CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE MALVE c. FRANCE, 31 juillet 2001, 46051/99

  • Gouvernement·
  • Tribunaux de commerce·
  • Ordonnance·
  • Injonction de payer·
  • Opposition·
  • Délai raisonnable·
  • Durée·
  • Commandement·
  • Statuer·
  • Juridiction

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

CEDH · 31 juillet 2001

.s32B251D { margin:0pt; text-align:center } .s7D2086B4 { font-family:Arial; font-size:12pt; font-weight:bold } .s746C8714 { margin:0pt; text-align:justify } .s12684528 { width:389.85pt; text-indent:0pt; display:inline-block } .sB8D990E2 { font-family:Arial; font-size:12pt } .sEA881CDF { font-family:Arial; font-size:8pt; vertical-align:super } .sAA281F20 { font-family:Arial; font-size:12pt; vertical-align:baseline } .s38C10080 { font-family:Arial; font-size:12pt; font-style:italic; font-weight:bold } .sF8BFA2BC { font-family:Arial; font-size:12pt; font-weight:normal } .s68B9218B { …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 31 juill. 2001, n° 46051/99
Numéro(s) : 46051/99
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Caillot c. France du 4 juin 1999, n° 36932/97, § 27, non publié
Arrêt Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, § 45, CEDH 2000-VII
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement frais et dépens - procédure de la Convention
Identifiant HUDOC : 001-64177
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2001:0731JUD004605199
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE MALVE c. FRANCE

(Requête n° 46051/99)

ARRÊT

STRASBOURG

31 juillet 2001

DÉFINITIF

31/10/2001

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention.


En l’affaire Malve c. France,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM.L. Loucaides, président,
J.-P. Costa,
P. Kūris,
MmeF. Tulkens,
M.K. Jungwiert,
MmeH.S. Greve,
M.M. Ugrekhelidze, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 20 mars et le 10 juillet 2001,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (n° 46051/99) dirigée contre la République française et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Catherine Malve (« la requérante »), a saisi la Cour le 27 janvier 1999 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  La requérante est représentée par Me A.-V. Fargepallet, avocate au barreau de Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. R. Abraham, Directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.

3.  La requérante se plaignait en particulier de la durée de la procédure devant les juridictions commerciales.

4.  La requête a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement).

5.  Par une décision du 20 mars 2001, la chambre a déclaré recevable le grief tiré de la durée de la procédure.

EN FAIT

6.  La requérante exploitait un fonds de commerce de mercerie que lui avaient cédé les époux C. moyennant le versement d’un prix payable à terme. Les époux C. lui consentirent également un bail commercial portant sur les locaux dans lesquels était exploité ce fonds et un prêt pour le règlement des frais et factures des fournisseurs. La requérante fut mise en redressement puis en liquidation judiciaires. Les époux C. furent admis au passif de la liquidation à hauteur de 90 200 FRF représentant le solde du prix de vente et les loyers impayés. Selon les époux C., la requérante leur était redevable d’une dette globale de plus de 364 000 FRF.

7.  Le 13 novembre 1990, le tribunal de commerce de Rodez prononça la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif et dit n’y avoir lieu à ordonner ni délivrer un titre exécutoire permettant aux créanciers de recouvrer leur droit de poursuite individuelle.

8.  Saisi par les époux C. le 23 octobre 1992, le président du tribunal de commerce de Rodez, rendit une ordonnance d’injonction de payer les créances de ceux-ci, le 24 décembre 1992.

9.  La requérante soutient qu’elle n’eut connaissance de cette ordonnance que lorsque ses débiteurs lui notifièrent le 4 octobre 1994 un commandement de payer puis firent effectuer des saisies attribution et immobilière. Le Gouvernement indique que les époux C. procédèrent, en exécution de cette ordonnance, à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la requérante le 17 février 1993.

10.  Le 4 janvier 1995, la requérante forma opposition à cette ordonnance devant le tribunal de commerce de Rodez.

11.  Le 31 janvier 1995, elle engagea, à titre conservatoire, un recours en révision de cette ordonnance, pour le cas où il ne serait pas fait droit à son opposition. Le 4 juillet 1995, le président du tribunal de commerce de Rodez déclara ce recours irrecevable.

12.  Entre-temps, le 23 mars 1995, la requérante avait assigné les époux C. devant le tribunal de grande instance de Rodez pour voir prononcer la nullité du commandement notifié le 4 octobre 1994. Elle demandait en outre la mainlevée de la saisie de ses biens immobiliers et, subsidiairement, qu’il soit sursis à statuer aux poursuites dans l’attente des décisions à intervenir sur les recours engagés à l’encontre de l’ordonnance du 24 décembre 1992.

13.  Les 26 mai 1995 et 15 mars 1996, le tribunal de grande instance sursit à statuer jusqu’à ce qu’il soit définitivement jugé sur l’opposition formée par la requérante devant le tribunal de commerce.

14.  Par jugement avant dire droit du 18 octobre 1996, le tribunal de grande instance invita les époux C. à produire l’acte de signification de l’ordonnance litigieuse.

15.  Les 20 mars 1996 et 19 février 1997, l’avocat de la requérante invita la juridiction commerciale à régulariser la procédure relative à l’opposition et à audiencer sans retard l’affaire.

16.  Initialement fixée au 16 avril 1997, l’audience fut plusieurs fois renvoyée. Les 29 septembre et 2 octobre 1998, la requérante fit délivrer une « réquisition en constat de déni de justice » tendant à ce qu’une date d’audience soit fixée devant le tribunal de commerce. La requérante indique que la première réquisition faisait suite à l’annulation d’une audience fixée au 8 septembre 1998. Le Gouvernement mentionne que, le 8 septembre 1998, le président du tribunal de commerce fixa une nouvelle audience au 7 octobre 1998 et que les parties en furent régulièrement avisées le 11 septembre 1998.

17.  L’audience eut lieu le 7 octobre 1998 et, par ordonnance du 21 octobre 1998, le président du tribunal de commerce renvoya la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Rodez « pour qu’il soit donné par lui suite à son jugement en date du 18 octobre 1996 » et sursit à statuer « sur l’ensemble des demandes formulées jusqu’à ce qu’il ait été définitivement statué par ledit tribunal au vu de la production ou la non production de l’acte d’huissier ».

18.  La requérante adressa au premier président de la cour d’appel de Montpellier une demande d’autorisation de relever appel de l’ordonnance du 21 octobre 1998, fondée sur l’article 380 du nouveau code de procédure civile, aux termes duquel « la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation (...) s’il est justifié d’un motif grave et légitime ». Le 16 décembre 1998, le premier président accorda l’autorisation sollicitée.

19.  Le 20 mai 1999, la cour d’appel de Montpellier infirma l’ordonnance, dit que seul le tribunal de commerce de Rodez était compétent pour statuer sur l’opposition formulée par la requérante à l’encontre de l’ordonnance du 24 décembre 1992 et renvoya l’affaire et les parties devant cette juridiction.

20.  Par jugement du 11 avril 2000, le tribunal de commerce déclara non avenue l’ordonnance du 24 décembre 1992, au motif qu’elle n’avait pas été signifiée dans les délais. Il ordonna également la restitution à la requérante de la somme de 165 865 FRF précédemment saisie, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 février 1997.

21.  Par acte du 8 juin 2000, les époux C. ont interjeté appel de ce jugement. L’affaire est actuellement pendante devant la cour d’appel de Montpellier.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

22.  La requérante se plaint de ce que sa cause n’a pas été entendue dans un délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, dont les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

23.  Le Gouvernement soutient que le grief est manifestement mal fondé. Selon lui, il existe un lien entre l’instance engagée devant le tribunal de grande instance en contestation du commandement de payer, destinée à faire exécuter l’injonction de payer, et celle engagée devant le tribunal de commerce destinée à juger de la validité de l’ordonnance d’injonction de payer : le tribunal de grande instance a sursis à statuer à deux reprises. Il en déduit qu’il convient d’envisager globalement la durée des procédures devant les deux juridictions. Il convient que l’affaire ne présentait pas de difficulté particulière, mais souligne que la requérante a multiplié les recours : elle a déposé une demande en révision de l’ordonnance et une requête en annulation de commandement devant le tribunal de grande instance. Il admet un temps de latence devant le tribunal de commerce entre le 2 avril 1997, date à laquelle le président a fixé une audience au 16 avril suivant, et le 8 septembre 1998, date à laquelle il a fixé une nouvelle audience au 7 octobre suivant. Il explique ce délai par la démission du président le 11 juin 1997 et son décès le 8 novembre 1997 – le nouveau président prit ses fonctions le 2 septembre 1997 –, ce qui a provoqué des difficultés conjoncturelles d’organisation de la juridiction. Toutefois, eu égard à la durée de la procédure devant le tribunal de commerce, le Gouvernement « s’en remet à la sagesse de la Cour pour ce qui concerne l’appréciation du caractère raisonnable de la durée de la procédure, considérée dans sa globalité ».

24.  La requérante réplique que ses recours ne sont pas à l’origine de l’allongement des procédures et rappelle qu’elle se plaint essentiellement de la longueur de la procédure devant le tribunal de commerce. Elle ajoute qu’en règle générale les affaires venant à la suite d’une opposition à ordonnance d’injonction de payer sont réglées en quelques mois. Elle mentionne qu’elle n’a obtenu de date d’audience qu’après l’arrivée du nouveau président et qu’il semblerait que l’ancien président n’ait pas voulu réformer sa propre ordonnance et ait fait en sorte que l’affaire ne soit jamais enrôlée.

25.  La Cour constate que la période à considérer a débuté le 4 janvier 1995 avec l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer et est actuellement pendante devant la cour d’appel de Montpellier. Elle a donc duré, au jour de l’adoption du présent arrêt, six ans et plus de six mois.

26.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

27.  La Cour considère que l’affaire ne présentait pas de difficulté particulière. Le comportement de la requérante n’a pas contribué à rallonger la durée de la procédure. Elle constate qu’en première instance l’affaire a duré plus de cinq ans et quatre mois. Elle relève certaines périodes de latence imputables aux autorités judiciaires, en particulier un laps de temps d’un peu plus de trois ans et neuf mois entre l’opposition et l’ordonnance de sursis à statuer du 21 octobre 1998, cette période étant ponctuée de multiples renvois non expliqués par le Gouvernement. Elle rappelle qu’il incombe aux Etats contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive dans un délai raisonnable (voir, par exemple, les arrêts Caillot c. France, n° 36932/97, § 27, ou Frydlender précité, § 45). Il appartenait donc à l’Etat défendeur de faire notamment le nécessaire à la suite de la démission du président du tribunal de commerce.

28.  En conclusion, à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, la Cour considère que la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à la condition du délai raisonnable. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

29.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

30.  La requérante sollicite la somme de 100 000 FRF en réparation de son préjudice moral.

31.  Le Gouvernement estime cette demande excessive et propose, dans l’hypothèse où la Cour estimerait qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention, de verser la somme de 25 000 FRF à la requérante.

32.  La Cour juge que la requérante a subi un tort moral certain du fait de la durée de la procédure litigieuse. Compte tenu des circonstances de la cause et statuant en équité, la Cour alloue à la requérante la somme de 30 000 FRF en réparation de son préjudice moral.

B.  Frais et dépens

33.  L’intéressée réclame la somme de 20 000 FRF pour le remboursement des frais exposés devant la Cour.

34.  Le Gouvernement indique que ne pourront être éventuellement remboursés que les frais effectivement engagés devant les organes de la Convention, sous réserve de la production des justificatifs correspondants et du caractère raisonnable de ces honoraires.

35.  Entre-temps, la requérante a produit une note d’honoraires d’un montant de 19 296 FRF, TVA incluse.

36.  La Cour estime qu’il convient d’allouer à la requérante la somme de 19 296 FRF.

C.  Intérêts moratoires

37.  Le taux d’intérêt légal applicable en France à la date d’adoption du présent arrêt est de 4,26 % l’an.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

2.  Dit que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes : 30 000 (trente mille) francs français pour dommage moral et 19 296 (dix-neuf mille deux cent quatre-vingt seize) francs français pour frais et dépens, et que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 4,26 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;

3.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 31 juillet 2001 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. DolléL. Loucaides
GreffièrePrésident

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE MALVE c. FRANCE, 31 juillet 2001, 46051/99