CEDH, Commission (plénière), P.M. c. la FRANCE, 8 juillet 1993, 21099/92

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Plénière), 8 juill. 1993, n° 21099/92
Numéro(s) : 21099/92
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 14 décembre 1992
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Boyle and Rice du 27 avril 1988, série A n° 131, p. 25, par. 59
Arrêt Cruz Varas et autres du 20 mars 1991, série A n° 201, p. 28, par. 69-70
Cour Eur. D.H. Arrêt Klass et autres du 6 septembre 1978, série A n° 28, p. 29, par. 64
Arrêt Leander du 26 mars 1987, série A n° 116, p. 28, par. 77
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-25377
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1993:0708DEC002109992
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Texte intégral

                         SUR LA RECEVABILITE

                 de la requête No 21099/92

                 présentée par P.M.

                 contre la France

                              __________

      La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en

chambre du conseil le 8 juillet 1993 en présence de

      MM. C.A. NØRGAARD, Président

          S. TRECHSEL

          A. WEITZEL

          F. ERMACORA

          G. JÖRUNDSSON

          A.S. GÖZÜBÜYÜK

          J.-C. SOYER

          H.G. SCHERMERS

          H. DANELIUS

      Mme G.H. THUNE

      Sir Basil HALL

      MM. F. MARTINEZ

          C.L. ROZAKIS

      Mme J. LIDDY

      MM. J.-C. GEUS

          M.P. PELLONPÄÄ

          B. MARXER

          G.B. REFFI

          M.A. NOWICKI

          I. CABRAL BARRETO

          B. CONFORTI

      M.  H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;

      Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

      Vu la requête introduite le 14 décembre 1992 par P.M. contre la

France et enregistrée le 17 décembre 1992 sous le No de dossier

21099/92 ;

      Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

      Après avoir délibéré,

      Rend la décision suivante :

EN FAIT

      Le requérant est un ressortissant zaïrois né en 1967.  Il est

actuellement en détention provisoire à la maison d'arrêt de Gradignan.

Devant la Commission, il est représenté par Me Brigitte Azéma-Peyret,

avocat au barreau de Bordeaux.

      Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le

requérant, peuvent se résumer comme suit.

      Le 13 septembre 1991, le requérant est arrivé par avion en

Belgique et est ensuite entré en France au cours du même mois. A une

date qui n'est pas précisée, il a présenté une demande d'admission au

statut de réfugié politique devant l'OFPRA. Le requérant a soutenu

qu'en tant que militant du parti d'opposition ABAKO il avait été arrêté

le 12 novembre 1990 alors qu'il tentait de défendre les locaux de son

mouvement investis par la brigade spéciale présidentielle. Il aurait

été placé en détention dans une prison à Kinshasa, puis transféré en

février 1991 dans le camp de Luzumu situé dans la province du Bas

Zaïre. Le requérant a soutenu avoir subi des sévices sexuels et d'avoir

été soumis à des tortures au cours de son incarcération jusqu'en

septembre 1991.  C'est à cette date qu'il serait parvenu à s'évader

avec l'aide d'un gardien du camp soudoyé, selon le requérant, par le

mouvement ABAKO. Il se serait enfui avec un passeport diplomatique que

son chef lui aurait remis.

      Le 29 octobre 1991, l'OFPRA a rejeté sa demande.

      Le 27 novembre 1991, le requérant forma un recours en annulation

de la décision de l'OFPRA devant la Commission des recours des

réfugiés. Il sollicita d'être entendu en personne lors de l'audience

devant la Commission des recours des réfugiés.

      Le 17 mars 1992, la Commission des recours des réfugiés rejeta

son recours en se fondant sur l'insuffisance de preuves apportées par

le requérant à l'appui de sa demande.  En particulier, elle estima que

le certificat médical délivré par l'association Médecins du Monde ne

permettait pas d'établir les faits allégués et de fonder les craintes

énoncées par le requérant.

      Estimant avoir été victime d'une erreur matérielle des services

de la Commission des recours des réfugiés dans la mesure où celle-ci

ne l'avait pas convoqué lors de l'audience où son affaire avait été

examinée, le requérant a introduit, le 10 juin 1992, une requête en

rectification d'erreur matérielle devant la Commission des recours des

réfugiés afin que son dossier soit réexaminé en sa présence. Cette

requête a été enregistrée le 18 juin 1992.

      Par ailleurs, le 24 juin 1992, le requérant décida également

d'introduire un recours en cassation devant le Conseil d'Etat contre

la décision de la Commission des recours des réfugiés.  Le requérant

faisait valoir à l'appui de son recours que la procédure suivie par la

Commission des recours des réfugiés lors de l'examen de son affaire,

était irrégulière au regard de la loi du 25 juillet 1952 et du décret

du 2 mai 1953, dans la mesure où il n'avait été ni convoqué, ni entendu

à l'audience de la Commission des recours des réfugiés, alors qu'il en

avait expressément fait la demande. Le requérant a également demandé

au bureau d'aide judiciaire du Conseil d'Etat à être mis au bénefice

de l'assistance judiciaire.

      Dans l'intervalle, le requérant s'est vu notifier, le

16 juin 1992, un arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet

de la Gironde et daté du 2 juin 1992.

      Le requérant a introduit le 18 juin 1992 un recours pour excès

de pouvoir devant le tribunal administratif de Bordeaux visant à

annuler l'arrêté de reconduite pour erreur manifeste d'appréciation.

Il sollicitait à titre subsidiaire le sursis à exécution de l'arrêté,

afin de permettre à la Commission des recours de réexaminer son dossier

ou au Conseil d'Etat de statuer sur le pourvoi.

      Considérant le recours tardif dans la mesure où celui-ci avait

été introduit après l'expiration du délai des 24 heures prévu à

l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le tribunal

administratif déclara la requête irrecevable par jugement du

19 juin 1992.

      Le requérant a été interpellé par la police le 13 décembre 1992.

Il a été inculpé d'entrée et de séjour irrégulier en France et

d'usurpation d'identité et a été placé en détention provisoire. Le

10 février 1993, il a été renvoyé en jugement devant le tribunal

correctionnel de Bordeaux. Le 4 avril 1993, le requérant a été condamné

à quatre mois d'emprisonnement. Il a été mis en liberté le

15 avril 1993.

      Parallèlement, le renvoi du requérant au Zaire, en exécution de

l'arrêté de reconduite à la frontière, a été organisé par les autorités

préfectorales.

      Le 20 avril 1993, le secrétaire de la Commission des recours des

réfugiés a informé le requérant que l'audience concernant sa demande

de réouverture serait tenue le 13 mai 1993 et qu'il pourrait y

assister. Le 24 avril 1993, le requérant a été assigné à résidence.

      Le 13 mai 1993, la Commission des recours des réfugiés a tenu une

audience au cours de laquelle le requérant et son conseil ont été

entendus.

      Le 8 juin 1993, la Commission des recours a déclaré irrecevable

la demande du requérant, estimant que "la méconnaissance de

l'obligation de convoquer un requérant, lorsque celui-ci en a exprimé

la demande, ne saurait être regardée comme une erreur matérielle".

      Le pourvoi en cassation du requérant devant le Conseil d'Etat est

pendant.

GRIEFS

1.    Le requérant estime que son retour au Zaïre l'exposerait à subir

des traitements contraires à l'article 3 de la Convention et souligne

que cette menace a un caractère effectif dans la mesure où son

appartenance au mouvement d'opposition est connue des autorités

publiques et lui a déjà valu des mauvais traitements lors de son

incarcération dans deux camps au Zaïre.

2.    Le requérant se plaint de ne pas avoir disposé d'un recours

effectif pour faire valoir le risque que comporterait un retour au

Zaïre pour son intégrité physique, voire pour sa vie.

      Il rappelle à ce titre que la Commission des recours des réfugiés

ne l'a pas convoqué lors de l'examen de son affaire alors qu'il en

avait fait expressément la demande et que, dans cette hypothèse, la loi

impose à la Commission de procéder à une audition. Cette autorité a en

outre déclaré irrecevable sa demande de rectification d'erreur

matérielle. Il soutient que sa présence lors de l'examen de son affaire

était indispensable pour préciser et corriger certains éléments

contenus dans la traduction de sa requête.

      Il allègue à ce titre la violation de l'article 13 combiné avec

l'article 3 de la Convention.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

      La requête a été introduite le 14 décembre et enregistrée le

17 décembre 1992. Le 15 décembre 1992, le Président a décidé de ne pas

indiquer au Gouvernement défendeur, en vertu de l'article 36 du

Règlement intérieur de la Commission, les mesures que sollicitait le

requérant.

      Le 20 avril 1993, le requérant a, à nouveau, demandé à la

Commission d'indiquer des mesures provisoires au Gouvernement

défendeur. Le même jour, le Président a décidé d'indiquer au

Gouvernement français, en vertu de l'article 36 du Règlement intérieur,

qu'il serait souhaitable, dans l'intérêt des parties et du déroulement

normal de la procédure, de ne pas procéder à la reconduite du requérant

à la frontière avant le 14 mai 1993.

      Le 27 avril 1993, le Gouvernement a informé la Commission que le

requérant avait été assigné à résidence.

      Le 14 mai 1993, la Commission a décidé de renouveler cette

indication jusqu'au 9 juillet 1993. Elle a également invité les parties

à l'informer de toute décision de la Commission des recours des

réfugiés concernant la demande de réouverture présentée par le

requérant.

      Par lettre du 23 juin 1993, le requérant a informé la Commission

de la décision de la Commission des recours.

EN DROIT

1.    Le requérant souligne que le retour dans son pays d'origine

constitue une réelle menace pour son intégrité physique et risque de

mettre sa vie en péril. Il invoque à cet égard l'article 3 (art. 3) de

la Convention, selon lequel "nul ne peut être soumis à la torture ni

à des peines ou traitements inhumains ou dégradants".

      La Commission rappelle que la Convention ne garantit aucun droit

de séjour ou d'asile dans un Etat dont on n'est pas ressortissant (voir

n° 7256/75, déc. 10.12.76, D.R. 8 p. 161 ). Toutefois selon la

jurisprudence constante des organes de la Convention, la décision de

renvoyer un individu dans son pays d'origine peut, dans certaines

conditions, se révéler contraire à la Convention et notamment à son

article 3 (art. 3) lorsqu'il y a des raisons sérieuses de croire que

cet individu sera soumis, dans l'Etat vers lequel il doit être dirigé,

à des traitements prohibés par cet article (voir notamment N° 12122/86,

déc. 16.10.86, D.R. 30 p. 268 ; Cour eur. D.H. Cruz Varas et autres du

20.3.91, série A n° 201, p. 28, par. 69 - 70).

      La Commission rappelle, en outre, qu'elle ne peut être saisie,

en vertu de l'article 26 (art. 26) de la Convention, qu'après

l'épuisement des voies de recours internes tel qu'il est entendu selon

les principes de droit international généralement reconnus. A cet égard

seules entrent en ligne de compte les voies de recours qui sont

accessibles au requérant et qui peuvent remédier à la situation dont

celui-ci se plaint. S'agissant d'une requête par laquelle il est

allégué que le renvoi de l'intéressé dans un pays déterminé

l'exposerait à un risque sérieux de traitements prohibés par l'article

3 (art. 3) de la Convention, les voies de recours dépourvues d'effet

suspensif ne sauraient être considérées comme efficaces. De plus, la

condition d'épuisement des voies de recours n'est pas remplie lorsqu'un

recours efficace est rejeté à la suite d'une informalité (N° 10636/83,

déc. 1.7.85, D.R. 43 p. 171).

      En l'espèce, la Commission observe que le recours prévu à

l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que le requérant

a introduit à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière le

concernant a été déclaré irrecevable pour tardiveté. La question est

dès lors soulevée de savoir si, compte tenu de la brièveté du délai

prévu pour l'exercice de ce recours et des circonstances particulières

de l'affaire, ce recours était en fait accessible au requérant et,

partant, efficace selon les principes du droit international

généralement reconnus.

      Toutefois, la Commission n'est pas appelée à trancher cette

question car elle estime que la requête est en tout état de cause

irrecevable pour les motifs suivants :

      La Commission relève en effet que le requérant n'a pas présenté

un commencement de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle,

en cas de retour au Zaïre, il serait soumis à des tortures ou à

d'autres traitements prohibés par l'article 3 (art. 3) de la Convention

en raison de son appartenance au parti d'opposition.

      Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal

fondée et doit être rejetée, conformément à l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

2.    Le requérant se plaint, en outre, de ne pas avoir bénéficié d'un

recours effectif pour alléguer le risque de persécutions dont il

pouvait faire l'objet en cas de retour dans son pays d'origine.

      Il invoque à cet égard la violation de l'article 13 combiné avec

l'article 3 (art. 13+3) de la Convention.

      La Commission rappelle que "l'article 13 (art. 13) doit être

interprété comme garantissant un recours effectif devant une instance

nationale à toute personne prétendant que les droits et libertés que

lui reconnaît la Convention ont été violés" (Cour Eur. D.H., arrêt

Klass et autres du 6 septembre 1978, série A n° 28 p. 29, par. 64).

L'article 13 (art. 13) ne saurait cependant s'interpréter comme

exigeant un recours interne pour toute plainte, si injustifiée soit

elle, qu'un individu peut présenter sur le terrain de la Convention :

il doit s'agir d'un grief défendable au regard de celle-ci (Cour Eur.

D.H., arrêt Leander du 26 mars 1987, série A n° 116, p. 29, par. 77 ;

arrêt Boyle et Rice du 27 avril 1988, série A n° 131, p. 25, par. 59).

      En l'espèce, le requérant se plaint de ne pas avoir disposé d'un

recours effectif devant les juridictions nationales pour invoquer le

risque de violation de l'article 3 (art. 3) de la Convention au cas où

il serait renvoyé au Zaïre.

      Or, la Commission, ayant estimé que le grief tiré de l'article

3 (art. 3) est manifestement mal fondé, estime cette allégation non

défendable, pour les besoins de l'article 13 (art. 13) de la

Convention.

      Il s'ensuit que cette partie de la requête est également

manifestement mal fondée et doit être rejetée conformément à l'article

27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

3.    Le requérant invoque enfin l'article 6 (art. 6) de la Convention

et soutient que la procédure devant la Commission des recours des

réfugiés n'a pas été équitable.

      L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dispose, entre

autres, que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un

tribunal, ...  qui décidera, soit des contestations sur ses droits et

obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation

en matière pénale dirigée contre elle". La Commission observe que la

procédure dont le requérant se plaint, à savoir la procédure relative

à sa demande d'octroi d'asile politique, ne concernait ni une

contestation sur ses droits et obligations de caractère civil ni une

accusation en matière pénale (No 12122/86, déc. 16.10.86, D.R. 50 p.

268; No 13162/87, déc. 9.11.87, D.R. 54 p. 211)

      Il s'ensuit que l'article 6 (art. 6) ne s'applique pas en

l'espèce et que cette partie de la requête est incompatible ratione

materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article

27 par. 2 (art. 27-2).

      Par ces motifs, la Commission, à la majorité

      DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

Le Secrétaire de la Commission         Le Président de la Commission

       (H.C. KRÜGER)                        (C.A. NØRGAARD)

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Textes cités dans la décision

  1. Loi n° 52-893 du 25 juillet 1952
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CEDH, Commission (plénière), P.M. c. la FRANCE, 8 juillet 1993, 21099/92