CEDH, Cour (deuxième section), AFFAIRE PASCAL COSTE c. FRANCE, 22 juillet 2003, 50632/99

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 22 juill. 2003, n° 50632/99
Numéro(s) : 50632/99
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Eckle c. Allemagne, arrêt du 15 juillet 1982, série A n° 51, p. 33, § 73, p. 36, § 82
Kadri c. France, n° 41715/98, § 17, 27 mars 2001, non publié
Mifsud c. France (déc.) [GC] n° 57220/00, CEDH 2002-VIII
Papon c. France (n° 2) (déc.), n° 54210/00, CEDH 2001-XII
Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, § 67, CEDH 1999-II
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Exceptions préliminaires rejetées (non-épuisement des voies de recours internes, délai de six mois) ; Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire
Identifiant HUDOC : 001-65787
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2003:0722JUD005063299
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Sur les parties

Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE PASCAL COSTE c. FRANCE

(Requête no 50632/99)

ARRÊT

STRASBOURG

22 juillet 2003

DÉFINITIF

22/10/2003

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Pascal Coste c. France,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

MM.A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
Gaukur Jörundsson,
K. Jungwiert,
V. Butkevych,
MmeW. Thomassen,
M.M. Ugrekhelidze, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er juillet 2003,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 50632/99) dirigée contre la République française et dont un ressortissant de cet Etat, M. Pascal Coste (« le requérant »), a saisi la Cour le 4 août 1999 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Me G. Collard, avocat au barreau de Marseille. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. R. Abraham, Directeur des affaires juridiques au Ministère des Affaires Etrangères.

3.  Le 30 avril 2002, la deuxième section a déclaré la requête partiellement irrecevable et a décidé de communiquer le grief tiré de la durée de la procédure au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.

EN FAIT

4.  Le requérant est né en 1955 et réside à la Verdière.

5.  Le 21 janvier 1984, le requérant et des agents de la police furent impliqués dans une rixe. Le requérant fut interpellé le jour même par d'autres agents de police.

Suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée, le 16 mars 1984, par les agents de police, une information fut ouverte à l'encontre du requérant et deux autres personnes, des chefs de coups et blessures volontaires, violences à agents de la force publique, outrage et rébellion. Le 15 janvier 1986, le procureur de la République fit connaître ses réquisitions. Par ordonnance en date du 5 février 1986, le juge d'instruction renvoya le requérant ainsi que d'autres personnes, devant le tribunal correctionnel de Marseille.

6.  Le 20 novembre 1984, le requérant porta plainte avec constitution de partie civile pour coups et blessures volontaires. Un non-lieu fut rendu le 23 novembre 1988.

7.  Les 8 et 10 décembre 1986, le requérant fit citer devant le tribunal correctionnel, pour coups et blessures volontaires, les agents de police impliqués.

8.  Par un premier jugement du 15 avril 1987, le tribunal correctionnel débouta le requérant et relaxa les agents de police. Par un second jugement du même jour, le tribunal condamna le requérant à deux mois de prison avec sursis. Il déclara recevables les constitutions de partie civile des policiers et, par un jugement avant dire droit du même jour, ordonna une expertise médicale sur l'un d'eux, M. V., auquel il alloua une indemnité prévisionnelle au titre de son préjudice personnel.

9.  Le 17 avril 1987, le requérant interjeta appel, en sa qualité de partie civile, des dispositions pénales du premier jugement et, en tant que prévenu, des dispositions tant pénales que civiles du second jugement. Le 28 avril 1987, le ministère public interjeta appel incident des deux jugements.

10.  Les affaires furent évoquées à l'audience publique du 25 novembre 1987. Par un arrêt du 8 janvier 1988, la cour d'appel d'Aix-en-Provence confirma les deux jugements attaqués.

11.  Un premier rapport médical fut déposé par l'expert le 18 juillet 1989. Un rapport complémentaire fut déposé le 31 juillet 1990.

12.  Le 11 octobre 1991, le requérant fut cité par M. V. sur intérêts civils. Une audience eut lieu le 16 décembre 1991 devant le tribunal correctionnel statuant à juge unique. Celui-ci se déclara incompétent.

13.  Le 2 octobre 1992, M. V. cita à nouveau le requérant sur intérêts civils. L'affaire fut appelée à l'audience du 8 septembre 1992 et renvoyée au 9 décembre 1992. Par un jugement du 8 avril 1993, le tribunal correctionnel de Marseille, statuant sur la demande d'indemnisation présentée à la suite de l'expertise médicale par M. V., déclara irrecevables les constitutions de parties civiles de M. V. et du Trésor public, au motif que la date des faits ayant entraîné la condamnation du requérant était différente de celle indiquée par le demandeur. Le 16 avril 1993, M. V. interjeta appel, faisant valoir que l'erreur commise par le tribunal quant à la date des faits, revêtait le caractère d'une erreur purement matérielle. Le requérant conclut à la confirmation de la décision et sollicita un complément d'expertise concernant le lien de causalité entre ses séquelles lombaires et les faits survenus le 21 janvier 1984.

14.  Le 2 juin 1994, le requérant sollicita le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure. Elle fut renvoyée à l'audience du 14 octobre 1994.

15.  Par un arrêt avant dire droit du 4 novembre 1994, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur les intérêts civils et constatant que la mention de la date litigieuse relevait d'une erreur matérielle imputable au service de la justice, annula le jugement du 8 avril 1993, évoqua l'affaire et ordonna son renvoi à une audience fixée au 8 février 1995.

16.  Le 8 novembre 1994, le requérant forma un pourvoi en cassation contre l'arrêt avant dire droit et déposa, le même jour, une requête en examen immédiat du pourvoi. Par ordonnance du 30 janvier 1995, le président de la chambre criminelle rejeta sa requête.

17.  Le 8 février 1995, la cour d'appel d'Aix-en-Provence sursit à statuer sur les intérêts civils jusqu'au 21 juin 1995 puis au 18 octobre 1995. Par un arrêt du 8 novembre 1995, elle statua, par défaut à l'égard de M. V., et détermina le montant du préjudice subi par ce dernier. Le 13 novembre 1995, le requérant se pourvut en cassation. M. V. fit opposition à l'arrêt d'appel le 20 décembre 1995. L'audience eut lieu le 23 mai 1997. Par un arrêt du 27 juin 1997, la cour d'appel annula l'arrêt du 8 novembre 1995 et fixa le montant global du préjudice dû par le requérant.

18.  Le requérant se pourvut en cassation. Le 13 janvier 1998, un conseiller rapporteur fut désigné pour l'examen des deux pourvois du requérant. Le 15 avril 1998, l'avocat du requérant déposa un mémoire ampliatif. Par un arrêt du 23 février 1999, la Cour de cassation rejeta les deux pourvois.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

19.  Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »


A.  Sur la recevabilité

1.  Sur l'exception préliminaire du Gouvernement tirée du non épuisement des voies de recours internes.

20.  Le Gouvernement indique que le requérant a introduit sa requête le 4 août 1999, soit postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 janvier 1999, cité par la Cour dans sa décision Giummarra et autres c. France, du 12 juin 2001, et estime qu'il aurait dû exercer le recours tiré de l'article L.781-1 du code de l'organisation judiciaire pour satisfaire aux conditions posées à l'article 35 § 1 de la Convention.

21.  Le requérant conteste cette argumentation.

22.  La Cour rappelle qu'elle a déjà eu à se prononcer sur l'article L. 781‑1 du code de l'organisation judiciaire au regard de l'exigence d'épuisement des voies de recours internes. Elle a, en effet, estimé que ce recours a acquis le degré de certitude juridique requis pour pouvoir et devoir être utilisé aux fins de l'article 35 § 1 de la Convention, à la date du 20 septembre 1999 (Papon c. France (no 2) (déc.), no 54210/00, CEDH 2001‑XII et Mifsud c. France (déc.) [GC] no 57220/00, CEDH 2002-VIII). Elle a conclu, en conséquence, que tout grief tiré de la durée d'une procédure judiciaire introduit devant elle après le 20 septembre 1999 sans avoir préalablement été soumis aux juridictions internes dans le cadre d'un recours fondé sur l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire est irrecevable, quel que soit l'état de la procédure au plan interne. En l'espèce, toutefois, le requérant a saisi la Cour le 4 août 1999 et n'était donc pas tenu d'exercer ce recours préalablement.

23.  Il convient donc de rejeter cette première exception préliminaire.

2.  Sur l'exception préliminaire du Gouvernement tirée du non respect du délai de six mois.

24.  Le Gouvernement décompose la procédure litigieuse en plusieurs procédures distinctes, ayant des objets différents : la procédure pénale diligentée à l'encontre du requérant, celle que le requérant a diligentée contre les agents de la police et le contentieux relatif aux intérêts civils.

Tout en reconnaissant que la Cour a pu procéder, dans des affaires portant sur des procédures internes qui avaient pour origine des plaintes avec constitution de partie civile, à une analyse globale de la procédure pénale et de la procédure civile, le Gouvernement estime appropriée, en l'espèce, une analyse autonome de chacune de ces procédures. Il explique, en effet, que l'enjeu du litige pour une partie civile est d'obtenir une déclaration de culpabilité pouvant entraîner une indemnisation de son préjudice, alors que l'enjeu pour le requérant, dans la procédure sur les intérêts civils, est son obligation d'indemniser la victime après avoir lui-même été déclaré coupable.

Le Gouvernement rappelle également que la Cour a précisé que déterminer un droit de caractère civil, ou une obligation, signifie se prononcer non seulement sur son existence, mais aussi sur son étendue ou ses modalités d'exercice. Il invoque l'arrêt Silva Pontes c. Portugal du 23 mars 1994. Rappelant que ce n'est qu'à partir du moment où la partie civile forme une demande d'indemnisation que le juge pourra se prononcer sur l'existence de l'obligation d'indemniser, le Gouvernement conclut que seule la demande des dommages et intérêts du plaignant fait naître cette obligation, or celle-ci ne serait intervenue, en l'espèce, que le 15 avril 1987.

Le Gouvernement estime, ainsi, que l'issue de la procédure ayant débuté le 15 avril 1987 est déterminante sur l'établissement et l'étendue de l'obligation du requérant d'indemniser la victime, et doit, en conséquence, être distinguée de la procédure ayant conduit à la déclaration de culpabilité du requérant.

La procédure pénale s'étant achevée, selon le Gouvernement, le 8 janvier 1988 par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et le requérant ayant saisi la Cour le 4 août 1999, le Gouvernement considère que le grief tiré de la durée de la procédure ayant abouti à la condamnation du requérant est irrecevable en raison de sa tardiveté.

25.  Le requérant s'oppose à cette thèse et considère que les procédures, dont seules les juridictions répressives ont eu connaissance, forment un tout qu'il convient de traiter dans sa globalité. La décision interne à prendre en considération comme point de départ du délai de six mois serait donc l'arrêt de la Cour de cassation du 23 février 1999. Ayant saisi la Cour le 4 août 1999, le requérant estime que sa requête ne saurait être qualifiée de tardive.

26.  La Cour note que le requérant fut condamné définitivement par un arrêt de la cour d'appel du 8 janvier 1988, qui renvoya les parties devant le tribunal correctionnel pour la liquidation des indemnités dues à la victime. Or, l'obligation civile de réparation pécuniaire, pesant sur le requérant, est née de la reconnaissance de sa responsabilité pénale dans la réalisation du dommage. La détermination de l'obligation civile du requérant est donc la continuité de la détermination de sa responsabilité pénale et elles ne forment qu'une seule procédure dont il convient d'apprécier globalement la durée. La distinction faite par le Gouvernement entre une procédure pénale s'étant achevée le 8 janvier 1988 et une procédure civile parallèle ne saurait, en conséquence, être acceptée.

27.  La décision interne définitive à prendre en considération au regard de la règle des six mois est donc l'arrêt de la Cour de cassation du 23 février 1999. Le requérant ayant saisi la Cour le 4 août 1999, l'exception de tardiveté soulevée par le Gouvernement doit être rejetée.

La Cour relève, par ailleurs, que la requête ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité et qu'elle soulève des questions complexes de fait et de droit qui nécessitent un examen au fond. Elle ne saurait, dès lors, être déclarée manifestement mal fondée, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention, et doit, par conséquent, être déclarée recevable.

B.  Sur le fond

1.  Période à prendre en considération

28.  Le Gouvernement, estimant que le requérant se plaint en réalité de deux procédures différentes et que seul le grief mettant en cause la procédure portant sur les intérêts civils est recevable, considère que la procédure litigieuse a débuté le 15 avril 1987, date de la demande d'indemnisation formulée par la partie civile devant le tribunal correctionnel, et s'est achevée le 23 février 1999, par l'arrêt de la Cour de cassation. La procédure litigieuse aurait donc duré onze ans, dix mois et huit jours.

Subsidiairement, dans le cas où la Cour devrait estimer globalement la durée de ces deux procédures, le Gouvernement admet que la procédure a débuté le 16 mars 1984, date de la plainte avec constitution de partie civile, et a duré quatorze ans, onze mois et sept jours.

29.  Le requérant s'oppose à cette thèse et considère que les procédures forment un tout qu'il convient de traiter dans sa globalité. Il se plaint d'une procédure qui aurait duré plus de quinze ans.

30.  La Cour rappelle qu'en matière pénale, le « délai raisonnable » de l'article 6 § 1 débute dès l'instant où une personne se trouve « accusée ». Il peut s'agir d'une date antérieure à la saisine de la juridiction de jugement, celle notamment de l'arrestation, de l'inculpation et de l'ouverture des enquêtes préliminaires. L'« accusation », au sens de l'article 6 § 1, peut alors se définir « comme la notification officielle, émanant de l'autorité compétente, du reproche d'avoir accompli une infraction pénale », idée qui correspond aussi à la notion de « répercussion importante sur la situation » du suspect (voir notamment l'arrêt Eckle c. Allemagne du 15 juillet 1982, série A no 51, p. 33, § 73).

La Cour relève que le requérant a été interpellé le jour même de la rixe, soit le 21 janvier 1984. La Cour note, pourtant, que l'information ne fut ouverte qu'à la suite du dépôt, le 16 mars 1984, par les agents de police impliqués dans la rixe, d'une plainte avec constitution de partie civile. Les parties n'ont fourni aucun élément complémentaire sur cette période. Dès lors, la date à laquelle le requérant s'est trouvé « accusé » au sens de l'article 6 § 1 de la Convention ne ressort pas clairement du dossier.

La période à considérer a, donc, débuté, au plus tôt, le 21 janvier 1984, et au plus tard, le 16 mars 1984. Elle s'est terminée le 23 février 1999, par un arrêt de la Cour de cassation.

Elle a donc duré, au minimum, quatorze ans, onze mois et sept jours et, au maximum, quinze ans, un mois et deux jours.

2.  Caractère raisonnable de la durée de la procédure

31.  Le Gouvernement ne relève, dans cette affaire, aucune complexité particulière, mais rappelle qu'il a fallu deux expertises pour évaluer le préjudice de la partie civile. Il reconnaît également qu'il y a eu des périodes de latence devant les juridictions du fond, mais relève que le requérant a fortement contribué à l'allongement de la procédure.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Cour pour apprécier la durée litigieuse.

32.  Le requérant estime que la procédure litigieuse a duré plus de quinze ans et qu'il y a en l'espèce dépassement du « délai raisonnable » au sens de l'article 6 § 1 de la Convention.

33.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir notamment, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999-II, Kadri c. France, no 41715/98, § 17, 27 mars 2001, non publié).

34.  La Cour considère que l'affaire ne présentait pas de difficulté particulière.

En revanche, le comportement des autorités n'est pas exempt de critiques. A cet égard, la Cour relève que la procédure a connu des retards et des périodes de latence injustifiés, notamment du 5 février 1986, date du renvoi du requérant devant le tribunal correctionnel, au 15 avril 1987, date du jugement rendu par le tribunal correctionnel ; du 8 janvier 1988, date de l'arrêt de la cour d'appel confirmant les dispositions civiles du jugement du 15 avril 1987, au 18 juillet 1989, date où le rapport d'expertise médicale ordonnée par ce jugement fut déposé, alors que le délai initial du dépôt était de trois mois ; du 31 juillet 1990, date de dépôt du rapport complémentaire d'expertise, au 16 décembre 1991, date de l'audience sur intérêts civils ; du 16 avril 1993, date à laquelle la victime fit appel, au 17 juin 1994, date de la première audience devant la cour d'appel ; la Cour note, finalement, que la cour d'appel ne fixa la première audience qu'un an et cinq mois après l'opposition de M. V. à l'arrêt du 8 novembre 1995.

Concernant le comportement du requérant, la Cour relève que ce dernier a sollicité, devant la cour d'appel, le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, ce qui a prolongé la procédure de quatre mois. Le requérant a également multiplié les pourvois en cassation. Bien qu'on ne puisse lui reprocher d'avoir tiré pleinement parti des voies de recours internes, ce comportement constitue un fait objectif, non imputable à l'Etat défendeur et à prendre en compte pour répondre à la question de savoir si la procédure a ou non dépassé le délai raisonnable de l'article 6 § 1 de la Convention (Eckle c. Allemagne, arrêt du 15 juillet 1982, série A no 51, p. 36, § 82).

35.  Au vu de ces considérations, la Cour estime que, si le requérant a pu parfois contribuer au prolongement de la procédure, l'essentiel des retards est à mettre à la charge des Services de l'Etat. La Cour conclut, au regard des circonstances particulières de l'espèce et de la durée globale de la procédure, que la cause du requérant n'a pas été entendue dans un « délai raisonnable » et que, partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.

II.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

36.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

37.  Le requérant réclame 25 000 euros (EUR) au titre du préjudice qu'il aurait subi.

38.  Le Gouvernement estime cette demande manifestement excessive et propose une indemnisation s'élevant à 4 500 EUR.

39.  La Cour rappelle, tout d'abord, qu'elle conclut en l'espèce à une violation de l'article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée de l'instruction litigieuse. Seuls les préjudices causés par cette violation de la Convention sont en conséquence susceptibles de donner lieu à réparation.

40.  La Cour estime que le prolongement de la procédure au-delà du « délai raisonnable » a causé au requérant un préjudice moral justifiant l'octroi d'une indemnité. Statuant en équité, comme le veut l'article 41, elle lui alloue à ce titre 8 000 EUR.

B.  Intérêts moratoires

41.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR , À L'UNANIMITÉ,

1.  Déclare le restant de la requête recevable ;

2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit :

a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 8 000 EUR (huit mille euros) pour dommage moral ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juillet 2003 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. DolléA.B. Baka
GreffièrePrésident

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