CEDH, Commission (première chambre), FOFANA c. la FRANCE, 29 juin 1994, 22139/93

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Première Chambre), 29 juin 1994, n° 22139/93
Numéro(s) : 22139/93
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 5 mai 1993
Jurisprudence de Strasbourg : Cour Eur. D.H. Arrêt Cruz Varas et autres du 20 mars 1991, série A n° 201, p. 28, par. 69-70
Arrêt Vijayanathan et Pusparajah du 27 août 1992, série A n° 241-B, par. 46
Arrêt Vilvarajah et autres du 30 octobre 1991, série A n° 215, p. 36, par. 107
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-25783
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1994:0629DEC002213993
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Sur les parties

Texte intégral

                          SUR LA RECEVABILITÉ

                 de la requête No 22139/93

                 présentée par N'Bemba FOFANA

                 contre la France

                              __________

      La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 29 juin 1994 en présence

de

           MM.   A. WEITZEL, Président

                 C.L. ROZAKIS

                 F. ERMACORA

                 E. BUSUTTIL

                 A.S. GÖZÜBÜYÜK

           Mme   J. LIDDY

           MM.   M.P. PELLONPÄÄ

                 B. MARXER

                 G.B. REFFI

                 B. CONFORTI

                 N. BRATZA

                 I. BÉKÉS

                 E. KONSTANTINOV

           Mme   M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre

      Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

      Vu la requête introduite le 5 mai 1993 par M'bemba FOFANA contre

la France et enregistrée le 30 juin 1993 sous le No de dossier

22139/93 ;

      Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

      Après avoir délibéré,

      Rend la décision suivante :

EN FAIT

      Le requérant est un ressortissant guinéen né en 1970 à Komsu Beke

(Guinée). Il se trouve actuellement en Guinée où il a été reconduit de

force. Il est représenté devant la Commission par Maître Jean-Eric

Malabre, avocat à Limoges.

      Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par le

requérant, peuvent se résumer comme suit.

      Le requérant a fait l'objet le 3 juin 1992 d'un arrêté de

reconduite à la frontière pris par le préfet de la Haute Vienne.

      Cette décision lui a été signifiée le 27 mars 1993 par un

magistrat de Lille dans des circonstances que le requérant ne précise

pas.

      Le même jour, le requérant a introduit un recours contre cet

arrêté de reconduite devant le tribunal de grande instance de Lille.

Ce recours a été aussitôt transmis au tribunal administratif de Lille

compétent, dans le cadre de l'article 22 bis de l'ordonnance de 1945

modifiée, pour trancher pareil litige.

      Par ordonnance en date du 29 mars 1993, le président du tribunal

administratif de Lille a transmis la requête au tribunal administratif

de Limoges au motif tiré de l'article 241-3 du Code des tribunaux

administratifs qui prévoit que le tribunal administratif

territorialement compétent est celui dans le ressort duquel  le préfet

ayant pris l'arrêté de reconduite à la frontière a son siège.

      Par décision datée du 31 mars 1993, le tribunal administratif de

Limoges a rejeté le recours du requérant au motif, notamment, que ses

allégations concernant les risques auxquels l'exposerait son renvoi

forcé vers son pays d'origine n'étaient assorties "d'aucun commencement

de justification permettant d'en apprécier le bien-fondé éventuel". Le

jour de l'audience, le requérant se trouvait en rétention

administrative dans les locaux de la police de Lille. Un avocat commis

d'office était cependant présent mais n'avait pu, au préalable,

rencontrer son client afin d'organiser sa défense.

      Quelques heures après le prononcé de la décision de rejet, le

requérant a été embarqué de force sur un vol à destination de la

Guinée. Le représentant du requérant est actuellement sans nouvelle de

son client.

GRIEFS

      Le requérant se plaint des violations des articles 3, 6, 8, 9,

10, 11 et 13 de la Convention.

      Il allègue que son renvoi forcé vers la Guinée, qu'il affirme

avoir fui pour des raisons politiques et du fait de craintes de

persécutions, constitue un traitement qui serait contraire à l'article

3 de la Convention.

      Il se plaint en outre de n'avoir pu bénéficier d'un procès

équitable au sens de l'article 6 dans la mesure notamment où le délai

de 24 heures prévu pour exercer un recours contre l'arrêté de

reconduite dont il a fait l'objet n'est pas "un délai raisonnable" et

que son placement en rétention administrative ainsi que son éloignement

ne lui ont pas permis de bénéficier des garanties de cet article.

      Il soutient également que son droit à la vie familiale garanti

par l'article 8 a été violé, son renvoi forcé vers la Guinée l'ayant

séparé des membres de sa famille résidant en France.

      Il allègue en outre une violation de son droit à la liberté

d'opinion, à la liberté d'expression et à la liberté de réunion

garantis par les articles 9, 10 et 11.

      Le requérant allègue en dernier lieu avoir été privé d'un recours

effectif au sens de l'article 13 : il estime en effet que le contrôle

exercé par le tribunal administratif en pareille espèce est très réduit

et que son éloignement de Limoges le jour de l'audience devant le

tribunal l'a privé d'un recours effectif.

EN DROIT

1.    Le requérant allègue que son renvoi forcé vers la Guinée

l'exposerait à un traitement qui serait contraire à l'article 3

(art. 3) de la Convention.

      La Commission rappelle tout d'abord que, selon sa jurisprudence

constante, la Convention ne garantit aucun droit de séjour ou d'asile

dans un Etat dont on n'est pas ressortissant (voir N° 17550/90 et

N° 17825/91, Vijayanathan et Pusparajah c/ France, Rapport Comm.

5.9.91, série A n° 241-B).

      Cependant, selon la jurisprudence des organes de la Convention,

la décision de renvoyer un individu dans son pays d'origine peut, dans

certaines conditions, se révéler contraire à la Convention et,

notamment à son article 3 (art. 3), lorsqu'il y a des raisons sérieuses

de croire que cet individu sera soumis, dans l'Etat vers lequel il doit

être dirigé, à des traitements prohibés par cet article (voir Cour Eur.

D.H., arrêt Cruz Varas et autres du 20.3.91, série A n° 201,

par. 69-70).

      Toutefois, la Commission constate qu'en l'espèce, le requérant,

qui se trouve actuellement en Guinée, ne fournit aucune précision quant

aux motifs politiques qui l'avaient contraint à fuir son pays. Il ne

produit pas, non plus, d'éléments pouvant étayer la véracité de ses

allégations. Or, la Commission rappelle que celui qui prétend être

confronté à un risque sérieux de traitements contraires à l'article 3

(art. 3) de la Convention s'il est renvoyé vers un pays déterminé doit

étayer ses allégations par un commencement de preuve (N° 12102/86,

déc. 9.5.86, D.R. 47, p. 286).

      La Commission estime dès lors qu'il n'existe aucun motif sérieux

et avéré de croire que le renvoi du requérant vers la Guinée l'a exposé

à un risque réel de traitement contraire à l'article 3 (art. 3) de la

Convention.

      Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être

rejeté en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la

Convention.

2.    Le requérant se plaint d'une violation de l'article 6

(art. 6) de la Convention et affirme, qu'en ce qui concerne son recours

formé devant le tribunal administratif contre l'arrêté de reconduite

dont il a fait l'objet, sa cause n'a pas été entendue équitablement.

      La Commission considère qu'un tel grief est incompatible ratione

materiae avec les dispositions de la Convention. Un arrêté de

reconduite n'implique, en effet, aucune décision sur les droits et

obligations de caractère civil du requérant ni sur le bien-fondé d'une

accusation pénale dirigée contre lui (voir, par exemple, N° 9990/82,

déc. 15.5.84, D.R. 39, p. 119).

      Il s'ensuit que ce grief est incompatible avec les dispositions

de la Convention et doit être rejeté en application de l'article 27

par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

3.    Le requérant allègue une violation de l'article 8 (art. 8) de la

Convention, son renvoi forcé vers la Guinée l'ayant séparé des membres

de sa famille résidant en France.

      La Commission rappelle que, bien que la Convention ne garantisse

pas le droit d'entrée ou de séjour dans un pays particulier, le renvoi

d'un étranger d'un pays où résident ses proches parents peut soulever

une question au regard de l'article 8 (art. 8) de la Convention en ce

qu'il garantit le droit au respect de la vie familiale (cf. N° 9478/81,

déc. 8.12.81, D.R. 27 p. 243).

      Elle constate cependant, qu'en l'espèce, le requérant se contente

d'affirmer que son renvoi forcé vers la Guinée a porté atteinte à sa

vie familiale sans préciser ni le lien de dépendance l'unissant aux

"membres de sa famille" résidant en France, ni les circonstances

permettant de démontrer l'atteinte portée à cette vie familiale.

      La Commission estime dès lors qu'il n'existe aucun motif sérieux

et avéré de croire que le renvoi du requérant vers la Guinée a porté

atteinte à sa vie familiale.

      Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant

manifestement mal fondé, conformément à l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

4.    Le requérant soutient avoir été privé d'un recours effectif au

sens de l'article 13 (art. 13) de la Convention.

      Toutefois, selon la jurisprudence constante de la Commission

concernant l'interprétation de l'article 13 (art. 13), le requérant qui

allègue que ses droits garantis par la Convention ont été violés, doit

disposer d'un recours effectif devant une instance nationale pour

exposer ce grief. Cela ne signifie pas que le grief du requérant doive

être justifié et que l'intéressé doive "gagner" son procès. Il doit

simplement avoir la possibilité de faire examiner ce grief conformément

aux exigences de l'article 13 (art. 13) par une instance nationale en

mesure d'examiner le bien-fondé de sa plainte (voir, par exemple,

N° 11468/85, déc. 15.10.86, D.R. 50 p. 217).

      La Commission relève qu'en l'espèce, le requérant disposait,

contre l'arrêté de reconduite dont il a fait l'objet, d'un recours

devant le tribunal administratif, recours qu'il a utilisé. Elle note

par ailleurs que le tribunal administratif de Limoges s'est prononcé

sur le bien-fondé du recours exercé par le requérant. Ce dernier

conteste la décision du tribunal administratif rejetant son recours

sans démontrer en quoi ce recours n'est pas efficace.

      Il s'ensuit que ce grief doit être également rejeté comme étant

manifestement mal fondé, conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2)

de la Convention.

5.    Quant aux autres griefs du requérant, tirés notamment des

articles 9, 10 et 11 (art. 9, 10, 11) de la Convention, la Commission

estime que leur examen ne permet de déceler aucune apparence de

violation des droits et libertés garantis par la Convention et

notamment par les dispositions précitées.

      Il s'ensuit que ces griefs sont également manifestement mal

fondés, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

      Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité

      DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

           Le Secrétaire                    Le Président

      de la Première Chambre           de la Première Chambre

         (M.F. BUQUICCHIO)                  (A. WEITZEL)

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