CEDH, Commission (première chambre), MAKHLOUFI DONELLI c. l'ITALIE, 11 mai 1994, 19733/92
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Première Chambre), 11 mai 1994, n° 19733/92 |
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Numéro(s) : | 19733/92 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 5 mars 1992 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-27181 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1994:0511DEC001973392 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête No 19733/92
présentée par Carlo MAKHLOUFI DONELLI
contre l'Italie
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première Chambre),
siégeant en chambre du conseil le 11 mai 1994 en présence de
MM. A. WEITZEL, Président
C.L. ROZAKIS
A.S. GÖZÜBÜYÜK
Mme J. LIDDY
MM. M.P. PELLONPÄÄ
G.B. REFFI
B. CONFORTI
N. BRATZA
I. BÉKÉS
E. KONSTANTINOV
Mme M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre.
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme
et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 5 mars 1992 par Carlo MAKHLOUFI DONELLI
contre l'Italie et enregistrée le 20 mars 1992 sous le No de dossier
19733/92 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant italien né en 1956 et résidant à
Gênes. Il est entrepreneur.
Dans la procédure devant la Commission il est représenté par
Me Patrizio Foschi, avocat à Gênes.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par le
requérant, peuvent se résumer comme suit.
Du 24 avril 1979 jusqu'au 30 juin 1980, le requérant a été
administrateur d'une société de transports maritimes située à Gênes.
Le 14 juin 1984, le tribunal civil de Gênes prononça la faillite de
ladite société.
Le 11 août 1984, une procédure pénale (No 2619/84 C) en rapport avec
la faillite de la société administrée par le requérant fut ouverte auprès
du parquet de Gênes.
Le 28 avril 1988, le substitut du procureur de la République de
Gênes interrogea le syndic de la faillite en sa qualité de témoin. Au
cours de ce même interrogatoire, ce dernier avait déclaré qu'il
considérait le requérant responsable d'avoir détourné en sa faveur des
sommes appartenant à la société.
Le 22 novembre 1988, la procédure No 2619/84 C fut jointe à la
procédure No 2687/88 A, relative à l'enquête pour banqueroute frauduleuse
qui venait d'être ouverte à l'encontre du requérant.
Le 25 novembre 1988, le parquet de Gênes envoya les actes de la
procédure au juge d'instruction et lui demanda l'ouverture d'une
instruction formelle à l'encontre du requérant.
Le 14 avril 1989, le requérant reçut un avis de poursuites qui
l'informait qu'il faisait l'objet d'une procédure pénale pour banqueroute
frauduleuse.
Le 25 octobre 1989, le juge d'instruction renvoya les actes de la
procédure au parquet pour qu'il procède selon les dispositions du nouveau
Code de procédure pénale italien, entré en vigueur le 24 octobre 1989.
En effet, l'article 242 des dispositions transitoires du nouveau Code de
procédure pénale prévoyait que les procédures pendantes en instruction
à la date d'entrée en vigueur dudit Code devaient continuer suivant les
dispositions de l'ancien Code de procédure pénale si le juge
d'instruction avait accompli un acte d'instruction et s'il avait déjà
interrogé le prévenu. Or, tel n'était pas le cas du requérant.
Le 4 décembre 1990, la procédure fut réinscrite au rôle auprès du
parquet de Gênes sous le No 5276/90.
Le 12 février 1991, le juge pour l'enquête préliminaire renvoya le
requérant en jugement devant le tribunal de Gênes.
La première audience devant cette dernière juridiction eut lieu le
26 avril 1991.
Par jugement du 17 septembre 1991, déposé au greffe le
21 septembre 1991, le requérant fut acquitté pour n'avoir pas commis les
faits. Ce jugement passa en force de chose jugée le 4 novembre 1991.
GRIEFS
Le requérant se plaint tout d'abord de la durée de la procédure et
invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
Il se plaint ensuite de n'avoir pas été informé dans le plus court
délai et d'une manière détaillée de la nature et de la cause de
l'accusation portée contre lui. En particulier, il se plaint de n'avoir
reçu un avis de poursuites que le 14 avril 1989, alors que la procédure
à son encontre avait débuté en 1984. Il invoque à cet égard
l'article 6 par. 3 a) de la Convention.
EN DROIT
1. Le premier grief du requérant porte sur la durée de la procédure.
Le requérant soutient que la procédure pénale dont il a fait l'objet
en réalité aurait déjà commencé en 1984.
La Commission rappelle à cet égard la jurisprudence de la Cour,
selon laquelle "pour contrôler en matière pénale le respect du 'délai
raisonnable' de l'article 6 par. 1 (art. 6-1), il faut commencer par
rechercher à partir de quand une personne se trouve 'accusée' ... Si
l''accusation', au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1), peut en général
se définir 'comme la notification officielle, émanant de l'autorité
compétente, du reproche d'avoir accompli une infraction pénale', elle
peut dans certains cas revêtir la forme d'autres mesures impliquant un
tel reproche et entraînant elles aussi des répercussions importantes sur
la situation du suspect" (voir Cour eur. D.H., arrêt Corigliano du 10
décembre 1982, série A No 57, p. 13, par. 34).
La Commission considère que, même à supposer que le requérant ait
fait indirectement l'objet d'une enquête préliminaire dès 1984 pour le
délit dont il a été formellement inculpé par la suite, il ne ressort pas
du dossier qu'une telle enquête ait eu des répercussions sur sa situation
avant la notification de l'avis de poursuites du 14 avril 1989. La
Commission estime par conséquent devoir retenir cette dernière date comme
point de départ de l'"accusation" au sens de l'article 6 par. 1
(art. 6-1) de la Convention (cf. Cour eur. D.H., arrêt Corigliano
précité, p. 13, par. 35).
La durée de la procédure litigieuse, qui s'est terminée le
4 novembre 1991, date à laquelle le jugement du tribunal de Gênes du
21 septembre 1991 est passé en force de chose jugée, est donc d'environ
deux ans et six mois.
Selon le requérant, la durée de la procédure ne répond pas à
l'exigence du "délai raisonnable" (article 6 par. 1 (art. 6-1) de la
Convention).
La Commission rappelle que le caractère raisonnable de la durée
d'une procédure doit s'apprécier suivant les circonstances de la cause
et à l'aide des critères suivants: la complexité de l'affaire, le
comportement des parties et le comportement des autorités saisies de
l'affaire (voir Cour eur. D.H., arrêt Kemmache du 27 novembre 1991, série
A No 218, p. 27, par. 60).
La Commission note qu'après la notification au requérant, le
14 avril 1989, d'un avis de poursuites pour banqueroute frauduleuse et
jusqu'au renvoi des actes de la procédure au parquet de Gênes par le juge
d'instruction, le 25 octobre 1989, suite à l'entrée en vigueur du nouveau
Code de procédure pénale italien, six mois se sont écoulés sans qu'aucun
acte de la procédure n'ait été accompli. Elle relève en outre une période
d'inactivité totale de treize mois imputable à l'Etat, comprise entre le
25 octobre 1989 et le 4 décembre 1990, date à laquelle la procédure
litigieuse fut réinscrite au rôle sous un nouveau numéro.
La Commission considère que ces laps de temps peuvent sembler de
prime abord excessifs, surtout si on considère que la procédure en cause
ne revêtait aucune complexité. Toutefois, si on les rapproche, comme il
se doit, de la durée totale de la procédure, ils apparaissent tolérables.
Partant, la Commission estime que la durée globale de la procédure
ne se révèle pas suffisamment importante pour que l'on puisse conclure
à une apparence de violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la
Convention.
Il s'ensuit que ce grief du requérant est manifestement mal fondé
et doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de
la Convention.
2. Le requérant se plaint également de n'avoir pas été informé dans le
plus court délai et d'une manière détaillée de la nature et de la cause
de l'accusation portée contre lui, car il ne reçut un avis de poursuites
que le 14 avril 1989, alors que la procédure avait été commencée en 1984.
Il allègue de ce fait une violation de l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a)
de la Convention.
La Commission note à cet égard que le requérant a été acquitté à
l'issue de la procédure dont il a fait l'objet. Il s'ensuit qu'il ne peut
plus se prétendre victime d'une violation de la disposition invoquée et
que cette partie de la requête est donc elle aussi manifestement mal
fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire Le Président
de la Première Chambre de la Première Chambre
(M.F. BUQUICCHIO) (A. WEITZEL)