CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE FOUQUET c. FRANCE, 31 janvier 1996, 20398/92
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Cour (Chambre), 31 janv. 1996, n° 20398/92 |
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Numéro(s) : | 20398/92 |
Publication : | Recueil 1996-I |
Type de document : | Arrêt |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Radiation du rôle (règlement amiable) |
Identifiant HUDOC : | 001-62532 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1996:0131JUD002039892 |
Sur les parties
- Juges : C. Russo, B. Walsh
Texte intégral
En l'affaire Fouquet c. France (1),
La Cour européenne des Droits de l'Homme, constituée,
conformément à l'article 43 (art. 43) de la Convention de
sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales
("la Convention") et aux clauses pertinentes de son
règlement A (2), en une chambre composée des juges dont le nom
suit:
MM. R. Ryssdal, président,
R. Bernhardt,
L.-E. Pettiti,
B. Walsh,
C. Russo,
S.K. Martens,
A.N. Loizou,
F. Bigi,
J. Makarczyk,
ainsi que de MM. H. Petzold, greffier, et P.J. Mahoney, greffier
adjoint,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le
25 janvier 1996,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date:
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Notes du greffier
1. L'affaire porte le n° 53/1994/500/582. Les deux premiers
chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les
deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour
depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la
Commission) correspondantes.
2. Le règlement A s'applique à toutes les affaires déférées à
la Cour avant l'entrée en vigueur du Protocole n° 9 (P9) (1er
octobre 1994) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant
les Etats non liés par ledit Protocole (P9). Il correspond au
règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à
plusieurs reprises depuis lors.
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PROCEDURE
1. L'affaire a été déférée à la Cour par la Commission
européenne des Droits de l'Homme ("la Commission") le
8 décembre 1994, dans le délai de trois mois qu'ouvrent les
articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention.
A son origine se trouve une requête (n° 20398/92) dirigée contre
la République française et dont un ressortissant de cet Etat,
M. Marc Fouquet, avait saisi la Commission le 15 avril 1992 en
vertu de l'article 25 (art. 25).
La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et
48 (art. 44, art. 48) ainsi qu'à la déclaration française
reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46)
(art. 46). Elle a pour objet d'obtenir une décision sur le point
de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de
l'Etat défendeur aux exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)
de la Convention.
2. En réponse à l'invitation prévue à l'article 33 par. 3 d)
du règlement A, le requérant a exprimé le désir de participer à
l'instance et a désigné son conseil (article 30).
3. La chambre à constituer comprenait de plein droit
M. L.-E. Pettiti, juge élu de nationalité française (article 43
de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la
Cour (article 21 par. 3 b) du règlement A). Le 27 janvier 1995,
celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir
MM. R. Bernhardt, F. Matscher, B. Walsh, C. Russo,
S.K. Martens, A.N. Loizou et J. Makarczyk, en présence du
greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du
règlement A) (art. 43). Par la suite, M. F. Bigi, suppléant, a
remplacé M. Matscher, empêché (articles 22 par. 1 et 24 par. 1
du règlement A).
4. En sa qualité de président de la chambre (article 21
par. 5 du règlement A), M. Ryssdal a consulté, par
l'intermédiaire du greffier, l'agent du gouvernement français
("le Gouvernement"), l'avocat du requérant et le délégué de la
Commission au sujet de l'organisation de la procédure
(articles 37 par. 1 et 38). Conformément aux ordonnances rendues
en conséquence, le mémoire du Gouvernement est parvenu au greffe
le 30 juin 1995; le 6 juillet 1995, le représentant du requérant
a indiqué qu'il entendait reprendre devant la Cour les écrits
qu'il avait déposés devant la Commission. Par une lettre du
17 juillet 1995, le secrétaire de la Commission a informé le
greffier que le délégué s'exprimerait à l'audience.
Le 24 mars 1995, le secrétaire de la Commission avait
fourni au greffier divers documents qu'il avait demandés sur les
instructions du président.
5. Le 12 septembre 1995, l'agent du Gouvernement a adressé
au greffier une copie du courrier envoyé au requérant en vue de
parvenir à un règlement amiable. Le 15 septembre, il lui a
confirmé que pareil règlement était très probable. Répondant à
une demande dudit agent, et après avoir consulté, par
l'intermédiaire du greffier, l'avocat du requérant et le délégué
de la Commission, le président a décidé, le 19 septembre 1995,
d'ajourner sine die la procédure orale.
Le 22 novembre 1995, l'avocat du requérant a communiqué
au greffier les termes de l'accord conclu entre son client et le
Gouvernement. Le lendemain, le greffier a transmis à ce dernier
une copie de ce document.
Par une lettre du 11 décembre 1995, le secrétaire de la
Commission a informé le greffier que le délégué, dûment consulté
(article 49 par. 2 du règlement A), n'avait pas d'observations
à formuler.
6. Le 25 janvier 1996, la Cour a décidé de se passer
d'audience en l'espèce, après avoir constaté la réunion des
conditions à remplir pour déroger de la sorte à sa procédure
habituelle (articles 26 et 38 du règlement A).
EN FAIT
7. Le 26 mars 1985, alors qu'il circulait à cyclomoteur,
M. Marc Fouquet - âgé de quatorze ans - fut renversé par un
véhicule automobile conduit par M. D., et fut sérieusement
blessé.
A. La procédure devant le tribunal de grande instance de
Saintes
8. Le père du requérant, agissant au nom et dans l'intérêt
de ce dernier, assigna devant le tribunal de grande instance de
Saintes M. D. et son assureur en responsabilité et réparation du
préjudice subi.
9. Dans son jugement du 26 mai 1988, le tribunal considéra
que M. Marc Fouquet avait lui-même commis une faute lors de
l'accident en se déportant sur l'accotement pour tenter d'éviter
le choc, et limita en conséquence son indemnisation à la moitié
des dommages subis.
B. La procédure devant la cour d'appel de Poitiers
10. Le requérant et son père attaquèrent ce jugement devant
la cour d'appel de Poitiers.
Dans ses conclusions du 3 février 1989, M. Marc Fouquet
plaida l'absence de faute de sa part. Il faisait notamment
valoir:
"La manoeuvre de Marc Fouquet se trouve parfaitement
justifiée par les circonstances.
(...)
En conséquence, la Cour constatera que la manoeuvre du
jeune Marc Fouquet ne constituait pas une faute mais une
réaction normale face à la situation donnée et retiendra
la pleine responsabilité de M. D.
Si par exceptionnel, la Cour devait retenir le
caractère fautif de la manoeuvre, elle ne pourrait que
reconnaître la légèreté de la faute commise par
Marc Fouquet, en comparaison de la faute de M. D., et
par voie de conséquence modifier le partage de
responsabilité.
(...)"
Dans ses conclusions complémentaires du 20 avril 1989,
le requérant alléguait notamment:
"(...)
(...) c'est la conduite de M. D. qui est manifestement
à l'origine de l'accident survenu avec le jeune Fouquet.
(...)
(...) la Cour constatera que l'accident a pour origine
la seule conduite fautive de M. D. qui devra indemniser
le jeune Fouquet pour la totalité des dommages subis.
(...)"
11. Par un arrêt du 13 septembre 1989, la cour d'appel de
Poitiers confirma le jugement de première instance.
C. La procédure devant la Cour de cassation
12. Le requérant et son père se pourvurent en cassation.
Dans leur premier moyen, ils soutenaient que la cour d'appel
avait à tort retenu que M. Marc Fouquet avait commis une faute
susceptible de limiter son droit à indemnisation.
13. Le 4 mars 1992, la Cour de cassation (deuxième chambre
civile) rejeta le pourvoi au motif suivant:
"(...) qu'il résulte des productions que, dans [leurs]
conclusions d'appel, les consorts Fouquet ont reconnu
que la victime avait commis une faute;
que le moyen, qui contredit l'argumentation soutenue
devant les juges du fond, est irrecevable;"
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
14. M. Fouquet a saisi la Commission le 15 avril 1992. Il
soutenait que la Cour de cassation avait commis une erreur de
fait dans l'examen du premier moyen soulevé devant elle et qu'il
en résultait une violation de son droit à un procès équitable
garanti par l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
15. La Commission (deuxième chambre) a retenu la requête
(n° 20398/92) le 2 mars 1994. Dans son rapport du
12 octobre 1994 (article 31) (art. 31), elle conclut, à
l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 6 par. 1
(art. 6-1). Le texte intégral de son avis figure en annexe au
présent arrêt (1).
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1. Note du greffier: pour des raisons d'ordre pratique il n'y
figurera que dans l'édition imprimée (Recueil des arrêts et
décisions, 1996), mais chacun peut se le procurer auprès du
greffe.
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EN DROIT
16. Le 22 novembre 1995, la Cour a reçu de l'avocat du
requérant communication d'un texte signé par ce dernier le
15 novembre 1995 et ainsi libellé:
"Je soussigné M. Marc Fouquet (...) déclare accepter
l'indemnité de 150 000 FRF qui m'est proposée par le
gouvernement français dans l'affaire qui m'oppose à lui
devant la Cour européenne des Droits de l'Homme (ma
requête n° 53/1994/500/582).
Je reconnais que le versement de cette somme
constituera le dédommagement intégral et définitif de
l'ensemble des préjudices matériels et moraux allégués
par moi dans cette requête et couvrira également la
totalité des frais d'avocat et autres engagés par moi
dans cette affaire.
J'accepte donc, moyennant le versement de ces sommes,
de me désister de cette instance et de renoncer à toute
autre action ultérieure de ce chef contre l'Etat devant
les juridictions nationales et internationales.
Je prends acte de ce que le gouvernement français me
versera cette indemnité aussitôt après que la Cour aura
décidé de rayer cette affaire de son rôle.
Fait à Epargnes, le 15 novembre 1995.
[mention manuscrite du requérant] Bon pour transaction
à hauteur de la somme de cent cinquante mille francs
(150 000 FRF)."
Consulté, le délégué de la Commission n'a soulevé aucune
objection.
17. La Cour donne acte au Gouvernement et à M. Fouquet du
règlement amiable auquel ils ont abouti. Elle n'aperçoit aucun
motif d'ordre public s'opposant à la radiation de l'affaire du
rôle (article 49 paras. 2 et 4 du règlement A).
PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L'UNANIMITE,
Décide de rayer l'affaire du rôle.
Fait en français et en anglais, puis communiqué par écrit
le 31 janvier 1996, en application de l'article 55 par. 2, second
alinéa, du règlement A.
Signé: Rolv RYSSDAL
Président
Signé: Herbert PETZOLD
Greffier