabilité de l'Etat. Il estima toutefois que le requérant ne

justifiait d'aucun préjudice résultant du maintien à son dossier des

mentions de la sanction annulée, mais lui alloua une indemnité de

1 000 francs en réparation du préjudice qu'il avait subi en exerçant,

pendant trois ans, des attributions qui ne correspondaient pas à son

statut.

      Le 9 décembre 1983, le requérant interjeta appel de ce jugement

devant le Conseil d'Etat et à titre subsidiaire, sollicita, à l'appui

de sa demande en réparation du préjudice de carrière, la production par

l'administration de son dossier administratif et d'un rapport

d'inspection dont il avait fait l'objet en 1975.

      Examinant le prétendu préjudice de carrière subi par le

requérant, le Conseil d'Etat considéra notamment qu'il n'était pas

établi que le retrait tardif du blâme lui ait causé un tel dommage. Par

arrêt rendu le 12 juillet 1989, le Conseil d'Etat rejeta l'appel du

requérant.

GRIEFS

      Le requérant se plaint, sous l'angle de l'article 6 par. 1 de la

Convention, de la durée de la procédure devant les juridictions

administratives et particulièrement devant le Conseil d'Etat.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

      La requête a été introduite le 29 janvier 1990 et enregistrée le

30 avril 1990.

      Le 25 février 1991, la Commission a décidé de porter la requête

à la connaissance du Gouvernement défendeur et d'inviter les parties

à présenter des observations écrites sur la recevabilité et le bien-

fondé du grief soulevé au titre de l'article 6 par. 1 de la Convention,

portant sur la durée excessive de la procédure.  Par la même décision,

elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus.

      Le Gouvernement a transmis ses observations le 12 juillet 1991

après avoir bénéficié de deux prolongations du délai.  Le requérant a

adressé ses observations en réponse le 10 octobre 1991, après avoir

bénéficié d'une prolongation du délai.

      Par décision en date du 1er juillet 1991, la Commission a renvoyé

la requête à une Chambre.

EN DROIT

      Le requérant se plaint de la durée de la procédure administrative

en dommages-intérêts pour faute de l'administration, consistant en

l'exécution tardive d'un jugement annulant une sanction disciplinaire

prise à son égard.  Il invoque les dispositions de l'article 6 par. 1

(art. 6-1) de la Convention qui garantit à toute personne le droit "à

ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable par un

tribunal ... qui décidera ... des contestations sur ses droits et

obligations de caractère civil...".

1.    Le Gouvernement conteste l'applicabilité de l'article 6 par. 1

(art. 6-1) de la Convention. Il distingue la demande en réparation, de

caractère privé, de l'objet du litige devant les juridictions

administratives, qui porte sur une sanction disciplinaire infligée à

un fonctionnaire, et n'entraînerait pas, de ce fait, contestation sur

des droits de caractère civil.

      Le requérant soutient au contraire que le droit en cause,

percevoir une indemnité pour faute de l'administration, consiste dans

la réparation pécuniaire d'un dommage patrimonial et revêt ainsi un

caractère civil.

      La Commission rappelle que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la

Convention vaut pour les contestations relatives à des droits de

caractère civil que l'on peut dire, au moins de manière défendable,

reconnus en droit interne, qu'ils soient ou non protégés de surcroît

par la Convention (voir, entre autres, Cour eur. D.H., arrêt Neves e

Silva du 27 avril 1989, série A N° 153-A, p. 14, par. 37 ; arrêt

Editions Périscope du 26 mars 1992, série A N° 234-B, p. 11, par. 35).

      Elle note qu'en l'espèce, la contestation entre l'administration

et le requérant n'avait plus trait à l'application du blâme, mais au

droit de percevoir une indemnité pour faute de l'Etat en raison de

l'exécution tardive par l'administration du jugement annulant le blâme.

Le droit revendiqué consistait ainsi, à la lumière de la jurisprudence

constante des organes de la Convention, dans la réparation pécuniaire

d'un dommage patrimonial ; il revêtait donc un "caractère civil",

nonobstant l'origine du litige et la compétence des juridictions

administratives (voir arrêt Neves e Silva précité, p. 14, par. 37).

      Il s'ensuit que l'exception d'irrecevabilité soulevée par le

Gouvernement ne saurait être retenue.

2.    Quant au fond, la Commission note que le requérant a formé le

10 juillet 1981 une demande en indemnisation auprès de son ministre de

tutelle. Suite au rejet implicite de cette demande, il a saisi, le

14 décembre 1981, le tribunal administratif de Toulouse qui a statué

le 6 octobre 1983. Le Conseil d'Etat, saisi le 9 décembre 1983, a

rejeté l'appel du requérant par arrêt rendu le 12 juillet 1989. La

procédure litigieuse a duré 7 ans et 7 mois devant les juridictions

administratives, dont 5 ans et 7 mois devant le Conseil d'Etat.

      Le Gouvernement soutient que l'affaire s'est déroulée dans un

délai raisonnable au regard des critères dégagés par les organes de la

Convention. Il note en particulier que le tribunal administratif a fait

usage de son pouvoir de mise en demeure à l'égard de l'administration

et que la procédure devant cette juridiction a duré moins de deux ans.

Le Gouvernement ne fait aucune observation quant à la durée de la

procédure devant le Conseil d'Etat.

      Le requérant fait observer que la durée de la procédure devant

le Conseil d'Etat révèle une carence inadmissible des autorités

judiciaires.

      La Commission rappelle que le caractère raisonnable de la durée

de la procédure doit s'apprécier eu égard notamment à la complexité de

l'affaire, au comportement du requérant et à celui des autorités

judiciaires (voir Cour eur. D.H., arrêt Vernillo du 20 février 1991,

série A N° 198, p. 12, par. 30 ; arrêt X c. France du 31 mars 1992, à

paraître dans série A N° 236).

      Faisant application de ces critères et tenant compte des

circonstances propres à la présente affaire, la Commission estime que

la durée de la procédure litigieuse soulève des problèmes, qui

nécessitent un examen du fond de l'affaire.

      En conséquence, elle ne saurait déclarer la requête manifestement

mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

Elle constate d'autre part que la requête ne se heurte à aucun autre

motif d'irrecevabilité.

      Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

      DECLARE LE RESTANT DE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond

      réservés.

    Le Secrétaire de la                    Le Président de la

      Deuxième Chambre                      Deuxième Chambre

         (K. ROGGE)                           (S. TRECHSEL)

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