CEDH, Commission (deuxième chambre), S.P.R.L. ANCA ET AUTRES c. la BELGIQUE, 15 mai 1996, 26363/95

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 15 mai 1996, n° 26363/95
Numéro(s) : 26363/95
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 29 décembre 1994
Jurisprudence de Strasbourg : Kaplan c/R.U., rapport. Comm. 17.7.80, D.R. 21, p. 5
No 10733/84, déc. 11.3.85, D.R. 41, p. 211
No 11278/84, déc. 1.7.85, D.R. 43, p. 216
No 1706/62, Recueil 21, p. 34
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-27785
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1996:0515DEC002636395
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Texte intégral

                          SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête N° 26363/95

présentée par la S.P.R.L. ANCA et autres

contre la Belgique

                            __________

      La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 15 mai 1996 en présence de

           M.    H. DANELIUS, Président

           Mme   G.H. THUNE

           MM.   G. JÖRUNDSSON

                 J.-C. SOYER

                 H.G. SCHERMERS

                 F. MARTINEZ

                 L. LOUCAIDES

                 J.-C. GEUS

                 M.A. NOWICKI

                 I. CABRAL BARRETO

                 J. MUCHA

                 D. SVÁBY

                 P. LORENZEN

           Mme   M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;

      Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

      Vu la requête introduite le 29 décembre 1994 par la S.P.R.L. ANCA

et autres contre la Belgique et enregistrée le 30 janvier 1995 sous le

N° de dossier 26363/95 ;

      Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

      Après avoir délibéré,

      Rend la décision suivante :

EN FAIT

      La première requérante, la société de personnes à responsabilité

limitée Anderlecht Café, en abrégé ANCA, ayant son siège social à

Saint-Josse-ten-Noode, est représentée par le deuxième requérant,

Daniel De Keyser, gérant de la société.  Elle est actuellement en

liquidation.  Ce dernier et son épouse, Marguerite Stourme, troisième

requérante, sont de nationalité belge.  Nés respectivement en 1944 et

1947, ils sont domiciliés à Dilbeek.  En 1984, le deuxième requérant

était propriétaire de 91 parts sur 100 dans la société, les parts

restantes appartenant à W.

      Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par les

requérants, peuvent se résumer comme suit :

      Les trois requérants sont représentés dans la procédure devant

la Commission par Maître Jacques de Suray, avocat à Bruxelles.

      Le 9 octobre 1978, les trois requérants conjointement ont

emprunté à X. deux millions de francs belges.

      Le 9 octobre 1980, la première requérante conjointement avec les

deuxième et troisième requérants, qui se sont portés cautions

solidaires, ont achété deux biens à Y. pour un montant total de

515.040 francs belges.

      Par lettre du 26 janvier 1982, dans le cadre d'une enquête

commerciale, le deuxième requérant, en sa qualité de gérant, fut invité

par le président du tribunal de commerce de Bruxelles à se présenter

le 1er février 1982 en chambre du conseil du tribunal de commerce pour

être entendu.  La lettre précisait que, le cas échéant, la faillite

pourrait être prononcée d'office en audience publique.

      Le 1er février 1982, le tribunal de commerce, composé des

magistrats ayant siégé en chambre du conseil, prononça d'office la

faillite de la première requérante.

      Le 5 février 1982, la première requérante fit opposition au

jugement déclaratif de faillite.

      Par jugement du 5 mai 1982, le tribunal de commerce déclara

l'opposition non fondée et confirma le jugement.  La première

requérante interjeta appel.

      Le 16 décembre 1982, la cour d'appel de Bruxelles annula le

jugement entrepris, déclara fondée l'opposition contre le jugement

déclaratif de faillite et rapporta la faillite.  Elle déclara que le

jugement déclaratif de faillite était nul en raison, d'une part, du

fait que le tribunal, ayant entendu en chambre du conseil le futur

failli, n'avait pas justifié les circonstances particulières l'ayant

déterminé à déroger à la règle de la publicité des débats et, d'autre

part, du fait que l'instruction n'avait pas le caractère contradictoire

requis par la loi, le futur failli n'ayant pu assister à l'audition de

ses créanciers.  La cour mit les dépens à la charge de la première

requérante au motif que la faillite avait été prononcée à la suite

d'une négligence considérable dans la gestion des affaires.

      Le 13 janvier 1983, les requérants saisirent la Commission d'une

requête, enregistrée le 4 février 1984 sous le N° de dossier 10259/83,

et déclarée irrecevable par décision du 10 décembre 1984 (N° 10259/83,

déc. 10.12.84, D.R. 40 p. 170).

      Le 22 janvier 1985, les requérants introduisirent une action en

responsabilité contre l'Etat belge en vue de réparer le préjudice causé

par la déclaration de faillite qu'ils estimaient fautive. Ils

demandèrent, en ordre principal, le paiement d'une indemnité totale de

12.500.000 F.B. et, en ordre subsidiaire, la désignation d'un expert

pour chiffrer le préjudice matériel et moral subi.

      Par jugement du 24 décembre 1987, le tribunal de première

instance de Bruxelles déclara la demande irrecevable. Il déclara que

la responsabilité de l'Etat ne pouvait être recherchée pour des fautes

commises par des magistrats de l'ordre judiciaire dans l'exercice de

leur fonction que dans les cas de prise à partie prévus par l'article

1140 du Code judiciaire.

      Sur appel des requérants, la cour d'appel de Bruxelles confirma,

par arrêt du 21 novembre 1989, la décision d'irrecevabilité prise en

première instance.

      Sur pourvoi des requérants, la Cour de cassation cassa, par

décision du 19 décembre 1991, l'arrêt du 21 novembre 1989 et renvoya

la cause à la cour d'appel de Liège. Elle estima en effet que la cour

d'appel de Bruxelles n'avait pas légalement justifié sa décision.

      Par arrêt du 28 janvier 1993, la cour d'appel de Liège déclara

la demande des requérants recevable mais non fondée. Elle releva que

si l'Etat pouvait être rendu responsable du dommage résultant d'une

décision de justice, l'annulation d'un jugement de faillite était une

condition nécessaire mais non suffisante à l'admission d'une éventuelle

responsabilité de l'Etat. Elle rappela qu'il fallait en outre établir

une faute, en se fondant sur le critère du magistrat normalement

soigneux et prudent placé dans les mêmes conditions et circonstances

de temps, après vérification, dans le chef de la victime, de l'absence

de contribution au préjudice dont la réparation était demandée. Elle

estima qu'en l'espèce il n'y avait pas eu de comportement fautif, dans

la mesure où la procédure suivie par le tribunal de commerce ne

s'écartait pas à ce point des normes établies au moment de sa décision

qu'un magistrat normalement soigneux et prudent aurait dû s'abstenir

d'y avoir recours; ceci même si la décision rendue avait ultérieurement

été considérée comme entachée de nullité. La cour d'appel ajouta qu'il

fallait en outre établir un lien de causalité entre la faute alléguée

et le dommage invoqué, ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce. Elle

constata en effet qu'il apparaissait de divers éléments du dossier que

la première requérante était bien en faillite au moment où la faillite

d'office avait été prononcée.

      Les requérants se pourvurent en cassation. Ils invoquaient, outre

diverses dispositions internes, l'article 6 de la Convention.

      Par arrêt du 8 décembre 1994, la Cour de cassation rejeta le

pourvoi, estimant qu'il ressortait des règles applicables à la

responsabilité des magistrats et des considérations de la cour d'appel

que celle-ci avait pu déduire, sans violer les dispositions invoquées

par les requérants, qu'aucune faute pouvant engager la responsabilité

de l'Etat n'avait été commise.

GRIEFS

1.    Les requérants se plaignent d'une violation de l'article 6 par. 1

de la Convention lors de la procédure devant la Cour de cassation. Se

référant à l'arrêt Borgers (Cour eur. D.H., arrêt du 30 octobre 1991,

série A n° 214), ils font valoir qu'un membre du ministère public a

participé au délibéré de la Cour de cassation.

2.    Les requérants se plaignent en outre d'une violation de l'article

14 de la Convention. Ils expliquent qu'un magistrat ne peut pas être

exonéré de sa faute en invoquant la pratique judiciaire et la

jurisprudence lorsqu'elles n'ont pas de base légale. Ils font valoir

que la pratique, lorsqu'elle s'avère mauvaise, et la jurisprudence qui

l'approuve ne sont pas créatrices de droits et n'exonèrent en rien de

sa responsabilité le juge qui les applique.

EN DROIT

1.    A titre préliminaire, la Commission a examiné la question de

savoir si les trois requérants avaient qualité pour agir devant la

Commission.

      Cette question doit être examinée eu égard à l'article 25, par. 1

(art. 25-1) de la Convention, dont le passage pertinent est ainsi

libellé :

      "La Commission peut être saisie d'une requête adressée au

      Secrétaire Général du Conseil de l'Europe par toute personne

      physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe

      de particuliers, qui se prétend victime d'une violation par l'une

      des Hautes Parties Contractantes des droits reconnus dans la

      présente Convention(...)".

      La Commission rappelle que dans sa décision précitée du

10 décembre 1984, elle s'était prononcée sur cette question en ces

termes :

      "Pour satisfaire aux prescriptions de l'article 25, par. 1er

      (art. 25-1)  de la Convention, deux conditions doivent être

      remplies : le demandeur doit entrer dans l'une des catégories de

      requérants mentionnés à l'article 25 (art. 25) et il doit, selon

      un premier examen, pouvoir se prétendre victime d'une violation.

      Pour ce qui concerne la première requérante, il est clair que les

      deux conditions sont remplies.  Anca est une personne morale en

      droit belge, une société de personnes à responsabilité limitée,

      dotée de la capacité juridique et constituée conformément à la

      loi.  En cette qualité, il est clair qu'elle entre dans la

      catégorie "organisation non gouvernementale" mentionnée à

      l'article 25 (art. 25).  De surcroît, Anca était partie dans la

      procédure nationale incriminée et les décisions des juridictions

      internes la visent expressément.  Il s'ensuit que la première

      requérante a sans aucun doute qualité pour agir devant la

      Commission.

      Le deuxième requérant entre en tant que personne physique dans

      l'une des catégories visées par l'article 25 (art. 25) précité.

      Devant la Commission, il agit en tant que gérant et en sa qualité

      personnelle.  A cet égard, il est précisé que le requérant a

      contracté conjointement avec la première requérante certaines

      obligations - à savoir emprunté 2 millions de francs et acheté

      à crédit des biens pour un montant de 515.040 francs - et s'est

      porté caution solidaire.  Le solde de ces dettes étant devenu

      exigible du fait de la faillite, il a été fait appel à son

      cautionnement.

      Se référant à sa jurisprudence (Requêtes N° 1706/62, Rec. 21,

      p. 34 et N° 7598/76, Kaplan c/R.U., Rapport Commission, D.R. 21,

      p. 5), la Commission considère que le deuxième requérant, vu sa

      participation majoritaire dans la société et sa position de

      gérant, peut se prétendre victime d'une décision affectant les

      droits de la première requérante.  Elle estime qu'il peut

      également, en tant que caution solidaire de la première

      requérante, agir en son nom personnel, ses propres droits étant

      affectés.

      La troisième requérante entre dans la catégorie des personnes

      physiques. Elle a introduit sa requête en sa qualité personnelle

      du fait que s'étant, à l'instar du deuxième requérant, portée

      caution solidaire pour la première requérante, il a été fait

      appel à son cautionnement suite à la déclaration d'office de

      faillite. Ses droits propres ayant donc été affectés du fait de

      la faillite, la Commisison estime que la troisième requérante a

      qualité pour agir devant elle."

      La Commission considère que les principes et conclusion adoptés

dans sa décision du 10 décembre 1984 sont toujours d'application.  Elle

en conclut que les trois requérants ont qualité pour agir devant la

Commission.

2.    Les requérants allèguent d'abord la violation de l'article 6 par.

1 (art. 6-1) de la Convention au motif que les droits de la défense

n'ont pas été respectés lors de la procédure devant la Cour de

cassation. Se référant à l'arrêt Borgers (Cour eur. D.H., arrêt précité

du 30 octobre 1991), ils font valoir qu'un représentant du ministère

public a participé au délibéré de cette cour.

      En l'état du dossier, la Commission estime ne pas être en mesure

de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de

porter cette partie de la requête à la connaissance du Gouvernement

défendeur par application de l'article 48 par. 2 b) du Règlement

intérieur.

3.    Dans la mesure où les requérants se plaignent de la violation de

l'article 14 (art. 14) de la Convention, la Commission rappelle que

cette disposition de la Convention n'interdit la discrimination que

dans la jouissance des droits et libertés garantis par la Convention

(N° 10733/84, déc. 11.3.85, D.R. 41 p. 211 ; N° 11278/84, déc. 1.7.85,

D.R. 43 p. 216) et que cette disposition ne saurait donc être invoquée

isolément.

      Par ailleurs, dans la mesure où les allégations ont été étayées

et à supposer que les requérants aient épuisé sur ce point les voies

de recours internes, la Commission n'a relevé aucune apparence de

violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses

Protocoles.

      En conséquence, cet aspect de la requête est manifestement mal

fondé au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

      Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

      AJOURNE l'examen du grief tiré de la présence du ministère public

      au délibéré de la Cour de cassation ;

      DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.

      Le Secrétaire de la                   Le Président de la

       Deuxième Chambre                      Deuxième Chambre

       (M.-T. SCHOEPFER)                        (H. DANELIUS)

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