CEDH, Commission (deuxième chambre), DESCHAMPS c. la FRANCE, 16 avril 1998, 37925/97
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 16 avr. 1998, n° 37925/97 |
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Numéro(s) : | 37925/97 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 30 juin 1997 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Partiellement irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-29525 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1998:0416DEC003792597 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 37925/97
présentée par Alain DESCHAMPS
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 16 avril 1998 en présence
de
MM. J.-C. GEUS, Président
M.A. NOWICKI
G. JÖRUNDSSON
A. GÖZÜBÜYÜK
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
MM. F. MARTINEZ
I. CABRAL BARRETO
J. MUCHA
D. SVÁBY
P. LORENZEN
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
A. ARABADJIEV
Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 30 juin 1997 par Alain DESCHAMPS
contre la France et enregistrée le 26 septembre 1997 sous le N° de
dossier 37925/97 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant français, né en 1943 et
résident à Mareau-aux-Prés.
Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant,
peuvent se résumer comme suit.
Le 21 juillet 1988 a été prononcé le divorce entre le requérant,
fonctionnaire au ministère de la Culture, et Mme T., fonctionnaire à
l'Université d'Orléans. La résidence principale des trois enfants, T.,
S. et L-S., a été fixée au domicile de leur mère.
Depuis le 28 septembre 1989, le requérant assuma la charge
exclusive de l'un des trois enfants, S., lequel avait demandé à vivre
avec le requérant, Mme T. ayant donné son accord écrit.
Le 17 novembre 1989, le requérant engagea une procédure auprès
du juge aux affaires matrimoniales demandant à son ex-épouse une
pension alimentaire pour l'entretien de S.
Par ordonnance du juge aux affaires matrimoniales du 7 juin 1990,
l'autorité parentale de S. fut attribuée au requérant et la résidence
de cet enfant fixée au domicile du requérant. Le juge n'accorda au
requérant aucune pension alimentaire pour l'entretien de S. en raison
de la forte diminution des versements familiaux à la mère (moins de
3 500 francs par mois), les deux autres pensions alimentaires que le
requérant payait à Mme T. demeurant inchangées, sauf indexation.
Le requérant fit appel de cette décision. Par arrêt du
15 janvier 1992, la cour d'appel d'Orléans confirma l'ordonnance du
7 juin 1990 en ajoutant que Mme T. n'avait pas de ressources
suffisantes pour contribuer à l'éducation et à l'entretien de S.
Le requérant continua à verser deux pensions alimentaires pour
les deux autres enfants à Mme T. En revanche, il ne reçut aucune
pension alimentaire de Mme T. pour l'entretien et l'éducation de S.
Le 28 juin 1990, le requérant sollicita le versement de
l'allocation de soutien familial (ASF) pour S. Il présenta une nouvelle
demande le 22 août 1990 en remplissant le formulaire prévu à cet effet.
Début octobre 1990, le trésorier-payeur général d'Indre-et-Loire lui
opposa un refus. Le requérant protesta en maintenant sa demande et en
faisant valoir que l'ASF était due sans condition de ressources au
parent qui élève seul un enfant. Par lettre du 23 novembre 1990, le
trésorier-payeur général opposa un nouveau refus.
Par lettre du 7 janvier 1991, le requérant réclama à son
administration le prorata des prestations familiales et supplément
familial de traitement des fonctionnaires pour trois enfants ainsi que
l'allocation de rentrée scolaire, augmentés des intérêts moratoires et
de la capitalisation, à compter du 1er octobre 1989. Le requérant
estima qu'il avait non pas un enfant à charge mais trois puisqu'il
payait des pensions alimentaires pour les deux autres enfants.
Par lettre du 11 février 1991, le trésorier-payeur général
précisa au requérant qu'il appartenait au directeur régional des
affaires culturelles du centre, en tant que service gestionnaire des
rémunérations, d'apporter sur le fond la réponse à la demande du
requérant. Le requérant attendit vainement cette réponse.
1. Procédure devant le tribunal administratif d'Orléans
Le 12 février 1991, le requérant renouvela sa demande de
proratisation du supplément familial. Le trésorier-payeur répondit
favorablement le 19 février 1991 à cette demande. En réalité, le
requérant ne reçut pas cette lettre, celle-ci étant restée à la
direction régionale des affaires culturelles du centre (DRAC). Le
requérant en prit connaissance le 9 août 1991 lorsqu'il fut autorisé
à consulter son dossier à la DRAC et ce, après avoir introduit un
recours le 5 juillet 1991 devant le tribunal administratif d'Orléans.
Dans ce recours, le requérant demanda l'annulation de l'article R 513-1
du Code de la sécurité sociale et d'une circulaire du 5 août 1988 ainsi
que le versement du tiers du supplément familial de traitement à
compter du 1er octobre 1989 en application de deux circulaires des
8 octobre 1968 et 11 février 1977.
Le 17 octobre 1991, le requérant déposa au tribunal administratif
un mémoire ampliatif.
Le 23 octobre 1991, le directeur de la DRAC informa le requérant
que sa demande de proratisation du supplément familial de traitement
était rejetée. Dans cette lettre il était indiqué que la juridiction
de sécurité sociale était compétente, mais qu'avant de saisir cette
juridiction, le requérant devait obligatoirement saisir le conseil
d'administration de la caisse d'allocations familiales du lieu de
résidence ou la commission de recours amiable.
Le 13 décembre 1991, le requérant saisit la commission de recours
amiable de la caisse d'allocations familiales du Loiret de ses
réclamations. Le 22 janvier 1992, la caisse d'allocations familiales
fit savoir au requérant que sa commission de recours amiable n'était
pas compétente pour se prononcer sur les décisions d'un autre régime
et demanda au requérant de saisir à nouveau la DRAC. Le
26 janvier 1992, le requérant saisit la DRAC.
Par requête du 30 mars 1992, le requérant et la Fédération de
l'éducation nationale (FEN) demandèrent en référé le renvoi de
l'affaire pour avis au Conseil d'Etat. Par ordonnance du 17 avril 1992,
le tribunal administratif d'Orléans rejeta la demande en référé.
L'affaire se trouve pendante quant au fond.
2. Procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale
Par ailleurs, le 25 septembre 1991, le requérant présenta une
requête devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Loiret
pour qu'il ordonne la réunion de la commission de recours amiable
compétente pour les fonctionnaires. L'affaire fut examinée à l'audience
du 21 octobre 1991 sans qu'aucune des administrations mises en cause
ne vienne à l'audience, ni ne soit représentée.
Par ordonnance de référé du 5 novembre 1991, le tribunal des
affaires de sécurité sociale rejeta la demande du requérant au motif
qu'aucun des courriers émanant de la DRAC produits au débat ne pouvait
être assimilé à une décision administrative de rejet de ses demandes.
Le 24 avril 1992, le requérant demanda pour la seconde fois en
référé au tribunal des affaires de sécurité sociale la désignation de
la commission de recours amiable compétente pour les fonctionnaires
avec la fixation d'une astreinte de 100 francs par jour de retard. Par
ordonnance de référé du 30 juin 1992, le tribunal rejeta la demande
pour le même motif que celui indiqué le 5 novembre 1991.
Contre cette ordonnance, le requérant et son fils firent appel.
Une première audience prévue le 15 décembre 1993 devant la cour
d'appel d'Orléans fut ajournée à la demande de l'avocat de l'agent
judiciaire du Trésor.
A l'audience du 16 février 1994, c'est l'avocat de la FEN qui
demanda le report.
L'affaire fut plaidée le 31 mars 1994 et la cour d'appel
d'Orléans rendit son arrêt le 28 avril 1994. Dans son arrêt, la cour
d'appel infirma l'ordonnance du 30 juin 1992 et renvoya l'affaire
devant le tribunal de sécurité sociale du Loiret pour qu'il soit jugé
au fond. Par suite d'une erreur sur le prénom du requérant, la cour
d'appel rendit un arrêt rectificatif le 3 novembre 1994.
Devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Loiret,
une audience prévue le 7 mars 1994 fut renvoyée sur demande de l'avocat
de l'agent judiciaire du Trésor.
Par décision du 16 mai 1995, le tribunal de la sécurité sociale
rejeta une demande de récusation présentée par le requérant contre le
préfet du département qui était intervenu dans la procédure.
Le 14 avril 1995, le Conseil d'Etat rendit un arrêt en assemblée
générale dans une autre affaire accordant la proratisation du
supplément familial de traitement entre les parents divorcés ayant
chacun un ou plusieurs enfants à son foyer. Le requérant communiqua cet
arrêt au directeur de la DRAC, qui ne répondit pas au courrier du
requérant.
Après un autre report provoqué par l'agent judiciaire du Trésor,
l'affaire fut plaidée devant le tribunal de la sécurité sociale à
l'audience du 6 février 1996. Le tribunal rendit son jugement le
5 mars 1996. Dans son jugement, le tribunal sursit à statuer sur la
demande de proratisation des allocations familiales et du supplément
familial en attente de la décision du tribunal administratif; il rejeta
les autres demandes du requérant. Le tribunal reconnut toutefois le
droit du requérant à l'allocation de soutien familial (ASF) et à
l'allocation de rentrée scolaire (ARS) à compter du 1er octobre 1989.
Malheureusement, en raison d'une erreur sur le prénom de l'enfant, le
requérant ne put toucher lesdites allocations et un jugement
rectificatif fut rendu le 3 septembre 1996, lequel omit de préciser que
les intérêts moratoires et la capitalisation s'appliquaient à compter
du 1er octobre 1989, date à laquelle étaient dues les prestations
familiales.
Par lettre du 3 octobre 1996, le requérant interjeta un appel
limité du jugement du 3 septembre 1996 en ce qui concernait la date
d'effet des intérêts moratoires qui avait été omise, sur le rejet des
demandes de prestations supplémentaires et dommages intérêts pour les
fautes commises par le Trésor.
En novembre 1996, la DRAC accepta de payer l'ASF et l'ARS dues
au requérant à compter du 1er octobre 1989, augmentées des intérêts
moratoires et de la capitalisation à compter du 1er octobre 1989. Mais
par lettre du 23 décembre 1996, le Trésor refusa de payer sous prétexte
que le requérant avait fait appel.
Finalement, l'administration finit par exécuter partiellement le
jugement du 3 septembre 1996.
Par lettres des 3 et 8 juillet 1997, le requérant réclama à son
administration, la DRAC, le complément d'intérêts moratoires et de
capitalisation à compter du 1er octobre 1991 et la majoration de cinq
points des intérêts moratoires. Le Trésor paya partiellement ces
intérêts le 1er juillet 1997.
GRIEFS
Le requérant se plaint en premier lieu de la durée des procédures
qu'il a engagées devant le tribunal administratif d'Orléans et le
tribunal des affaires de sécurité sociale du Loiret. Il invoque
l'article 6 par. 1 de la Convention.
Il se plaint également que, devant le tribunal des affaires de
sécurité sociale du Loiret, il n'a pas bénéficié d'un procès équitable
dans la mesure où le rôle du ministère public est tenu par le préfet
ou son représentant. Or cette autorité administrative est celle qui a
refusé les prestations familiales dues aux fonctionnaires ou qui est
placée sous la dépendance d'une autre autorité, le Trésor Public, qui
a refusé le paiement des prestations.
Le requérant allègue aussi la violation des articles 8 et 14 de
la Convention et des articles 2 du Protocole N° 1 et 5 du Protocole
N° 7 à la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint de la durée des procédures qu'il a
engagées devant le tribunal administratif d'Orléans et le tribunal des
affaires de sécurité sociale du Loiret. Il invoque l'article 6 par. 1
(art. 6-1) de la Convention qui, en ses parties pertinentes, est ainsi
rédigé :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, (...) dans un délai raisonnable, par un
tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses
droits et obligations de caractère civil (...) »
En l'état du dossier, la Commission estime ne pas être en mesure
de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de
porter cette partie de la requête à la connaissance du gouvernement mis
en cause, par application de l'article 48 par. 2 b) du Règlement
intérieur.
2. Le requérant se plaint d'une prétendue iniquité de la procédure
devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale, en violation
de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Le requérant allègue
aussi la violation des articles 8 et 14 (art. 8, 14) de la Convention
et des articles 2 du Protocole N° 1 et 5 du Protocole N° 7
(P1-2), P7-5) à la Convention.
La Commission observe que la procédure qu'il a engagée devant le
tribunal des affaires de la sécurité sociale est à ce jour pendante
devant la cour d'appel d'Orléans. Contre l'arrêt de la cour d'appel,
le requérant pourra, le cas échéant, se pourvoir devant la Cour de
cassation. Quant à la procédure devant le tribunal administratif
d'Orléans, cette juridiction n'a pas encore statué et, contre le
jugement qui sera rendu, il sera loisible au requérant de faire appel.
S'agissant tout d'abord du grief tiré du caractère non équitable
de la procédure, la Commission renvoie à sa jurisprudence constante,
selon laquelle la conformité d'un procès aux exigences de l'article 6
(art. 6) de la Convention doit en principe être examinée sur la base
de l'ensemble de la procédure une fois celle-ci terminée (cf. Cour
eur. D.H., arrêt Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne du 6 décembre
1988, série A n° 146, p.31, par. 67-68). Or, en l'occurence, la
procédure n'est pas encore achevée. Ce grief est dès lors prématuré.
Quant aux autres griefs soulevés par le requérant, et compte tenu
de ce que la procédure est encore pendante, ils se heurtent à
l'exception de non-épuisement des voies de recours internes, au regard
de l'article 26 (art. 26) de la Convention.
Cette partie de la requête doit par conséquent être rejetée, en
application des articles 27 par. 2 et 3 (art. 27-2, 27-3) de la
Convention.
Par ces motifs, la Commission
AJOURNE l'examen du grief concernant la durée des procédures
qu'il a engagées devant le tribunal des affaires de sécurité
sociale du Loiret et le tribunal administratif d'Orléans ;
à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.
M.-T. SCHOEPFER J.-C. GEUS
Secrétaire Président
de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre