CEDH, Commission (deuxième chambre), MEIER c. la FRANCE et la SUISSE, 1er juillet 1998, 33023/96

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 1er juill. 1998, n° 33023/96
Numéro(s) : 33023/96
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 12 décembre 1995
Jurisprudence de Strasbourg : No 11683/85, déc. 8.2.90, D.R. 64, p. 53
No 11850/85, déc. 2.3.87, D.R. 51, p. 180
No 12158/86, déc. 7.12.87, D.R. 54, p. 178
No 12929/87, déc. 5.2.9à, D.R. 64, p. 132
No 13930/88, déc. 11.3.89, D.R. 60, p. 272
No 22123/93, déc. 31.8.94, D.R. 79-A, p. 72
No 22998/93, déc. 14.10.96, D.R. 87, p. 24
No 9777/92, déc. 14.7.83, D.R. 34, p. 158
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Partiellement irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-29666
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:0701DEC003302396
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Texte intégral

                         SUR LA RECEVABILITÉ

                      de la requête N° 33023/96

                      présentée par Beat MEIER

                      contre la France et la Suisse

                            __________

     La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1998 en

présence de

           MM.  J.-C. GEUS, Président

                S. TRECHSEL

                M.A. NOWICKI

                G. JÖRUNDSSON

                A. GÖZÜBÜYÜK

                J.-C. SOYER

                H. DANELIUS

           Mme  G.H. THUNE

           MM.  F. MARTINEZ

                I. CABRAL BARRETO

                D. SVÁBY

                P. LORENZEN

                E. BIELIUNAS

                E.A. ALKEMA

                A. ARABADJIEV

           Mme  M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;

     Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

     Vu la requête introduite le 12 décembre 1995 par Beat MEIER

contre la France et la Suisse et enregistrée le 19 septembre 1996 sous

le N° de dossier 33023/96 ;

     Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

     Après avoir délibéré,

     Rend la décision suivante :

EN FAIT

     Le requérant, de nationalité helvétique, est né à Oberdiessbach

(Suisse). Il est écrivain de profession. Il se trouve actuellement à

la maison d'arrêt d'Affoltern am Albis en Suisse après extradition par

le gouvernement français.

     Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant,

peuvent se résumer comme suit.

     Procédures devant les autorités françaises

     Par ordonnance du 15 février 1993, le requérant fut incarcéré à

titre provisoire par un juge d'instruction près le tribunal de grande

instance de Paris. Il était inculpé d'outrages aux bonnes moeurs et de

non-dénonciation de sévices à enfants suivant un réquisitoire

introductif du procureur de la République du 18 octobre 1991.

     Par ordonnance du 19 février 1993, le juge d'instruction le plaça

sous mandat de dépôt. Il prolongea la détention provisoire par

ordonnances des 9 juin, 4 août et 7 octobre 1993 et 10 février 1994.

     Le 16 avril 1993, suivant réquisitoire supplétif, le requérant

fut inculpé pour attentat à la pudeur sur mineur de 15 ans par personne

ayant autorité.

     Le 19 avril 1993, le gouvernement suisse déposa une demande

d'extradition.

     Le 27 avril 1993, le requérant fut placé sous écrou

extraditionnel à la maison d'arrêt de la Santé à Paris.

     Par arrêt du 5 mai 1993, notifié le 12, la chambre d'accusation

de la cour d'appel de Paris donna acte de l'acceptation du requérant

d'être remis aux autorités suisses pour l'exécution du mandat d'arrêt

décerné par le parquet du district du Canton de Zurich, le 8 mars 1993,

pour actes d'ordre sexuel avec des enfants, pornographie et violation

de domicile.

     Le 13 décembre 1993, le requérant fit l'objet d'un mandat de

dépôt criminel pour viols sur mineur.

     Le 4 janvier 1994, le juge d'instruction ordonna une expertise

médico-psychologique et de crédibilité d'une victime mineure. Il

notifia au requérant les conclusions du rapport d'expertise le

13 avril 1994.

     Le 29 avril 1994, le juge d'instruction rendit un avis de clôture

de l'instruction.

     Le 29 juillet 1994, le juge d'instruction rendit une ordonnance

de saisie de courriers adressés au requérant et contenant des articles

de presse relatant les faits qui lui étaient reprochés.

     Le 21 août 1994, le requérant prit acte de l'avis de clôture de

l'instruction.

     Par ordonnance du 10 janvier 1995, le juge d'instruction prit un

non-lieu partiel des chefs de délit d'outrages aux bonnes moeurs,

d'attentats à la pudeur par personne ayant autorité et de viols sur

mineur ; il renvoya le requérant devant le tribunal pour les faits de

recel de cassette pédophile obtenu à l'aide du délit d'excitation  de

mineur à la débauche et de non-dénonciation de sévices infligés à un

mineur de 15 ans entre mai 1991 et février 1993. Le juge d'instruction

décida de maintenir le requérant en détention jusqu'à sa comparution

devant le tribunal.

     Par jugement du 3 avril 1995, suivant audience du 10 février, le

tribunal correctionnel de Paris déclara le requérant coupable des faits

reprochés et le condamna à 10 000 FF d'amende.

     Le 3 avril 1995, la maison d'arrêt de la Santé informa le

requérant qu'il était mis en liberté pour les faits à l'origine de sa

mise en détention du 15 février 1993, mais qu'il restait détenu pour

les autorités suisses.

     Le requérant et le procureur firent appel du jugement.

     Par arrêt du 16 juin 1995, la cour d'appel de Paris déclara le

requérant coupable des faits reprochés et le condamna à huit mois

d'emprisonnement.

     Le 20 juin 1995, le requérant se pourvut en cassation.

     Par lettre du 26 juin 1995, le requérant demanda au greffier-chef

de la maison d'arrêt des précisions sur le délai d'examen et les

conséquences sur son extradition de son pourvoi en cassation. Il

indiqua que son avocat lui avait fourni des renseignements

contradictoires sur ces questions.

     Par lettre du 6 juillet 1995, l'avocat du requérant l'informa

qu'un avocat à la Cour de cassation spécialisé en matière pénale, qu'il

avait consulté sur son affaire, l'avait conseillé « très vivement de

renoncer à [son] pourvoi et d'écrire immédiatement à [son] juge de

l'application des peines pour lui dire qu'[il] estime que l'arrêt de

la cour d'appel est devenu définitif et que, par conséquent, ou on doit

vous relâcher ou on doit immédiatement vous extrader. »

     Par lettre du 17 juillet 1995, le requérant indiqua au juge de

l'application des peines que sous la « pression » consistant dans la

« prolongation indéterminée de ma détention et conscient de la perte

imminente du bénéficie de mon recours [en cassation], j'estime

maintenant - à contrecoeur - que l'arrêt de la cour d'appel est devenu

définitif. Par conséquent, je réclame qu'on procède immédiatement à

mon extradition. »

     Par lettre du même jour, l'avocat du requérant informa ce dernier

que, renseignement pris auprès des autorités compétentes en matière

d'extradition, il était établi qu'il serait maintenu en détention

jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation et que, dans ces conditions,

il lui semblait préférable « dans la mesure où vous souhaitez être

extradé rapidement, de renoncer à votre pourvoi car, dans ce cas, une

ordonnance sera rendue par le président chargé de traiter des

désistements (...) et les mesures d'extradition seront envisageables. »

     Le 20 juillet 1995, le bureau d'aide juridictionnelle près la

Cour de cassation notifia l'admission provisoire du requérant au

bénéfice de l'aide juridictionnelle.

     Par lettre du 27 juillet 1995, le requérant indiqua au greffier-

chef de la maison d'arrêt que son avocat lui avait conseillé de se

désister pour ne pas rester en détention en France et demanda à signer

un formulaire de désistement du pourvoi. Le requérant s'adressa le même

jour au juge de l'application des peines pour le même motif.

     Le 27 juillet 1995, le requérant signa une déclaration de

désistement du pourvoi en apposant la mention « pour ne pas rester ici

encore en prison ». Le directeur de la maison d'arrêt transmit la

déclaration au président de la cour d'appel de Paris, autorité

compétente, le 28 juillet 1995.

     Par lettre du 15 août 1995, le requérant écrivit au directeur de

la maison d'arrêt. Il se plaignait de ce que le sous-directeur de la

prison lui avait opposé l'interdiction faite aux détenus de publier des

écrits pour justifier la saisie de ses courriers, alors que ceux-ci

n'étaient pas destinés à publication. Il demanda la restitution du

courrier saisi à ce titre. Il précisa que ce courrier contenait un

projet de roman autobiographique sur l'histoire de son enfance et que

le manuscrit n'était pas destiné à publication mais à correction par

des amis germanophones. Le requérant précisa que le directeur adjoint

de la prison lui avait accordé la permission d'acheter un ordinateur

et une imprimante pour lui permettre de rédiger son manuscrit en

prison, pour publication en Suisse après son extradition, et de

l'envoyer à ses amis pour correction.

     Par lettre du 16 août 1995, le directeur adjoint de la prison

précisa au requérant que son courrier n'avait « pas fait l'objet d'une

saisie mais d'un contrôle », lui confirma l'autorisation de disposer

d'un ordinateur pour écrire son livre, lui indiqua que la publication

du livre devait être soumise à autorisation préalable du ministre,

refusa la sortie des épreuves du livre et, enfin, lui annonça que son

manuscrit lui serait rendu sans délai.

     Le 17 août 1995, le requérant informa son avocat que le directeur

adjoint de la prison lui avait restitué certains des courriers saisis.

Le même jour, il réitéra sa plainte auprès du directeur adjoint de la

prison au sujet de l'interdiction d'envoyer les épreuves de son livre

à ses amis.

     Le 1er septembre 1995, le requérant s'adressa au ministre de la

Justice pour se plaindre de l'interception de son courrier relatif aux

épreuves de son manuscrit. Aucune suite n'y aurait été donnée.

     Le 19 octobre 1995, le bureau d'aide juridictionnelle près la

Cour de cassation lui notifia le rejet définitif de sa demande d'aide

juridictionnelle du fait de son désistement.

     Le 2 novembre 1995, le requérant reçut un avis de modification

de sa situation pénale lui indiquant sa mise en liberté au

31 octobre 1995 du fait de son désistement du pourvoi du

28 juillet 1995, notifié le 31 octobre 1995.

     Par décret d'extradition du 24 avril 1996, le Premier ministre

accorda à la Suisse l'extradition du requérant.

     Le 3 juin 1996, le requérant fut extradé vers la Suisse.

     Parallèlement, en janvier 1994, le requérant avait déposé plainte

auprès du procureur de la République près le tribunal de grande

instance de Paris pour diffamation à l'encontre d'une chaîne de

télévision française. Sa plainte fit l'objet d'un avis de classement

sans suite en mars 1994.

     Procédures devant les autorités suisses

     En automne 1983, le juge d'instruction du canton de Zurich ouvrit

une instruction contre le requérant.

     Les 29 juin 1990 et 7 mai 1991, la police suisse interrogea le

requérant suite à l'ouverture d'une enquête contre lui par le parquet.

     Le 23 décembre 1991, le requérant fut placé en détention

provisoire par le tribunal correctionnel de Zurich.

     Par jugement du 7 janvier 1992, le tribunal correctionnel de

Zurich fit droit à la demande de mise en liberté du requérant du

21 décembre 1991 ; la mesure d'incarcération provisoire fut donc levée.

     Le 8 mars 1993, le parquet du district de Zurich prit un mandat

d'arrêt à l'encontre du requérant et pria le juge d'instruction

français d'ordonner l'arrestation du requérant afin de le traduire

devant lui. Le mandat se fondait sur des délits d'ordre sexuel avec des

enfants, pornographie et violation de domicile reprochés au requérant

en Suisse.

     Suite à l'extradition du requérant par la France, le 5 juin 1996,

le tribunal correctionnel de Zurich le plaça en détention provisoire

pour attentats à la pudeur sur des mineurs et pornographie.

     Le 2 juillet 1996, le requérant fut convoqué pour interrogatoires

par le tribunal.

     Le 30 août 1996, le tribunal prolongea la détention du requérant

au 30 novembre 1996.

     Le 25 septembre 1996, le requérant fut à nouveau convoqué pour

interrogatoires par le tribunal.

     Le 26 novembre 1996, le tribunal prolongea la détention du

requérant au 28 février 1997.

     Le 4 décembre 1996, le requérant fut à nouveau convoqué pour

interrogatoires par le tribunal.

     Le 28 décembre 1996, le tribunal rejeta une demande de mise en

liberté du requérant.

     Les 2 et 15 mai 1997, le tribunal correctionnel de Zurich accorda

au requérant le non-lieu dans quatorze affaires relatives à des faits

d'attentats à la pudeur sur mineurs.

     Le 15 mai 1997, le tribunal correctionnel de Zurich inculpa le

requérant d'attentats à la pudeur sur mineurs et pornographie.

     Par jugement du 19 décembre 1997, suivant audience du

22 septembre 1997, le tribunal correctionnel de Zurich déclara le

requérant coupable des faits reprochés d'attentats à la pudeur et de

pornographie. Le tribunal fixa à mai 1998 la date de l'établissement

de la peine.

     Correspondance avec le Secrétariat de la Commission

     Le 13 août 1994, le requérant écrivit au Secrétariat de la

Commission en exposant sa situation et en formulant une demande

d'assistance. En réponse, le 26 août 1994, le texte de la Convention

lui fut adressé ainsi qu'une notice explicative.

     Par lettre du 12 décembre 1995, le requérant reprit contact avec

le Secrétariat de la Commission, en formulant une plainte détaillée

dirigée contre la France et la Suisse. Sa requête, établie sur le

formulaire approprié, fut enregistrée le 19 septembre 1996 sous le

numéro 33023/96.

     B. Eléments de droit interne pertinent

     Loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers

     Article 14 relatif à la procédure d'extradition

     (...) L'étranger « peut être mis en liberté provisoire à tout

moment de la procédure, et conformément aux règles qui gouvernent la

matière. »

     Jurisprudence de la Cour de cassation

     Les décisions de la chambre d'accusation rendues sur une demande

de mise en liberté présentée par un étranger placé sous écrou

extraditionnel sont soumises aux règles de droit commun qui gouvernent

la matière, tant au fond qu'en la forme (Crim. 1er mars 1983 :

Bull. 69).

     La chambre d'accusation, bien qu'ayant déjà émis un avis

favorable à l'extradition d'un étranger, est tenue de statuer sur une

demande de mise en liberté dont elle a été antérieurement saisie sur

le fondement de l'article 14 de la loi du 10 mars 1927.

     Le pourvoi formé contre une telle décision est recevable quoique

n'étant pas susceptible de faire obstacle à l'exécution de l'arrêt

portant avis sur l'extradition (Crim. 3 fév. 1983 : Bull. 45).

     Aux termes de l'article 14 précité, la chambre d'accusation peut

être saisie à tout moment de la procédure, d'une demande de mise en

liberté.

     Encourt en conséquence la cassation, l'arrêt qui déclare

irrecevable une demande de mise en liberté au motif que l'avis sur

l'extradition requise a été antérieurement rendu, méconnaissant ainsi

le sens et la portée de l'article 14 précité (Crim. 25 oct. 1983 :

Bull. 266).

     Règles pertinentes relatives à la détention

     Article D. 430 du Code de procédure pénale

     « La sortie des écrits faits par un détenu en vue de leur

     publication ou de leur divulgation sous quelque forme que ce soit

     ne peut être autorisée que par décision ministérielle.

     Sans préjudice d'une éventuelle saisie par l'autorité judiciaire,

     et sous réserve de l'exercice des droits de la défense, tout

     manuscrit rédigé en détention peut au surplus être retenu, pour

     des raisons d'ordre, pour n'être restitué à son auteur qu'au

     moment de sa libération ».

     Article D. 507 du Code de procédure pénale

     « Les détenus écroués à la suite d'une demande d'extradition

     émanant d'un gouvernement étranger sont soumis au régime des

     prévenus.

     La délivrance de permis de visite et le contrôle de la

     correspondance les concernant relève du procureur général jusqu'à

     décision de la chambre d'accusation et ensuite du ministre de la

     justice ».

GRIEFS

     Griefs dirigés contre la France

1.   Le requérant se plaint de son arrestation et de sa détention

provisoire. Il invoque l'article 5 par. 1 c), 2, 3 et 4 de la

Convention. Il se plaint que le juge d'instruction aurait saisi

certains courriers durant sa détention provisoire sans l'en tenir

informé et sans les lui restituer. Il invoque les articles 8, 10 et 14

de la Convention.

2.   Le requérant se plaint que les autorités judiciaires se sont

abstenues de considérer qu'une détention à titre extraditionnel n'était

pas nécessaire et de le renvoyer sans délai vers la Suisse en

méconnaissance des articles 6 par. 2 et 14 de la Convention et se sont

limitées à lui transmettre les chefs d'accusation liés à la demande

d'extradition sans autre détail en méconnaissance de l'article 6

par. 3 a) de la Convention.

3.   Le requérant se plaint de l'instruction pénale ainsi que de la

procédure pénale dirigée contre lui.

     a) Pour ce qui est de l'instruction pénale, il invoque le droit

à la présomption d'innocence, au sens de l'article 6 par. 2, et

l'article 14 de la Convention du fait que les autorités judiciaires

auraient conduit l'instruction de façon douteuse en s'abstenant de

prendre en considération des éléments le disculpant. Il se plaint de

ne pas avoir eu accès à son dossier, de ne pas avoir obtenu de

traduction du dossier en langue allemande, en méconnaissance de

l'article 6 par. 3 a) de la Convention.

     b) Il estime ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable devant

le tribunal correctionnel et la cour d'appel de Paris, en

méconnaissance de l'article 6 par. 1 de la Convention. Il se plaint

d'avoir dû retirer son pourvoi en cassation sous la « pression » qui

aurait été exercée par les autorités judiciaires françaises, en

méconnaissance des articles 6 par. 1 et 13 de la Convention. A cet

égard, il soutient que les autorités judiciaires lui ont indiqué qu'il

devait rester détenu jusqu'à l'achèvement de la procédure judiciaire

française, y compris la procédure de cassation, ce qui pouvait

signifier un long délai, alors qu'il serait extradé rapidement après

le retrait de son pourvoi.

4.   Le requérant se plaint de l'avis de classement sans suite de sa

plainte pour diffamation et injures. Il invoque les articles 6 par. 1

et 13 de la Convention.

5.   Le requérant se plaint de ce que ses lettres de protestation au

sujet de sa détention auprès du juge d'instruction, du juge de

l'application des peines, du procureur et du ministre de la Justice

sont restées vaines et n'ont pas abouti à une enquête par une instance

indépendante. Il invoque les articles 6 par. 1 et 13 de la Convention.

     Le requérant estime que les autorités judiciaires françaises ont

manifesté des préjugés à son égard, ce qui aurait porté atteinte à sa

liberté de conscience. Il invoque les articles 9 et 14 de la

Convention.

6.   Le requérant se plaint de la manière dont les autorités

françaises ont traité la demande d'extradition. Il se plaint que les

autorités judiciaires :

     a) l'ont retenu en détention en attente d'extradition sans

nécessité et sans possibilité d'appel contre la détention en vue de son

extradition, en méconnaissance de l'article 5 par. 1 c) de la

Convention.

     b) ne lui ont pas donné la possibilité de faire appel de sa

détention en vue de l'extradition devant un juge neutre, en

méconnaissance de l'article 5 par. 4 de la Convention.

7.    Le requérant se plaint que les dirigeants de la maison d'arrêt

de la Santé auraient intercepté, durant cette période,  certains de ses

courriers adressés à ses amis.

     Il se plaint également d'avoir été empêché d'envoyer des

manuscrits dont il était l'auteur et qu'il voulait publier et d'avoir

eu accès à des écrits envoyés par des amis. Il se plaint d'avoir été

empêché d'envoyer à des amis pour correction des manuscrits dont il

était l'auteur et qu'il voulait publier.

     Pour ces faits, le requérant invoque le droit à la liberté

d'expression garanti par l'article 10 et l'article 14 de la Convention

et le droit au respect de sa correspondance, garanti par les articles 8

et 14 de la Convention.

     Il se plaint de l'interdiction qui lui aurait été faite d'envoyer

des écrits, en méconnaissance des articles 6 par. 1 et 13 de la

Convention.

     Griefs dirigés contre la Suisse

     Le requérant se plaint que les autorités suisses ne lui ont pas

accordé le bénéfice du doute dans la demande d'extradition en omettant

de mentionner aux autorités françaises l'état réel des poursuites

judiciaires en Suisse et en laissant croire qu'il était en fuite. Il

invoque l'article 6 par. 2 de la Convention.

     Le requérant se plaint de ce que les autorités suisses ont

demandé son extradition de France alors qu'il n'existait pas de raisons

plausibles de le poursuivre en Suisse où il n'avait pas fait l'objet

d'arrestation et avait bénéficié d'une décision de mise en liberté le

8 janvier 1992. Il invoque l'article 5 par. 1 c) de la Convention.

     Le requérant se plaint de la durée de l'instruction qui serait

devant les autorités suisses en cours depuis douze ans. Il invoque le

droit à un jugement dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6

par. 1 de la Convention.

     Le requérant se plaint d'avoir été placé en détention provisoire

durant deux ans en Suisse depuis 1983. Il invoque l'article 5 par. 1,

3 et 4 de la Convention.

     Le requérant estime que les autorités suisses le traitent plus

durement du fait des accusations de pédophilie dirigées contre lui. Il

invoque l'article 9 de la Convention.

EN DROIT

     La Commission estime nécessaire d'examiner, à titre liminaire,

la question de la date d'introduction de la requête.

     Il est de pratique établie que la date de l'introduction d'une

requête est celle de la première lettre par laquelle le requérant

formule, ne serait-ce que sommairement, les griefs qu'il entend

soulever. Toutefois, lorsqu'un intervalle de temps important s'écoule

avant qu'un requérant ne donne les informations complémentaires

nécessaires à l'examen de la requête, la Commission examine les

circonstances particulières de l'affaire pour décider de la date à

considérer comme date d'introduction de la requête (voir, par exemple,

N° 22123/93, déc. 31.8.94, D.R. 79-A, p. 72 ; N° 12158/86,

déc. 7.12.87, D.R. 54, p. 178).

     Elle note à cet égard que la première communication du requérant

remonte au 13 août 1994 et que le texte de la Convention lui a été

adressé le 26 août 1994. Toutefois, un an et plus de trois mois

s'écoulèrent avant qu'il reprenne contact avec le Secrétariat, le

12 décembre 1995.

     Cette circonstance conduit la Commission à fixer la date

d'introduction de la requête au 12 décembre 1995.

     Griefs dirigés contre la France

1.   Le requérant se plaint de son arrestation et détention

provisoire. Il invoque l'article 5 par. 1 c), 2, 3 et 4

(art. 5-1-c, 5-2, 5-3, 5-4) de la Convention et les articles 8, 10 et

14 (art. 8, 10, 14) de la Convention.

     La Commission n'est toutefois pas appelée à se prononcer sur le

point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent

l'apparence d'une violation de ces dispositions. En effet, la

Commission relève que la détention provisoire du requérant a pris fin

le 3 avril 1995, alors que la requête a été introduite le

12 décembre 1995, soit en dehors du délai de six mois prévu par

l'article 26 (art. 26) de la Convention.

     En outre, l'examen de l'affaire n'a permis de déceler aucune

circonstance particulière qui aurait pu interrompre ou suspendre le

cours dudit délai.

     Il s'ensuit que cette partie de la requête est tardive et doit

être rejetée, conformément aux articles 26 et 27 par. 3

(art. 26, 27-3) de la Convention.

2.   Le requérant se plaint que les autorités judiciaires se sont

abstenues de considérer qu'une détention à titre extraditionnel n'était

pas nécessaire et de le renvoyer sans délai vers la Suisse, en

méconnaissance des articles 6 par. 2 et 14 (art. 6-2, 14) de la

Convention et se sont limitées à lui transmettre les chefs d'accusation

liés à la demande d'extradition sans autre détail, en méconnaissance

de l'article 6 par. 3 a) (art. 6-3-a) de la Convention.

     La Commission rappelle qu'en vertu d'une jurisprudence constante,

l'article 6 (art. 6) de la Convention ne s'applique pas à une procédure

par laquelle les autorités judiciaires d'un Etat se prononcent sur

l'extradition éventuelle d'un individu vers un autre Etat (voir

notamment N° 11683/85, déc. 8.2.90, D.R. 64, p. 53 ; N° 13930/88,

déc. 11.3.89, D.R. 60, p. 272). Dans la mesure où les griefs ne

relèvent pas du domaine d'application de l'article 6, l'article 14

(art. 6, 14) de la Convention ne trouve pas non plus application en

l'espèce (par exemple, N° 11850/85, déc. 2.3.87, D.R. 51, p. 180).

     Il s'ensuit que cette partie de la requête est incompatible

ratione materiae avec les dispositions de la Convention et doit être

rejetée, conformément à son article 27 par. 2 (art. 27-2).

3.   Le requérant se plaint de l'instruction pénale ainsi que de la

procédure pénale dirigée contre lui. Il invoque l'article 6 par. 1,

2, et 3 a) ainsi que les articles 13 et 14

(art. 6-1, 6-2, 6-3-a, 13, 14) de la Convention.

     La Commission rappelle qu'elle ne peut être saisie qu'après

l'épuisement des voies de recours internes, conformément à l'article 26

(art. 26) de la Convention.

     En l'espèce, la Commission relève que le requérant n'a pas fait

appel de l'ordonnance du juge d'instruction le renvoyant en jugement

et qu'il a retiré le pourvoi en cassation qu'il avait formé contre

l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Sur ce dernier point, la

Commission constate que l'argument du requérant tiré de la pression

exercée par les autorités judiciaires pour qu'il retire son pourvoi

manque en fait ; il ressort en effet des pièces du dossier que c'est

bien sur les indications de son avocat, lui-même conseillé par un

avocat à la Cour de cassation, et dans l'optique d'une extradition

prochaine, que le requérant a décidé, de son propre chef, de se

désister de son pourvoi.

     Dans ces circonstances, la Commission considère que les voies de

recours internes n'ont pas été épuisées, au sens de l'article 26

(art. 26) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête

doit être rejetée, conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de

la Convention.

4.   Le requérant se plaint de l'avis de classement sans suite de sa

plainte pour diffamation et injures. Il invoque les articles 6 par. 1

et 13 (art. 6-1, 13) de la Convention.

     La Commission rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle,

ni l'article 6 par. 1, ni l'article 13 (art. 6-1, 13) de la Convention

ne s'étendent au droit de provoquer contre un tiers l'exercice de

poursuites pénales ou au droit à ce qu'une procédure pénale aboutisse

à une condamnation (par exemple, N° 9777/92, déc. 14.7.83, D.R. 34, p.

158 ; N° 22998/93, déc. 14.10.96, D.R. 87, p. 24).

     Il s'ensuit que le grief doit être rejeté pour défaut manifeste

de fondement, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la

Convention.

5.   Le requérant se plaint de ce que ses lettres de protestation au

sujet de sa détention auprès du juge d'instruction, du juge de

l'application des peines, du procureur et du ministre de la Justice

sont restées vaines et n'ont pas abouti à une enquête par une instance

indépendante. Il invoque les articles 6 par. 1 et 13 (art. 6-1, 13) de

la Convention.

     Le requérant estime que les autorités judiciaires françaises ont

manifesté des préjugés à son égard, ce qui aurait porté atteinte à sa

liberté de conscience. Il invoque les articles 9 et 14 (art. 9, 14) de

la Convention.

     La Commission a examiné les griefs du requérant. Dans la mesure

où ils sont étayés et où elle est compétente pour en connaître, elle

n'a décelé l'apparence d'aucune violation des articles invoqués. Il

s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée

et doit être rejetée, conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2)

de la Convention.

6.   Le requérant se plaint de la manière dont les autorités

françaises ont traité la demande d'extradition. Il se plaint que les

autorités judiciaires :

     a) l'ont retenu en détention en attente d'extradition sans

nécessité et sans possibilité d'appel contre la détention en vue de son

extradition, en méconnaissance de l'article 5 par. 1 c) (art. 5-1-c)

de la Convention ;

     b) ne lui ont pas donné la possibilité de faire appel de sa

détention en vue de l'extradition devant un juge neutre, en

méconnaissance de l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention.

     La Commission considère qu'en l'état actuel du dossier, elle

n'est pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs

et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la

connaissance du gouvernement français, en application de l'article 48

par. 2 b) de son Règlement intérieur.

7.    Le requérant se plaint que les dirigeants de la maison d'arrêt

de la Santé auraient intercepté, durant cette période, certains de ses

courriers adressés à ses amis.

     Il se plaint également d'avoir été empêché d'envoyer à des amis

pour correction des manuscrits dont il était l'auteur et qu'il voulait

éventuellement publier ultérieurement et d'avoir eu accès à des écrits

envoyées par des amis.

     Pour ces faits, le requérant invoque le droit à la liberté

d'expression, garanti par l'article 10 (art. 10) de la Convention et

le droit au respect de sa correspondance garanti par l'article 8

(art. 8) de la Convention.

     La Commission considère qu'en l'état actuel du dossier, elle

n'est pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ces griefs

et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la

connaissance du gouvernement français, en application de l'article 48

par. 2 b) de son Règlement intérieur.

     Il invoque également l'article 14 (art. 14) de la Convention et

il se plaint de l'interdiction qui lui aurait été faite d'envoyer des

écrits et de ce qu'aucune suite n'a été donnée à ses lettres au

ministre de la Justice et aux autorités judiciaires et relatives à

l'interdiction d'envoyer ses écrits. Il invoque la méconnaissance des

articles 6 par. 1 et 13 (art. 6-1, 13) de la Convention.

     La Commission note que ces griefs sont étroitement liés aux

précédents. Elle considère dès lors que leur examen doit faire l'objet

d'un ajournement.

     Griefs dirigés contre la Suisse

     Le requérant invoque la violation de l'article 5 par. 1, 3 et 4

(art. 5-1, 5-3, 5-4) de la Convention, de l'article 6 par. 1 et 2

(art. 6-1, 6-2) de la Convention ainsi que de l'article 9 (art. 9) de

la Convention.

     La Commission rappelle qu'aux termes de l'article 26 (art. 26)

de la Convention, elle ne peut être saisie qu'après l'épuisement des

voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes

de droit international généralement reconnus.

     Cette règle signifie qu'en Suisse un recours aux juridictions

compétentes, et notamment en dernière instance, au Tribunal fédéral

doit être préalablement exercé par le requérant avant de saisir la

Commission (voir notamment N° 12929/87, déc. 5.2.90, D.R. 64, p. 132).

     La Commission constate qu'en l'espèce le requérant n'a pas

satisfait à cette condition. Or l'examen de l'affaire n'a permis de

déceler aucune circonstance particulière qui aurait pu le dispenser,

selon les principes de droit international généralement reconnus en la

matière, d'épuiser les voies de recours internes dont il dispose en

droit suisse.

     Il s'ensuit que la requête, pour autant qu'elle est dirigée

contre la Suisse, doit être rejetée, conformément aux articles 26 et

27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la Convention.

     Par ces motifs, la Commission,

     AJOURNE l'examen des griefs du requérant dirigés contre la France

     et concernant la procédure relative à sa détention en attente de

     son extradition et sa correspondance durant cette période ;

     à l'unanimité,

     DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.

      M.-T. SCHOEPFER                             J.-C. GEUS

         Secrétaire                                 Président

    de la Deuxième Chambre                    de la Deuxième Chambre

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Textes cités dans la décision

  1. Loi du 10 mars 1927
  2. Code de procédure pénale
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CEDH, Commission (deuxième chambre), MEIER c. la FRANCE et la SUISSE, 1er juillet 1998, 33023/96