CEDH, Commission, ESQUIVILLON c. la FRANCE, 31 mars 1993, 17063/90

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission, 31 mars 1993, n° 17063/90
Numéro(s) : 17063/90
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 30 juillet 1990
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Huvig du 24 avril 1990, série a n° 176, p. 52, par. 25
Cour. Eur. D.H. Arrêt Klass et autres du 6 septembre 1978, série A n° 28, p. 21, par. 40
Arrêt Kruslin du 24 avril 1990, série a n° 176, p. 20, par. 26
Arrêt Malone du 2 août 1094, série A n° 82, p. 30, par. 64
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-25215
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1993:0331DEC001706390
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Sur les parties

Texte intégral

                          SUR LA RECEVABILITE

                 de la requête No 17063/90

                 présentée par Fabienne ESQUIVILLON

                 contre la France

                            __________

      La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 31 mars 1993 en présence

de

           MM.   S. TRECHSEL, Président de la Deuxième Chambre

                 G. JÖRUNDSSON

                 A. WEITZEL

                 J.-C. SOYER

                 H.G. SCHERMERS

                 H. DANELIUS

           Mme   G.H. THUNE

           MM.   F. MARTINEZ

                 J.-C. GEUS

                 M. NOWICKI

           M.    K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ;

      Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

      Vu la requête introduite le 30 juillet 1990 par Fabienne

ESQUIVILLON contre la France et enregistrée le 24 août 1990 sous le No

de dossier 17063/90 ;

      Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le

27 mai 1992 et une lettre du conseil du requérant en date du 4 août

1992 se référant à la requête ;

      Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

      Après avoir délibéré,

      Rend la décision suivante :

EN FAIT

      La requérante, de nationalité française, est née en 1952. Elle

est commerçante et réside à LA FRETE.

      Dans la procédure devant la Commission, elle est représentée par

Maître Simon Cohen, avocat au barreau de Toulouse.

      Les faits de la cause, tels que présentés par les parties,

peuvent se résumer ainsi.

      Dans le cadre d'une information ouverte contre X. le 2 juin 1986

du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants, le juge

d'instruction près le tribunal de grande instance de Toulouse délivra

au Commissariat central de Toulouse deux commissions rogatoires

ordonnant la mise sur table d'écoutes des lignes téléphoniques

personnelle et professionnelle de M. B., soupçonné d'appartenir à un

réseau de trafiquants de drogue.

      Le 1er octobre 1986, M. B. fut interpellé par les services de

police et avoua qu'il se livrait effectivement à un trafic d'héroïne.

Il proposa alors de prendre contact téléphoniquement avec son

fournisseur afin d'établir la véracité de ses propos.

      Sur accord du magistrat instructeur, le 7 octobre 1986, la

proposition de M. B. fut mise en oeuvre et conduisit à l'interpellation

de la requérante.

      Devant le tribunal correctionnel de Toulouse, la requérante

souleva l'exception de nullité des procès-verbaux relatifs aux appels

téléphoniques passés par M. B. et ayant permis son inculpation.

      Par jugement du 5 août 1987, le tribunal estima :

        "qu'en reprenant contact avec son fournisseur le 1er octobre

        1986, M. B. a été amené à provoquer la commission d'une

        infraction supplémentaire.  Il n'est donc pas contestable que

        les éléments de preuve recueillis à cette occasion ont été

        obtenus par des procédés déloyaux.  De même si les écoutes

        téléphoniques ou enregistrement des conversations sont admis

        en droit français, c'est sous la condition expresse que ce

        moyen soit mis en oeuvre sans artifice, ni stratagème et que

        les droits de la défense soient garantis.  Or, il est constant

        que M. B. a téléphoné à Barre ... sous le contrôle de la

        police, dans le but de tendre un piège à celui-ci.  En

        conséquence, l'exception soulevée ... est fondée."

      Sur appel du ministère public en date du 7 août 1987, la cour

d'appel de Toulouse, par arrêt du 26 novembre 1987, réforma le jugement

du 5 août 1987 au motif que :

      "la mise sur écoute des lignes téléphoniques de M. B. par

      l'officier de police judiciaire agissant dans le cadre de la

      commission rogatoire du magistrat instructeur, mesure susceptible

      d'arrêter la continuation d'une infraction et d'en identifier le

      ou les auteurs constitue un acte régulier d'information ..., que

      ces conversations téléphoniques ne peuvent en aucun cas

      constituer une provocation à la commission d'un délit nouveau

      mais simplement un moyen de constatation d'un délit d'habitude

      ..., que les appels téléphoniques de M. B. n'avaient pour but que

      la recherche d'identification des différents auteurs de

      l'infraction qu'il avait mis en cause, de constater sa commission

      une nouvelle fois et d'en empêcher la perpétration, qu'il ne

      s'agit nullement comme l'ont soutenu les défenseurs des

      prévenus,d'un procédé déloyal, de mise en oeuvre d'artifice ou

      stratagème de guet apens, de provocation de commission d'une

      nouvelle infraction."

      Quant au fond, la cour d'appel, par arrêt du 24 novembre 1988,

condamna la requérante à cinq ans de prison, ainsi qu'à des pénalités

douanières.

      La requérante se pourvut en cassation à l'encontre des arrêts du

26 novembre 1987 (portant sur l'annulation des actes de procédure) et

du 24 novembre 1988 (portant sur le fond) rendus par la cour d'appel

de Toulouse.

      Par un arrêt du 5 février 1990, la Cour de cassation déclara

irrecevable le moyen tiré de l'illégalité des écoutes téléphoniques au

regard de l'article 8 de la Convention au motif que "la prévenue était

sans qualité pour contester la validité d'écoutes téléphoniques dont

elle n'avait pas été l'objet et ne la concernant pas".

      La Cour de cassation rejeta par ailleurs les pourvois dont elle

était saisie.

GRIEFS

      La requérante conteste la légalité d'écoutes téléphoniques qui

ont conduit à son arrestation et à sa condamnation. Elle soutient que

la Cour de cassation aurait dû déclarer illégales les écoutes

téléphoniques, conformément à la jurisprudence applicable en la

matière.  Elle invoque à cet égard les dispositions de l'article 8 de

la Convention.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

      La présente requête a été introduite le 30 juillet 1990 et

enregistrée le 24 août 1990.

      Le 13 janvier 1992, la Commission a décidé de porter la requête

à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter

par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé des

griefs tirés de l'article 8 de la Convention. Elle a le même jour

déclaré irrecevable le grief tiré de la durée de la procédure au sens

de l'article 6 par. 1 de la Convention.

      Le Gouvernement a présenté ses observations le 27 mai 1992, après

une prorogation du délai. La requérante y a répondu par lettre du 4

août 1992, se référant à la requête introductive et sans présenter

d'autres observations.

EN DROIT

      La requérante conteste la légalité d'écoutes téléphoniques qui,

selon elle, ont conduit à sa condamnation. Elle considère que ces

écoutes constituent une ingérence injustifiée dans l'exercice du droit

au respect de sa vie privée et de sa correspondance, en violation de

l'article 8 (art. 8) de la Convention, ainsi libellée :

      "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et

      familiale, de son domicile et de sa correspondance.

      2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans

      l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est

      prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une

      société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à

      la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense

      de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la

      protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des

      droits et libertés d'autrui."

      Le Gouvernement soulève d'emblée une exception d'irrecevabilité.

Il soutient que la requérante ne peut se prétendre victime au sens de

l'article 25 (art. 25) de la Convention car elle ne serait ni victime

directe, puisqu'elle n'a jamais été mise sur table d'écoutes et écoutée

personnellement, ni victime potentielle puisqu'elle a eu accès à tout

le dossier d'instruction et a donc pu exercer son contrôle sur toutes

les mesures prises par le juge dans le cadre de l'information, ni enfin

victime indirecte parce qu'elle n'a pas été mentionnée dans les

conversations enregistrées et qu'elle n'a pas subi de préjudice

personnel dans sa vie privée du fait de ces écoutes.

      Le Gouvernement en conclut que ce grief doit être rejeté pour

incompatibilité ratione personae avec les dispositions de la Convention

et n'estime dès lors pas nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé

du grief.

      La requérante conteste cette argumentation. Elle estime que même

si ce ne sont pas ses propres conversations qui ont été interceptées,

il n'en reste pas moins que c'est à l'occasion de l'interception

illégale d'une conversation qui devait ultérieurement la concerner,

qu'elle a été interpellée et condamnée.

      La Commission rappelle que selon la jurisprudence de la Cour

européenne des Droits de l'Homme, les conversations téléphoniques se

trouvent incluses dans les notions de "vie privée" et de "correspon-

dance" au sens de l'article 8 (art. 8). L'interception de conversations

téléphoniques s'analyse, dès lors, en une ingérence d'une autorité

publique dans l'exercice d'un droit garanti par le paragraphe 1 de

l'article 8 (art. 8) (Cour. eur. D.H., arrêt Klass et autres du 6

septembre 1978, série A n° 28, p. 21, par. 40, arrêt Malone du 2 août

1984, série A n° 82, p. 30, par. 64 et plus récemment, arrêts Kruslin

et Huvig du 24 avril 1990, série A n° 176, respectivement p. 20, par.

26 et p. 52, par. 25).

      En l'espèce, la Commission observe que la ligne de la requérante

n'a pas été mise sur table d'écoutes, et que la requérante n'a pas été

écoutée personnellement, ni même mentionnée dans les conversations

captées et enregistrées. La Commission considère donc que les écoutes

téléphoniques en cause n'ont pas constitué une ingérence dans la vie

privée de la requérante, qui ne peut ainsi se prévaloir de la qualité

de victime.

      La Commission estime dès lors que la requête doit être déclarée

irrecevable comme étant incompatible ratione personae avec les

dispositions de la Convention au sens de son article 27 par. 2

(art. 27-2).

      Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

      DECLARE LE RESTANT DE LA REQUETE IRRECEVABLE.

      Le Secrétaire de la                   Le Président de la

       Deuxième Chambre                       Deuxième Chambre

           (K.ROGGE)                           (S. TRECHSEL)

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