CEDH, Commission (première chambre), GUDEHUS c. la FRANCE, 1er décembre 1993, 18026/91

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Première Chambre), 1er déc. 1993, n° 18026/91
Numéro(s) : 18026/91
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 6 novembre 1989
Jurisprudence de Strasbourg : No 10427/83, déc. 12.5.86, D.R. 47, p. 85
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-27600
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1993:1201DEC001802691
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Texte intégral

                          SUR LA RECEVABILITÉ

                     de la requête No 18026/91

                     présentée par Karl GUDEHUS

                     contre la France

                              __________

     La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er décembre 1993 en

présence de

           MM.   A. WEITZEL, Président

                 C.L. ROZAKIS

                 F. ERMACORA

                 E. BUSUTTIL

                 A.S. GÖZÜBÜYÜK

           Mme   J. LIDDY

           MM.   M.P. PELLONPÄÄ

                 B. MARXER

                 G.B. REFFI

                 B. CONFORTI

                 N. BRATZA

                 I. BÉKÉS

           Mme   M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre

     Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

     Vu la requête introduite le 6 novembre 1989 par Karl GUDEHUS

contre la France et enregistrée le 3 avril 1991 sous le No de dossier

18026/91;

     Vu la décision de la Commission, en date du 8 janvier 1993, de

communiquer une partie de la requête au Gouvernement défendeur et de

déclarer la requête irrecevable pour le surplus ;

     Vu  les observations présentées par le Gouvernement défendeur

le 13 juin 1993 et les observations présentées en réponse par le

requérant le 9 août 1993 ;

     Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

     Après avoir délibéré,

     Rend la décision suivante :

EN FAIT

     Le requérant, ressortissant allemand, né en 1949 à Winsen est

ébéniste.

     Les faits de la cause tels qu'ils ont été exposés par les parties

peuvent se résumer comme suit :

     Le 3 novembre 1987, à Villefranche de Lauragais (Haute-Garonne),

le requérant fut interpellé par les gendarmes alors qu'il était au

volant d'une automobile, et qu'il avait pris la fuite après avoir

refusé d'obtempérer. Les gendarmes procédèrent à la fouille-

perquisition du véhicule signalé comme volé et découvrirent à

l'intérieur des outils et des documents bancaires et administratifs

établis aux noms d'autres personnes. La fouille au corps du requérant

révéla qu'il était porteur d'arme. Une perquisition effectuée au

domicile du requérant et de sa compagne permit de découvrir d'autres

documents ainsi que du matériel. Le 3 novembre 1987, une information

fut ouverte contre X du chef de recel de vols aggravés.

     Le 5 novembre 1987, le requérant fut inculpé de recels de vols

aggravés et placé en détention provisoire. Il fut ensuite

supplétivement inculpé pour d'autres faits relevés par la gendarmerie

de Villefranche de Lauragais, puis pour des faits de vols aggravés par

effraction, recels, contrefaçons et usage de chèques.

     A la suite d'une nouvelle perquisition effectuée le

7 décembre 1987 au domicile du requérant, de nouvelles réquisitions

furent prises pour inculpations supplétives.

     Après avoir nié les faits le requérant déclara, lors de son

troisième interrogatoire par le juge d'instruction, qu'il avait bien

dérobé certains des objets découverts en sa possession mais nia être

l'auteur de certains faits qui lui étaient imputés.

     Par ordonnance du 2 mars 1989, le requérant détenu fut renvoyé

devant le tribunal correctionnel de Carcassonne sous la prévention de

refus d'obtempérer, délit de fuite, port d'armes prohibées, vols avec

effraction, vols simples, recels et contrefaçon ou falsification de

chèques et usage. La compagne du requérant fut également renvoyée

devant le tribunal correctionnel de Carcassonne sous la prévention de

vol et usage de faux en écriture privée de commerce ou de banque. Il

y eut 14 constitutions de partie civile.

     Lors de l'audience du 26 avril 1989, l'avocat du requérant

souleva, avant toute défense au fond, la nullité des procès-verbaux de

fouille au corps, de perquisitions dans le véhicule et au domicile du

requérant, et de saisie sur commission rogatoire. Il contestait que la

fouille ait été faite sur les lieux de l'interpellation et affirmait

qu'elle avait eu lieu postérieurement, lors de la garde à vue, et sans

son assentiment. Il invoquait dès lors la nullité de cette mesure et

des perquisitions suivantes. Il contestait également la régularité de

la mise sous scellés des objets trouvés et la procédure de restitution

à leurs propriétaires de divers objets volés. Il déposa des conclusions

de relaxe ou de mise en liberté immédiate du requérant en cas de

supplément d'information.

     Le tribunal correctionnel de Carcassonne rendit son jugement le

26 avril 1989. Statuant sur les exceptions de nullité, il constata que

le requérant ne contestait pas que la fouille au corps et la

perquisition du véhicule se soient faites dans les formes légales, et

releva que le requérant avait signé le procès-verbal sans formuler

d'observations. Il rejeta l'exception de nullité du procès-verbal de

fouille au corps et, par voie de conséquence, celle concernant la

perquisition au domicile. Il rejeta également l'exception de nullité

de la mise sous scellés en constatant qu'elle avait eu lieu en présence

du requérant dans le cadre de l'information ouverte par le juge

d'instruction suite au refus du requérant d'autoriser la saisie des

objets. Il releva que le procès-verbal était régulièrement signé et

daté et entaché d'aucune irrégularité. Il constata enfin que les

restitutions d'objets avaient été ordonnées sans qu'il soit porté

atteinte aux droits du requérant inculpé. Relaxé au bénéfice du doute

du chef d'un vol et déclaré coupable des autres infractions, le

requérant fut condamné à trois ans d'emprisonnement dont un an avec

sursis. Le tribunal ordonna son maintien en détention et le condamna

à payer des dommages-intérêts aux parties civiles.

     La cour d'appel de Montpellier fut saisie d'un appel du

requérant, du Procureur de la République et d'une partie civile. A

l'audience du 13 juin 1989, le requérant refusa toute assistance d'un

avocat, déposa une copie des conclusions présentées en première

instance, souleva les mêmes exceptions de nullité et demanda sa mise

en liberté. L'affaire fut "mise en délibéré pour l'arrêt être rendu"

à l'audience publique du 27 juin 1989.

     Par lettre avec accusé de réception datée du 20 juin 1989 et

postée le 27 juin 1989, le procureur de la République de Carcassonne,

saisi d'une plainte pour faux et vols déposée par le requérant contre

des gendarmes et des magistrats, écrivit à celui-ci qu'il n'entendait

pas poursuivre. Il s'exprima notamment comme suit : "vous aviez déjà

eu l'occasion d'exposer ces griefs par écrit devant le tribunal

correctionnel de Carcassonne qui ne les a pas retenus. La cour d'appel

de Montpellier a confirmé la décision du tribunal".

     Par arrêt prononcé en audience publique le 27 juin 1989, la cour

d'appel confirma le jugement du tribunal correctionnel de Carcassonne

du 26 avril 1989, sauf en ce qui concerne la peine qu'elle fixa à

quatre ans dont un avec sursis.

     Le 29 juin, le requérant déposa un pourvoi en cassation contre

cet arrêt. Dans un mémoire personnel, il fit notamment valoir  que les

termes de la lettre du procureur de la République du 20 juin 1989

permettaient de douter de l'impartialité de la cour d'appel de

Montpellier puisque, selon lui, il ressortait de la lettre du procureur

de la République datée du 20 juin 1989 que l'arrêt de la cour d'appel

avait été "communiqué en privé" au procureur une semaine avant d'être

effectivement prononcé en audience publique le 27 juin 1989.

     Par arrêt du 2 mai 1990, la Cour de cassation rejeta le pourvoi

formé contre l'arrêt de condamnation du 27 juin 1989.

     Statuant tout d'abord à l'égard du moyen développé dans le

mémoire personnel du requérant, la Cour de cassation considéra qu'il

était pris de la violation de l'article 592 alinéa 3 du code de

procédure pénale et dit : "attendu que l'arrêt attaqué énonce

qu'après débat en audience publique le 13 juin 1989, l'affaire a été

mise en délibéré au 27 juin 1989 et qu'à cette dernière date la cour

d'appel, statuant publiquement, a condamné (le requérant) à une peine

d'emprisonnement, ordonné son maintien en détention et prononcé sur les

intérêts civils; attendu qu'en l'état de ces énonciations, la Cour de

cassation est en mesure de s'assurer qu'il a été satisfait aux

dispositions du texte précité; d'où il suit que le moyen n'est pas

fondé".

GRIEFS

     Invoquant les articles 6 par. 1 et 13 de la Convention, le

requérant infère des termes de la lettre du Procureur de la République

que la cour d'appel a manqué d'impartialité à son égard dans la mesure

où le Procureur a eu connaissance de la décision de la cour d'appel

avant qu'elle ne soit prononcée. Il allègue ne pas avoir bénéficié d'un

recours effectif pour s'en plaindre.

---------------------------

1.    Art. 592 cpp in Chap III "Des ouvertures à cassation"

     Ces décisions notamment les arrêts rendus en dernier ressort par

     les juridictions de jugement sont déclarées nulles lorsqu'elles

     ne sont pas rendues par le nombre de juges prescrit ou qu'elles

     ont été rendues par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les

     audiences de la cause. Lorsque plusieurs audiences ont été

     consacrées à la même affaire, les juges qui ont concouru à la

     décision sont présumés avoir assisté à toutes ces audiences.

     Ces décisions sont également déclarées nulles lorsqu'elles ont

     été rendues sans que le ministère public ait été entendu.

     (L. n° 72-1226 du 29 déc.1972) "Sont, en outre, déclarées nulles

     les décisions qui, sous réserve des exceptions prévues par la

     loi, n'ont pas été rendues ou dont les débats n'ont pas eu lieu

     en audience publique".

----------------------------

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

     La présente requête a été introduite le 6 novembre 1989 et

enregistrée le 3 avril 1991.

     Le 26 octobre 1992, le Rapporteur, en application de l'article

47 par. 2 a) du règlement intérieur a demandé au Gouvernement des

renseignements complémentaires quant au grief du requérant concernant

la lettre du procureur de la République du 20 juin 1989. Cette demande

resta sans suite.

     Le 8 janvier 1993, la Commission, en application de l'article 48

par. 2 b) de son règlement intérieur, a décidé de porter la requête à

la connaissance du Gouvernement français et de l'inviter à lui

présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien

fondé du grief relatif au manque d'impartialité de la cour d'appel de

Montpellier et à l'absence de recours effectif dont le requérant aurait

pu disposer pour s'en plaindre. Par décision du même jour, elle a

également déclaré la requête irrecevable pour le surplus.

EN DROIT

     Le requérant se plaint de la lettre du procureur de la République

du 20 juin 1989 et invoque à cet égard la violation des articles 6 et

13 (art. 6, 13) de la Convention.

     La partie pertinente de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la

Convention est ainsi libellée :

     "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

équitablement... par un tribunal indépendant et impartial... qui

décidera... du bien-fondé de toute accusation pénale dirigée contre

elle".

     L'article 13 (art. 13) de la Convention dispose que:

     "Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la

présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours

effectif devant une instance nationale, alors même que la violation

aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs

fonctions officielles".

     Le Gouvernement produit copie du registre sur lequel le Parquet

de Carcassonne consigne l'ensemble de ses envois postaux. Il apparaît,

au vu de ce document, que le cachet de la poste faisant foi indique que

la lettre du Procureur de la République a été déposée à la Recette

Principale le 27 juin 1989.

     Le Gouvernement considère qu'il y a donc simplement une erreur

matérielle dans la mention de la date figurant en tête de la lettre du

Procureur de la République et que le grief tiré de l'article 6 par. 1

(art. 6-1) de la Convention est dépourvu de tout fondement.

     Quant au grief tiré de l'article 13 (art. 13) de la Convention,

le Gouvernement fait valoir que le requérant n'a pas épuisé les voies

de recours internes. Il relève que le requérant n'a pas formellement

soulevé devant la Cour de cassation un moyen relatif à l'impartialité

de la cour d'appel de Montpellier et qu'il n'a pas usé de la

possibilité de présenter devant la chambre criminelle de la Cour de

cassation une requête en suspicion légitime, conformément à la

possibilité que lui ouvre l'article 662 du code de procédure pénale.

     Le requérant, quant à lui, soutient que, même si le Procureur de

la République ne pouvait avoir eu connaissance de la décision de la

cour d'appel le 20 juin 1989, il pouvait apparaître surprenant qu'il

s'y réfère dans une lettre portant cette date et postée le jour même

du prononcé.

     La Commission considère qu'il est incontestable, au vu du

document produit par le Gouvernement, que la lettre en question a bien

été postée le 27 juin 1993, date du prononcé de l'arrêt en audience

publique. Dans ces conditions, le fait que cette lettre soit datée du

20 juin 1993 n'est pas à lui seul suffisamment probant pour établir que

le Procureur de la République ait eu connaissance de l'arrêt de la cour

d'appel avant qu'il n'ait été prononcé. Le requérant n'ayant fourni

aucun autre élément permettant de mettre en cause l'impartialité de la

cour d'appel, la Commission estime que ce grief doit être rejeté pour

défaut manifeste de fondement en application de l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

     Eu égard à la conclusion qui précède, la Commission estime

également qu'il n'y a eu en l'espèce aucune apparence de violation de

l'article 13 (art. 13) de la Convention, le requérant n'ayant pas de

manière plausible étayé le grief qu'il a présenté au titre de l'article

6 (art. 6) de la Convention (voir Requête N° 10427/83, déc. 12.5.86,

D.R. 47, p. 85). Ce grief doit dès lors également être rejeté en

application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

     Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

     DECLARE LE RESTANT DE LA REQUETE IRRECEVABLE.

     Le Secrétaire                         Le Président

  de la Première Chambre                de la Première chambre

     (M.F. BUQUICCHIO)                       (A.WEITZEL)

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