CEDH, Commission (deuxième chambre), SUDRE ET SOCIETE TELE FREE DOM c. la FRANCE, 22 octobre 1997, 34071/96
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 22 oct. 1997, n° 34071/96 |
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Numéro(s) : | 34071/96 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 5 août 1996 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-29020 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1997:1022DEC003407196 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 34071/96
présentée par Camille SUDRE
et la Société TELE FREE DOM
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 22 octobre 1997 en présence
de
Mme G.H. THUNE, Présidente
MM. J.-C. GEUS
G. JÖRUNDSSON
A. GÖZÜBÜYÜK
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
F. MARTINEZ
M.A. NOWICKI
I. CABRAL BARRETO
J. MUCHA
D. SVÁBY
P. LORENZEN
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
A. ARABADJIEV
Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 5 août 1996 par Camille SUDRE et la
Société TELE FREE DOM contre la France et enregistrée le 6 décembre
1996 sous le N° de dossier 34071/96 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante est une société de télévision privée située à
Saint-Denis de la Réunion (Ile de la Réunion, département français
d'Outre-mer) dont le gérant est le requérant, M. Camille Sudre.
Devant la Commission, les requérants sont représentés par
Maître Katia Merten, avocate au barreau de Strasbourg.
Les faits, tels qu'ils ont été présentés par les requérants,
peuvent se résumer comme suit.
Le 30 mai 1989, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (ci-après
le CSA) lança un appel à candidature pour l'exploitation à plein temps
d'un service de télévision privée locale à la Réunion.
Par décision du 2 mars 1990, le CSA accepta la candidature de la
société Antenne Réunion, société locale de télévision, pour un temps
partiel.
Par décision du 9 mars 1990, le CSA rejeta la candidature de la
société Télé Free Dom.
Le 15 mai 1990, la société Télé Free Dom déposa un recours en
annulation des décisions des 2 et 9 mars 1990. Elle estimait que les
candidats n'avaient pas été traités équitablement.
Par arrêt du 25 juin 1993, le Conseil d'Etat annula la décision
du 2 mars 1990 portant autorisation d'exploitation en faveur de la
société Antenne Réunion et rejeta le recours pour le reste.
Le 9 juillet 1993, le CSA invita la société Antenne Réunion à
cesser d'exploiter le service en application de l'arrêt du Conseil
d'Etat.
Par lettre du 16 août 1993, le gérant de la société Télé Free Dom
s'enquit auprès du président du Conseil d'Etat de la raison pour
laquelle l'arrêt restait inexécuté par la société Antenne Réunion.
Le 12 janvier 1994, la société Télé Free Dom demanda au Conseil
d'Etat de condamner l'Etat à une astreinte en vue d'assurer l'exécution
de l'arrêt du Conseil d'Etat du 25 juin 1993. La société releva que la
société Antenne Réunion persistait à ne pas exécuter l'arrêt.
Par arrêt du 16 février 1996, le Conseil d'Etat dit n'y avoir
lieu à statuer sur la requête. Il déclara ce qui suit :
« (...) il résulte d'un constat du comité technique radiophonique
de la Réunion, en date du 27 septembre 1994, qu'à cette date, la
Société Antenne Réunion avait cessé d'émettre (...) ; qu'ainsi
toutes les conséquences de la décision du Conseil d'Etat du
25 juin 1993 annulant la décision du 2 mars 1990 en tant qu'elle
autorisait la Société Antenne Réunion à émettre sur certains
canaux ont été tirées ; que, dès lors, la requête de la Société
Télé Free Dom tendant à ce que le Conseil d'Etat prononce une
astreinte pour assurer l'exécution de cette décision est devenue
sans objet. »
GRIEFS
1. Les requérants invoquent les articles 10 et 14 de la Convention.
Ils se plaignent du rejet de la candidature de la société Télé Free Dom
par la décision du CSA du 9 mars 1990 alors que, parallèlement, la
candidature de la société Antenne Réunion avait été retenue par la
décision du 2 mars 1990. Ils se plaignent également que le Conseil
d'Etat a annulé cette dernière décision mais n'a pas annulé celle du
9 mars 1990.
2. Les requérants invoquent les articles 6 et 14 de la Convention.
Ils se plaignent que ce n'est que le 27 septembre 1994 que l'arrêt du
Conseil d'Etat annulant l'autorisation d'exploitation donnée à la
société Antenne Réunion a été exécuté, bien que le Conseil d'Etat ait
été saisi le 15 mai 1990 et ait fait droit à cette demande par arrêt
du 25 juin 1993. Ils en déduisent que la cause de la société Télé Free
Dom n'a pas été entendue dans un délai raisonnable et que le Conseil
d'Etat a voulu privilégier la société Antenne Réunion en retardant
l'exécution de l'arrêt.
EN DROIT
1. Les requérants invoquent les articles 10 et 14 (art. 10, 14) de
la Convention.
Ils se plaignent du rejet de la candidature de la société Télé
Free Dom par la décision du CSA du 9 mars 1990 alors que,
parallèlement, la candidature de la société Antenne Réunion avait été
retenue par la décision du 2 mars 1990. Ils se plaignent également que
le Conseil d'Etat a annulé cette dernière décision mais n'a pas annulé
celle du 9 mars 1990.
La Commission rappelle qu'aux termes de l'article 26 (art. 26)
de la Convention, elle ne peut être saisie que dans un délai de six
mois suivant la date de la décision interne définitive.
Or, en l'espèce, elle relève que la procédure administrative dont
se plaignent les requérants s'est achevée par arrêt du Conseil d'Etat
du 25 juin 1993, qui doit être considéré comme la « décision interne
définitive » en la matière. Or les requérants ont saisi la Commission
le 5 août 1996, soit en dehors du délai de six mois.
Il s'ensuit que le grief est tardif et doit être rejeté, en
application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la
Convention.
2. Les requérants invoquent les articles 6 et 14 (art. 6, 14) de la
Convention.
Ils se plaignent que ce n'est que le 27 septembre 1994 que
l'arrêt du Conseil d'Etat annulant l'autorisation d'exploitation donnée
à la société Antenne Réunion a été exécuté, bien que le Conseil d'Etat
ait été saisi le 15 mai 1990 et ait fait droit à cette demande par
arrêt du 25 juin 1993. Ils en déduisent que la cause de la société Télé
Free Dom n'a pas été entendue dans un délai raisonnable et que le
Conseil d'Etat a voulu privilégier la société Antenne Réunion en
retardant l'exécution de l'arrêt.
La Commission relève que le droit revendiqué par les requérants,
à savoir le droit d'obtenir l'exécution de l'arrêt du Conseil d'Etat
annulant l'autorisation d'exploitation concédée à la société Antenne
Réunion, a trouvé sa réalisation effective le 27 septembre 1994, date
à laquelle la « société Antenne Réunion avait cessé d'émettre » selon
les termes de l'arrêt du Conseil d'Etat du 16 février 1996.
En vertu de la jurisprudence des organes de la Convention, c'est
le 27 septembre 1994 qu'il y a eu détermination d'un droit de caractère
civil, donc décision interne définitive au sens de l'article 26
(art. 26) de la Convention (voir, notamment, arrêt Di Pede c. Italie
du 26 septembre 1996, Recueil 1996-IV, fasc. 17). Or les requérants ont
saisi la Commission le 5 août 1996, soit en dehors du délai de
six mois. Il s'ensuit que ce grief est tardif et doit être rejeté, en
application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la
Convention.
S'agissant de la procédure d'astreinte, la Commission rappelle
que seule une procédure décisive pour des droits et obligations de
caractère civil bénéficie des garanties de l'article 6 par. 1
(art. 6-1) de la Convention. Elle note que le Conseil d'Etat a constaté
qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande d'astreinte car son
précédent arrêt avait été exécuté dès le 27 septembre 1994. La
Commission considère que l'issue de la procédure en cause n'était pas
déterminante pour un droit ou une obligation de caractère civil au sens
de la Convention. Il s'ensuit que ce grief est incompatible ratione
materiae avec les dispositions de la Convention et doit être rejeté,
en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
M.-T. SCHOEPFER G.H. THUNE
Secrétaire Présidente
de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre