CEDH, Commission, L.H., T.C. et G.M. c. la FRANCE, 29 mars 1993, 15454/89

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission, 29 mars 1993, n° 15454/89
Numéro(s) : 15454/89
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 4 mai 1988
Jurisprudence de Strasbourg : No 673/59, déc. 28.7.61, Annuaire 4, p. 295
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-25203
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1993:0329DEC001545489
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Texte intégral

                          SUR LA RECEVABILITE

                 de la requête No 15454/89

                 présentée par L.H., T.C. et

                 G.C.

                 contre la France

                              __________

      La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en

chambre du conseil le 29 mars 1993 en présence de

      MM. C.A. NØRGAARD, Président

          J.A. FROWEIN

          S. TRECHSEL

          G. SPERDUTI

          E. BUSUTTIL

          A.S. GÖZÜBÜYÜK

          A. WEITZEL

          J.-C. SOYER

          H.G. SCHERMERS

          H. DANELIUS

      Sir Basil HALL

      MM. F. MARTINEZ

          C.L. ROZAKIS

      Mme J. LIDDY

      MM. J.-C. GEUS

          M.P. PELLONPÄÄ

          B. MARXER

          M.A. NOWICKI

      M.  M. de SALVIA, Secrétaire adjoint de la Commission ;

      Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

      Vu la requête introduite le 4 mai 1988 par L.H., T.C. et G.C.

contre la France et enregistrée le 1er septembre 1989 sous le No de

dossier 15454/89 ;

      Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le

24 janvier 1992 et les observations en réponse présentées par les

requérants le 16 novembre 1992 ;

      Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

      Après avoir délibéré,

      Rend la décision suivante :

EN FAIT

        Les requérants L.H. et T.C. sont des ressortissants

britanniques, nés respectivement en 1947 et 1950 ; le requérant G.M.

est ressortissant néo-zélandais et né en 1954. Le premier est homme

d'affaires, le deuxième artisan ("leather finisher") et le troisième

pêcheur ("cray fisherman").  Ils sont représentés dans la procédure

devant la Commission par la S.C.P. d'avocats Thévenet, Nougaret du

barreau de Montpellier.

      Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les

parties, peuvent se résumer comme suit.

      Les requérants soutiennent qu'ils ont été interpellés le 20 juin

1986 à 10 H, alors qu'ils naviguaient à bord de leur voilier le "Lord

Louis" au large de Port la Nouvelle (Aude) par des agents des douanes

se trouvant à bord d'une vedette.  Ils ont été placés en rétention au

poste des douanes.

      Ils auraient été placés en garde à vue le 21 juin à 16 H 30 dans

les locaux de la police.  Ils étaient en effet soupçonnés d'avoir jeté

à la mer des ballots de cannabis, alors qu'ils dépassaient un chalutier

masquant la vue du voilier à la vedette des douanes.  Les douaniers

n'auraient rien trouvé à bord du voilier mais le capitaine du chalutier

les aurait vus jeter les ballots à la mer. Les requérants nient les

faits.

      Selon le Gouvernement, le 20 juin 1986, à 10 H 20, les agents des

douanes contrôlaient en mer le voilier anglais "Lord Louis", au large

de Port Leucate.  Compte tenu de l'état de la mer, les douaniers

demandaient au capitaine du voilier de les accompagner jusqu'au port

pour procéder à la visite du bateau.  Arrivés à environ 200 mètres de

la jetée de Port-la-Nouvelle, les douaniers apercevaient deux des trois

occupants du voilier laisser filer à la mer trois ballots d'environ

cinquante centimètres de côté, entourés de toile de jute marron foncé

retenus par des cordages verts et un tube métallique.

      A 11 H 15, les douaniers procédaient à la visite du bateau,

visite qui se révélait négative.  Ils décidaient de retenir les trois

requérants pour vérifier le contenu des paquets qu'ils avaient vu

larguer.  A 17 H, un chalutier était réquisitionné afin de repêcher les

colis immergés.  Deux des colis pouvaient être retrouvés qui

s'avéraient contenir de la résine de cannabis.

      Toujours selon le Gouvernement, après audition par les services

des douanes et continuation des recherches pour trouver le troisième

colis, les trois occupants du voilier étaient placés en garde à vue

dans les locaux de la police le 21 juin 1986 à 18 H.

      La garde à vue prit fin le 24 juin à 9 heures, lorsque les

requérants furent inculpés pour ces faits, par le juge d'instruction

du tribunal de grande instance de Narbonne.  La rétention ayant duré

trente heures et la garde à vue soixante quatre heures et trente

minutes, les requérants ont donc été privés de liberté pendant trois

jours, vingt deux heures et trente minutes.

      Par jugement du tribunal correctionnel de Narbonne, daté du 19

juin 1987, les requérants ont été déclarés coupables d'avoir le 20 juin

1986, ensemble et de concert, contrevenu à la réglementation sur les

substances vénéneuses en important, exportant et transportant du

cannabis, et frauduleusement immergé, dans l'enceinte d'un port, des

marchandises prohibées et ainsi commis des faits de contrebande.

      Ils ont été condamnés à la peine de huit ans de prison et, en ce

qui concerne l'infraction douanière, condamnés à une amende de

1.245.000 F, à la confiscation de la drogue saisie, du navire et du

matériel se trouvant à bord.  L'administration des douanes a été

autorisée à retenir en sûreté des pénalités les sommes saisies sur les

intéressés.  Le tribunal a aussi ordonné le maintien des requérants en

détention dans les limites de la durée de la contrainte par corps,

jusqu'à ce qu'ils aient acquitté le montant des pénalités fiscales

prononcées contre eux (articles 749 et 750 du Code de procédure pénale

modifiés par la loi du 30 décembre 1985).

      En date du 25 juin 1987, les requérants ainsi que le procureur

de la République ont fait appel de ce jugement.

      Le 17 novembre 1987, eut lieu dans cette affaire et devant la

cour d'appel de Montpellier une audience au cours de laquelle les

requérants ont, avant débat au fond, déposé des écritures portant

déclaration d'inscription de faux en application de l'article 339 du

Code des douanes.

      Par arrêt du 24 novembre 1987, la cour d'appel a déclaré

irrecevable la demande d'inscription de faux incidente, et ordonna la

réouverture des débats le 12 janvier 1988 pour examen au fond.

      En date du 25 novembre 1987, les requérants se pourvurent en

cassation contre l'arrêt précité.

      Le 12 janvier 1988, la cour d'appel a sursis à statuer sur le

fond (article 570 du Code de procédure pénale) et rejeta les demandes

de mise en liberté formulées par les requérants, en se fondant

notamment sur l'absence de garanties de représentation car les

requérants étaient étrangers.

      Par arrêt du 19 avril 1988, la cour d'appel les a respectivement

condamnés des chefs précités, chacun à huit ans d'emprisonnement et à

leur interdiction définitive du territoire français, ainsi que

solidairement à diverses pénalités douanières assorties de leur

maintien en détention jusqu'à complet paiement de celles-ci.  Sur la

question de la contrainte par corps, la cour d'appel s'est exprimée

ainsi :

      "Attendu que les premiers Juges ayant fait une exacte

      application de la loi à l'égard des infractions douanières

      et l'Administration des Douanes demandant la confirmation

      des dispositions qui la concernent, celles-ci doivent être

      confirmées et les prévenus maintenus en détention dans le

      cadre de l'action douanière ;

      Attendu, néanmoins, que la décision attaquée doit être précisée

      sur la disposition de la contrainte par corps ;  que les

      condamnations pécuniaires prononcées excédant 500.000 F, la durée

      de la contrainte par corps doit, par application du nouvel

      article L.627-6 du Code de la santé publique institué par la loi

      du 31 décembre 1987, être fixée à deux ans".

      Les requérants formèrent un pourvoi devant la Cour de cassation

en invoquant notamment la nullité des procès-verbaux de douane.

      Par arrêt du 6 mars 1989, la Cour de cassation rejeta à la fois

le pourvoi formé par chacun des requérants contre l'arrêt du 24

novembre 1987 et celui formé par eux le 20 avril 1988 contre l'arrêt

du 19 avril 1988.  Elle déclara notamment irrecevable le grief tiré de

la prétendue nullité des procès-verbaux au motif que ce moyen n'avait

pas été soulevé devant les premiers juges, mais seulement en appel.

      La peine du premier requérant prit fin le 16 août 1991, et il fut

libéré le 2 octobre, après avoir effectué un mois et demi de contrainte

par corps.  Il a en effet été exempté de la contrainte par corps pour

insolvabilité.

      La peine des deux autres requérants prit fin le 23 août 1991, et

ils furent libérés respectivement le 16 septembre 1991, après trois

semaines de contrainte par corps, et le 4 septembre, après 12 jours de

contrainte par corps.  Ils ont bénéficié de la libération anticipée

après avoir payé une partie de leur dette.

GRIEFS

        Les requérants allèguent la violation des articles 3, 5 par.

1, 2 et 3, 6 par. 1, 3 a), d), e), et 7 de la Convention, ainsi que de

l'article 13 lu en combinaison avec l'article 6 par. 1 et de l'article

14 lu en combinaison avec l'article 2 du Protocole N° 4 à la

Convention.

1.      Les requérants se plaignent tout d'abord de ne pas avoir été

"aussitôt traduits devant un juge" en violation de l'article 5 par. 3

de la Convention, dans la mesure où, placés en rétention douanière le

20 juin 1986, puis en garde à vue le 21 juin, ils n'ont comparu devant

le juge d'instruction que le 24 juin 1986, date de leur inculpation.

2.    Ils considèrent aussi qu'il y a eu atteinte au principe de

non-rétroactivité, en violation de l'article 7 de la Convention. La

durée de la contrainte par corps de deux ans, qui leur a été appliquée

par la cour d'appel dans son arrêt du 19 avril 1988, est celle prévue

par l'article L.627-6 du nouveau Code de la santé publique, introduit

par la loi du 31 décembre 1987 et qui prévoit que la durée de la

contrainte par corps est de deux ans pour les "amendes douanières

connexes qui excèdent 500.000 F".

3.    Les requérants se plaignent ensuite de leur arrestation et garde

à vue dans des conditions prétendument dégradantes, de la durée de

cette garde à vue et du délai de trois jours avant qu'ils ne

bénéficient d'un interprète.  Ils invoquent aussi l'absence d'équité

et d'impartialité des juridictions de jugement, en raison de ce qu'ils

n'auraient pas été informés, dans le plus bref délai et dans une langue

qu'ils comprenaient, de la nature et de la cause de l'accusation portée

contre eux.  Ils soutiennent encore qu'ils n'auraient pas pu faire

interroger les témoins à charge et contestent le fait que les frais

d'interprète devant les juridictions du fond auraient été inclus dans

les dépens, à leur charge.

      Enfin ils allèguent qu'un magistrat de la cour d'appel se serait

auto-attribué le droit de remplacer le président titulaire, viciant

ainsi l'indépendance et l'impartialité qui devraient caractériser cette

juridiction.

      Ils invoquent à cet égard les articles 3, 5 par. 1, par. 2, et

6 par. 1 et par. 3 a), d), et e) de la Convention.

4.    Les requérants estiment en outre ne pas avoir bénéficié d'un

recours effectif devant les instances nationales dans la mesure où la

Cour de cassation a déclaré leur pourvoi, fondé sur la nullité des

procès-verbaux de douane, irrecevable, ceux-ci n'ayant pas été invoqués

devant les juges du fond in limine litis.  Ils invoquent l'article 13

combiné avec l'article 6 par. 1 de la Convention.

5.    Les requérants se plaignent enfin d'une discrimination, fondée

sur leur qualité d'étrangers par les magistrats statuant sur leurs

demandes de mise en liberté ou au fond.  Ils invoquent l'article 14 de

la Convention combiné avec l'article 2 du Protocole N° 4.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

      La présente requête a été introduite le 4 mai 1988 et enregistrée

le 1er septembre 1989.

      Le 2 septembre 1991, la Commission a décidé de porter la requête

à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter

par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé des

griefs tirés des articles 5 par. 3 et 7 de la Convention.

      Le Gouvernement a présenté ses observations le 24 janvier 1992,

après une prorogation du délai.  Les observations en réponse des

requérants sont parvenues le 16 novembre 1992, après trois prorogations

du délai.

EN DROIT

      Les requérants se plaignent de ne pas avoir été "aussitôt

traduits devant un juge", en violation de l'article 5 par. 3

(art. 5-3) de la Convention, dans la mesure où ils ont été privés de

liberté pendant près de quatre jours avant de comparaître devant le

juge d'instruction.

      Ils invoquent également une atteinte au principe de non-

rétroactivité, en violation de l'article 7 (art. 7) de la Convention,

dans la mesure où leur a été appliquée la loi nouvelle en matière de

contrainte par corps, plus sévère que la loi applicable au moment des

faits.

      Le Gouvernement soulève d'emblée plusieurs exceptions

d'irrecevabilité.

1.    Quant au grief tiré de l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la

Convention portant sur la durée de la privation de liberté avant

comparution devant le magistrat instructeur, le Gouvernement excipe du

non-épuisement des voies de recours internes au sens de l'article 26

(art. 26) de la Convention.

      Le Gouvernement note que les requérants n'ont pas soulevé ce

point devant la Cour de cassation.  Il relève que les requérants ont

invoqué l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention, mais sans faire

aucune allusion à la durée de la privation de liberté avant comparution

devant le magistrat instructeur. En effet, le moyen soulève la

violation de la Convention "en ce que l'arrêt [de la cour d'appel]

attaqué a rejeté l'exception de nullité des procès-verbaux de douane

des 20, 21 et 22 juin 1986", mais n'explique pas en quoi le rejet de

cette exception de nullité peut constituer la violation alléguée de

l'article 5 par. 3 (art. 5-3).         Les requérants estiment que ce grief était implicitement invoqué

dans le moyen, soulevé devant la Cour de cassation, tiré de la nullité

des procès-verbaux de douane constatant le flagrant délit.  Selon eux,

en effet, il n'y avait pas flagrance, privant de ce fait les douaniers

de la possibilité de les interpeller puis de les retenir.

      La Commission observe que les requérants prétendent ne pas avoir

été "aussitôt traduits devant un juge" en violation de l'article 5 par.

3 (art. 5-3) de la Convention. Elle relève toutefois, à la lumière de

l'arrêt de la Cour de cassation du 6 mars 1989 et du mémoire ampliatif

déposé par les requérants, ainsi que de l'argumentation des parties,

que, tout en invoquant l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention,

les requérants n'ont pas mis en cause devant la haute juridiction la

durée de leur privation de liberté avant comparution devant le

magistrat instructeur. En soulevant la nullité des procès-verbaux de

douane, ils ont en substance mis en cause la légalité de leur détention

au regard de l'article 5 par. 1 (art. 5-1) et à cet égard, la Cour de

cassation a déclaré le moyen irrecevable, au motif que les requérants

n'avaient pas soulevé devant les premiers juges, avant toute défense

au fond, mais seulement en appel, l'exception tirée de la prétendue

nullité des procès-verbaux de douane.

      Les requérants n'ont donc pas épuisé les voies de recours qui

leur étaient offertes en droit français. De surcroît, l'examen de

l'affaire ne révèle aucune circonstance particulière qui aurait pu

relever les requérants, selon les principes de droit international

généralement reconnus, de l'obligation d'épuiser les voies de recours

internes qui leur étaient ouvertes.

      Il s'ensuit que cette partie de la requête doit à cet égard être

rejetée en application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de

la Convention.

2.    Pour ce qui est du grief tiré de l'article 7 (art. 7) de la

Convention relatif à l'application immédiate de la loi relative à la

contrainte par corps, plus sévère que la loi applicable au moment des

faits, le Gouvernement soulève trois exceptions d'irrecevabilité.

      La première est tirée du non-épuisement des voies de recours

internes au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention.  Le

Gouvernement note en effet que les requérants n'ont jamais soulevé ce

grief devant la Cour de cassation.  L'arrêt rendu par la Cour de

cassation dans l'affaire J. (N° 15917/89), pendante devant la

Commission, qui rejette le moyen tiré de la violation de l'article 7

(art. 7) de la Convention, est postérieur au pourvoi des requérants

dans la présente affaire. Ceux-ci ne pouvaient donc considérer ce

recours comme inefficace.

      Subsidiairement le Gouvernement estime que la requête est

irrecevable pour incompatibilité ratione materiae, dans la mesure où

la contrainte par corps n'entre pas dans le domaine pénal tel que

dégagé par les organes de la Convention.  Il relève qu'en droit

interne, la contrainte par corps ne présente pas les caractères

juridiques d'une peine mais d'une mesure d'exécution d'une condamnation

pécuniaire liée à une condamnation pénale.  Son caractère non répressif

serait renforcé par le fait que son exécution n'entraîne pas

l'extinction de la créance, alors que toute peine a comme conséquence

l'extinction de l'action publique.  Cette privation de liberté

entrerait dans le cadre de l'article 5 par. 1 b) (art. 5-1-b) de la

Convention.  Le Gouvernement admet que cette mesure est sévère, mais

estime que ce critère ne suffit pas à faire entrer la contrainte par

corps dans le domaine d'application de l'article 7 (art. 7).

      Enfin, le Gouvernement estime que les requérants ne sont pas

victimes au sens de l'article 25 (art. 25) de la Convention puisque la

mesure n'a pas été exécutée au-delà du seuil permis par la législation

antérieure.  Ainsi, le premier requérant a effectué un mois et demi de

contrainte par corps, puis il a été exempté en raison de son

insolvabilité.  Le second a effectué trois semaines et le troisième

douze jours de contrainte par corps, avant de bénéficier d'une

libération anticipée pour avoir partiellement honoré leur dette.  Le

Gouvernement rappelle que les trois requérants ne pourront plus être

assujettis à cette contrainte par corps, et que, dans ces conditions,

ils ne peuvent être considérés comme victimes d'une violation de la

disposition invoquée.

      Quant à l'épuisement des voies de recours internes, les

requérants estiment que le pourvoi en cassation avait comme conséquence

inéluctable, en cas de succès, l'annulation de la contrainte par corps.

Ils affirment en outre que cette mesure doit être qualifiée de sanction

pénale.  En effet, l'exécution de la contrainte par corps se déroule

dans les mêmes conditions que l'emprisonnement au titre d'une

condamnation pénale.  Ils exposent en outre que l'individu insolvable

ne saurait prétendre à une libération conditionnelle tant qu'il n'a pas

obtenu mainlevée de la contrainte par corps.  Leur qualité de victime

se déduirait également de l'impossibilité pour eux d'obtenir toute

remise de peine.

      La Commission n'estime pas nécessaire de se prononcer sur les

exceptions soulevées par le Gouvernement, tenant d'une part à

l'inapplicabilité de l'article 7 (art. 7) de la Convention en la

matière, et d'autre part au défaut de qualité de victime des

requérants, car elle considère que la requête doit en tout état de

cause être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes

au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention.

      La Commission note en effet que les requérants n'ont, ni

explicitement ni implicitement, soulevé devant la Cour de cassation la

contradiction de l'application immédiate de la loi nouvelle plus

sévère, avec l'article 7 (art. 7) de la Convention.  Elle constate en

outre que dans l'affaire J. (N° 15917/89), pendante devant la

Commission, qui pose un problème identique, les requérants ont invoqué

le grief tiré de la violation de l'article 7 (art. 7) de la Convention

devant la Cour de cassation, laquelle a rendu son arrêt de rejet

postérieurement à l'arrêt rendu dans la présente affaire.  Ce recours

ne saurait donc être considéré d'emblée comme inefficace.  La

Commission estime dès lors que les requérants n'ont pas épuisé les

voies de recours que leur ouvrait le droit français.  De surcroît,

l'examen de cette affaire ne révèle aucune circonstance particulière

qui aurait pu relever les requérants, selon les principes de droit

international généralement reconnus, de l'obligation d'épuiser les

voies de recours internes qui leur étaient ouvertes.

      Il s'ensuit que cette partie de leur requête est irrecevable en

application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la

Convention.

3.    Les requérants se plaignent encore de multiples atteintes aux

articles 3, 5 et 6 (art. 3, 5, 6) de la Convention.

      La Commission constate que les griefs tirés des articles 3 et 5

(art. 3, 5) ont été soulevés devant la Cour de cassation dans le cadre

de l'exception de nullité des procès-verbaux de douane.  Or, la Cour

de cassation a déclaré ce moyen irrecevable car il n'avait pas été

soulevé devant les premiers juges mais uniquement en appel.  La

Commission, conformément à la jurisprudence mentionnée ci-avant dans

le cadre de l'examen du premier grief, estime donc que les requérants

n'ont pas épuisé les voies de recours internes.  Quant aux griefs tirés

de l'article 6 (art. 6), la Commission constate que les requérants ne

les ont jamais invoqués devant la Cour de cassation.

      Il s'ensuit que les requérants n'ont pas épuisé les voies de

recours internes, et que cette partie de la requête doit être rejetée

en application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la

Convention.

      Dans la mesure où les requérants se plaignent de ne pas avoir

bénéficié d'un tribunal indépendant et impartial au sens de l'article 6

par. 1 (art. 6-1) de la Convention parce qu'un conseiller de la cour

d'appel se serait auto-attribué le droit de remplacer le président

titulaire, la Commission note que les requérants ne démontrent pas dans

leurs écritures, et l'examen de l'affaire ne permet pas de déceler que

le magistrat en cause se serait lui-même désigné pour remplacer le

président titulaire, ni en quoi ce remplacement aurait vicié

l'indépendance et l'impartialité de la cour d'appel.

      Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être

rejeté en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la

Convention.

4.    Dans la mesure où les requérants estiment qu'ils n'ont pas

bénéficié d'un recours effectif devant les instances nationales à

l'encontre des prétendues fausses déclarations des douaniers, en

violation de l'article 13 combiné avec l'article 6 (art. 13+6) de la

Convention, la Commission relève que la Cour de cassation a déclaré le

pourvoi des requérants irrecevable, le grief tiré de la nullité des

procès-verbaux de douane n'ayant été soulevé qu'en appel.

      La Commission rappelle sa jurisprudence constante (voir par ex.

N° 673/59, déc. 28.7.61, Annuaire 4 p. 295) selon laquelle ne

méconnaissent pas l'article 13 (art. 13), les prescriptions

règlementant, dans le souci d'une bonne administration de la justice,

le droit de recours devant les juridictions supérieures et notamment

la Cour de cassation. En l'espèce, la Commission estime qu'il n'est ni

déraisonnable, ni arbitraire - compte tenu de la nature spécifique tant

du recours en inscription de faux que de la fonction de la Cour de

cassation - d'exiger que les moyens invoqués devant cette juridiction

aient été soulevés préalablement devant les juges de première instance.

      Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal

fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

5.    Les requérants se plaignent enfin d'une discrimination liée à

leur qualité d'étrangers, par les magistrats statuant sur les demandes

de mise en liberté et sur leur culpabilité, en violation de

l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 2 du Protocole

N° 4 (art. 14+P4-2) à la Convention.

      La Commission note que la référence par les magistrats, statuant

sur les demandes de mise en liberté des requérants, à leur qualité

d'étrangers tendait à corroborer le risque de fuite de personnes

inculpées d'infractions graves ne disposant pas en France d'une

résidence principale.  Quant aux magistrats statuant sur le fond, ils

ne se sont pas fondés, à titre principal, sur la qualité d'étranger des

requérants, pour les condamner.  La discrimination alléguée par les

requérants ne trouve donc aucune base dans les faits.

      Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal

fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

      Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

      DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

      Le Secrétaire adjoint                       Le Président

         de la Commission                       de la Commission

         (M. de SALVIA)                         (C.A. NØRGAARD)

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