CEDH, Commission (deuxième chambre), BOUCHET c. la FRANCE, 1er juillet 1998, 32178/96
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 1er juill. 1998, n° 32178/96 |
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Numéro(s) : | 32178/96 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 13 novembre 1995 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusions : | Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable |
Identifiant HUDOC : | 001-29660 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1998:0701DEC003217896 |
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 32178/96
présentée par Martine et Stéphan BOUCHET
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1998 en
présence de
MM. J.-C. GEUS, Président
M.A. NOWICKI
G. JÖRUNDSSON
A. GÖZÜBÜYÜK
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
MM. F. MARTINEZ
I. CABRAL BARRETO
D. SVÁBY
P. LORENZEN
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
A. ARABADJIEV
Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 13 novembre 1995 par Martine et
Stephan BOUCHET contre la France et enregistrée le 8 juillet 1996 sous
le N° de dossier 32178/96 ;
Vu les observations présentées par le gouvernement mis en cause
le 27 janvier 1997 et les observations en réponse présentées par les
requérants le 27 mars 1997 ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants sont la mère et le fils, nés respectivement en
1949 et en 1973 et domiciliés à Yzeure.
Les faits, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent
se résumer comme suit.
1. Le requérant, qui est hémophile, a reçu des produits sanguins à
cinq reprises entre septembre 1978 et septembre 1991.
Des examens pratiqués en février 1992 ont montré qu'il avait été
contaminé par le virus de l'hépatite C.
Le 27 janvier 1994, le requérant fit une demande d'aide
juridictionnelle aux fins de diligenter une procédure d'indemnisation
contre le centre hospitalier de Girac.
Par décision du 15 février 1994, l'aide juridictionnelle totale
lui fut accordée.
Le 19 juillet 1994, le requérant fit assigner « en référé
expertise médicale » le centre départemental de transfusion sanguine
d'Angoulême.
Une ordonnance de référé du tribunal de grande instance
d'Angoulême du 13 octobre 1994 désigna un expert qui devait remettre
son rapport dans les quatre mois suivant sa désignation.
Le rapport fut déposé le 29 mai 1995.
Le 14 septembre 1995, le requérant demanda l'aide
juridictionnelle aux fins de diligenter une procédure en indemnisation
contre le centre départemental de transfusion sanguine d'Angoulême.
Par décision du 26 septembre 1995, l'aide juridictionnelle totale
lui fut accordée.
Le 8 décembre 1995, le requérant assigna le centre départemental
de transfusion sanguine d'Angoulême devant le tribunal de grande
instance d'Angoulême.
Le 18 janvier 1996, le centre départemental de transfusion
sanguine fit assigner en garantie le centre régional de transfusion
sanguine (CTS) de Bordeaux.
Le 11 mars suivant, les procédures furent jointes.
Le 17 mai 1996, l'avocat du requérant transmit le rapport
d'expertise au tribunal et à l'avocat du CTS de Bordeaux.
Le 1er juillet 1996, le juge de la mise en état adressa une
injonction de conclure à l'avocat du CTS de Bordeaux.
Ce dernier déposa ses conclusions le 4 octobre 1996.
L'avocat du requérant déposa ses conclusions le 6 novembre 1996.
Par jugement du 9 janvier 1997, le tribunal ordonna la mise en
cause du CTS de Moulins à la diligence du requérant.
Ce dernier effectua l'appel en garantie du CTS de Moulins le
27 mars 1997, lequel fut joint à la procédure le 6 mai 1997.
L'audience eut lieu le 20 novembre 1997. Pendant le délibéré, le
tribunal mit le CTS Auvergne Nivernais, venant aux droits du CTS de
Moulins, en demeure de conclure au fond.
Le jugement fut rendu le 5 février 1998.
Le tribunal estima que la contamination du requérant était due
à des produits fournis par le CTS de Moulins et condamna le CTS
Auvergne Nivernais, venant aux droits du CTS de Moulins, à payer au
requérant une indemnité de 200 000 francs en réparation de son
préjudice spécifique de contamination.
2. Le 13 septembre 1995, la requérante a été condamnée par le
tribunal de grande instance de Moulins à deux mois de prison avec
sursis, dix-huit mois de mise à l'épreuve avec obligation de soins et
2 500 francs de dommages intérêts pour violences volontaires avec usage
ou menace d'une arme. La requérante s'est désistée de l'appel qu'elle
avait formé contre cette décision.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint de la durée de la procédure en
indemnisation qu'il a introduite et estime qu'elle ne répond pas au
critère de délai raisonnable prévu par l'article 6 par. 1 de la
Convention.
2. La requérante se plaint de la procédure ayant abouti à sa
condamnation. Elle estime que sa cause n'a pas été entendue
équitablement par un tribunal impartial, qu'elle n'a pas bénéficié des
droits de la défense, qu'elle n'a pas pu faire interroger les témoins,
et qu'une atteinte a été portée à sa vie privée. Elle invoque les
articles 6 par. 1 et 3 et 8 par. 1 de la Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
La requête a été introduite le 13 novembre 1995 et enregistrée
le 8 juillet 1996.
Le 16 octobre 1996, la Commission a décidé de porter le grief du
requérant concernant la durée de la procédure à la connaissance du
gouvernement mis en cause, en l'invitant à présenter par écrit ses
observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête.
Le Gouvernement a présenté ses observations le 27 janvier 1997,
après prorogation du délai imparti, et les requérants y ont répondu le
27 mars 1997.
EN DROIT
1. Le grief du requérant porte sur la durée de la procédure
litigieuse qui a duré au moins du 8 décembre 1995 au 5 février 1998.
Selon le requérant, la durée de la procédure ne répond pas à
l'exigence du « délai raisonnable » (article 6 par. 1 (art. 6-1) de la
Convention). Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
La Commission estime qu'à la lumière des critères dégagés par la
jurisprudence des organes de la Convention en matière de « délai
raisonnable » et compte tenu de l'ensemble des éléments en sa
possession, ce grief doit faire l'objet d'un examen au fond.
2. La requérante se plaint de la procédure ayant abouti à sa
condamnation. Elle estime que sa cause n'a pas été entendue
équitablement par un tribunal impartial, qu'elle n'a pas bénéficié des
droits de la défense, qu'elle n'a pas pu faire interroger les témoins,
et qu'une atteinte a été portée à sa vie privée. Elle invoque les
articles 6 par. 1 et 3 et 8 par. 1 (art. 6-1, 6-3, 8-1) de la
Convention.
Toutefois, aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention,
« la Commission ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de
recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit
international généralement reconnus ».
Or en l'espèce, la requérante s'est désistée de l'appel qu'elle
avait formé contre le jugement ayant prononcé sa condamnation.
Il s'ensuit que la requérante n'a pas satisfait à la condition
relative à l'épuisement des voies de recours internes et que sa requête
doit être rejetée, sur ce point, conformément à l'article 27 par. 3
(art. 27-3) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE RECEVABLE quant au grief tiré par le requérant
de la durée excessive de la procédure, tous moyens de fond
réservés ;
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.
M.-T. SCHOEPFER J.-C. GEUS
Secrétaire Président
de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre