CEDH, Commission (deuxième chambre), MORDOGAN c. la FRANCE, 16 avril 1998, 38299/97
Commentaire • 0
Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 16 avr. 1998, n° 38299/97 |
---|---|
Numéro(s) : | 38299/97 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 22 juillet 1996 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-29527 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1998:0416DEC003829997 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 38299/97
présentée par Necmettin MORDOGAN
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 16 avril 1998 en présence
de
MM. J.-C. GEUS, Président
M.A. NOWICKI
G. JÖRUNDSSON
A. GÖZÜBÜYÜK
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
MM. F. MARTINEZ
I. CABRAL BARRETO
J. MUCHA
D. SVÁBY
P. LORENZEN
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
A. ARABADJIEV
Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 22 juillet 1996 par Necmettin
MORDOGAN contre la France et enregistrée le 22 octobre 1997 sous le N°
de dossier 38299/97 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant turc né en 1967. Il est
incarcéré au centre de détention de Mulhouse. Devant la Commission, il
est représenté par Madame Annelise Schlee.
Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant,
peuvent se résumer comme suit.
Le requérant est entré en France en 1982, à l'âge de quinze ans.
Il s'est marié le 10 juillet 1989 avec une femme de nationalité turque
dont il a eu deux enfants. Toute la famille du requérant vit en France.
Par jugement du tribunal correctionnel de Mulhouse du
1er mars 1996, le requérant fut condamné à la peine de cinq ans
d'emprisonnement et à l'interdiction définitive du territoire français
pour trafic de stupéfiants (héroïne).
Sur appel du requérant, la cour d'appel de Colmar, par arrêt en
date du 10 juillet 1996, infirma le jugement entrepris sur la peine et
condamna le requérant à la peine de quatre ans d'emprisonnement et à
l'interdiction définitive du territoire français pour trafic de
stupéfiants.
Le pourvoi en cassation fut rejeté par un arrêt de la Cour de
cassation du 5 mars 1997.
GRIEF
Le requérant fait valoir qu'il vit depuis 1982 en France, où
vivent sa femme et deux enfants. Il se plaint que la mesure
d'interdiction définitive du territoire français prononcée à son
encontre porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et
familiale. Il invoque l'article 8 de la Convention.
EN DROIT
Le requérant fait valoir qu'il vit depuis 1982 en France, où
vivent sa femme et ses enfants. Il se plaint que la mesure
d'interdiction définitive du territoire français prononcée à son
encontre porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et
familiale et invoque l'article 8 (art. 8) de la Convention ainsi
libellé :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans
l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une
société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à
la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense
de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la
protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des
droits et libertés d'autrui. »
La Commission rappelle en premier lieu que, selon la
jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, les Etats
contractants ont le droit de contrôler, en vertu d'un principe de droit
international bien établi et sans préjudice des engagements découlant
pour eux de traités, l'entrée, le séjour et l'éloignement des non-
nationaux (cf., par exemple, Cour eur. D.H., arrêts Moustaquim
c. Belgique du 18 février 1991, série A n° 193, p. 19, par. 43 ;
Beldjoudi c. France du 26 mars 1992, série A n° 234-A, p. 27, par. 74
et Boughanemi c. France du 24 avril 1996, p. 609, par. 41, Recueil des
arrêts et décisions 1996-II ; Mehemi c. France du 26 septembre 1997,
par. 34, Recueil 1997 ; El Boujaïdi c. France du 26 septembre 1997,
par. 39, Recueil 1997).
Toutefois, leurs décisions en la matière peuvent porter atteinte
dans certains cas au droit protégé par l'article 8 par. 1 (art. 8-1)
de la Convention.
La Commission note que le requérant vit depuis 1982 en France,
où vivent également sa femme et ses deux enfants. La Commission
considère que, compte tenu des liens familiaux du requérant en France,
la mesure d'interdiction définitive du territoire français constitue
une ingérence dans sa vie privée et familiale (Cour eur. D.H., arrêt
Berrehab c. Pays-Bas du 21 juin 1988, série A n° 138, p. 14, par. 23).
La Commission considère en outre que cette ingérence était
manifestement prévue par la loi.
En ce qui concerne la nécessité de l'ingérence en vue de protéger
les intérêts légitimes prévus par le paragraphe 2 de l'article 8
(art. 8-2), la Commission constate que le requérant est arrivé en
France à l'âge de quinze ans. On peut dès lors présumer qu'il connaît
bien son pays d'origine et en maîtrise la langue.
Un élément essentiel pour l'évaluation de la proportionnalité de
la mesure d'interdiction est cependant la gravité de l'infraction
commise par le requérant, démontrée par la peine de quatre années de
prison à laquelle il a été condamné par la cour d'appel de Colmar pour
trafic de stupéfiants.
Compte tenu des considérations qui précèdent, et en particulier,
d'une part, de la nature et la gravité de l'infraction commise par le
requérant et, d'autre part, du fait que l'on ne saurait considérer que
le requérant est dépourvu de toute attache avec son pays d'origine, la
Commission estime que l'ingérence dans sa vie privée et familiale que
constitue la mesure d'interdiction définitive du territoire français
peut raisonnablement être considérée comme nécessaire, dans une société
démocratique, notamment à la défense de l'ordre, à la prévention des
infractions pénales et à la protection de la santé au sens de
l'article 8 par. 2 (art. 8-2) de la Convention (cf. arrêts Boughanemi
c. France précité, p. 610, par. 44 et 45 ; C. c. Belgique du 7 août
1996, p. 928, par. 34-36, Recueil 1996-III et Bouchelkia c. France du
29 janvier 1997, p. 65, par. 50-52, Recueil, 1997-I ; El Boujaïdi
c. France précité, par. 41-42).
Il s'ensuit que la requête doit être rejetée comme étant
manifestement mal fondée, conformément à l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à la majorité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
M.-T. SCHOEPFER J.-C. GEUS
Secrétaire Président
de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre