CEDH, Commission (deuxième chambre), MEZGHICHE c. la FRANCE, 9 avril 1997, 33438/96

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 9 avr. 1997, n° 33438/96
Numéro(s) : 33438/96
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 11 octobre 1996
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Beldjoudi du 26 mars 1992, série A n° 234-A, p. 27, par. 74
Cour Eur. D.H. Arrêt Berrehab du 21 juin 1988, série A n° 138, p. 14, par. 23
Arrêt Bouchelkia du 29 janvier 1997, Recueil 1996, par. 48
Arrêt Boughanemi du 24 avril 1996, Recueil 1996, par. 41, 44, 45
Arrêt C. c. Belgique du 7 août 1996, Recueil 1996, par. 35, 36
Arrêt Moustaquim du 18 février 1991, série A n° 193, p. 19, par. 43
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-28643
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1997:0409DEC003343896
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Sur les parties

Texte intégral

                          SUR LA RECEVABILITÉ

                      de la requête N° 33438/96

                      présentée par Mohamed MEZGHICHE

                      contre la France

                            __________

     La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 9 avril 1997 en présence

de

           Mme   G.H. THUNE, Présidente

           MM.   J.-C. GEUS

                 G. JÖRUNDSSON

                 A. GÖZÜBÜYÜK

                 J.-C. SOYER

                 H. DANELIUS

                 M.A. NOWICKI

                 I. CABRAL BARRETO

                 J. MUCHA

                 D. SVÁBY

                 P. LORENZEN

                 E. BIELIUNAS

                 E.A. ALKEMA

           Mme   M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;

     Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

     Vu la requête introduite le 11 octobre 1996 par Mohamed MEZGHICHE

contre la France et enregistrée le 14 octobre 1996 sous le N° de

dossier 33438/96 ;

     Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

     Après avoir délibéré,

     Rend la décision suivante :

EN FAIT

     Le requérant est un ressortissant algérien, né en 1959 en Algérie

et résidant à Lyon.  Devant la Commission, il est représenté par Maître

Jacques Debray, avocat au barreau de Lyon.

     Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant,

peuvent se résumer comme suit :

     Le requérant est entré en France en 1969, à l'âge de dix ans,

avec sa mère, son père y étant déjà installé depuis plusieurs années.

Depuis cette date, il a toujours résidé en France, comme ses trois

frères et ses deux soeurs.  Au début de l'année 1982, il rencontra une

ressortissante française, Madame B. ; un enfant, qu'il reconnut, est

né en 1985.  En mai 1991, le requérant épousa sa compagne, Madame B.

     Le requérant a été condamné au total à quatorze années de prison

pour divers vols avec violence, dont dix ans de réclusion criminelle

par la cour d'assises du département du Rhône au mois de novembre 1989

en raison d'une tentative de vol à main armée.

     Alors qu'il devait être libéré à la fin du mois d'août 1993, le

ministre de l'Intérieur prit, en date du 10 août 1993, un arrêté

d'expulsion à son encontre. Se fondant sur l'article 26 de l'Ordonnance

du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de

séjour des étrangers en France, le ministre de l'Intérieur considérait

qu'en raison de son comportement, l'expulsion du requérant constituait

une nécessité impérieuse pour la sécurité publique et qu'il y avait en

conséquence urgence absolue à l'éloigner du territoire français.

     Le requérant forma un recours en annulation de cette décision

auprès du tribunal administratif de Lyon.  Par jugement du 16 février

1994, le tribunal administratif rejeta le recours.

     Le requérant fit appel devant le Conseil d'Etat en invoquant les

articles 8 de la Convention et 1 du Protocole N° 7 à la Convention.

     Par arrêt rendu le 15 mars 1996, notifié le 11 avril 1996, le

Conseil d'Etat rejeta le recours, en considérant qu'eu égard à la

gravité des faits reprochés au requérant, la mesure d'expulsion ne

portait pas une atteinte excessive à sa vie familiale. Le requérant fut

expulsé en mai 1994.

Droit interne pertinent : Article 26 de l'Ordonnance du 2 novembre 1945

modifiée

     «En cas d'urgence absolue, et par dérogation aux articles 23 à

     25, l'expulsion peut être prononcée lorsqu'elle constitue une

     nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou pour la sécurité

     publique.»

GRIEFS

     Le requérant fait valoir qu'il vit en France depuis son plus

jeune âge et que toute sa famille y réside.  Il est marié à une

ressortissante française. De cette union est né un enfant, âgé

aujourd'hui de onze ans.  Il invoque l'article 8 de la Convention ainsi

que l'article 1 du Protocole N° 7 à la Convention.

EN DROIT

1.   Le requérant se plaint que la mesure d'expulsion porte atteinte

à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par

l'article 8 (art. 8) de la Convention, ainsi libellé :

     «1.   Toute personne a droit au respect de sa vie privée et

     familiale, de son domicile et de sa correspondance.

     2.    Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans

     l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est

     prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une

     société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à

     la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense

     de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la

     protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des

     droits et libertés d'autrui.»

     La Commission rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour

européenne, les Etats contractants ont le droit de contrôler, en vertu

d'un principe de droit international bien établi et sans préjudice des

engagements découlant pour eux de traités, l'entrée, le séjour et

l'éloignement des non-nationaux (cf., par exemple, Cour eur. D.H.,

arrêts Moustaquim c. Belgique du 18 février 1991, série A n° 193, p.

19, par. 43 ; Beldjoudi c. France du 26 mars 1992, série A n° 234-A,

p. 27, par. 74 ; Boughanemi c. France du 24 avril 1996, par. 41 et

Bouchelkia c. France du 29 janvier 1997, par. 48, Recueil, 1996).

     Toutefois, leurs décisions en la matière peuvent porter atteinte

dans  certains cas au droit protégé par l'article 8 par. 1 (art. 8-1)

de la Convention.

     La Commission relève que le requérant est entré en France à l'âge

de dix ans et que, dans ce pays, vivent ses parents ainsi que ses

frères et soeurs. Par ailleurs, il est marié avec une ressortissante

française et de cette union est né un enfant de nationalité française.

La Commission considère que, compte tenu des liens sociaux et familiaux

du requérant en France, la mesure d'expulsion constitue une ingérence

dans sa vie privée et familiale, au sens de l'article 8 par. 1

(art. 8-1) de la Convention (cf. Cour eur. D.H. arrêt Berrehab c. Pays

Bas du 21 juin 1988, série A n° 138, p. 14, par. 23).

     La Commission constate que l'arrêté d'expulsion est, en l'espèce,

une mesure prévue par la loi et vise la défense de l'ordre et la

prévention des infractions pénales qui constituent des buts légitimes,

au sens du paragraphe 2 de l'article 8 (art. 8-2) de la Convention.

     S'agissant de la nécessité et de la proportionnalité de la

mesure, la Commission rappelle qu'il est essentiel de prendre en compte

la nature, la gravité et le nombre d'infractions commises. A cet égard,

elle relève que le requérant a été condamné au total à quatorze années

de prison, dont dix ans de réclusion criminelle, pour tentative de vol

à main armée.

     Compte tenu des considérations qui précèdent et eu égard

notamment à la nature et à la gravité des infractions commises par le

requérant, la Commission estime que l'ingérence dans sa vie privée et

familiale que constitue la mesure d'expulsion peut raisonnablement être

considérée comme nécessaire, dans une société démocratique, notamment

à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, au

sens de l'article 8 par. 2 (art. 8-2) de la Convention (cf. Cour eur.

D.H., arrêts Boughanemi c. France précité, par. 44 et 45 ; C. c.

Belgique du 7 août 1996, par. 35 et 36, et Bouchelkia c. France

précité, par. 51, Recueil, 1996).

     Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée

comme étant manifestement mal fondée, conformément à l'article 27

par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

2.   Le requérant allègue également la violation de l'article 1 du

Protocole N° 7 (P7-1) à la Convention, qui se lit comme suit :

     «1.   Un étranger résidant régulièrement sur le territoire d'un

     Etat ne peut en être expulsé qu'en exécution d'une décision prise

     conformément à la loi et doit pouvoir :

           a.    faire valoir les raisons qui militent contre son

     expulsion,

           b.    faire examiner son cas, et

           c.    se faire représenter à ces fins devant l'autorité

     compétente ou une ou plusieurs personnes désignées par cette

     autorité.

     2.    Un étranger peut être expulsé avant l'exercice des droits

     énumérés au paragraphe 1 a), b) et c) de cet article lorsque

     cette expulsion est nécessaire dans l'intérêt de l'ordre public

     ou est basée sur des motifs de sécurité nationale.»

     La Commission constate qu'en raison du nombre et de la gravité

des infractions commises par le requérant et alors que sa libération

était imminente, le ministre de l'Intérieur a pris à l'encontre du

requérant un arrêté d'expulsion en urgence absolue, selon la procédure

dérogatoire prévue par l'article 26 de l'Ordonnance du 2 novembre 1945

modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers

en France.

     La Commission constate que la légalité de la décision d'expulsion

a été examinée par le tribunal administratif de Lyon puis par le

Conseil d'Etat, juridictions compétentes en la matière.  Or, devant ces

juridictions, le requérant, qui était représenté par un avocat, a pu

faire valoir les moyens de défense qu'il a jugé opportuns.  Il a donc

bénéficié des garanties fournies par l'article 1 par. 1 du

Protocole N° 7 (P7-1-1).

     Pour autant que le requérant se plaint du fait d'avoir été

expulsé avant que les juridictions françaises aient statué sur ses

recours, la Commission considère que cette mesure pouvait se justifier

au regard du paragraphe 2 du même article.

     Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée

comme étant manifestement mal fondée, conformément à l'article 27

par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

     Par ces motifs, la Commission, à la majorité,

     DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

      M.-T. SCHOEPFER                              G.H. THUNE

         Secrétaire                                Présidente

   de la Deuxième Chambre                    de la Deuxième Chambre

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