CEDH, Commission (deuxième chambre), AOUADI c. la FRANCE, 21 octobre 1998, 40070/98
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Deuxième Chambre), 21 oct. 1998, n° 40070/98 |
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Numéro(s) : | 40070/98 |
Type de document : | Recevabilité |
Date d’introduction : | 13 janvier 1998 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Recevable |
Identifiant HUDOC : | 001-29995 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1998:1021DEC004007098 |
Sur les parties
- Avocat(s) :
Texte intégral
SUR LA RECEVABILITE
de la requête N° 40070/98
présentée par Farid AOUADI
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 21 octobre 1998 en présence de
MM.J.-C. GEUS, Président
M.A. NOWICKI
G. JÖRUNDSSON
A. GÖZÜBÜYÜK
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
F. MARTINEZ
I. CABRAL BARRETO
D. ŠVÁBY
P. LORENZEN
E. BIELIŪNAS
E.A. ALKEMA
A. ARABADJIEV
Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre,
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 13 janvier 1998 par Farid AOUADI contre la France et enregistrée le 3 mars 1998 sous le N° de dossier 40070/98 ;
Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 3 juillet 1998 et les observations en réponse présentées par la partie requérante le 3 août 1998 ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant français né en 1950 et résidant à Marseille (Bouches-du-Rhône).
Devant la Commission il est représenté par Maître Jean-Luc Guasco, avocat au barreau de Marseille.
Le 2 avril 1991, suite à son licenciement, le requérant saisit le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence.
Par jugement du 7 avril 1992, l'affaire fut renvoyée à l'examen du juge départiteur. Elle fut plaidée devant ce magistrat le 20 janvier 1994. La décision du conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence intervint le 10 février 1994.
Suite à l'appel interjeté par l'employeur, la cour d'appel d'Aix-en-Provence rendit son arrêt le 1er décembre 1997.
GRIEF
Le requérant se plaint de la durée de la procédure et invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
La requête a été introduite le 13 janvier 1998 et enregistrée le 3 mars 1998.
Le 16 avril 1998, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du gouvernement mis en cause, en l'invitant à présenter par écrit ses observations sur sa recevabilité et son bien-fondé.
Le Gouvernement a présenté ses observations le 3 juillet 1998 et la partie requérante y a répondu le 3 août 1998.
EN DROIT
Le grief de la partie requérante porte sur la durée de la procédure litigieuse. Cette procédure a débuté le 2 avril 1991 et s'est terminée le 1er décembre 1997. Elle a donc duré six ans et près de huit mois.
Le gouvernement défendeur admet que la durée de la procédure ne saurait être considérée comme raisonnable au regard de l'article 6 de la Convention. Cette lenteur étant due à un encombrement chronique du rôle des chambres sociales de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, il reconnaît que, malgré les importants moyens mis en oeuvre pour y remédier, il s'agit d'un fonctionnement défectueux imputable à l'Etat.
Toutefois, le Gouvernement estime que la partie requérante aurait dû faire usage de l'action en réparation pour faute lourde dans l'administration de la justice prévue par l'article L 781-1 du Code de l'organisation judiciaire. Il se réfère à cet égard à une nouvelle décision du tribunal de grande instance de Paris en date du 5 novembre 1997 pour démontrer que la jurisprudence interne a évolué et que cette voie de recours aurait désormais une efficacité renforcée. Il considère que, faute pour la partie requérante d'avoir exercé cette action, la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes.
Par ailleurs le Gouvernement conteste les arguments développés par la Commission dans sa décision rendue le 20 mai 1998 dans la requête N° 36153/97, affaire Durrand c. France. Il considère en effet que le recours en question permet de faire constater qu'une procédure a dépassé le délai raisonnable et ce, quel que soit le stade de la procédure, de sorte que rien ne justifie la distinction faite entre procédure terminée et procédure encore pendante. En outre, le Gouvernement réaffirme que le jugement du 5 novembre 1997 marque une réelle évolution de la jurisprudence, qui confirme l'existence d'une voie de recours utilisable par les justiciables, dès lors que leur affaire n'est pas terminée, ou qu'elle a été close par une décision interne intervenue à une date qui leur permet d'agir utilement sur le fondement de l'article L 781-1.
La partie requérante s'oppose à l'argumentation du Gouvernement, relevant notamment que la décision du 5 novembre 1997 citée à l'appui de sa thèse est actuellement frappée d'appel.
La Commission rappelle qu'elle a déjà considéré à de multiples reprises que l'action en responsabilité de l'Etat fondée sur l'article L 781-1 du Code de l'organisation judiciaire ne constituait pas un recours efficace contre la durée excessive d'une procédure (voir en dernier lieu N° 37725/97 à 37747/97, déc. 1er juillet 1998, où le Gouvernement s'était déjà prévalu de la décision du tribunal de grande instance de Paris du 5 novembre 1997). L'exception de non-épuisement soulevée par le Gouvernement ne saurait donc être retenue.
La Commission estime qu'à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence des organes de la Convention en matière de "délai raisonnable" et compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, ce grief doit faire l'objet d'un examen au fond.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés.
M.-T. SCHOEPFER J.-C. GEUS
Secrétaire Président
de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre
Textes cités dans la décision