CEDH, Commission (première chambre), AUTORINO c. l'ITALIE, 21 mai 1998, 39704/98

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Première Chambre), 21 mai 1998, n° 39704/98
Numéro(s) : 39704/98
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 17 septembre 1997
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Agosi du 24 octobre 1986, série A n° 108, pp. 17, 18, par. 30, 51, 55 et ss.
Arrêt Ciulla du 22 février 1989, série A n° 148, p. 17, par. 39
Arrêt Editions Périscope du 26 mars 1992, série A n° 234-B, p. 66, par. 40
Arrêt Guzzardi du 6 novembre 1980, série A n° 39, pp. 37, 40, par. 100, 108
Cour Eur. D.H. Arrêt Handyside du 7 décembre 1976, série A n° 24, pp. 29, 30, par. 62-63
Arrêt Raimondo du 22 février 1994, série A n° 281-A, pp. 17, 20, par. 30, 43
Arrêt Vernillo du 20 février 1991, série A n° 198, p. 12, par. 30
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-29649
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:0521DEC003970498
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Texte intégral

                            SUR LA RECEVABILITÉ

                       de la requête N° 39704/98

                      présentée par Riccardo AUTORINO

                      contre l'Italie

     La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 21 mai 1998 en présence de

     MM.   M.P. PELLONPÄÄ, Président

           N. BRATZA

           E. BUSUTTIL

           A. WEITZEL

           C.L. ROZAKIS

     Mme   J. LIDDY

     MM.   L. LOUCAIDES

           B. MARXER

           B. CONFORTI

           I. BÉKÉS

           G. RESS

           A. PERENIC

           C. BÎRSAN

           K. HERNDL

           M. VILA AMIGÓ

     Mme   M. HION

     M.    R. NICOLINI

     Mme   M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre ;

     Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

     Vu la requête introduite le 17 septembre 1997 par le requérant

contre l'Italie et enregistrée le 5 février 1998 sous le numéro de

dossier 39704/98 ;

     Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

     Après avoir délibéré,

     Rend la décision suivante :

EN FAIT

     Le requérant est un ressortissant italien né en 1959 et résidant

à Comiziano (Naples). Il est représenté devant la Commission par Maître

Vittorio Trupiano, avocat à Naples.

     Les faits, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent

se résumer comme suit.

     En raison des soupçons qui pesaient sur le frère du requérant, -

M. A. - et qui donnaient à penser qu'il n'exerçait aucune activité

lucrative légale et était membre d'une organisation criminelle établie

en Campanie, le parquet de Naples, à une date non précisée, entama

contre celui-ci une procédure en vue de l'application des mesures de

prévention établies par la loi n° 1423 du 27 décembre 1956 et par la

loi n° 575 du 31 mai 1965, telle que modifiée par la loi n° 646 du

13 septembre 1982.

     Par ordonnance du 12 juin 1992, la chambre spécialisée pour les

mesures de prévention du tribunal de Naples décida de soumettre M. A.

à la mesure de liberté sous contrôle de police, ordonnant en même temps

son assignation à résidence dans la commune de Ailano (Caserta) pour

une durée de cinq ans.

     Par ordonnance du 15 juillet 1993, la chambre spécialisée pour

les mesures de prévention du tribunal de Naples ordonna, inter alia,

la saisine d'une maison et des quote-parts d'une société en nom

collectif appartenant au requérant et à sa femme. Selon les juges de

la chambre spécialisée, M. A. avait l'habitude depuis plusieurs années

de transférer formellement ses propriétés, fruits de ses activités

illicites, aux membres de sa famille proche afin de soustraire ses

biens au contrôle des autorités judiciaires. En ce qui concernait

notamment le requérant, celui-ci et sa femme avaient déclaré en 1990 un

revenu annuel de 11 834 000 lires (environ 40 800 FF). Malgré cette

situation financière assez modeste, le couple avait acheté en 1989 un

appartement situé au centre de Naples au prix de 115 840 000 lires et

le 23 décembre 1992 une maison individuelle avec garage à Comiziano.

En outre, le 26 septembre 1987, le requérant et sa femme avaient

constitué la société en nom collectif P., dont le capital social

s'élevait à 20 000 000 lires. De ce fait, le tribunal estima que les

investissements réalisés par le couple ne se justifiaient pas à la

lumière des revenus déclarés. Il était dès lors raisonnable de penser

que les capitaux nécessaires pour acquérir les biens en question

appartenaient en réalité à M. A., qui, grâce à son pouvoir financier

et à son autorité sociale, était de facto le propriétaire de la société

et de la maison et continuait à en disposer au moins de façon

indirecte.

     Dans un mémoire présenté à une date non précisée, le requérant

s'opposa aux thèses du tribunal. Il allégua avoir travaillé pendant

plusieurs années comme serveur, co-titulaire d'un supermarché et enfin

titulaire de la société P. Il aurait tiré de telles activités des

profits importants - qui n'avaient pas été déclarés suite à une

tentative de fuite fiscale -, qu'il aurait ensuite utilisés pour

acquérir l'appartement au centre de Naples. Quant à la maison

individuelle, celle-ci aurait été achetée avec la somme obtenue suite

à la vente de l'appartement.

     Par ordonnance du 3 février 1995, dont le texte fut déposé au

greffe le 8 février 1995, la chambre spécialisée pour les mesures de

prévention du tribunal de Naples ordonna la confiscation des biens

précédemment saisis appartenant au requérant et à sa femme, et ce en

application de l'article 2 ter, troisième alinéa, de la loi n° 575 du

1965. Cette décision fut arrêtée sur la base d'une analyse détaillée

de la nature des activités commerciales indiquées par le requérant,

qui, à la lumière des documents comptables pertinents, ne semblaient

pas pouvoir justifier des revenus suffisants. D'autre part, les

explications fournies par le requérant ainsi que son comportement lors

d'une audience devant le tribunal semblaient confus, peu convaincants

et incompatibles avec les qualités d'entrepreneur que son avocat

prétendait lui attribuer. La chambre spécialisée ordonna en outre la

confiscation d'un terrain dont était formellement propriétaire Mme O.,

femme de M. A., et des quote-parts d'une société en commandité simple

dont étaient titulaires M. A. et un tel M. M. Elle observa notamment

que M. M. n'exerçait aucune activité lucrative légale et que les

revenus de Mme O. étaient manifestement disproportionnés par rapport

à la valeur du bien en question.

     Le 20 février 1995, le requérant et sa femme interjetèrent appel

devant la chambre spécialisée pour les mesures de prévention de la cour

d'appel de Naples. Il contestaient notamment l'évaluation de leurs

revenus retenue par le tribunal.

     Par ordonnance du 11 juin 1996, dont le texte fut déposé au

greffe le 27 juin 1996, la chambre spécialisée pour les mesures de

prévention de la cour d'appel de Naples ordonna la restitution au

requérant et à sa femme des quote-parts de la société en nom collectif

P. et confirma le restant de la décision de première instance. La cour

observa notamment que la constitution de la société P., compte tenu de

sa taille modeste, n'avait pas demandé l'emploi de capitaux

importants ; en outre, il ne ressortait pas clairement du dossier que

M. A. eût participé, directement ou indirectement, à la gestion de

l'entreprise afin de «blanchir» l'argent sale provenant de ses

activités criminelles. Quant à la maison individuelle, la cour nota que

celle-ci, achetée en 1992 au prix déclaré de 230 000 000 lires, avait

une valeur absolument disproportionnée par rapport aux revenus du

requérant et de sa femme, étant donné que les profits de la société P.,

qui n'avait commencé son activité que le 1er août 1989, étaient à peine

suffisants pour garantir au couple un niveau de vie moyen. En outre,

il était a fortiori invraisemblable qu'en juin 1989 - et donc avant le

début de l'activité de la société P. - le couple eût pu acquérir un

immeuble au centre de Naples au prix déclaré de 115 840 000 lires.

D'autre part, il ressortait clairement de l'historique des comptes

bancaires du requérant que celui-ci avait reçu à plusieurs reprises

d'importantes sommes d'argent. Compte tenu de la nature des relations

du requérant avec sa famille proche - dans laquelle seul M. A.

disposait d'importants revenus -, la cour d'appel conclut que la maison

objet du litige ne pouvait qu'avoir été achetée grâce au remploi des

profits illicites du frère du requérant.

     Le 19 juillet 1996, le requérant se pourvut en cassation.

     Par arrêt du 14 février 1997, dont le texte fut déposé au greffe

le 27 mai 1997, la Cour de cassation débouta le requérant de son

pourvoi. Elle estima que la cour d'appel de Naples avait motivé d'une

façon logique et correcte tous les points controversés.

GRIEFS

1.   Le requérant considère que les décisions prononçant la

confiscation de sa maison individuelle ont porté atteinte à son droit

au respect des biens, tel qu'il est garanti par l'article 1 du

Protocole n° 1.

2.   Invoquant l'article 6 par. 1 de la Convention, le requérant se

plaint de la durée et de l'iniquité de la procédure ainsi que du manque

d'impartialité des juridictions nationales.

3.   Le requérant soutient que les éléments recueillis à son encontre

par les juridictions nationales ne sauraient être considérés comme

«preuve légale» de culpabilité et que par conséquent sa «condamnation»

porte atteinte à la présomption d'innocence, telle que garantie par

l'article 6 par. 2 de la Convention.

4.   Le requérant invoque les articles 8, 14 et 18 de la Convention,

sans toutefois clairement indiquer en quoi il y aurait eu violation.

Il invoque en outre l'article 4 du Protocole n° 7 et affirme que cette

disposition aurait été violée car la cour d'appel de Naples, en

révoquant la confiscation d'une partie des biens saisis, a confirmé le

restant de la décision de première instance.

EN DROIT

1.   Le requérant se plaint d'avoir été privé de ses biens. Il invoque

l'article 1 du Protocole n° 1 (P1-1), ainsi libellé :

     «Toute personne physique ou morale a droit au respect de

     ses biens.  Nul ne peut être privé de sa propriété que pour

     cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par

     la loi et les principes généraux du droit international.

     Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au

     droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois

     qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des

     biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le

     paiement des impôts ou d'autres contributions ou des

     amendes.»

     Le requérant allègue avoir acheté la maison individuelle

confisquée grâce aux revenus de son travail et à l'argent reçu de sa

famille proche. Il soutient que les décisions des autorités judiciaires

italiennes sont fondées sur une dénaturation des faits et que la seule

«faute» qu'on saurait lui attribuer est le fait d'être le frère de

M. A.

     La Commission constate que la confiscation litigieuse a constitué

sans nul doute une ingérence dans la jouissance du droit du requérant

au «respect de ses biens» (N° 12386/86, déc. 15.4.91, D.R. 70, p. 78).

     Elle note ensuite que la confiscation a frappé un bien dont les

tribunaux ont constaté l'origine illégale et a pour but d'éviter que

le frère du requérant qui, selon les juges italiens, pouvait

indirectement disposer de la maison, puisse l'utiliser pour réaliser

ultérieurement des bénéfices à son profit ou au profit de l'association

de malfaiteurs à laquelle il est soupçonné d'appartenir, et ce au

préjudice de la collectivité.

     Ainsi, même si la mesure en question a entraîné une privation de

propriété, celle-ci relève d'une réglementation de l'usage des biens

au sens du second alinéa de l'article 1 du Protocole n° 1 (P1-1), qui

laisse aux Etats le droit d'adopter «les lois qu'ils jugent nécessaires

pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général»

(voir Cour eur. D.H., arrêts Agosi c. Royaume-Uni du 24 octobre 1986,

série A n° 108, p. 17, par. 51 et suivants ; Handyside c. Royaume-Uni

du 7 décembre 1976, série A n° 24, pp. 29 et 30, par. 62-63).

     En ce qui concerne le respect des conditions de cet alinéa, la

Commission constate d'emblée que la confiscation des biens du requérant

a été ordonnée conformément à l'article 2 ter de la loi de 1965. Il

s'agit donc d'une ingérence prévue par la loi.

     La Commission constate ensuite que la confiscation litigieuse

tend à empêcher un usage illicite et dangereux pour la société de biens

dont la provenance légitime n'a pas été démontrée. Elle considère donc

que l'ingérence qui en résulte vise un but qui, à n'en pas douter,

correspond à l'intérêt général (voir Cour eur. D.H., arrêt Raimondo

c. Italie du 22 février 1994, série A n° 281-A, p. 17, par. 30 ;

N° 12386/86, précité, pp. 59 et 79). Il reste néanmoins à vérifier si

cette ingérence est proportionnée au but légitime poursuivi.

     A cet égard, la Commission souligne que la mesure litigieuse

s'inscrit dans le cadre d'une politique de prévention criminelle et

considère que, dans la mise en oeuvre d'une telle politique, le

législateur doit jouir d'une grande latitude pour se prononcer tant sur

l'existence d'un problème d'intérêt public appelant une réglementation

que sur le choix des modalités d'application de cette dernière.

     Elle observe par ailleurs que le phénomène de criminalité

organisée a atteint, en Italie, des proportions fort préoccupantes. Les

associations de type mafieux se sont répandues à tel point que, dans

certaines zones, le contrôle de l'Etat s'en trouve gravement affaibli.

     Les profits démesurés que ces associations tirent de leurs

activités illicites leur donnent un pouvoir dont l'existence remet en

cause la primauté du droit dans l'Etat. Ainsi, les moyens adoptés pour

combattre ce pouvoir économique, notamment la confiscation litigieuse,

peuvent apparaître comme indispensables pour lutter efficacement contre

lesdites associations (voir arrêt Raimondo, précité, p. 17, par. 30 ;

N° 12386/86, précité, p. 80).

     De ce fait, la Commission ne saurait méconnaître les

circonstances spécifiques qui ont guidé l'action du législateur

italien. Il lui incombe toutefois de s'assurer que les droits garantis

par la Convention soient, dans chaque cas, respectés.

     La Commission constate qu'en l'espèce l'article 2 ter de la loi

de 1965 établit, en présence d'«indices suffisants», une présomption

que les biens de la personne soupçonnée d'appartenir à une association

de malfaiteurs constituent le profit d'activités illicites ou son

remploi.

     Tout système juridique connaît des présomptions de fait ou de

droit. La Convention n'y fait évidemment pas obstacle en principe. Le

droit du requérant au respect de ses biens implique, cependant,

l'existence d'une garantie juridictionnelle effective. Dès lors, la

Commission doit rechercher si la procédure qui s'est déroulée devant

les juridictions italiennes offrait au requérant, compte tenu de la

gravité de la mesure encourue, une occasion adéquate d'exposer sa cause

aux autorités compétentes (voir, mutatis mutandis, arrêt Agosi,

précité, p. 18, par. 55).

     A cet égard, la Commission a déjà eu l'occasion de constater que

la procédure pour l'application des mesures de prévention s'est

déroulée de manière contradictoire devant trois juridictions

successives - tribunal, cour d'appel et Cour de cassation. Aux yeux de

la Commission, la restitution au requérant des quote-parts de la

société P. confirme le caractère concret des garanties dont la

procédure de confiscation était entourée et, notamment, l'effectivité

des droits de la défense (cf. N° 12386/86, précité, p. 80).

     La Commission observe en outre que les juridictions italiennes

ne pouvaient pas se fonder sur de simples soupçons. Elles devaient

établir et évaluer objectivement les faits exposés par les parties et

rien dans le dossier ne permet de croire qu'elles aient apprécié de

façon arbitraire les éléments qui leur ont été soumis.

     Bien au contraire, les juges italiens se sont fondés sur les

informations recueillies lors de l'application à l'encontre du frère

du requérant de la mesure de liberté sous contrôle de police, d'où il

ressortait que celui-ci entretenait des relations régulières avec des

groupes criminels et n'exerçait aucune activité lucrative légale. Cela

n'est d'ailleurs pas contesté par le requérant. Les tribunaux nationaux

ont en outre soigneusement analysé la situation financière du

requérant, le montant de son revenu annuel ainsi que la nature de ses

relations avec sa famille proche et ont conclu que la maison litigieuse

ne pouvait qu'avoir été achetée grâce au remploi des profits illicites

de M. A. et appartenait de facto à celui-ci, l'attribution formelle du

droit de propriété au requérant n'étant qu'un escamotage juridique

visant à soustraire le bien litigieux à l'application des dispositions

de la loi. Cette conclusion est d'ailleurs renforcée par les décisions

prononçant la confiscation des biens appartenant à Mme O. et M. M., qui

amènent à croire qu'en effet afin de se soustraire au contrôle des

autorités judiciaires, M. A. suivait la pratique de transférer ses

propriétés au membres de sa famille et à ses amis.

     D'autre part, le caractère préventif de la confiscation en

justifiait l'application immédiate nonobstant tout recours (voir arrêt

Raimondo, précité, p. 17, par. 30).

     Dans ces circonstances, compte tenu de la marge d'appréciation

qui revient aux Etats lorsqu'ils réglementent «l'usage des biens

conformément à l'intérêt général», en particulier dans le cadre d'une

politique criminelle visant à combattre le phénomène de grande

criminalité, la Commission conclut que l'ingérence dans le droit du

requérant au respect de ses biens n'est pas disproportionnée par

rapport au but légitime poursuivi (voir arrêt Raimondo, précité, p. 17,

par. 30 ; N° 12386/86, précité, p. 81).

     Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être

rejeté en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la

Convention.

2.   Le requérant se plaint de la durée et de l'iniquité de la

procédure ainsi que du manque d'impartialité des juridictions

nationales. Il invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention

qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :

     «1.   Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

     équitablement (...) et dans un délai raisonnable (...) par

     un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera,

     soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère

     civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale

     dirigée contre elle (...).»

     La Commission doit d'abord déterminer si la disposition invoquée

trouve à s'appliquer en l'espèce.

     Elle rappelle que, selon la jurisprudence des organes de la

Convention, les mesures de prévention prévues par les lois italiennes

de 1956, 1965 et 1982, qui n'impliquent pas un jugement de culpabilité

mais visent à empêcher l'accomplissement d'actes criminels, ne

sauraient se comparer à une «peine» (voir Cour eur. D.H., arrêts

Raimondo, précité, p. 20, par. 43 ; Ciulla c. Italie du 22 février

1989, série A n° 148, p. 17, par. 39 ; Guzzardi c. Italie du 6 novembre

1980, série A n° 39, p. 37, par. 100 ; N° 12386/86, précité, pp. 59,

73-77). Dès lors, la procédure y relative ne porte pas sur le «bien-

fondé» d'une «accusation en matière pénale» (voir Cour eur. D.H.,

arrêts Raimondo, précité, p. 20, par. 43 ; Guzzardi, précité, p. 40,

par. 108).

     Il reste à déterminer si la procédure entamée contre le requérant

portait sur des «droits et obligations de caractère civil» aux termes

de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).

     La Commission observe à cet égard que l'article 6 (art. 6)

s'applique au civil à toute action ayant un objet «patrimonial» et se

fondant sur une atteinte alléguée à des droits eux aussi patrimoniaux

(voir Cour eur. D.H., arrêts Raimondo, précité, p. 20, par. 43 ;

Editions Périscope c. France du 26 mars 1992, série A n° 234-B, p. 66,

par. 40). Tel étant le cas en l'espèce, l'article 6 par. 1

(art. 6-1) est applicable à la procédure litigieuse.

a)   Dans la mesure où la requête porte sur l'iniquité de la

procédure, la Commission note que le requérant conteste l'appréciation

des faits et le contenu des décisions des tribunaux nationaux.

     La Commission rappelle qu'elle a pour seule tâche, conformément

à l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des

engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes

et qu'elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à

des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une

juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui

semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et

libertés garantis par la Convention (voir par exemple N° 7987/77,

déc. 13.12.79, D.R. 18, pp. 31 et 61).

     En l'espèce, la Commission vient de relever que le requérant a

pu soumettre les éléments de preuve qu'il a estimé nécessaires à trois

instances juridictionnelles au cours d'une procédure contradictoire et

que les décisions litigieuses ont amplement motivé tous les points

controversés.

     En ce qui concerne le manque d'impartialité des juridictions

compétentes, la Commission observe que le requérant s'est borné à

indiquer que les juges nationaux avaient une idée préconçue quant à sa

«culpabilité». Il n'a toutefois pas fourni d'éléments à l'appui de ses

allégations et n'a, dès lors, pas étayé son grief.

     Il s'ensuit que la requête doit être rejetée sur ces points comme

étant manifestement mal fondée, en application de l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

b)   Quant à la durée de la procédure, la Commission observe que

celle-ci a débuté le 15 juillet 1993, date à laquelle le tribunal de

Naples a ordonné la saisine des biens du requérant, et s'est terminée

le 27 mai 1997 par le dépôt au greffe de l'arrêt de la Cour de

cassation. La période à considérer s'étend donc sur plus de trois ans

et dix mois.

     La Commission rappelle que selon la jurisprudence constante des

organes de la Convention, le caractère raisonnable de la durée d'une

procédure doit s'apprécier suivant les circonstances de la cause et à

l'aide des critères suivants : la complexité de l'affaire, le

comportement des parties et le comportement des autorités saisies de

l'affaire (voir Cour Eur. D.H., arrêt Vernillo c. France du 20 février

1991, série A n° 198, p. 12, par. 30).

     La Commission estime que l'affaire présentait une certaine

complexité, compte tenu des difficultés rencontrées par les

juridictions nationales dans l'établissement du montant effectif des

revenus du requérant.

     Quant au comportement des autorités saisies, la Commission a

relevé deux importantes périodes d'inactivité : du 15 juillet 1993

(date de la saisine des biens du requérant) au 3 février 1995 (date à

laquelle le tribunal de Naples a ordonné la confiscation desdits

biens), soit un retard de plus d'un an et six mois ; du 20 février 1995

(date de l'appel) au 11 juin 1996 (date de l'arrêt de la chambre

spécialisée de la cour d'appel), soit un retard de plus d'un an et

trois mois. Les autorités italiennes doivent donc être tenues pour

responsables d'un retard global de plus de deux ans et dix mois.

     La Commission considère que le laps de temps mis à la charge de

l'Etat pourrait sembler de prime abord excessif. Toutefois, si on le

rapproche, comme il se doit, de la durée totale de la procédure, il

apparaît tolérable.

     Conformément à sa jurisprudence en la matière et compte tenu de

la complexité de l'affaire ainsi que du fait que trois juridictions ont

été appelées à connaître du litige, la Commission estime que la durée

de la procédure n'est pas suffisamment importante pour que l'on puisse

conclure à une apparence de violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)

de la Convention.

     Il s'ensuit que cette partie du grief doit être rejetée comme

étant manifestement mal fondée en application de l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

3.   Le requérant soutient en outre que les éléments recueillis à son

encontre par les juridictions nationales ne sauraient être considérés

comme «preuve légale» de culpabilité et que par conséquent sa

«condamnation» porte atteinte à la présomption d'innocence. Il invoque

l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention, ainsi libellé :

     «2.   Toute personne accusée d'une infraction est présumée

     innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement

     établie».

     La Commission vient de constater que les mesures de prévention

ne peuvent se comparer à une «peine» et que la procédure y relative ne

porte pas sur le «bien-fondé» d'une «accusation en matière pénale». Dès

lors, une personne frappée de la mesure de la confiscation ne revêt pas

la qualité d'accusée au sens de l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la

Convention (cf. N° 12386/86, précité, pp. 76 et 77). Cette disposition

ne trouve donc pas à s'appliquer en l'espèce.

     Il s'ensuit que ce grief est incompatible ratione materiae avec

les dispositions de la Convention et doit être rejeté en application

de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de celle-ci.

4.   Le requérant invoque les articles 8, 14 et 18 (art. 8, 14, 18)

de la Convention, sans toutefois clairement indiquer en quoi il y

aurait eu violation.

     Il invoque en outre l'article 4 du Protocole n° 7 (P7-4) et

affirme que cette disposition aurait été violée car la cour d'appel de

Naples, en révoquant la confiscation d'une partie des biens saisis, a

confirmé le restant de la décision de première instance.

     Dans la mesure où les allégations du requérant ont été étayées

et où elle est compétente pour en connaître, la Commission n'a relevé

aucune apparence de violation des dispositions invoquées.

     Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée

comme étant manifestement mal fondée en application de l'article 27

par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

     Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

     DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE.

     M.F. BUQUICCHIO                             M.P. PELLONPÄÄ

        Secrétaire                                 Président

  de la Première Chambre                     de la Première Chambre

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CEDH, Commission (première chambre), AUTORINO c. l'ITALIE, 21 mai 1998, 39704/98