CEDH, Commission (première chambre), BOFFA ET 13 AUTRES c. SAINT-MARIN, 15 janvier 1998, 26536/95

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Première Chambre), 15 janv. 1998, n° 26536/95
Numéro(s) : 26536/95
Publication : D.R. n° 92-B, p. 27
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 26 octobre 1994
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Gaskin du 7 juillet 1989, série A n° 160, p. 21, par. 52
Arrêt Leander du 26 mars 1987, série A n° 116, p. 29, par. 74
Cour Eur. D.H. Arrêt Marckx du 13 juin 1979, série A n° 31, p. 13, par. 27
Arrêt Olsson du 24 mars 1988, série A n° 130, pp. 31-32, par. 67
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-29194
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:0115DEC002653695
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Texte intégral

                          SUR LA RECEVABILITÉ

                      de la requête N° 26536/95

                      présentée par Carlo BOFFA et 13 autres

                      contre Saint-Marin

                              __________

     La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 15 janvier 1998 en présence

de

           MM.   M.P. PELLONPÄÄ, Président

                 N. BRATZA

                 E. BUSUTTIL

                 A. WEITZEL

                 C.L. ROZAKIS

           Mme   J. LIDDY

           MM.   L. LOUCAIDES

                 B. MARXER

                 B. CONFORTI

                 I. BÉKÉS

                 G. RESS

                 A. PERENIC

                 C. BÎRSAN

                 K. HERNDL

                 M. VILA AMIGÓ

           Mme   M. HION

           M.    R. NICOLINI

           Mme   M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre ;

     Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

     Vu la requête introduite le 26 octobre 1994 par Carlo BOFFA et

13 autres contre Saint-Marin et enregistrée le 16 février 1995 sous le

N° de dossier 26536/95 ;

     Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

     Après avoir délibéré,

     Rend la décision suivante :

EN FAIT

     La présente requête a été introduite par quatorze personnes

résidant à Saint-Marin. La liste complète des requérants est annexée

à la décision.

     Les faits, tels qu'exposés par les requérants, peuvent se résumer

comme suit.

A.   Circonstances particulières de l'affaire

     Le 11 février 1993, l'institut de médecine générale de Saint-

Marin ("Direzione servizio medicina di base") ordonna aux requérants

n° 2, 3, 4 et 5 de faire vacciner leurs enfants mineurs contre

l'hépatite B, en application du décret n° 128 du 23 octobre 1991,

instituant le calendrier des vaccinations. Il ressort du dossier que

l'injonction de l'institut de médecine mentionnait que cette

vaccination était obligatoire et qu'un éventuel refus d'obtempérer

serait puni en application de l'article 259 du code pénal.

     Le 16 février 1993, l'institut de médecine générale ordonna au

requérant n° 1 de soumettre son enfant mineur à une série de

vaccinations, parmi lesquelles celle contre l'hépatite B.

     Le 15 avril 1993, ledits requérants introduisirent un recours

devant le tribunal administratif de première instance. Ils demandaient

la suspension et l'annulation des injonctions de l'institut de

médecine, faisant valoir que le décret n° 128 de 1991 prévoyait

uniquement le calendrier des vaccinations et que, faute d'une loi ad

hoc, la vaccination contre l'hépatite B n'était pas obligatoire. Par

ailleurs, au cas où le tribunal estimerait que cette obligation découle

du décret n° 128 de 1991, les requérants se réservaient de soulever une

question de légitimité constitutionnelle du décret en cause.

     Le 28 avril 1993, le tribunal administratif, après jonction des

deux recours, accorda la suspension des injonctions de l'institut de

médecine.

     Le 2 juillet 1993, les requérants soulevèrent une question de

légitimité constitutionnelle devant le tribunal administratif. Ils

faisaient valoir que toutes les lois prévoyant l'obligation de se

soumettre à une vaccination étaient incompatibles avec les droits et

libertés fondamentaux.

     Le 27 juillet 1993, le tribunal administratif déclara vouloir

poursuivre l'examen de la cause. Le tribunal estima que la question de

légitimité constitutionnelle était manifestement mal fondée, dans la

mesure où les lois en cause prévoient que les vaccins obligatoires ne

doivent pas être administrés lorsqu'ils mettraient l'enfant dans une

situation de danger liée à son état de santé particulier.

     Le 6 août 1993, le tribunal administratif accueillit le recours

des requérants, annulant les injonctions administratives dans la mesure

où elles portaient sur le vaccin contre l'hépatite B.

     Il ressort du jugement que le décret n° 128 de 1991 devait être

considéré comme un simple calendrier de vaccinations et qu'il ne

rendait dès lors pas obligatoires les vaccinations en l'absence d'une

loi spécifique en la matière. De ce fait, les injonctions de l'institut

de médecine devaient être annulées pour excès de pouvoir.

     Les requérants interjetèrent appel de la partie du jugement qui

avait déclaré manifestement mal fondée la question de légitimité

constitutionnelle des lois instituant des vaccinations obligatoires.

     Par arrêt du 18 mars 1994, le tribunal administratif de deuxième

instance transmit le dossier au "Consiglio Grande e Generale",

compétent d'après le droit saint-marinais à se prononcer sur la

légalité des lois.

     Le 5 avril 1994, le "Consiglio Grande e Generale" chargea un

expert de formuler un avis juridique sur la compatibilité avec la

Constitution de la loi n° 19 de 1943 (vaccination contre la diphtérie

et la variole), du décret n° 1 de 1966 (vaccination contre la

poliomyélite), du décret n° 19 de 1974 (vaccination contre la

coqueluche), du décret N° 128 de 1991 (calendrier des vaccinations).

     Le 8 avril 1994, l'expert déposa son avis, dans lequel il

concluait à l'illégitimité des lois instituant l'obligation de se faire

vacciner, cette dernière étant incompatible avec les droits

fondamentaux de la personne.

     Le 26 avril 1994, le "Consiglio Grande e Generale" discuta

l'affaire à huis clos.

     Le 15 juin 1994, le "Consiglio Grande et Generale" vota contre

l'adoption de l'avis juridique formulé par l'expert.

BB.  Droit interne pertinent

     La loi n° 19 du 27 mai 1943 a introduit l'obligation de se

vacciner contre la diphtérie et la variole. Aux termes de l'article 2

de cette loi, sont exemptés du vaccin les enfants qui seraient mis en

danger à cause de leur état de santé particulier.

     Le décret n° 1 du 17 février 1966 a introduit l'obligation de se

vacciner contre la poliomyélite. Le décret n° 19 du 5 mars 1974 a

introduit l'obligation de se vacciner contre la coqueluche. Ces décrets

prévoient également que les enfants qui seraient mis en danger par la

vaccination doivent être exemptés de celle-ci.

     Aux termes de l'article 259 du code pénal saint-marinais, celui

qui refuse d'obtempérer à un ordre légitime imparti par l'Autorité en

matière de sécurité, santé, hygiène ou ordre public sera puni avec

l'arrestation de II degré.

GRIEFS

1.   Les requérants se plaignent de l'existence des lois prévoyant

l'obligation de se faire vacciner pour les personnes résidant à Saint-

Marin. Ils font valoir que le danger de mort lié aux vaccins est élevé

et allèguent la violation de l'article 2 de la Convention. Ils se

plaignent en outre de ce que l'impossibilité pour les parents de

choisir librement de faire vacciner leurs enfants constitue une

atteinte injustifiée à leur liberté de pensée et de conscience, en

violation de l'article 9 de la Convention. Les requérants se plaignent

enfin que l'impossibilité de choisir de se faire vacciner constitue une

atteinte injustifiée à leur droit de liberté tel que garanti par

l'article 5 de la Convention, ainsi qu'à leur droit à la vie privée et

familiale tel que garanti par l'article 8 de la Convention.

2.   Les requérants se plaignent que le "Consiglio Grande e Generale"

a procédé à huis-clos à la discussion et à la votation sur la question

de légitimité constitutionnelle des lois litigieuses. De ce fait, ils

allèguent la violation de l'article 10 de la Convention.

EN DROIT

     Les requérants se plaignent de l'existence des lois prévoyant

l'obligation de se faire vacciner pour les enfants mineurs résidant à

Saint-Marin. Ils allèguent la violation des articles 2, 5, 8 et 9

(art. 2, 5, 8, 9) de la Convention.

1.   La Commission doit en premier lieu examiner la question de savoir

si les requérants peuvent se prétendre victimes d'une violation des

dispositions invoquées.

     La partie pertinente de l'article 25 (art. 25) de la Convention

se lit ainsi :

     "1.   La Commission peut être saisie d'une requête (...) par

     toute personne physique, toute organisation non gouvernementale

     ou tout groupe de particuliers, qui se prétend victime d'une

     violation par l'une des Hautes Parties Contractantes des droits

     reconnus dans la présente Convention (...)".

     Pour pouvoir se prévaloir de cette disposition il faut remplir

deux conditions : le requérant doit entrer dans l'une des catégories

de demandeurs mentionnées à l'article 25 (art. 25) et il doit pouvoir

se prétendre victime d'une violation de la Convention.

     En l'espèce, la première condition se trouve remplie : les

requérants en question sont des personnes physiques et en tant que

telles entrent manifestement dans l'une des catégories visées à

l'article 25 (art. 25) de la Convention.

     Quant à la seconde condition, la Commission rappelle que la

notion de victime prévue à l'article 25 (art. 25) de la Convention doit

être interprétée de façon autonome et indépendamment des notions

internes telles que celles concernant l'intérêt ou la qualité pour

agir.

     De l'avis de la Commission, pour qu'un requérant puisse se

prétendre victime d'une violation de l'un des droits et libertés

reconnus par la Convention, il doit exister un lien suffisamment direct

entre le requérant en tant que tel et le préjudice qu'il estime avoir

subi du fait de la violation alléguée (N° 10733/84, déc. 11.3.85,

D.R. 41, pp. 211, 215).

     A cet égard, la Commission rappelle sa jurisprudence selon

laquelle ne peut se prétendre victime celui qui est incapable de

montrer qu'il est personnellement affecté par l'application de la loi

qu'il critique (N° 10733/84, affaire précitée ; N° 15117/89,

déc. 16.1.95, D.R. 80, pp. 5, 10-11).

     Or, les requérants n° 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 n'ont pas

montré qu'ils subissent directement les effets des lois contestées, car

ils n'ont pas reçu d'injonction de faire vacciner leurs enfants. Ils

s'ensuit que ces requérants ne sauraient se prétendre victimes, au sens

de l'article 25 (art. 25) de la Convention, d'une violation des

dispositions de la Convention.

     Cette partie de la requête est donc incompatible ratione personae

avec les dispositions de la Convention et doit être rejetée

conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

     Il échet de déterminer si les requérants n° 1, 2, 3, 4 et 5

peuvent se prétendre victimes au sens de l'article 25 (art. 25) de la

Convention.

     S'agissant du vaccin contre l'hépatite B, faisant l'objet du

recours introduit par les requérants n° 1, 2, 3, 4 et 5, les décisions

administratives ordonnant la vaccination ayant été annulées pour excès

de pouvoir par les juridictions internes, la Commission estime que ces

requérants ne peuvent pas se prétendre victime d'une violation des

dispositions de la Convention (voir, mutatis mutandis, N° 16360/90,

déc. 2.3.94, D.R. 76, pp. 13, 17).

     Il s'ensuit que sur ce point la requête est également

incompatible ratione personae, au sens de l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

     S'agissant des autres types de vaccins en cause, la Commission

note que les requérants n° 2, 3, 4, 5, bien que parties dans la

procédure interne, n'ont pas reçu d'injonctions du service de médecine

ordonnant des vaccinations obligatoires. La Commission estime que rien

n'indique dans le dossier qu'ils risquent de subir directement les

effets des lois contestées et que dès lors ils ne sauraient se

prétendre victimes d'une violation des dispositions de la Convention.

     Il s'ensuit que sur ce point la requête est incompatible ratione

personae, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

     S'agissant du requérant n° 1, la Commission est d'avis que celui-

ci risque de subir directement les effets des lois contestées car il

a reçu une injonction ordonnant des vaccinations obligatoires (voir,

mutatis mutandis, Cour eur. D.H., arrêt Markcx c. Belgique du 13 juin

1979, série A n° 31, p. 13, par. 27 ; N° 6959/75, déc. 19.5.76, D.R. 5,

pp. 103, 128 ; N° 31924/96, déc. 10.7.97, non publiée).

      Dans ces circonstances, la Commission estime que ce requérant

peut se prétendre victime, au sens de l'article 25 (art. 25), d'une

violation des dispositions invoquées.

2.   Le requérant n° 1 se plaint des dangers liés aux vaccinations en

cause. Il allègue la violation de l'article 2 (art. 2) de la

Convention.

     Aux termes de cette disposition, le droit de toute personne à la

vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque

intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée

par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

     La Commission rappelle que cet article assure principalement une

protection contre le fait d'infliger la mort. Même en supposant que

l'intégrité physique puisse être considérée comme protégée par cet

article, une intervention telle qu'une vaccination ne constitue pas en

tant que telle une ingérence interdite par cette disposition. De plus,

le requérant n'a apporté aucun élément montrant que, dans le cas

particulier de son enfant mineur, une vaccination créerait médicalement

un danger concret pour sa vie (v., mutatis mutandis, N° 8278/78,

déc. 13.12.79, D.R. 18, pp. 154, 158).

     Pour ces raisons, la Commission n'a relevé aucune apparence de

violation de la disposition invoquée.

     Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être

rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

3.   Le requérant n° 1 se plaint de ce que le système de vaccination

obligatoire constitue une atteinte à son droit à la liberté de pensée

et de conscience. Il allègue la violation de l'article 9 (art. 9) de

la Convention, qui stipule :

     "1.   Toute personne a droit à la liberté de pensée, de

     conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de

     changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de

     manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou

     collectivement, en public ou en privé, par le culte,

     l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites."

     La Commission rappelle que l'article 9 (art. 9) de la Convention

protège avant tout le domaine des convictions personnelles et des

croyances religieuses, que l'on appelle parfois le for intérieur. Il

protège en outre des actes qui sont intimement liés à ces convictions,

tels les actes du culte ou de dévotion qui sont des aspects de la

pratique d'une religion ou d'une croyance revêtant une forme

généralement reconnue (voir, mutatis mutandis, N° 14331/88 et 14332/88,

déc. 8.9.89, D.R. 62, pp. 309, 313 ; N° 10678/83, déc. 5.7.84, D.R. 39,

pp. 267, 270).

     Cependant, en protégeant ce domaine personnel, l'article 9

(art. 9) de la Convention ne garantit pas toujours le droit de se

comporter dans le domaine public de la manière que dicte une telle

conviction. La Commission rappelle que le terme "pratiques" ne désigne

pas n'importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou une

conviction (N° 10678/83, déc. précitée, ibidem).

     Or, la Commission relève que l'obligation de se faire vacciner

telle que prévue par la législation en cause, s'applique à toute

personne quelle que soit sa religion ou conviction personnelle.

     En conséquence, la Commission estime qu'il n'y a pas eu en

l'espèce d'ingérence dans la liberté garantie par l'article 9 par 1

(art. 9-1) de la Convention.

     Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé au sens de

l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

4.   Le requérant n° 1 se plaint de ce que le système de vaccination

obligatoire constitue une atteinte à sa liberté et à sa vie privée et

familiale. Il allègue la violation des articles 5 et 8 (art. 5, 8) de

la Convention.

      La Commission estime que cette partie de la requête doit être

examinée uniquement sous l'angle de l'article 8 (art. 8) de la

Convention, l'article 5 (art. 5) visant exclusivement des situations

de privation de liberté physique de la personne (voir, par ex., N°

12541/86, déc. 27.5.91, D.R. 70, pp. 103, 110).

     L'article 8 (art. 8) de la Convention se lit ainsi :

     "1.   Toute personne a droit au respect de sa vie privée et

     familiale, de son domicile et de sa correspondance.

     2.    Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans

     l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est

     prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une

     société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à

     la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense

     de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la

     protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des

     droits et libertés d'autrui."

     La Commission a déjà affirmé que l'obligation, sous peine de

sanction, de se soumettre à un traitement médical ou à une vaccination

peut constituer une ingérence dans le droit au respect de la vie privée

(N° 10435/83, déc. 10.12.84, D.R. 14, pp. 251, 253).

     Il reste à examiner si cette ingérence se concilie avec le

paragraphe 2 de l'article 8 (art. 8-2) de la Convention. A cet égard,

la Commission doit établir si l'ingérence prévue par les lois saint-

marinaises en cause est inspirée par un ou plusieurs des buts légitimes

d'après le paragraphe 2 et nécessaire dans une société démocratique.

     La Commission estime que, pour ce qui est de l'objectif de la

législation mise en cause, l'ingérence litigieuse est justifiée par la

protection tant de la santé publique que de celle des intéressés eux-

mêmes.

     Reste à examiner la question de savoir si l'ingérence dans la vie

privée du requérant est "nécessaire dans une société démocratique".

D'après la jurisprudence de la Cour, la notion de nécessité implique

une ingérence fondée sur un besoin social impérieux, et notamment

proportionnée au but légitime recherché. Les autorités nationales,

toutefois, jouissent d'une marge d'appréciation dont l'ampleur dépend

non seulement de la finalité, mais encore du caractère propre de

l'ingérence (v. mutatis mutandis Cour eur. D.H., arrêt Olsson c. Suède

du 24 mars 1988, série A n° 130, pp. 31-32, par. 67).

     La Commission note d'une part que le requérant n'a pas démontré

la probabilité que, dans le cas particulier de son enfant mineur, les

vaccins en cause seraient de nature à entraîner des inconvénients

graves.

     D'autre part, la Commission estime qu'une campagne de

vaccination, telle que mise en place dans la plupart des pays,

obligeant l'individu à s'incliner devant l'intérêt général et à ne pas

mettre en péril la santé de ses semblables, lorsque sa vie n'est pas

en péril, ne dépasse pas la marge d'appréciation laissée à l'Etat

(N° 10435/83, déc. 10.12.83, D.R. 40, pp. 251, 253).

     Compte tenu de ces considérations, la Commission estime que

l'ingérence dont se plaint le requérant est proportionnée au but

poursuivi et peut être considérée comme une mesure nécessaire, dans une

société démocratique, à la protection de la santé, au sens du par. 2

de l'article 8 (art. 8) de la Convention.

     Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être

rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

5.   Les requérants se plaignent que le "Consiglio Grande e Generale"

a procédé à huis-clos à la discussion et à la votation sur la question

de légitimité constitutionnelle des lois litigieuses.

     Ils allèguent la violation de l'article 10 (art. 10) de la

Convention, qui est ainsi libellé :

     "1.   Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit

     comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de

     communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y

     avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de

     frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de

     soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de

     télévision à un régime d'autorisations.

     2.    L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des

     responsabilités peut être soumis à certaines formalités,

     conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui

     constituent des mesures nécessaires, dans une société

     démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale

     ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la

     prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale,

     à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour

     empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour

     garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire."

     A supposer même que les requérants puissent se prétendre victimes

d'une violation de la disposition invoquée, au sens de l'article 25

(art. 25) de la Convention, la Commission estime que ce grief est en

tout état de cause irrecevable pour les motifs suivant.

     La Commission rappelle que "la liberté de recevoir des

informations (...) interdit essentiellement à un gouvernement

d'empêcher quelqu'un de recevoir des informations que d'autres aspirent

ou peuvent consentir de lui fournir" (v. Cour eur. D.H., arrêts Leander

c. Suède du 26 mars 1987, série A n° 116, p. 29, par. 74 et Gaskin

c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A n° 160, p. 21, par. 52).

     Or, la Commission constate qu'en l'espèce les requérants ont eu

accès à l'avis juridique déposé par l'expert mandaté par le "Consiglio

Grande e Generale". La Commission est d'avis que le droit garanti par

l'article 10 (art. 10) de la Convention ne saurait être interprété

comme garantissant l'accès à des audiences de discussion ou de

délibération des organes compétents à décider sur la question de

constitutionnalité d'une loi.

     La Commission estime par conséquent qu'il n' y pas d'ingérence

dans le droit des requérants à recevoir des informations.

     Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être

rejeté en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la

Convention.

     Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

     DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

     M.F. BUQUICCHIO                             M.P. PELLONPÄÄ

        Secrétaire                                 Président

  de la Première Chambre                     de la Première Chambre

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