CEDH, Commission, L.H., T.C. et G.M. c. la FRANCE, 29 mars 1993, 15454/89
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission, 29 mars 1993, n° 15454/89 |
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Numéro(s) : | 15454/89 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 4 mai 1988 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-25203 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1993:0329DEC001545489 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 15454/89
présentée par L.H., T.C. et
G.C.
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en
chambre du conseil le 29 mars 1993 en présence de
MM. C.A. NØRGAARD, Président
J.A. FROWEIN
S. TRECHSEL
G. SPERDUTI
E. BUSUTTIL
A.S. GÖZÜBÜYÜK
A. WEITZEL
J.-C. SOYER
H.G. SCHERMERS
H. DANELIUS
Sir Basil HALL
MM. F. MARTINEZ
C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
MM. J.-C. GEUS
M.P. PELLONPÄÄ
B. MARXER
M.A. NOWICKI
M. M. de SALVIA, Secrétaire adjoint de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 4 mai 1988 par L.H., T.C. et G.C.
contre la France et enregistrée le 1er septembre 1989 sous le No de
dossier 15454/89 ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le
24 janvier 1992 et les observations en réponse présentées par les
requérants le 16 novembre 1992 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants L.H. et T.C. sont des ressortissants
britanniques, nés respectivement en 1947 et 1950 ; le requérant G.M.
est ressortissant néo-zélandais et né en 1954. Le premier est homme
d'affaires, le deuxième artisan ("leather finisher") et le troisième
pêcheur ("cray fisherman"). Ils sont représentés dans la procédure
devant la Commission par la S.C.P. d'avocats Thévenet, Nougaret du
barreau de Montpellier.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les
parties, peuvent se résumer comme suit.
Les requérants soutiennent qu'ils ont été interpellés le 20 juin
1986 à 10 H, alors qu'ils naviguaient à bord de leur voilier le "Lord
Louis" au large de Port la Nouvelle (Aude) par des agents des douanes
se trouvant à bord d'une vedette. Ils ont été placés en rétention au
poste des douanes.
Ils auraient été placés en garde à vue le 21 juin à 16 H 30 dans
les locaux de la police. Ils étaient en effet soupçonnés d'avoir jeté
à la mer des ballots de cannabis, alors qu'ils dépassaient un chalutier
masquant la vue du voilier à la vedette des douanes. Les douaniers
n'auraient rien trouvé à bord du voilier mais le capitaine du chalutier
les aurait vus jeter les ballots à la mer. Les requérants nient les
faits.
Selon le Gouvernement, le 20 juin 1986, à 10 H 20, les agents des
douanes contrôlaient en mer le voilier anglais "Lord Louis", au large
de Port Leucate. Compte tenu de l'état de la mer, les douaniers
demandaient au capitaine du voilier de les accompagner jusqu'au port
pour procéder à la visite du bateau. Arrivés à environ 200 mètres de
la jetée de Port-la-Nouvelle, les douaniers apercevaient deux des trois
occupants du voilier laisser filer à la mer trois ballots d'environ
cinquante centimètres de côté, entourés de toile de jute marron foncé
retenus par des cordages verts et un tube métallique.
A 11 H 15, les douaniers procédaient à la visite du bateau,
visite qui se révélait négative. Ils décidaient de retenir les trois
requérants pour vérifier le contenu des paquets qu'ils avaient vu
larguer. A 17 H, un chalutier était réquisitionné afin de repêcher les
colis immergés. Deux des colis pouvaient être retrouvés qui
s'avéraient contenir de la résine de cannabis.
Toujours selon le Gouvernement, après audition par les services
des douanes et continuation des recherches pour trouver le troisième
colis, les trois occupants du voilier étaient placés en garde à vue
dans les locaux de la police le 21 juin 1986 à 18 H.
La garde à vue prit fin le 24 juin à 9 heures, lorsque les
requérants furent inculpés pour ces faits, par le juge d'instruction
du tribunal de grande instance de Narbonne. La rétention ayant duré
trente heures et la garde à vue soixante quatre heures et trente
minutes, les requérants ont donc été privés de liberté pendant trois
jours, vingt deux heures et trente minutes.
Par jugement du tribunal correctionnel de Narbonne, daté du 19
juin 1987, les requérants ont été déclarés coupables d'avoir le 20 juin
1986, ensemble et de concert, contrevenu à la réglementation sur les
substances vénéneuses en important, exportant et transportant du
cannabis, et frauduleusement immergé, dans l'enceinte d'un port, des
marchandises prohibées et ainsi commis des faits de contrebande.
Ils ont été condamnés à la peine de huit ans de prison et, en ce
qui concerne l'infraction douanière, condamnés à une amende de
1.245.000 F, à la confiscation de la drogue saisie, du navire et du
matériel se trouvant à bord. L'administration des douanes a été
autorisée à retenir en sûreté des pénalités les sommes saisies sur les
intéressés. Le tribunal a aussi ordonné le maintien des requérants en
détention dans les limites de la durée de la contrainte par corps,
jusqu'à ce qu'ils aient acquitté le montant des pénalités fiscales
prononcées contre eux (articles 749 et 750 du Code de procédure pénale
modifiés par la loi du 30 décembre 1985).
En date du 25 juin 1987, les requérants ainsi que le procureur
de la République ont fait appel de ce jugement.
Le 17 novembre 1987, eut lieu dans cette affaire et devant la
cour d'appel de Montpellier une audience au cours de laquelle les
requérants ont, avant débat au fond, déposé des écritures portant
déclaration d'inscription de faux en application de l'article 339 du
Code des douanes.
Par arrêt du 24 novembre 1987, la cour d'appel a déclaré
irrecevable la demande d'inscription de faux incidente, et ordonna la
réouverture des débats le 12 janvier 1988 pour examen au fond.
En date du 25 novembre 1987, les requérants se pourvurent en
cassation contre l'arrêt précité.
Le 12 janvier 1988, la cour d'appel a sursis à statuer sur le
fond (article 570 du Code de procédure pénale) et rejeta les demandes
de mise en liberté formulées par les requérants, en se fondant
notamment sur l'absence de garanties de représentation car les
requérants étaient étrangers.
Par arrêt du 19 avril 1988, la cour d'appel les a respectivement
condamnés des chefs précités, chacun à huit ans d'emprisonnement et à
leur interdiction définitive du territoire français, ainsi que
solidairement à diverses pénalités douanières assorties de leur
maintien en détention jusqu'à complet paiement de celles-ci. Sur la
question de la contrainte par corps, la cour d'appel s'est exprimée
ainsi :
"Attendu que les premiers Juges ayant fait une exacte
application de la loi à l'égard des infractions douanières
et l'Administration des Douanes demandant la confirmation
des dispositions qui la concernent, celles-ci doivent être
confirmées et les prévenus maintenus en détention dans le
cadre de l'action douanière ;
Attendu, néanmoins, que la décision attaquée doit être précisée
sur la disposition de la contrainte par corps ; que les
condamnations pécuniaires prononcées excédant 500.000 F, la durée
de la contrainte par corps doit, par application du nouvel
article L.627-6 du Code de la santé publique institué par la loi
du 31 décembre 1987, être fixée à deux ans".
Les requérants formèrent un pourvoi devant la Cour de cassation
en invoquant notamment la nullité des procès-verbaux de douane.
Par arrêt du 6 mars 1989, la Cour de cassation rejeta à la fois
le pourvoi formé par chacun des requérants contre l'arrêt du 24
novembre 1987 et celui formé par eux le 20 avril 1988 contre l'arrêt
du 19 avril 1988. Elle déclara notamment irrecevable le grief tiré de
la prétendue nullité des procès-verbaux au motif que ce moyen n'avait
pas été soulevé devant les premiers juges, mais seulement en appel.
La peine du premier requérant prit fin le 16 août 1991, et il fut
libéré le 2 octobre, après avoir effectué un mois et demi de contrainte
par corps. Il a en effet été exempté de la contrainte par corps pour
insolvabilité.
La peine des deux autres requérants prit fin le 23 août 1991, et
ils furent libérés respectivement le 16 septembre 1991, après trois
semaines de contrainte par corps, et le 4 septembre, après 12 jours de
contrainte par corps. Ils ont bénéficié de la libération anticipée
après avoir payé une partie de leur dette.
GRIEFS
Les requérants allèguent la violation des articles 3, 5 par.
1, 2 et 3, 6 par. 1, 3 a), d), e), et 7 de la Convention, ainsi que de
l'article 13 lu en combinaison avec l'article 6 par. 1 et de l'article
14 lu en combinaison avec l'article 2 du Protocole N° 4 à la
Convention.
1. Les requérants se plaignent tout d'abord de ne pas avoir été
"aussitôt traduits devant un juge" en violation de l'article 5 par. 3
de la Convention, dans la mesure où, placés en rétention douanière le
20 juin 1986, puis en garde à vue le 21 juin, ils n'ont comparu devant
le juge d'instruction que le 24 juin 1986, date de leur inculpation.
2. Ils considèrent aussi qu'il y a eu atteinte au principe de
non-rétroactivité, en violation de l'article 7 de la Convention. La
durée de la contrainte par corps de deux ans, qui leur a été appliquée
par la cour d'appel dans son arrêt du 19 avril 1988, est celle prévue
par l'article L.627-6 du nouveau Code de la santé publique, introduit
par la loi du 31 décembre 1987 et qui prévoit que la durée de la
contrainte par corps est de deux ans pour les "amendes douanières
connexes qui excèdent 500.000 F".
3. Les requérants se plaignent ensuite de leur arrestation et garde
à vue dans des conditions prétendument dégradantes, de la durée de
cette garde à vue et du délai de trois jours avant qu'ils ne
bénéficient d'un interprète. Ils invoquent aussi l'absence d'équité
et d'impartialité des juridictions de jugement, en raison de ce qu'ils
n'auraient pas été informés, dans le plus bref délai et dans une langue
qu'ils comprenaient, de la nature et de la cause de l'accusation portée
contre eux. Ils soutiennent encore qu'ils n'auraient pas pu faire
interroger les témoins à charge et contestent le fait que les frais
d'interprète devant les juridictions du fond auraient été inclus dans
les dépens, à leur charge.
Enfin ils allèguent qu'un magistrat de la cour d'appel se serait
auto-attribué le droit de remplacer le président titulaire, viciant
ainsi l'indépendance et l'impartialité qui devraient caractériser cette
juridiction.
Ils invoquent à cet égard les articles 3, 5 par. 1, par. 2, et
6 par. 1 et par. 3 a), d), et e) de la Convention.
4. Les requérants estiment en outre ne pas avoir bénéficié d'un
recours effectif devant les instances nationales dans la mesure où la
Cour de cassation a déclaré leur pourvoi, fondé sur la nullité des
procès-verbaux de douane, irrecevable, ceux-ci n'ayant pas été invoqués
devant les juges du fond in limine litis. Ils invoquent l'article 13
combiné avec l'article 6 par. 1 de la Convention.
5. Les requérants se plaignent enfin d'une discrimination, fondée
sur leur qualité d'étrangers par les magistrats statuant sur leurs
demandes de mise en liberté ou au fond. Ils invoquent l'article 14 de
la Convention combiné avec l'article 2 du Protocole N° 4.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
La présente requête a été introduite le 4 mai 1988 et enregistrée
le 1er septembre 1989.
Le 2 septembre 1991, la Commission a décidé de porter la requête
à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter
par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé des
griefs tirés des articles 5 par. 3 et 7 de la Convention.
Le Gouvernement a présenté ses observations le 24 janvier 1992,
après une prorogation du délai. Les observations en réponse des
requérants sont parvenues le 16 novembre 1992, après trois prorogations
du délai.
EN DROIT
Les requérants se plaignent de ne pas avoir été "aussitôt
traduits devant un juge", en violation de l'article 5 par. 3
(art. 5-3) de la Convention, dans la mesure où ils ont été privés de
liberté pendant près de quatre jours avant de comparaître devant le
juge d'instruction.
Ils invoquent également une atteinte au principe de non-
rétroactivité, en violation de l'article 7 (art. 7) de la Convention,
dans la mesure où leur a été appliquée la loi nouvelle en matière de
contrainte par corps, plus sévère que la loi applicable au moment des
faits.
Le Gouvernement soulève d'emblée plusieurs exceptions
d'irrecevabilité.
1. Quant au grief tiré de l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la
Convention portant sur la durée de la privation de liberté avant
comparution devant le magistrat instructeur, le Gouvernement excipe du
non-épuisement des voies de recours internes au sens de l'article 26
(art. 26) de la Convention.
Le Gouvernement note que les requérants n'ont pas soulevé ce
point devant la Cour de cassation. Il relève que les requérants ont
invoqué l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention, mais sans faire
aucune allusion à la durée de la privation de liberté avant comparution
devant le magistrat instructeur. En effet, le moyen soulève la
violation de la Convention "en ce que l'arrêt [de la cour d'appel]
attaqué a rejeté l'exception de nullité des procès-verbaux de douane
des 20, 21 et 22 juin 1986", mais n'explique pas en quoi le rejet de
cette exception de nullité peut constituer la violation alléguée de
l'article 5 par. 3 (art. 5-3). Les requérants estiment que ce grief était implicitement invoqué
dans le moyen, soulevé devant la Cour de cassation, tiré de la nullité
des procès-verbaux de douane constatant le flagrant délit. Selon eux,
en effet, il n'y avait pas flagrance, privant de ce fait les douaniers
de la possibilité de les interpeller puis de les retenir.
La Commission observe que les requérants prétendent ne pas avoir
été "aussitôt traduits devant un juge" en violation de l'article 5 par.
3 (art. 5-3) de la Convention. Elle relève toutefois, à la lumière de
l'arrêt de la Cour de cassation du 6 mars 1989 et du mémoire ampliatif
déposé par les requérants, ainsi que de l'argumentation des parties,
que, tout en invoquant l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention,
les requérants n'ont pas mis en cause devant la haute juridiction la
durée de leur privation de liberté avant comparution devant le
magistrat instructeur. En soulevant la nullité des procès-verbaux de
douane, ils ont en substance mis en cause la légalité de leur détention
au regard de l'article 5 par. 1 (art. 5-1) et à cet égard, la Cour de
cassation a déclaré le moyen irrecevable, au motif que les requérants
n'avaient pas soulevé devant les premiers juges, avant toute défense
au fond, mais seulement en appel, l'exception tirée de la prétendue
nullité des procès-verbaux de douane.
Les requérants n'ont donc pas épuisé les voies de recours qui
leur étaient offertes en droit français. De surcroît, l'examen de
l'affaire ne révèle aucune circonstance particulière qui aurait pu
relever les requérants, selon les principes de droit international
généralement reconnus, de l'obligation d'épuiser les voies de recours
internes qui leur étaient ouvertes.
Il s'ensuit que cette partie de la requête doit à cet égard être
rejetée en application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de
la Convention.
2. Pour ce qui est du grief tiré de l'article 7 (art. 7) de la
Convention relatif à l'application immédiate de la loi relative à la
contrainte par corps, plus sévère que la loi applicable au moment des
faits, le Gouvernement soulève trois exceptions d'irrecevabilité.
La première est tirée du non-épuisement des voies de recours
internes au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention. Le
Gouvernement note en effet que les requérants n'ont jamais soulevé ce
grief devant la Cour de cassation. L'arrêt rendu par la Cour de
cassation dans l'affaire J. (N° 15917/89), pendante devant la
Commission, qui rejette le moyen tiré de la violation de l'article 7
(art. 7) de la Convention, est postérieur au pourvoi des requérants
dans la présente affaire. Ceux-ci ne pouvaient donc considérer ce
recours comme inefficace.
Subsidiairement le Gouvernement estime que la requête est
irrecevable pour incompatibilité ratione materiae, dans la mesure où
la contrainte par corps n'entre pas dans le domaine pénal tel que
dégagé par les organes de la Convention. Il relève qu'en droit
interne, la contrainte par corps ne présente pas les caractères
juridiques d'une peine mais d'une mesure d'exécution d'une condamnation
pécuniaire liée à une condamnation pénale. Son caractère non répressif
serait renforcé par le fait que son exécution n'entraîne pas
l'extinction de la créance, alors que toute peine a comme conséquence
l'extinction de l'action publique. Cette privation de liberté
entrerait dans le cadre de l'article 5 par. 1 b) (art. 5-1-b) de la
Convention. Le Gouvernement admet que cette mesure est sévère, mais
estime que ce critère ne suffit pas à faire entrer la contrainte par
corps dans le domaine d'application de l'article 7 (art. 7).
Enfin, le Gouvernement estime que les requérants ne sont pas
victimes au sens de l'article 25 (art. 25) de la Convention puisque la
mesure n'a pas été exécutée au-delà du seuil permis par la législation
antérieure. Ainsi, le premier requérant a effectué un mois et demi de
contrainte par corps, puis il a été exempté en raison de son
insolvabilité. Le second a effectué trois semaines et le troisième
douze jours de contrainte par corps, avant de bénéficier d'une
libération anticipée pour avoir partiellement honoré leur dette. Le
Gouvernement rappelle que les trois requérants ne pourront plus être
assujettis à cette contrainte par corps, et que, dans ces conditions,
ils ne peuvent être considérés comme victimes d'une violation de la
disposition invoquée.
Quant à l'épuisement des voies de recours internes, les
requérants estiment que le pourvoi en cassation avait comme conséquence
inéluctable, en cas de succès, l'annulation de la contrainte par corps.
Ils affirment en outre que cette mesure doit être qualifiée de sanction
pénale. En effet, l'exécution de la contrainte par corps se déroule
dans les mêmes conditions que l'emprisonnement au titre d'une
condamnation pénale. Ils exposent en outre que l'individu insolvable
ne saurait prétendre à une libération conditionnelle tant qu'il n'a pas
obtenu mainlevée de la contrainte par corps. Leur qualité de victime
se déduirait également de l'impossibilité pour eux d'obtenir toute
remise de peine.
La Commission n'estime pas nécessaire de se prononcer sur les
exceptions soulevées par le Gouvernement, tenant d'une part à
l'inapplicabilité de l'article 7 (art. 7) de la Convention en la
matière, et d'autre part au défaut de qualité de victime des
requérants, car elle considère que la requête doit en tout état de
cause être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes
au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention.
La Commission note en effet que les requérants n'ont, ni
explicitement ni implicitement, soulevé devant la Cour de cassation la
contradiction de l'application immédiate de la loi nouvelle plus
sévère, avec l'article 7 (art. 7) de la Convention. Elle constate en
outre que dans l'affaire J. (N° 15917/89), pendante devant la
Commission, qui pose un problème identique, les requérants ont invoqué
le grief tiré de la violation de l'article 7 (art. 7) de la Convention
devant la Cour de cassation, laquelle a rendu son arrêt de rejet
postérieurement à l'arrêt rendu dans la présente affaire. Ce recours
ne saurait donc être considéré d'emblée comme inefficace. La
Commission estime dès lors que les requérants n'ont pas épuisé les
voies de recours que leur ouvrait le droit français. De surcroît,
l'examen de cette affaire ne révèle aucune circonstance particulière
qui aurait pu relever les requérants, selon les principes de droit
international généralement reconnus, de l'obligation d'épuiser les
voies de recours internes qui leur étaient ouvertes.
Il s'ensuit que cette partie de leur requête est irrecevable en
application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la
Convention.
3. Les requérants se plaignent encore de multiples atteintes aux
articles 3, 5 et 6 (art. 3, 5, 6) de la Convention.
La Commission constate que les griefs tirés des articles 3 et 5
(art. 3, 5) ont été soulevés devant la Cour de cassation dans le cadre
de l'exception de nullité des procès-verbaux de douane. Or, la Cour
de cassation a déclaré ce moyen irrecevable car il n'avait pas été
soulevé devant les premiers juges mais uniquement en appel. La
Commission, conformément à la jurisprudence mentionnée ci-avant dans
le cadre de l'examen du premier grief, estime donc que les requérants
n'ont pas épuisé les voies de recours internes. Quant aux griefs tirés
de l'article 6 (art. 6), la Commission constate que les requérants ne
les ont jamais invoqués devant la Cour de cassation.
Il s'ensuit que les requérants n'ont pas épuisé les voies de
recours internes, et que cette partie de la requête doit être rejetée
en application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la
Convention.
Dans la mesure où les requérants se plaignent de ne pas avoir
bénéficié d'un tribunal indépendant et impartial au sens de l'article 6
par. 1 (art. 6-1) de la Convention parce qu'un conseiller de la cour
d'appel se serait auto-attribué le droit de remplacer le président
titulaire, la Commission note que les requérants ne démontrent pas dans
leurs écritures, et l'examen de l'affaire ne permet pas de déceler que
le magistrat en cause se serait lui-même désigné pour remplacer le
président titulaire, ni en quoi ce remplacement aurait vicié
l'indépendance et l'impartialité de la cour d'appel.
Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être
rejeté en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la
Convention.
4. Dans la mesure où les requérants estiment qu'ils n'ont pas
bénéficié d'un recours effectif devant les instances nationales à
l'encontre des prétendues fausses déclarations des douaniers, en
violation de l'article 13 combiné avec l'article 6 (art. 13+6) de la
Convention, la Commission relève que la Cour de cassation a déclaré le
pourvoi des requérants irrecevable, le grief tiré de la nullité des
procès-verbaux de douane n'ayant été soulevé qu'en appel.
La Commission rappelle sa jurisprudence constante (voir par ex.
N° 673/59, déc. 28.7.61, Annuaire 4 p. 295) selon laquelle ne
méconnaissent pas l'article 13 (art. 13), les prescriptions
règlementant, dans le souci d'une bonne administration de la justice,
le droit de recours devant les juridictions supérieures et notamment
la Cour de cassation. En l'espèce, la Commission estime qu'il n'est ni
déraisonnable, ni arbitraire - compte tenu de la nature spécifique tant
du recours en inscription de faux que de la fonction de la Cour de
cassation - d'exiger que les moyens invoqués devant cette juridiction
aient été soulevés préalablement devant les juges de première instance.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal
fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
5. Les requérants se plaignent enfin d'une discrimination liée à
leur qualité d'étrangers, par les magistrats statuant sur les demandes
de mise en liberté et sur leur culpabilité, en violation de
l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 2 du Protocole
N° 4 (art. 14+P4-2) à la Convention.
La Commission note que la référence par les magistrats, statuant
sur les demandes de mise en liberté des requérants, à leur qualité
d'étrangers tendait à corroborer le risque de fuite de personnes
inculpées d'infractions graves ne disposant pas en France d'une
résidence principale. Quant aux magistrats statuant sur le fond, ils
ne se sont pas fondés, à titre principal, sur la qualité d'étranger des
requérants, pour les condamner. La discrimination alléguée par les
requérants ne trouve donc aucune base dans les faits.
Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal
fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire adjoint Le Président
de la Commission de la Commission
(M. de SALVIA) (C.A. NØRGAARD)
Textes cités dans la décision