CEDH, Commission (plénière), ASENSIO SERQUEDA c. ESPAGNE, 9 mai 1994, 23151/94
Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Plénière), 9 mai 1994, n° 23151/94 |
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Numéro(s) : | 23151/94 |
Publication : | D.R. n° 77-A, p. 122 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 19 octobre 1993 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-27232 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1994:0509DEC002315194 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête No 23151/94
présentée par Josep ASENSIO SERQUEDA
contre l'Espagne
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en
chambre du conseil le 9 mai 1994 en présence de
MM. C.A. NØRGAARD, Président
S. TRECHSEL
A. WEITZEL
A. S. GÖZÜBÜYÜK
J.-C. SOYER
H.G. SCHERMERS
H. DANELIUS
F. MARTINEZ
Mme J. LIDDY
MM. L. LOUCAIDES
J.-C. GEUS
M.P. PELLONPÄÄ
G.B. REFFI
M.A. NOWICKI
I. CABRAL BARRETO
B. CONFORTI
N. BRATZA
I. BÉKÉS
J. MUCHA
D. SVÁBY
M. M. de SALVIA, Secrétaire adjoint de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 19 octobre 1993 par Josep ASENSIO
SERQUEDA contre l'Espagne et enregistrée le 3 janvier 1994 sous le No
de dossier 23151/94 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant espagnol né en 1964 et résidant
à Barcelone.
a) Circonstances particulières de l'affaire
Les faits de la cause, tels qu'exposés par le requérant, peuvent
se résumer comme suit :
Le 28 avril 1993, le requérant présenta sa candidature aux
élections pour le sénat, qui devaient avoir lieu le 6 juin 1993. Le
Collège Provincial de Contrôle des Elections (Junta Electoral
Provincial) l'informa que, pour que sa candidature puisse être retenue,
il devait être soutenu par 1% des personnes inscrites sur les listes
électorales de la Province de Barcelone, conformément à l'article 169.3
de la loi organique du régime électoral général.
Le 30 avril 1993, le requérant présenta 412 signatures de
personnes le soutenant et, dans une lettre, contesta la
constitutionnalité de l'article 169.3 de la loi électorale. Il faisait
valoir que cette disposition était contraire aux principes de
participation directe des citoyens à la vie politique, de l'égalité des
personnes et plus largement contre la démocratie. Il faisait remarquer
notamment que, s'il avait présenté sa candidature dans la
circonscription de Melilla (la plus petite d'Espagne), ses
412 signatures auraient été suffisantes, alors qu'il lui en fallait
37.000 à Barcelone. Son recours fut rejeté par le Collège Provincial
de Contrôle de Barcelone le 5 mai 1993.
Le requérant présenta alors un recours contentieux devant le
Tribunal Supérieur de Justice de Catalogne. Celui-ci fut rejeté le
13 mai 1993. Le requérant forma un recours d'amparo et demanda le
bénéfice de l'aide judiciaire, qui lui fut accordée. Par décision
(Providencia) du 19 mai 1993, le Tribunal Constitutionnel rejeta le
recours pour défaut manifeste de fondement. La haute juridiction,
après avoir fait observer que l'exigence du pourcentage de 1% des
signatures des inscrits sur les listes électorales ne concernait que
les groupements d'électeurs et non les partis politiques, qui eux
étaient soumis à d'autres exigences spécifiques, déclara qu'une telle
condition visait à concrétiser l'exercice du droit à se présenter aux
élections (derecho electoral pasivo) de façon raisonnable et dépourvue
d'arbitraire et qu'elle ne pouvait être entachée d'inconstitu-
tionnalité.
b) Législation interne applicable
Aux termes de l'article 6 de la Constitution espagnole :
"Les partis politiques expriment le pluralisme politique, ils
concourent à la formation et à la manifestation de la volonté
populaire et sont un instrument fondamental de la participation
politique. Ils se forment et exercent leur activité librement,
dans le respect de la Constitution et de la loi. Leur structure
interne et leur fonctionnement doivent être démocratiques."
Par ailleurs, l'article 23 dispose que :
"1. Les citoyens ont le droit de participer aux affaires
publiques, directement ou par l'intermédiaire de représentants
librement élus à des élections périodiques au suffrage universel.
2. De même, ils ont le droit d'accéder, dans des conditions
d'égalité, aux fonctions et aux emplois publics, compte tenu des
exigences requises par les lois."
Quant aux conditions requises pour présenter des candidatures aux
élections, l'article 44 de la Loi organique électorale de 1985 établit
que peuvent présenter des candidats aux différentes élections :
1) les partis ou fédérations de partis inscrits sur les registres
correspondants,
2) les coalitions de partis et
3) les groupements d'électeurs remplissant les conditions établies
par cette loi.
Pour ce qui est de la présentation de candidats aux élections au
Congrès des députés et au Sénat, l'article 169 de la Loi organique
dispose que les groupements d'électeurs désirant présenter des
candidats doivent compter avec la signature d'au moins 1% des inscrits
sur la liste électorale de la circonscription.
GRIEFS
Le requérant estime que le rejet de sa candidature aux élections
sénatoriales constitue une violation de multiples dispositions
relevant, soit de l'ordre constitutionnel interne, soit de l'ordre
international. Il allègue en particulier la violation des articles 1,
9, 10, 14, 23 et 48 de la Constitution espagnole. Il invoque également
les articles 1, 2, 6, 7, 8, 10, 21 et 30 de la Déclaration universelle
des Droits de l'Homme.
Le requérant se plaint aussi de la violation des articles 6, 13,
14, 17, 60 de la Convention et l'article 3 du Protocole N° 1 à la
Convention.
EN DROIT
1) Le requérant se plaint que le rejet de sa candidature aux
élections au Sénat constitue notamment une violation de certaines
dispositions de la Constitution espagnole et de la Déclaration
universelle des Droits de l'Homme.
La Commission rappelle cependant, qu'aux termes de l'article 25
par. 1 (art. 25-1) de la Convention européenne des Droits de l'Homme,
seule la violation alléguée d'un des droits et libertés reconnus dans
la Convention ou l'un de ses protocoles peut faire l'objet d'une
requête.
Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée
comme étant incompatible ratione materiae avec les dispositions de la
Convention au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2).
2) Le requérant se plaint, sans étayer son grief, que les décisions
des juridictions espagnoles portent atteinte à l'article 6 (art. 6) de
la Convention.
La Commission rappelle que les procédures concernant le
contentieux électoral échappent au champ d'application de l'article 6
(art. 6) de la Convention. La légalité d'une élection concerne
l'exercice d'un droit de caractère politique et ne porte pas sur des
droits et obligations de caractère civil (cf. N° 11068/84, déc. 6.5.85,
D.R. 43 p. 195). Pour ce qui est des articles 17 et 60 (art. 17, 60)
de la Convention, la Commission ne voit pas en quoi ces dispositions
sont concernées par le problème du requérant.
Il s'ensuit que ces griefs sont également incompatibles ratione
materiae avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 27
par. 2 (art. 27-2).
3) Le requérant se plaint que le rejet de sa candidature aux
élections sénatoriales constitue une violation de l'article 3 du
Protocole N° 1 (P1-3) à la Convention et des articles 14 et 13
(art. 14, 13) de la Convention.
La Commission rappelle que l'article 3 du Protocole n° 1
(P1-3) à la Convention garantit en principe le droit de vote et le
droit de se porter candidat lors d'élections législatives, mais que les
Etats peuvent toutefois assigner certaines limites à ces droits (cf.
N° 6745/74 et 6746/74, déc. 30.5.75, D.R. 2 p. 110). Ainsi, les
conditions posées par les Etats concernant le nombre de signatures
exigées pour la présentation d'une liste électorale ne constituent pas
une entrave à l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif (cf.
N° 7008/75, déc. 12.7.76, D.R. 6 p. 120). Examinant le grief en
liaison avec l'article 14 (art. 14) de la Convention, la Commission
constate que le pourcentage de signatures exigé pour la présentation
de candidatures au Sénat est le même pour toutes les circonscriptions
électorales. Elle considère que le fait d'exiger un nombre différent
de signatures, en fonction de la population de chaque circonscription,
ne constitue pas une mesure discriminatoire au sens de l'article 14
(art. 14). Quant à l'article 13 (art. 13) de la Convention, la
Commission rappelle que cet article garantit un recours effectif à
quiconque allègue une violation de la Convention, abstraction faite du
bien-fondé de l'allégation, pourvu qu'elle soit défendable ("arguable
claim"), ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Au demeurant, la
Commission constate que le requérant a pu soumettre ses griefs à deux
juridictions espagnoles, devant lesquelles il a pu faire valoir les
arguments qu'il a estimé utiles.
Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée
comme étant manifestement mal fondée, en application de l'article 27
par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
En conséquence, la Commission, à la majorité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire adjdoint Le Président
de la Commission de la Commission
(M. de SALVIA) (C.A. NØRGAARD)
Textes cités dans la décision