CEDH, Commission (deuxième chambre), DELEAU c. la FRANCE, 9 septembre 1998

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 9 sept. 1998
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 23 décembre 1997
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-29909
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1998:0909DEC003928988
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Sur les parties

Texte intégral

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête N° 39289/98

présentée par Guy DELEAU

contre la France

                                                            __________

La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 9 septembre 1998 en présence de

MM.J.-C. GEUS, Président

M.A. NOWICKI

G. JÖRUNDSSON

A. GÖZÜBÜYÜK

J.-C. SOYER

H. DANELIUS

MmeG.H. THUNE

MM.F. MARTINEZ

I. CABRAL BARRETO

D. ŠVÁBY

P. LORENZEN

E. BIELIŪNAS

E.A. ALKEMA

A. ARABADJIEV

MmeM.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;

Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 23 décembre 1997 par Guy DELEAU contre la France et enregistrée le 9 janvier 1998 sous le N° de dossier 39289/98 ;

Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ;

Après avoir délibéré,

Rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant est un ressortissant français, né en 1950 et résidant à Reignier. Devant la Commission, il est représenté par Maître Corinne Cano, avocate au barreau de Perpignan.

Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

A.Circonstances particulières de l'affaire

Le requérant exerce depuis le 1er octobre 1976, date d'ouverture de son laboratoire, la profession de prothésiste dentaire en qualité d'artisan. Par la suite et pour parfaire ses compétences, le requérant a suivi une formation continue diplômante, orientée notamment vers la maîtrise de la « denturologie », terme tiré du vocabulaire québécois désignant le prothésiste dentaire apte à prendre des empreintes de bouche en vue de la réalisation de prothèses dentaires amovibles qu'il peut adapter et placer directement sur le patient. Cette spécialité est désignée sous le vocable « Technicien Dentaire Clinique » dans les Etats membres de la Communauté européenne.

Courant mai 1989, la confédération nationale des syndicats dentaires, le conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens- dentistes de Haute-Savoie ainsi que le syndicat des chirurgiens-dentistes de Haute-Savoie déposaient une plainte pénale avec constitution de partie civile à l'encontre du requérant pour exercice illégal de l'art dentaire et publicité mensongère dans le cadre de son activité de prothésiste dentaire au sein de la « SARL Espace Dentaire » ayant son siège à Saint-Julien-en-Genevois.

Par jugement contradictoire du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, rendu le 13 juillet 1994 après la tenue d'une audience, le requérant fut reconnu coupable des délits d'exercice illégal de l'art dentaire et de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur et condamné à la peine de 40 000 francs d'amende et quatre mois de prison avec sursis ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts au titre de l'action civile.

Contre ce jugement, le requérant interjeta appel. Par arrêt contradictoire du 10 janvier 1996, la cour d'appel de Chambéry confirma le jugement entrepris sur la constitution des délits et après  réformation sur la peine, condamna le requérant à la peine de 10 000 francs d'amende et quatre mois d'emprisonnement avec sursis. Les dispositions civiles du jugement du 13 juillet 1994 furent par ailleurs confirmées.

Le requérant se pourvut en cassation en alléguant que les actes prothétiques qu'il avait effectués ainsi que la publicité réalisée n'étaient pas constitutifs des délits d'exercice illégal et de publicité mensongère comme les avaient qualifiés les juridictions du fond.

Par arrêt du 25 juin 1997, la Cour de cassation rejeta le pourvoi.

 Concernant le délit d'exercice illégal de l'art dentaire, la Cour de cassation se prononça ainsi :

« Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Guy Deleau, prothésiste dentaire qui n'est pas titulaire du diplôme de chirurgien-dentiste, est poursuivi pour avoir exercé illégalement l'art dentaire, infraction prévue et réprimée par les articles L. 373 et L. 376 du Code de la santé publique ;

Que pour le déclarer coupable de ce délit, la cour d'appel retient que le prévenu, cogérant de la société « Espace Dentaire » exploitant à Saint-Julien-en-Genevois un laboratoire de prothèses dentaires, a, sans l'intervention de dentiste, effectué pour des clients reçus à son cabinet des réparations de prothèses et établi des devis ;

Que les juges énoncent que l'établissement d'un devis rend nécessaire la pose d'un diagnostic et que l'adaptation ou la réparation d'un appareil dentaire implique des vérifications qui relèvent de l'art dentaire ;

Qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir aucun des griefs allégués ;

Qu'en effet, constituent des actes prothétiques relevant de l'art dentaire, visés par l'article L. 373, 1° du Code de la santé publique, les opérations de prise d'empreintes, d'adaptation et de pose d'un appareil dentaire, sans qu'il y ait lieu de distinguer si ces interventions ont pour objet d'installer un premier appareil ou d'ajuster ou remplacer une prothèse existante ; »

S'agissant du délit de publicité mensongère, la Cour de cassation énonça notamment que :

« (...) pour le déclarer coupable de ce délit, l'arrêt attaqué relève que Guy Deleau a fait insérer, dans un journal local gratuit largement diffusé auprès du public, un encart publicitaire intitulé « vous avez des problèmes avec vos appareils dentaires ? »,proposant un devis gratuit et un « entretien conseil » et comportant des exemples de prix, suivis de la mention « en accord avec l'article L. 373 du Code de la santé publique » ;

Que les juges retiennent que cette publicité laisse entendre que l'annonceur est habilité à poser un diagnostic indispensable à l'établissement d'un devis, ainsi qu'à accomplir toutes les opérations nécessaires à la réalisation de prothèses dentaires, incluses dans le prix indiqué, alors qu'il ne remplissait pas les conditions exigées pour l'exercice d'actes prothétiques relevant de la pratique de l'art dentaire ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent en tous ses éléments, tant matériels que moral, la publicité trompeuse, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ; »

B.Eléments de droit interne

Article L. 373 du Code de la santé publique

« La pratique de l'art dentaire comporte le diagnostic et le traitement des maladies de la bouche, des dents et des maxillaires, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, dans les conditions prévues par le Code de la déontologie des chirurgiens-dentistes ;

Exerce illégalement l'art dentaire : toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un praticien, à la pratique de l'art dentaire, par consultation, acte personnel ou tous autres procédés, quels qu'ils soient, notamment prothétiques, sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L. 356-2 et exigé pour l'exercice de la profession de médecin ou de chirurgien-dentiste, alors qu'elle n'est pas légalement dispensée de la possession de l'un de ces diplômes, certificats ou titres par application du présent code (...). »

GRIEFS

Le requérant se plaint que l'interprétation faite par la Cour de cassation de l'article L. 373-1 du Code de la santé publique, qui, refusant toute distinction, fait entrer dans le monopole des chirurgiens-dentistes la prise d'empreintes et la pose des appareils dentaires est manifestement erronée et constitue une violation du principe de la légalité des délits et des peines. Il considère qu'il importerait de distinguer entre la mise en place d'un premier appareil dentaire ne pouvant être effectué que par un chirurgien-dentiste et l'ajustage, la réparation, le remplacement d'une prothèse dentaire existante qui relèveraient de la compétence du prothésiste auquel ne pourrait être reproché un exercice illégal de l'art dentaire.  Il invoque l'article  7 par. 1 de la Convention.

Le requérant se plaint que l'analyse jurisprudentielle conduisant à affirmer que le prothésiste dentaire ne peut établir de devis technique, diagnostic, réparation ou adaptation d'un appareil dentaire en dehors de la prescription et du contrôle d'un chirurgien-dentiste et qu'il ne peut recevoir de commande que de ce dernier et ne vendre qu'à lui, au prix du marché fixé librement par les chirurgiens- dentistes, constitue un état de complète servitude contraire à l'article 4 par. 1 de la Convention. Le requérant se plaint aussi que les parties civiles se sont permises de commenter l'audience devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains dans le cadre d'un entretien avec un journaliste, qui l'a présenté dans un journal local comme un coupable certain en faisant pression pour que la sanction soit sévère et rapide. Il estime que ce fait a porté atteinte au principe de la présomption d'innocence, garanti par l'article 6 par. 2 de la Convention. 

EN DROIT

1.Le requérant se plaint de ce que l'interprétation faite par la Cour de cassation de l'article L. 373-1 du Code de la santé publique au sujet de la répartition des compétences entre chirurgiens-dentistes et prothésistes est manifestement erronée et constitue une violation du principe de la légalité des délits et des peines. Il invoque l'article 7 par. 1 de la Convention qui dispose :

« 1.Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. »

La Commission rappelle que l'interprétation des dispositions du droit interne, en l'occurrence la question de la qualification pénale des faits reprochés, entre dans la compétence exclusive des juridictions internes. A cet égard, il n'apparaît pas que les juridictions nationales aient fait montre d'arbitraire dans l'interprétation des dispositions légales applicables en l'espèce.

La Commission relève en effet que le requérant ne conteste pas l'existence d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, publiée et donc accessible quant à la notion d'exercice illégal de l'art dentaire.

Eu égard à ce qui précède, la Commission considère que les faits reprochés au requérant entraient dans le champ d'application de l'article L. 373 du Code la santé publique et autres dispositions pertinentes, lesquels satisfaisaient aux exigences de prévisibilité et d'accessibilité.

Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, conformément à l'article 27 par. 2 de la Convention.

2.Le requérant se plaint que l'analyse jurisprudentielle conduisant à affirmer que le prothésiste dentaire ne peut établir de devis technique, diagnostic, réparation ou adaptation d'un appareil dentaire en dehors de la prescription et du contrôle d'un chirurgien-dentiste  constitue un état de complète servitude contraire à l'article 4 par. 1 de la Convention. Invoquant l'article 6 par. 2 de la Convention, le requérant se plaint d'une atteinte au principe de la présomption d'innocence en raison des déclarations faites à un journaliste par les parties civiles à son procès.

La Commission n'est pas appelée à se prononcer sur la question de savoir si les faits présentés par le requérant révèlent l'apparence d'une violation de la Convention.  En effet, le requérant a omis de les soumettre dans le cadre de son pourvoi devant la Cour de cassation et n'a, dès lors, pas épuisé, conformément à l'article 26 de la Convention, les voies de recours internes qui lui étaient ouvertes en droit français.  Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée, en application de l'article 27 par. 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

      M.-T. SCHOEPFER                                                J.-C. GEUS

         Secrétaire                                                                 Président

   de la Deuxième Chambre                                  de la Deuxième Chambre

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Textes cités dans la décision

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