CEDH, Commission (plénière), S.P. c. la FRANCE, 8 juillet 1993, 21051/92

  • Birmanie·
  • Gouvernement·
  • Commission·
  • Frontière·
  • Inde·
  • Pays·
  • Réfugiés·
  • Voies de recours·
  • Indien·
  • Passeport

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Plénière), 8 juill. 1993, n° 21051/92
Numéro(s) : 21051/92
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 23 octobre 1992
Jurisprudence de Strasbourg : Cour Eur. D.H. Arrêt Vijayanathan et Pusparajah du 27 août 1992, série A n° 241-B, p. 86-87, par. 45-46
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-25375
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1993:0708DEC002105192
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

                         SUR LA RECEVABILITE

                  de la requête No 21051/92

                 présentée par S.P.

                 contre la France

                              __________

      La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en

chambre du conseil le 8 juillet 1993 en présence de

      MM. C.A. NØRGAARD, Président

          S. TRECHSEL

          A. WEITZEL

          F. ERMACORA

          G. JÖRUNDSSON

          A.S. GÖZÜBÜYÜK

          A. WEITZEL

          J.-C. SOYER

          H.G. SCHERMERS

          H. DANELIUS

      Sir Basil HALL

      MM. F. MARTINEZ

          C.L. ROZAKIS

      Mme J. LIDDY

      MM. J.-C. GEUS

          M.P. PELLONPÄÄ

          B. MARXER

          G.B. REFFI

          M.A. NOWICKI

          I. CABRAL BARRETO

          B. CONFORTI

      M.  H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;

      Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

      Vu la requête introduite le 23 octobre 1992 par S.S.P. contre la

France et enregistrée le 10 décembre 1992 sous le No de dossier

21051/92 ;

      Vu la décision de la Commission, en date du 10 décembre 1992, de

communiquer la requête ;

      Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le

5 avril 1993 et les observations en réponse présentées par le requérant

le 18 mai 1993 ;

      Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

      Après avoir délibéré,

      Rend la décision suivante :

EN FAIT

      Le requérant, de nationalité birmane et de religion musulmane,

est né en 1957 à Rangoon. Il réside actuellement en France. Devant la

Commission il est représenté par Maître Angela Rech-Moreau, avocat au

barreau de Paris.

      Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les

parties, peuvent se résumer comme suit :

      Le requérant expose que dès l'arrivée au pouvoir, en 1962, du

"Conseil d'Etat pour la restauration de la loi et de l'ordre

(S.L.O.R.C.) et l'instauration du régime militaire du Général Ne Win,

sa famille aurait subi des persécutions en raison de sa religion

musulmane. En effet, les musulmans étaient systématiquement considérés

comme des étrangers et des opposants.

      En décembre 1984, à l'occasion d'une des manifestations

d'opposition au régime, son frère aurait été tué.  Le requérant aurait

été arrêté peu de temps après et maintenu en détention de janvier à

mars 1985.  Durant son incarcération, il aurait subi des mauvais

traitements.  Relâché faute de preuves, il se serait rendu, le

22 octobre 1985, muni d'un passeport birman, à Kosambi en Inde, dans

sa famille paternelle de peur de subir de nouvelles persécutions.  Il

y serait resté jusqu'au 23 juillet 1987, puis se serait rendu, muni

d'un passeport indien, dans la principauté de Dubaï où il aurait

séjourné deux ans avant de gagner la Belgique et, ensuite, la France.

      Le requérant est entré en France le 19 novembre 1989.  Le

26 janvier 1990, il a demandé à être admis au statut de réfugié

politique. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection

des réfugiés et des apatrides (O.F.P.R.A.), en date du 29 avril 1991.

      La Commission des recours des réfugiés a rejeté le recours du

requérant, en date du 11 février 1992, au motif que les éléments de

preuve fournis n'étaient pas suffisamment convaincants.  Elle indiquait

également que la nationalité du requérant n'était pas établie.

      Le 13 mars 1992, le requérant a présenté, par l'intermédiaire de

l'Association France-Birmanie, une demande de réouverture auprès de

l'O.F.P.R.A.

      Le 2 mai 1992, la Préfecture de Paris (Ile de la Cité) a invité

le requérant à quitter le territoire français dans un délai d'un mois.

      Le 29 mai 1992, l'O.F.P.R.A. a rejeté la demande de réexamen du

requérant au motif qu'il se bornait à rappeler les faits déjà invoqués

dans sa précédente requête.

      Le 2 juin 1992, le requérant a fait l'objet d'un arrêté de

reconduite à la frontière.  Il n'a pu prendre connaissance de cet

arrêté, posté le 12 juin 1992, que le 24 juin 1992.  Le préposé du

bureau de poste auquel il se serait adressé, aurait à plusieurs

reprises refusé de lui remettre la lettre recommandée envoyée par la

Préfecture de Paris, sous prétexte que ses papiers n'étaient pas en

règle en raison de l'invitation à quitter le territoire français du

2 mai 1992 prise à son encontre. La notification de l'arrêté de

reconduite contenait l'indication qu'il serait reconduit à destination

du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de

voyage en cours de validité, ou encore à destination de tout autre pays

dans lequel il établissait être légalement admissible. Le requérant

était également informé des droits procéduraux dont il pouvait

bénéficier et, notamment, de la possibilité d'introduire un recours en

annulation de l'arrêté de reconduite dans un délai de 24 heures à

partir de la notification.

      Les 24 juin et 2 juillet 1992, le requérant a demandé son

admission exceptionnelle de séjour en France dans le cadre de la

circulaire du 23 juillet 1991. Ses demandes ont été rejetées.

      Le 9 octobre 1992, la Commission des recours des réfugiés a

déclaré irrecevable le recours du requérant dirigé contre la décision

de l'O.F.P.R.A. en refusant la réouverture de l'examen de son cas.

GRIEFS

      Devant la Commission, le requérant prétend qu'il risque en cas

de retour dans son pays, d'être incarcéré, soumis à des travaux forcés,

torturé, voire tué. Il invoque l'article 3 de la Convention.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

      La requête a été introduite le 23 octobre 1992. Elle a été

enregistrée le 10 décembre 1992.

      Le 10 décembre 1992, la Commission a décidé de porter la requête

à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter

par écrit des observations sur la recevabilité de la requête.  La

Commission a également indiqué au Gouvernement,  en vertu de l'article

36 de son Règlement Intérieur, qu'il serait souhaitable, dans l'intérêt

des parties et du déroulement normal de la procédure, de ne pas

procéder à la reconduite du requérant vers la Birmanie avant le 8 avril

1993. Cette indication a été renouvelée jusqu'au 9 juillet 1993.

      Le 5 avril 1993, le Gouvernement a présenté ses observations sur

la recevabilité et le bien-fondé de la requête.

      Le requérant a présenté ses observations en réponse le

18 mai 1993.

EN DROIT

      Le requérant prétend, qu'en cas de renvoi dans son pays

d'origine, il risque d'être incarcéré, soumis à des travaux forcés,

torturé, voire tué.  Il serait en effet fiché comme ayant des opinions

hostiles au Gouvernement en place.  Il invoque l'article 3 (art. 3) de

la Convention.

      Le Gouvernement soutient que la requête doit être déclarée

irrecevable pour non-épuisement des voies de recours, le requérant

ayant omis de déférer l'arrêté de reconduite à la frontière daté du

2 juin 1992 devant le juge administratif dans les conditions définies

par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur les

étrangers. Le Gouvernement observe, en outre, que l'éloignement du

requérant du territoire français peut être effectué à destination de

l'Inde, dans la mesure où le requérant détient un passeport indien.

Enfin, à supposer même que le requérant soit renvoyé en Birmanie, le

Gouvernement estime qu'aucun élément ne permet de tenir pour établies

les craintes de poursuites et de traitements dégradants que celui-ci

fait valoir.

      Le requérant affirme, pour sa part, qu'il n'a pu prendre

connaissance de l'arrêté de reconduite à la frontière que le 24 juin

1993, alors qu'il avait été posté le 12 juin 1993. De ce fait, le délai

de 24 heures aurait été dépassé et, par conséquent, il ne lui était

plus possible d'introduire le recours prévu à l'article 22 bis de

l'ordonnance du 2 novembre 1945. Il rappelle, en outre, qu'en raison

de ses activités politiques antérieures et de sa religion, il sera

particulièrement exposé à des poursuites en cas de renvoi en Birmanie.

      La Commission observe d'abord que la reconduite du requérant à

la frontière peut avoir lieu vers l'Inde et non vers la Birmanie. Elle

note cependant que l'arrêté de reconduite envisage également le renvoi

du requérant en Birmanie, en tant que "pays dont il a la nationalité".

      En ce qui concerne ce renvoi éventuel vers la Birmanie, la

Commission a examiné l'exception de non-épuisement des voies de recours

internes soulevée par le Gouvernement.

      Elle rappelle que l'obligation d'épuiser les voies de recours

internes concerne les voies de recours qui sont accessibles au

requérant et qui peuvent remédier à la situation dont celui-ci se

plaint (voir, par exemple, No 11681/85, déc. 11.12.87, D.R. 54, p.

101). Un recours qui a pour effet de suspendre une décision de renvoi

d'un étranger dans un pays déterminé est un recours efficace aux fins

de l'article 26 (art. 26) et doit être exercé lorsque le requérant

allègue une violation de l'article 3 (art. 3) de la Convention (No

10078/82, déc. 13.12.84, D.R. 41, p. 103 ; No 10400/83, déc. 14.5.84,

D.R. 38, p. 145 ; No 10760/84, déc. 17.5.84, D.R. 38, p. 225).

      En l'espèce, l'acte des autorités de l'Etat mis en cause, qui

fait grief au requérant, est l'arrêté de reconduite à la frontière du

2 juin 1992. Dès lors, en ce qui concerne la question de savoir si le

requérant a épuisé les voies de recours internes conformément à

l'article 26 (art. 26) de la Convention, seul doit être pris en

considération le recours ayant un effet suspensif, dirigé contre

l'arrêté de reconduite à la frontière, à savoir le recours prévu à

l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

      Le requérant soutient que, dans son cas, pareil recours aurait

été voué à l'échec car le délai de 24 heures était déjà expiré au

moment où il a pris connaissance de l'arrêté de reconduite.

      Le Gouvernement soutient, en revanche, que le délai de 24 heures

court à compter du retrait par le requérant de l'arrêté de reconduite

au guichet du bureau de poste, à savoir le 24 juin 1993. Selon le

Gouvernement, le requérant pouvait introduire un recours devant le

président du tribunal administratif.

      La Commission observe que le requérant a été informé, par l'acte

de notification de l'arrêté de reconduite, de la possibilité

d'introduire le recours, avec effet suspensif, prévu à l'article 22 bis

de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans un délai de 24 heures à partir

de la notification. Celui-ci a omis de recourir à l'encontre de

l'arrêté de reconduite devant le président du tribunal administratif

compétent, alors qu'il lui était loisible de demander à cette

juridiction d'annuler l'arrêté de reconduite à la frontière, pour

autant, notamment, que cet arrêté envisageait que sa reconduite serait

effectuée à destination de son pays d'origine, à savoir la Birmanie.

      La Commission estime dès lors que le requérant a omis d'exercer

le recours prévu à l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945

(voir mutatis mutandis Cour eur. D.H. arrêt Vijayanathan et Pusparajah

du 27 août 1992, série A n° 241-B, p. 86-87, par. 45-46), recours

efficace dont il disposait en droit français.

      La Commission estime par conséquent que le requérant ne s'est pas

conformé à l'obligation, posée à l'article 26 (art. 26) de la

Convention, d'épuiser les voies de recours internes, selon les

principes du droit international généralement reconnus. Il s'ensuit que

la requête doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 3

(art. 27-3) de la Convention.

      Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité

      DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

         Le Secrétaire                         Le Président

        de la Commission                      de la Commission

         (H.C. KRÜGER)                         (C.A. NØRGAARD)

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Commission (plénière), S.P. c. la FRANCE, 8 juillet 1993, 21051/92