CEDH, Commission (plénière), MOHAMMED, QUDSIA, PARWEZ, AJMAL ET TOBISH c. la SUISSE, 14 avril 1998, 33016/96

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Plénière), 14 avr. 1998, n° 33016/96
Numéro(s) : 33016/96
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 7 mai 1996
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Ahmed du 17 décembre 1996, Recueil 1996-VI, n° 26, p. 2206, par. 38, 39
Cour Eur. D.H. Arrêt vijayanathan et Pusparajah du 27 août 1992, série A n° 241-B, p. 87, par. 46
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-29432
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:0414DEC003301696
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Texte intégral

                          SUR LA RECEVABILITÉ

                      de la requête N° 33016/96

                      présentée par Nour Mohammed, Qudsia,

                      Ahmad Parwez, Ali Ajmal, Fereshta et

                      Nabi Anis TOBISH

                      contre la Suisse

     La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en

chambre du conseil le 14 avril 1998 en présence de

           MM.   J.-C. GEUS, Président en exercice

                 S. TRECHSEL

                 G. JÖRUNDSSON

                 A.S. GÖZÜBÜYÜK

                 A. WEITZEL

                 J.-C. SOYER

                 H. DANELIUS

           Mme   G.H. THUNE

                 F. MARTINEZ

                 C.L. ROZAKIS

           Mme   J. LIDDY

           MM.   L. LOUCAIDES

                 M.A. NOWICKI

                 I. CABRAL BARRETO

                 N. BRATZA

                 I. BÉKÉS

                 J. MUCHA

                 D. SVÁBY

                 G. RESS

                 A. PERENIC

                 C. BÎRSAN

                 P. LORENZEN

                 K. HERNDL

                 E. BIELIUNAS

                 E.A. ALKEMA

                 M. VILA AMIGÓ

           Mme   M. HION

           MM.   R. NICOLINI

                 A. ARABADJIEV

           M.    M. de SALVIA, Secrétaire de la Commission ;

     Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

     Vu la requête introduite le 7 mai 1996 par Nour Mohammed, Qudsia,

Ahmad Parwez, Ali Ajmal, Fereshta et Nabi Anis TOBISH contre la Suisse

et enregistrée le 18 septembre 1996 sous le N° de dossier 33016/96 ;

     Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de

la Commission ;

     Après avoir délibéré,

     Rend la décision suivante :

EN FAIT

     Le premier requérant, ressortissant afghan né en 1945, était

mathématicien à l'académie des sciences de Kaboul.  La seconde

requérante est son épouse, de nationalité afghane également, née en

1960.  Les quatre autres requérants sont leurs enfants, nés

respectivement en 1980, 1982, 1984 et 1989.  Tous résident à Yverdon,

en Suisse.  Ils agissent en personne devant la Commission.

     Les faits, tels qu'ils ont été présentés par les requérants,

peuvent se résumer comme suit.

A.   Circonstances particulières de l'affaire

     Les requérants quittèrent l'Afghanistan le 25 novembre 1990 et

arrivèrent en Suisse le 6 décembre 1990, où ils déposèrent une demande

d'asile.

     Le 4 avril 1991, interrogé par l'Office des requérants d'asile

du canton de Vaud, le premier requérant déclara qu'employé à mi-temps

par l'institut de mathématiques de Kaboul, il avait organisé, pour des

raisons financières et sociales, des cours de mathématiques et

d'anglais ; qu'en octobre 1990, la police avait encerclé la classe et

arrêté les élèves de sexe masculin, des tracts hostiles au gouvernement

ayant été découverts dans les locaux ; que lui-même se trouvait au

marché et qu'informé de l'incident, il s'était réfugié chez sa soeur ;

que la police avait perquisitionné à son domicile et à celui de son

père ; qu'en tant que responsable des cours, il aurait « sûrement été

exécuté » en cas d'arrestation ; que son père avait organisé son départ

avec l'aide d'un ami commerçant ; qu'il avait traversé la frontière

sans encombre à Badani.  Il précisa qu'il n'appartenait à aucun parti

politique mais faisait de la propagande antigouvernementale lorsqu'il

« n'y avait pas de danger », en l'occurrence chez des amis, des gens

de confiance ou des élèves proches.

     Le 13 juillet 1994, l'Office fédéral des réfugiés (ci-après

l'Office des réfugiés) nia aux requérants la qualité de réfugiés,

rejeta leur demande d'asile et ordonna leur renvoi de Suisse.

Toutefois, estimant que le refoulement vers l'Afghanistan n'était « en

l'état actuel pas raisonnablement exigible », il admit provisoirement

les requérants en Suisse.

     A l'appui de sa décision, l'Office des réfugiés rappela que

l'asile était octroyé si le demandeur était menacé de persécution et

nécessitait de ce fait protection, la situation à prendre en compte

étant celle qui prévalait au moment de statuer.  Considérant que la

situation politique en Afghanistan s'était fondamentalement modifiée

depuis le départ des requérants suite à la prise de pouvoir par les

moudjahidines au printemps 1992, la désignation de Mujaddedi à la

présidence de la République en avril 1992, la succession de Rabbani à

cette fonction en juin 1992 et l'institution d'un parlement composé de

diverses factions de la résistance en janvier 1993, l'Office des

réfugiés conclut qu'à supposer même que le premier requérant ait été

réellement exposé à des menaces de persécution de la part des organes

étatiques, ses craintes de faire l'objet de poursuites en raison des

activités de propagande de certains de ses élèves contre le régime de

Najibullah n'avaient plus de raison d'être.  Les demandes des autres

requérants furent rejetées, aux motifs qu'ils n'avaient fait valoir

aucun argument personnel et se trouvaient dès lors soumis au statut

juridique du conjoint et père.

     Le 28 juillet 1994, les requérants recoururent contre la décision

de l'Office des réfugiés et sollicitèrent l'octroi de l'asile, en

application de l'article 3 de la Loi fédérale sur l'asile.  A cette

occasion, le premier requérant affirma avoir milité publiquement et

intensément depuis plusieurs années, avant tout par la rédaction de

poèmes, en faveur d'un Afghanistan laïque, démocratique et respectueux

des droits de l'homme, et s'être ainsi opposé à tous les gouvernements,

y compris celui de Rabbani et Hekmatyar ; il soutint aussi avoir été

très actif politiquement dans les années 70 ; enfin, il déclara ne pas

avoir cessé ses activités en exil, précisant à cet égard qu'il avait

publié des écrits et participé à des manifestations contre les tenants

actuels du pouvoir.

     Le 12 janvier 1996, la Commission suisse de recours en matière

d'asile (ci-après la Commission de recours) rejeta ledit recours.  Elle

estima que les requérants n'avaient pas rendu crédibles les motifs

exposés à l'appui de leur demande d'asile et renvoya, sur ce point, aux

considérations de l'Office des réfugiés.  Par ailleurs, elle releva que

les allégations concernant les activités politiques du premier

requérant, telles qu'exposées dans son mémoire de recours, ne

correspondaient pas aux déclarations qu'il avait faites en première

instance et les jugea en conséquence dénuées de vraisemblance ; à cet

égard, elle observa également que la revendication d'un régime laïque

et démocratique, vu les changements politiques intervenus en

Afghanistan, ne pouvait plus être à l'origine de poursuites.  Enfin,

elle constata qu'il n'avait pas été démontré que les requérants avaient

été mis en danger de façon concrète ou risquaient de l'être en raison

des activités exercées par le premier requérant en exil, soulignant

qu'au demeurant la situation politique était devenue à tel point

anarchique en Afghanistan qu'il n'existait plus de pouvoir homogène

susceptible d'être à l'origine d'une persécution émanant de l'Etat.

     La décision de la Commission de recours fut expédiée aux

requérants le 13 mars 1996.  A cette date, le rejet de leur demande

d'asile de même que leur admission provisoire en Suisse acquirent force

de chose jugée.

     La situation politique en Afghanistan s'est radicalement modifiée

suite à l'arrivée des talibans à Kaboul en septembre 1996.

B.   Droit interne pertinent

     Aux termes de la Loi fédérale sur l'asile du 5 octobre 1979, la

Suisse accorde sur demande l'asile aux réfugiés (article 2).  Sont

notamment reconnus comme réfugiés les étrangers qui, dans leur pays

d'origine ou de dernière résidence, sont exposés à de sérieux

préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur

appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions

politiques ; sont considérés comme sérieux préjudices, par exemple, la

mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté

(article 3).

     L'Office des réfugiés décide de l'octroi ou du refus de l'asile

(article 11) ; en cas de rejet de la demande, il prononce en général,

simultanément, le renvoi et en ordonne l'exécution (article 17).  La

décision de renvoi mentionne notamment la date et l'heure auxquelles

l'étranger doit avoir quitté le territoire suisse et, le cas échéant,

les Etats dans lesquels il ne doit pas être renvoyé (article 17a).

     Toutefois, si l'exécution du renvoi n'est pas possible, est

illicite ou ne peut pas être raisonnablement exigée, les étrangers sont

admis provisoirement en Suisse (article 18) ; dans ce cas, la date de

départ est fixée au moment où l'admission provisoire est levée

(article 17a).

     Les décisions de l'Office des réfugiés rejetant une demande

d'asile ou ordonnant le renvoi peuvent faire l'objet d'un recours à la

Commission de recours ; sauf dispositions contraires, le Département

fédéral de justice et police se prononce sur les autres recours

(article 11).

     L'Ordonnance fédérale sur l'admission provisoire des étrangers

du 25 novembre 1987 précise que l'admission provisoire peut être levée

en tout temps par l'Office des réfugiés ; l'autorité cantonale

compétente fixe alors un délai de départ approprié (article 12).

GRIEFS

     Invoquant l'article 3 de la Convention, les requérants se

plaignent de ce qu'ils seront soumis à la torture et à des peines et

traitements inhumains et dégradants en cas de renvoi en Afghanistan.

     Ils allèguent également qu'au vu de la situation arbitraire et

chaotique prévalant en Afghanistan, les articles 4, 5, 8, 9 et 10 de

la Convention ainsi que 2 du Protocole N° 1 à la Convention seront

« bafoué(s) de façon flagrante » dès leur retour dans leur pays

d'origine.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

     La requête a été introduite le 7 mai 1996.  Par courrier expédié

le 5 juillet 1996, les requérants sollicitèrent l'intervention de la

Commission auprès du gouvernement suisse afin que ce dernier ne procède

pas à leur éloignement vers l'Afghanistan.

     Le 12 juillet 1996, le Président en exercice de la Commission

décida de ne pas donner suite à cette demande.

     La requête a été enregistrée le 18 septembre 1996.

     Le 20 mai 1997, la Commission décida d'ajourner la requête dans

l'attente d'informations, de la part des requérants, concernant les

développements éventuels de la procédure devant les autorités internes

à compter du mois de septembre 1996.

     Le 6 juin 1997, le premier requérant avisa la Commission qu'en

date du 4 juin 1997, il avait adressé à l'Office des réfugiés une

demande en reconsidération des décisions prises à son encontre.  Par

courrier du 25 novembre 1997, il précisa que cette demande était

toujours pendante devant l'Office des réfugiés.

EN DROIT

1.   Les requérants se plaignent de ce qu'en cas de renvoi vers

l'Afghanistan, ils seront soumis à la torture et à des peines et

traitements inhumains et dégradants.  Ils invoquent l'article 3

(art. 3) de la Convention, qui dispose :

     « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou

     traitements inhumains ou dégradants. »

     La Commission rappelle que bien que la Convention ne garantisse,

comme tel, aucun droit à l'asile politique, il n'est pas exclu que le

renvoi d'un demandeur d'asile par un Etat contractant soulève un

problème au regard de l'article 3 (art. 3) lorsqu'il y a des motifs

sérieux et avérés de croire que l'intéressé courra, dans le pays de

destination, un risque réel d'être soumis à la torture ou à des peines

ou traitements inhumains ou dégradants (Cour eur. D.H., arrêt Ahmed

c. Autriche du 17 décembre 1996, Recueil 1996-VI, N° 26, p. 2206,

par. 38 et 39 et N° 21808/93, déc. 8.9.93, D.R. 75, p. 264).

     Toutefois, aux termes de l'article 25 (art. 25) de la Convention,

la Commission peut être saisie d'une requête seulement par une personne

physique ou un groupe de particuliers « (...) qui se prétend victime

d'une violation par l'une des Hautes Parties Contractantes des droits

reconnus dans la (...) Convention (...) ».  La question de la qualité

de victime se trouve liée à l'exigence de l'épuisement des voies de

recours internes au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention.

En effet, le justiciable doit donner à l'Etat responsable la faculté

de remédier aux violations alléguées en utilisant les ressources

judiciaires offertes par la législation nationale, pourvu que celles-ci

se révèlent efficaces et suffisantes ; s'il obtient ainsi, sur le plan

interne, le redressement des violations alléguées, il ne saurait s'en

prétendre victime devant les organes de la Convention (N° 12719/87,

déc. 3.5.88, D.R. 56, p. 237).

     En matière d'expulsion de non-nationaux, la Cour a déjà jugé

qu'un étranger invité à quitter le territoire de l'une des Hautes

Parties Contractantes ne peut se prétendre victime au sens de

l'article 25 (art. 25) de la Convention si cette décision est par

elle-même dépourvue de caractère exécutoire et qu'aucun ordre de

reconduite à la frontière, contre lequel le droit interne prévoit un

recours, n'a encore été pris (Cour eur. D.H., arrêt Vijayanathan et

Pusparajah c. France du 27 août 1992, série A n° 241-B, p. 87, par.

46).  Par ailleurs, la Commission a estimé que l'étranger qui entend

contester la mise à exécution d'une décision de renvoi de l'Office des

réfugiés doit, en cas de modification importante de la situation

politique dans le pays de destination, déposer une requête en

reconsidération devant les autorités suisses avant de saisir la

Commission (N° 18079/91, déc. 4.12.91, D.R. 72, p. 263).

     La Commission relève en l'espèce que le 13 juillet 1994, l'Office

des réfugiés a refusé l'asile aux requérants et ordonné leur renvoi ;

dans cette même décision, il a toutefois aussi prononcé leur admission

provisoire en Suisse.  Or à ce jour, l'admission provisoire des

requérants n'a pas été levée et aucun ordre de départ ne leur a été

signifié.  Elle observe également que si un tel ordre venait à être

pris, les requérants disposeraient, pour le moins, de la faculté de le

contester en adressant une demande en reconsidération aux autorités

internes.  En effet, celles-ci se sont prononcées sur la base de la

situation prévalant en Afghanistan entre le printemps 1992 et le début

de l'année 1996 ; or ladite situation s'est radicalement modifiée à

compter du mois de septembre 1996, suite à l'arrivée des talibans à

Kaboul.  Dans ces circonstances, la Commission estime que les

requérants ne sauraient d'ores et déjà se prétendre victimes, au sens

de l'article 25 (art. 25) de la Convention, d'un renvoi imminent vers

l'Afghanistan.

     Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée pour

défaut manifeste de fondement, en application de l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

2.   Les requérants allèguent en outre que les articles 4, 5, 8, 9 et

10 (art. 4, 5, 8, 9, 10) de la Convention ainsi que 2 du Protocole N°

1 (P1-2) à la Convention seront méconnus en cas de renvoi dans leur

pays d'origine.

     Eu égard à sa conclusion relative aux griefs tirés de l'article 3

(art. 3) de la Convention, la Commission n'estime cependant pas

nécessaire d'examiner la requête sous l'angle des dispositions

précitées.

     Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

     DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

      M. de SALVIA                             J.-C. GEUS

        Secrétaire                        Président en exercice

     de la Commission                       de la Commission

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