CEDH, Cour (deuxième section), AFFAIRE SOLANA c. FRANCE, 19 mars 2002, 51179/99

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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CEDH · 19 mars 2002

Communiqué de presse sur les affaires 24265/94, 32935/96, 39626/98, 42406/98, 44952/98, 44953/98, 46280/99, 47007/99, 49622/99, 51179/99, …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 19 mars 2002, n° 51179/99
Numéro(s) : 51179/99
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Demir et autres c. Turquie du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VI, p. 2660, § 63
Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, § 45, CEDH 2000-VII
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens - demande rejetée ; Dommage matériel - demande rejetée
Identifiant HUDOC : 001-64875
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2002:0319JUD005117999
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE SOLANA c. FRANCE

(Requête no 51179/99)

ARRÊT

STRASBOURG

19 mars 2002

DÉFINITIF

04/09/2002

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Solana c. France,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

MM.A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
Gaukur Jörundsson,
K. Jungwiert,
V. Butkevych,
MmeW. Thomassen,
M.M. Ugrekhelidze, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 février 2002,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 51179/99) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Henri Solana (« le requérant »), a saisi la Cour le 9 septembre 1999 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant assure lui-même la défense de ses intérêts devant la Cour. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Ronny Abraham, Directeur des Affaires juridiques au Ministère des Affaires étrangères.

3.  La requête a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.

4.  Le 9 janvier 2001, se prévalant des dispositions de l’article 29 § 3 de la Convention, la Cour a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le fond de l’affaire.

5.  Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur la recevabilité et le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement).

6.  Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la deuxième section ainsi remaniée (article 52 § 1).


EN FAIT

1. Première procédure

7.  Le 24 avril 1991, le requérant saisit le tribunal administratif de Bordeaux d’une demande visant l’annulation d’une décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l’éducation nationale sur sa demande d’annulation d’une circulaire, prise par le principal du collège de Pauillac, mettant à la charge des parents d’élèves certaines dépenses de fonctionnement du collège.

8.  Par un jugement du 29 juin 1999, le tribunal administratif de Bordeaux annula la décision en question, faisant partiellement droit aux prétentions du requérant.

9.  Le 16 septembre 1999, le requérant releva appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Bordeaux. Le Ministère de l’Education nationale fit de même le 2 mars 2000. L’affaire est actuellement pendante devant cette juridiction.

2. Seconde procédure

10.  Le 30 novembre 1989, le requérant saisit le tribunal administratif de Bordeaux d’un recours tendant à l’annulation d’une décision du 13 novembre 1989 du directeur du conservatoire national de Bordeaux refusant d’autoriser le redoublement de son fils en classe de clavecin.

11.  Par un jugement du 29 juin 1999, le tribunal fit droit à la demande du requérant et annula la décision contestée.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

12.  Le requérant se plaint de la durée des procédures. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, aux termes duquel :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».

13.  La Cour constate que la question de la période à considérer sous l’angle du « délai raisonnable » de l’article 6 § 1 n’est pas controversée. S’agissant de la première procédure, ladite période débute le 24 avril 1991 avec la saisine du tribunal administratif de Bordeaux ; l’affaire étant pendante devant la cour administrative d’appel de Bordeaux, la procédure a donc duré à ce jour environ 10 ans et 9 mois. S’agissant de la seconde procédure, la période à considérer débute le 30 novembre 1989 avec la saisine du tribunal administratif de Bordeaux et s’achève avec le jugement rendu par cette juridiction le 29 juin 1999 ; cette procédure a donc duré presque neuf ans et sept mois.

A.  Recevabilité

14.  La Cour constate que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Elle constate par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

B.  Sur le fond

15.  Le Gouvernement reconnaît qu’aucune des deux affaires ne présentait une complexité particulière. Il ne conteste pas que les délais de leur jugement « ont été longs », mais souligne le caractère non prioritaires des deux requêtes et estime qu’il y a lieu de prendre en compte le contexte global dans lequel elles s’inscrivent. A cet égard, il dénonce le comportement particulièrement procédurier du requérant, qui, depuis 1989, aurait déposé dix-sept recours devant le tribunal administratif de Bordeaux, huit devant la cour administrative d’appel de Bordeaux et onze devant le Conseil d’Etat. L’intéressé contribuerait ainsi à l’allongement de la durée des procédures devant les juridictions en multipliant les contentieux « sur des sujets d’importances toute relative ». Le Gouvernement déclare « s’en remettre à la sagesse de la Cour pour ce qui est de l’appréciation de la durée des deux procédures ».

16.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire et le comportement du ou des requérants ainsi que celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979, § 43, CEDH 2000-VII).

La Cour prend acte de ce que le Gouvernement reconnaît que les procédures litigieuses étaient longues. Elle ne partage pas son avis selon lequel il y a lieu de tenir compte, dans le cadre de l’examen du présent grief, du comportement particulièrement procédurier du requérant. Elle rappelle à cet égard qu’il incombe aux Etats contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (arrêt Frydlender précité, § 45). Elle constate ensuite que rien ne permet de considérer que la circonstance dénoncée fut source de retards imputables au requérant dans le contexte des deux procédures dont il est question en l’espèce. Ceci étant, relevant la particulière longueur desdites procédures et l’absence d’autre explication du Gouvernement à cet égard, elle conclut que les causes du requérant n’ont pas été entendues dans un « délai raisonnable » et qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

17.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage et frais et dépens

18.  Le requérant fait état d’un préjudice « essentiellement moral » bien qu’également matériel, difficilement quantifiable, tenant de la perte d’une chance (...) résultant des retards scolaires [de son fils] provoqués par des conditions d’enseignement discriminatoires ». Ses frais d’instance seraient « tout aussi difficiles à quantifier » dans la mesure où il n’a jamais fait appel à un avocat ; il fait état de « charges de travail et de documentation ». Il réclame une indemnisation globale de 200 000 francs (« FRF »), soit 30 489,80 euros (« EUR »), au profit de son fils.

19.  Le requérant « propose, au titre de la satisfaction équitable, le versement au requérant de la somme de 20 000 FRF », soit 3 048,98 EUR.

20.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation de l’article 6 § 1 de la Convention et un quelconque dommage matériel dont le requérant aurait eu à souffrir ; il y a donc lieu de rejeter cet aspect de ses prétentions (voir, par exemple, l’arrêt Demir et autres c. Turquie du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VI, p. 2660, § 63).

La Cour estime en revanche que le prolongement des procédures litigieuses au-delà du « délai raisonnable » a causé au requérant un préjudice moral justifiant l’octroi d’une indemnité. Statuant en équité comme le veut l’article 41, elle considère cependant que le comportement procédurier du requérant milite en faveur d’une minoration de cette indemnité. Elle lui alloue en conséquence la somme proposée par le Gouvernement, soit 3 048, 98 EUR, laquelle somme est inférieure aux montants habituellement accordés dans des affaires similaires.

Enfin, la Cour juge qu’en l’absence de demandes chiffrées et des justificatifs exigés par l’article 60 § 2 du règlement, et constatant que le requérant n’était pas représenté par un avocat devant elle, il n’y a pas lieu de lui allouer une quelconque somme pour frais et dépens.

B.  Intérêts moratoires

21.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable en France à la date d’adoption du présent arrêt est de 4,26 % l’an.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable ;

2.  Dit, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit, que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 3 048,98 EUR (trois mille quarante-huit euros et quatre-vingt-dix-huit cents) pour dommage moral, et que ce montant sera à majorer d’un intérêt simple de 4,26 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 mars 2002 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. DolléA.B. Baka              Greffière              Président

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