CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE A.A.U. c. FRANCE, 19 juin 2001, 44451/98

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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CEDH · 19 juin 2001

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 19 juin 2001, n° 44451/98
Numéro(s) : 44451/98
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, § 47, CEDH 2000
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire
Identifiant HUDOC : 001-64079
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2001:0619JUD004445198
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE A. A. U. c. FRANCE

(Requête n° 44451/98)

ARRÊT

STRASBOURG

19 juin 2001

DÉFINITIF

19/09/2001

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire A.A.U. c. France,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. W. Fuhrmann, président,
J.-P. Costa,
L. Loucaides,
SirNicolas Bratza,
MmeH.S. Greve,
MM.K. Traja,
M. Ugrekhelidze, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 29 août 2000 et 29 mai 2001,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (n° 44451/98) dirigée contre la France et dont un ressortissant de cet Etat, M. A.A.U., né en 1914, (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme « la Commission ») le 13 octobre 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Me Jean-Paul Levy, avocat à la Cour de cassation et au Conseil d’Etat. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Ronny Abraham, Directeur des Affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

3.  Le requérant alléguait en particulier la durée excessive d’une procédure devant les tribunaux des pensions militaires.

4.  La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole n° 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole n° 11).

5.  La requête a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement).

6.  Par une décision du 29 août 2000, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.

7.  Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement).

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

8.  Le requérant fut prisonnier de guerre de juin à août 1940, ensuite évadé et au service de la Résistance intérieure française, puis arrêté et « interné résistant » du 18 février 1943 au 18 août 1944. Atteint de plusieurs infirmités imputables à la guerre, il bénéficie de plusieurs pensions pour invalidité et a subi de nombreuses opérations chirurgicales cardiaques.

9.  En 1979, le requérant sollicita du service médical du ministère des Anciens combattants un examen de ses troubles cardiaques afin de demander une pension militaire pour cette infirmité. Une expertise médicale en date du 19 février 1980 conclut à une cardiomyopathie obstructive. Une autre maladie, la coronaropathie, dont le requérant est atteint, fut passée semble-t-il sous silence, et ce dernier présenta, le 30 novembre 1983, une nouvelle demande d’examen auprès du service médical afin d’obtenir une pension.

10.  Le 31 octobre 1984, un avis de la commission consultative médicale admit la cardiomyopathie obstructive, avec un taux d’invalidité de 60 %, et rejeta la demande de pension pour la coronaropathie. Suite à cet avis, le directeur inter-départemental des anciens combattants d’Ile-de-France prit un arrêté en date du 2 janvier 1985, disant qu’aucune pension n’était accordée au requérant au titre de la coronaropathie, maladie qui n’était pas due aux faits de la guerre, de l’internement et de la résistance, mais liée à la dégénérescence.

11.  Par recours gracieux en date du 15 avril 1985, le requérant sollicita du ministre compétent un nouvel examen de ses droits concernant une maladie qu’il considérait comme liée directement aux faits de la guerre. Par avis du 13 juin 1985, la commission consultative médicale, après avoir procédé à un nouvel examen du dossier, confirma l’arrêté du 2 janvier 1985. Cette confirmation fut communiquée au requérant par lettre ministérielle du 29 juillet 1985, notifiée le 19 août 1985. Le 27 janvier 1986, le requérant se pourvut contre cette décision ministérielle devant le tribunal des pensions militaires de la ville de Paris.

12.  Par jugement du 6 mai 1987, le tribunal considéra ne pas disposer des éléments suffisants d’appréciation pour statuer sur la cause, et désigna le Dr G., en qualité d’expert, pour dire si la coronaropathie litigieuse pouvait être considérée comme une affection distincte de la cardiomyopathie obstructive pensionnée. Le 13 octobre 1987, le Dr G. déposa son rapport.

13.  Par jugement du 24 février 1988, le tribunal, en sa deuxième « section résistant », accorda au requérant une pension temporaire pour coronaropathie au taux de 30 % pour la période allant du 30 novembre 1983 au 29 novembre 1986.

14.  La situation du requérant devant être réexaminée, une décision administrative en date du 6 février 1990 lui accorda, à compter du 13 juin 1986, une pension de 30 % pour la coronaropathie.

15.  Par pourvoi du 23 août 1990, le requérant la contesta devant le tribunal des pensions militaires de Paris, estimant avoir droit à 60 % aux termes de l’article L. 4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (en cas d’aggravation par le fait du service d’une infirmité antérieure, seule cette aggravation est prise en considération ; toutefois si le pourcentage total de l’infirmité ainsi aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage).

Il demanda également à bénéficier des dispositions de l’article L. 17 de ce code qui dispose que :

« Par dérogation aux dispositions des articles L. 14, L. 15 et L. 16, le taux d’invalidité des grands mutilés définis à l’article L. 36 atteints d’infirmités multiples dont aucune n’entraîne l’invalidité absolue, est porté à 100 % avec majoration d’un degré dudit article L. 16 si, à la ou aux infirmités qui leur ouvrent droit au bénéfice du statut des grands mutilés, s’ajoute une autre infirmité remplissant les mêmes conditions d’origine et entraînant à elle seule un pourcentage d’invalidité au moins égal à 60 %. Toute infirmité surajoutée est ensuite décomptée conformément aux dispositions de l’article L. 16 ».

16.  Par jugement du 4 décembre 1991, le tribunal des pensions militaires de Paris déclara recevable le pourvoi du requérant et infirma la décision administrative du 6 février 1990 en lui accordant une pension de 60 % pour coronaropathie (le tribunal considéra qu’il s’agissait d’une affection évaluée au taux de 60 % reconnue imputable par aggravation dont une part de moitié antérieure) à compter du 13 juin 1986 et, a fortiori, postérieurement au 30 novembre 1986. Le tribunal considéra également que la demande du requérant formulée au titre de l’article L. 17 du code des pensions devait au préalable être soumise à l’administration.

17.  Les 11 mai et 10 juillet 1992, le requérant contesta devant le tribunal des pensions militaires les décisions administratives des 11 février et 18 juin 1992 lui refusant le bénéfice de l’article L. 17 précité.

18.  Par jugement du 9 décembre 1992, le tribunal fit droit à la demande du requérant de bénéficier des dispositions de l’article L. 17, à compter du 13 juin 1986, dans les termes suivants :

« (...)Attendu que pour bénéficier de l’article L. 17, aux infirmités qui ouvrent droit au statut des grands mutilés, doit s’ajouter une autre infirmité remplissant les mêmes conditions d’origine et entraînant à elle seule un pourcentage au moins égal à 60 %. Attendu qu’en l’espèce cette condition est remplie par le requérant comme titulaire d’une pension de 60 % pour coronaropathie, ayant la même origine que les autres infirmités, à savoir les circonstances de la guerre, de la résistance et de l’internement (...) ».


19.  Le 29 mars 1993, le secrétaire d’Etat aux anciens combattants demanda l’annulation du jugement du 9 décembre 1992 devant la commission spéciale de cassation des pensions adjointe temporairement au Conseil d’Etat (« la commission spéciale »).

20.  Par arrêt du 10 février 1995, la commission spéciale annula ledit jugement au motif que le tribunal avait commis une erreur de droit en se fondant, pour reconnaître le droit du requérant au bénéfice de l’article L. 17, sur une aggravation de l’infirmité au cours de l’internement alors que ce dernier exigeait que la preuve soit rapportée que celle-ci avait été contractée pendant l’internement. La commission spéciale renvoya l’affaire devant la cour régionale d’appel des pensions de Paris.

21.  Par arrêt du 9 avril 1996, la cour d’appel considéra que le requérant ne remplissait pas les conditions légales pour bénéficier des dispositions de l’article L. 17. Le 7 juin 1996, le requérant se pourvut devant la commission spéciale en demandant l’annulation de l’arrêt du 9 avril 1996. Il déposa un mémoire le 7 octobre 1996.

22.  Par arrêt du 2 avril 1998, notifié le 16 avril, la commission spéciale annula l’arrêt du 9 avril 1996 de la cour régionale des pensions de Paris et rejeta la requête du requérant au motif que l’autorité qui s’attachait au jugement du 24 février 1988, passée en force de chose jugée, faisait obstacle au bénéfice de l’article L. 17 du code des pensions.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

23.  Le requérant se plaint de la durée de la procédure et invoque l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A.  Période à prendre en considération

24.  La période à considérer a débuté le 27 janvier 1986, par la saisine du tribunal des pensions de la ville de Paris, et s’est terminée le 2 avril 1998, par un arrêt de la commission spéciale de cassation des pensions. Elle a donc duré douze ans, deux mois et six jours.

B.  Sur l’observation de l’article 6 § 1 de la Convention

25.  Le Gouvernement explique la durée de la procédure par la complexité de la question relative à l’application de l’article L. 17 du code des pensions militaires. Il fait valoir également que si le délai apparaît important, en particulier pour la dernière phase de la procédure, c’est parce que le requérant a bénéficié des garanties spécifiques à la procédure applicable devant les juridictions spécialisées, lesquelles permettent à la commission spéciale de cassation des pensions de connaître d’un pourvoi directement dirigé contre un jugement du tribunal départemental aussi bien que d’un pourvoi formé contre un arrêt rendu en appel.

26.  Le requérant considère que la durée de la procédure ne répond pas à l’exigence du délai raisonnable, en particulier au regard de l’enjeu du litige, compte tenu de son âge mais également du fait que son admission au bénéfice de l’article L. 17 du code des pensions représentait une sorte de reconnaissance légitime du rôle qu’il a joué durant toute sa vie et particulièrement pendant la guerre.

27.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, CEDH 2000).

28.  La Cour relève que l’affaire revêtait une certaine complexité liée à la question de l’éventuel bénéfice de l’article L. 17 du code des pensions. Elle ne saurait cependant reprocher au requérant d’avoir usé de toutes les voies de droit pour faire valoir sa contestation.

En revanche, la Cour est d’avis que les autorités judiciaires auraient dû se montrer plus diligentes, eu égard à l’âge du requérant et à la nature du contentieux litigieux. Elle relève par exemple certaines périodes d’inactivité imputables aux autorités, en particulier en fin de procédure : entre le 29 mars 1993, saisine de la commission spéciale de cassation des pensions par le secrétaire d’Etat, et le 10 février 1995, date de son arrêt, ainsi qu’entre le 7 juin 1996, date du pourvoi du requérant devant cette commission, et le 16 avril 1998, date de la notification de son arrêt.

29.  La Cour rappelle qu’il incombe aux Etats contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (arrêt Frydlender précité, § 47).

30.  En l’espèce, la Cour considère qu’il y eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

31.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

32.  Le requérant réclame 880 000 francs français (FRF) au titre du préjudice matériel correspondant au montant des pensions qu’il aurait dû percevoir. Il demande également 300 000 FRF pour compenser le préjudice moral.

33.  Le Gouvernement estime que la somme réclamée au titre du préjudice moral est très excessive au regard de la jurisprudence de la Cour en la matière. Quant au préjudice matériel, il considère qu’il n’est pas lié la procédure contentieuse.

34.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation de l’article 6 § 1 et un quelconque dommage matériel dont le requérant aurait à souffrir et rejette en conséquence les prétentions de ce dernier à ce titre. En revanche, elle juge que le requérant a subi un tort moral du fait de la durée de la procédure litigieuse. Compte tenu des circonstances de la cause et statuant en équité comme le veut l’article 41, elle lui octroie 50 000 FRF à ce titre.

B.  Frais et dépens

35.  L’intéressé ne réclame rien à ce titre.

C.  Intérêts moratoires

36.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable en France à la date d’adoption du présent arrêt est de 4,26 % l’an.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Dit, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

2.  Dit

a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 50 000 (cinquante mille) francs français pour dommage moral,

b)  que ce montant sera à majorer d’un intérêt simple de 4,26 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;

3.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 juin 2001 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. DolléW. Fuhrmann
GreffièrePrésident

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