CEDH, Cour (deuxième section), AFFAIRE RICHARD-DUBARRY c. FRANCE, 1er juin 2004, 53929/00

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Chronologie de l’affaire

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AFFAIRE MARTINIE c. FRANCE (Requête no 58675/00) ARRÊT STRASBOURG 12 avril 2006 En l'affaire Martinie c. France, La Cour européenne des droits de l'homme, siégeant en une Grande Chambre composée de : Luzius Wildhaber, président, Christos Rozakis, Jean-Paul Costa, Nicolas Bratza, Lucius Caflisch, Ireneu Cabral Barreto, Françoise Tulkens, Peer Lorenzen, Karel Jungwiert, Volodymyr Butkevych, András Baka, Rait Maruste, Snejana Botoucharova, Antonella Mularoni, Elisabet Fura-Sandström, Alvina Gyulumyan, Khanlar Hajiyev, juges, et de Lawrence Early, greffier adjoint de la …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Deuxième Section), 1er juin 2004, n° 53929/00
Numéro(s) : 53929/00
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Erkner et Hofauer c. Autriche, arrêt du 23 avril 1987, série A n° 117, p. 63, § 68
Comingersoll c. Portugal [GC], n° 35382/97, § 19, CEDH 2000-IV
Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée
Identifiant HUDOC : 001-66357
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2004:0601JUD005392900
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Texte intégral

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE RICHARD-DUBARRY c. FRANCE

(Requête no 53929/00)

ARRÊT

STRASBOURG

1er juin 2004

DÉFINITIF

01/09/2004 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Richard-Dubarry c. France,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

MM.A.B. Baka, président,
J.-P. Costa,
C. Bîrsan,
K. Jungwiert,
V. Butkevych,
M. Ugrekhelidze,
MmeA. Mularoni, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 7 octobre 2003 et 11 mai 2004,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 53929/00) dirigée contre la République française et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Francoise Richard-Dubarry (« la requérante »), a saisi la Cour le 24 septembre 1999 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le gouvernement français (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Ronny Abraham, Directeur des Affaires juridiques au Ministère des Affaires étrangères.

3.  La requérante se plaignait en particulier du dépassement du délai raisonnable des procédures dont elle fait l’objet devant les juridictions financières.

4.  La requête a été attribuée à la deuxième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement).

5.  Par une décision du 7 octobre 2003, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.

6.  Tant la requérante que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement).

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

7.  La requérante est née en 1940 et réside à Arcangues.

1. Genèse de l’affaire

8.  La requérante exerça pendant dix ans le mandat de maire de la commune de Noisy-Le-Grand (Seine-Saint-Denis). Le 3 septembre 1993, elle démissionna de ses fonctions pour se rendre auprès de son mari qui suivait un traitement médical.

Quelques jours plus tard, elle fut mise en cause par un adversaire politique dans la gestion d’une société d’économie mixte (la SOCAREN) dont elle était présidente. Un communiqué, reproduit dans la presse nationale le 9 septembre 1993, indiquait que le départ de la requérante était motivé par ses erreurs de gestion et non par des raisons d’ordre familial. Le rédacteur de ce communiqué déclarait également avoir obtenu la saisine de la chambre régionale des comptes.

9.  Le 16 septembre 1994, la requérante fut convoquée par une conseillère à la chambre régionale des comptes pour y être entendue sur le fonctionnement de la SOCAREN et de quatre associations municipales dont la requérante, en tant que maire de la ville, était présidente de droit.

10.  La requérante fit l’objet de cinq procédures devant la chambre régionale des comptes (voir ci-après).

11.  Elle saisit également le procureur de la République de l’ensemble du dossier, mais celui-ci classa l’affaire sans suite.

12.  La Cour des comptes évoqua publiquement ces affaires dans son rapport annuel de 1995. A la suite de la publication de ces rapports, de nombreux articles de presse sont parus, notamment dans l’édition de la Seine-St-Denis du « Parisien ». Des observations provisoires et des jugements de déclaration provisoire de gestion de fait, adressées à la requérante sous pli confidentiel, furent publiés et commentés.

13.  Le 13 février 1995, le journal « Libération » publia un article relatif à ces affaires. L’article fut photocopié et distribué dans les boîtes aux lettres de la commune. Un exemplaire fut adressé de façon anonyme aux parents de la requérante. La requérante poursuivit le quotidien devant les juridictions pénales. Le 20 octobre 1995, le directeur de publication du journal et l’auteur de l’article furent condamnés au paiement de dommages et intérêts pour diffamation.


2. Procédures devant les juridictions financières

a) Procédure relative à la gestion de la SOCAREN

14.  A la suite de la convocation du 16 septembre 1994, la conseillère de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France fit part à la requérante des observations qu’elle envisageait de présenter à la chambre à la suite de l’examen des comptes et de la gestion de la société d’économie mixte et recueillit ses observations à ce sujet. En 1997, la Cour des comptes classa le dossier concernant la société d’économie mixte sans suite.

b) Procédure relative à l’association Michel Simon Arts production

15.  A la suite de la convocation de la requérante le 16 septembre 1994, la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France formula des observations provisoires lors de sa séance du 9 décembre 1994, notifiées à la requérante par lettre confidentielle du 11 janvier 1995 et auxquelles elle répondit le 11 février 1995.

16.  Lors de cette même séance, la chambre régionale des comptes rendit un jugement de déclaration provisoire de gestion de fait par lequel elle déclara la requérante, conjointement et solidairement avec le directeur de l’association, comptable de fait des deniers publics, extraits et maniés irrégulièrement à partir de 1989. Ce jugement lui fut notifié le 13 mars 1995, afin de permettre à la requérante de répondre aux dispositions de celui-ci et lui donna injonction de produire plusieurs pièces relatives aux recettes et dépenses de l’association ainsi qu’une délibération exécutoire du conseil municipal de Noisy-le-Grand statuant sur l’intérêt public et l’utilité communale de chacune des dépenses.

17.  Le 17 mai 1995, la requérante sollicita une prolongation de son délai de réponse en raison des difficultés qu’elle rencontrait pour avoir accès aux pièces nécessaires à sa défense. Elle adressa son mémoire en réponse à la chambre régionale des comptes le 19 septembre 1995 et des observations supplémentaires le 27 janvier 1996, en rappelant les difficultés qu’elle avait eues, avec le directeur de l’association, à se procurer les documents auprès du maire de la commune. 

18.  Le 7 février 1996, la chambre régionale des comptes rendit un jugement de déclaration définitive de gestion de fait (notifié à la requérante le 11 septembre 1996) et ordonna provisoirement à la requérante de produire des pièces concernant les opérations de recettes et de dépenses effectuées par l’association. Le 30 octobre 1996, la requérante présenta à la chambre régionale des comptes des observations sur la partie provisoire de cette décision et fit appel de sa partie définitive devant la Cour des comptes.

19.  Par un arrêt du 10 juillet 1997, notifié le 11 septembre 1997, la Cour des comptes déclara l’appel recevable et confirma le jugement du 7 février 1996. 

20.  Le 6 octobre 1998, la chambre régionale des comptes rendit un troisième jugement à fin de gestion de fait qui fut notifié le 12 mai 1999 à la requérante. Elle enjoignit à celle-ci de reverser dans la caisse du trésorier municipal de Noisy-le-Grand, conjointement avec le directeur de l’association, la somme de 315 322, 44 francs correspondant au solde excédentaire du compte de la gestion de fait. Elle sursit à statuer sur l’application de l’amende prévue aux articles L. 131-11 et L. 231-11 du code des juridictions financières.

21.  Le 7 juillet 1999, la requérante présenta des observations sur les dispositions provisoires du jugement.

22.  Le 16 décembre 1999, la chambre régionale des comptes rendit un quatrième jugement concernant la gestion de fait de cette association qui fut notifié le 9 février 2000 à la requérante et qui maintint l’injonction de produire une délibération exécutoire du conseil municipal statuant sur l’intérêt public et l’utilité communale des dépenses déjà ordonnée dans le jugement du 6 octobre 1998. La chambre régionale des comptes précisa que le maire de Noisy-le-Grand avait été sollicité par un courrier du ministère public près la chambre en date du 15 mai 1999 et que ce dernier avait répondu le 4 novembre 1999 qu’il n’était pas en mesure de saisir le conseil municipal sur cette affaire. Elle ajouta :

« Attendu qu’il est essentiel au déroulement normal de la procédure que le conseil municipal se prononce explicitement, la juridiction ne pouvant engager l’examen de la conformité aux lois et règlements des dépenses engagées par l’association que lorsque, préalablement, l’autorité délibérante aura, par sa délibération, procédé à l’ouverture rétroactive des crédits qui ont été utilisés ou expressément refusé d’ouvrir tout ou partie des crédits ».

La chambre sursit à statuer sur le surplus jusqu’à production de ladite délibération.

23.  Le 30 janvier 2003, le Trésor public écrivit au conseil de la requérante ce qui suit :

« Dans votre courrier cité en référence vous évoquez une délibération qui dans l’affaire citée en objet devrait permettre à la CRC d’arrêter à titre définitif la ligne de compte de gestion de fait.

Pouvez-vous me préciser si cette pièce vous a été transmise ?

Dans ce même courrier, vous sollicitez pour le compte de votre cliente un sursis de paiement. Je serais prêt éventuellement à accéder à cette demande si des garanties m’étaient fournies. (...) »

24.  Par courrier du 24 février 2003, l’avocat de la requérante répondit ceci :

« Je ne peux mieux faire pour vous répondre que de vous envoyer le jugement du 16 décembre 1999 (postérieur à celui que vous visez) et vous y verrez que ce n’est pas ma cliente qui demande le sursis de paiement mais c’est la chambre régionale qui le lui accorde. Je vous joins en outre la copie de ma lettre du 7 juillet 1999 à la chambre ainsi que la copie de la balance des comptes.

Ces pièces démontrent, notamment la balance des comptes de l’Association en 1999 (départ de Mme Richard), que la somme réclamée figure au crédit et a été utilisée ensuite par Monsieur P., successeur de Mme Richard.

Enfin, sur le plan de la procédure, j’ai déposé en août 2001 à la chambre régionale un mémoire complémentaire demandant l’annulation de la totalité de la procédure. »

25.  La requérante soutient que la procédure est bloquée en raison du refus catégorique du maire de Noisy-le-Grand de faire prendre la délibération exécutoire du conseil municipal sur l’intérêt public et l’utilité communale des dépenses. 

26.  Le 15 avril 2004, le premier commissaire du Gouvernement près la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France envoya une communication à la requérante lui faisant part des changements législatifs relatifs à la production de la délibération du conseil municipal sur l’utilité publique des dépenses (c’est désormais au ministère public, agissant sur décision de la chambre régionale des comptes, d’adresser au comptable de fait et à l’ordonnateur de la collectivité concernée la demande adressée au conseil municipal). Il précisa ce qui suit :

« Parce que le dernier jugement de la Chambre a été notifié antérieurement à l’adoption de ces nouvelles dispositions de procédure, et qu’il ne présente qu’un caractère provisoire, la demande, adressée au conseil municipal de Noisy-le-Grand, doit être réitérée conformément aux principes introduits par la loi en 2001 et préciser réglementairement en 2002. En conséquence, sur la requête explicitement formulée par la Chambre régionale des comptes le 8 avril 2004, je vous demande de tout mettre en œuvre afin de permettre au conseil municipal de se prononcer sur le caractère d’utilité publique des dépenses de la comptabilité de fait, au cours de la plus proche séance suivant la présente communication ».   

c) Procédure relative à l’association Centre Culturel Michel Simon

27.  Après la convocation de la requérante le 16 septembre 1994, la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France, lors de sa séance du 6 décembre 1994, formula des observations provisoires. Elles furent notifiées à la requérante par lettre confidentielle du 9 février 1995.

28.  Le 6 décembre 1994, la chambre régionale des comptes rendit un jugement de déclaration provisoire de gestion de fait, par lequel elle déclara la requérante, solidairement et conjointement avec deux autres personnes, comptable de fait des deniers publics, extraits et maniés irrégulièrement depuis 1989. Ce jugement fut notifié à la requérante le 16 mars 1995.

29.  La requérante présenta des observations en date des 17 mai 1995, 19 septembre 1995 et 27 janvier 1996, dans lesquelles elle sollicita notamment un délai supplémentaire de trois mois afin de réunir toutes les pièces nécessaires à sa défense. La requérante rappela également qu’elle avait été présidente de l’association en raison de sa fonction de maire, mais n’y avait jamais joué un quelconque rôle.

30.  Le jugement de déclaration définitive de gestion de fait daté du 7 février 1996 fut notifié à la requérante le 6 septembre 1996.

31.  Le 29 octobre 1996, la requérante fit appel des dispositions définitives de ce jugement devant la Cour des comptes et présenta ses observations concernant la partie provisoire à la chambre régionale des comptes.

32.  Le 10 juillet 1997, la Cour des comptes rejeta cette requête et confirma le jugement du 7 février 1996. Cet arrêt fut notifié à la requérante le 29 septembre 1997.

33.  Un troisième jugement à fin de gestion de fait intervint le 6 octobre 1998. Il fut notifié à la requérante le 15 mai 1999. La chambre régionale des comptes ayant statué de façon provisoire, la requérante lui présenta un mémoire en réponse le 6 juillet 1999.

34.  Le 16 décembre 1999, la chambre régionale des comptes rendit un quatrième jugement concernant la gestion de fait de cette association qui fut notifié à la requérante le 9 février 2000. Elle sursit à statuer jusqu’à production d’une délibération exécutoire du conseil municipal statuant sur l’intérêt public et l’utilité communale des dépenses déjà ordonnées dans ses jugements précédents. La requérante soutient que la procédure est bloquée en raison du refus du maire de Noisy-le-Grand de faire prendre une telle délibération. 

35.  Le 15 avril 2004, la requérante reçut une communication du premier commissaire du Gouvernement près la chambre régionale des comptes identique à celle envoyée dans le cadre de la procédure relative à l’association Michel Simon Arts production (voir paragraphe 26 ci-dessus).

d) Procédure relative à l’association du personnel de la commune de Noisy-le-Grand

36.  Après la convocation de la requérante le 16 septembre 1994, la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France formula des observations provisoires lors de sa séance du 22 novembre 1994. Elles furent notifiées à la requérante par lettre confidentielle du 22 décembre 1994. La requérante y répondit par lettre du 20 janvier 1995, dans laquelle elle demandait notamment à être entendue afin de compléter oralement ses observations.

37.  Le 22 novembre 1994, la chambre régionale des comptes rendit un jugement de déclaration provisoire de gestion de fait par lequel elle déclarait la requérante, solidairement et conjointement avec l’association et une autre personne, comptable de fait des deniers publics, extraits et maniés irrégulièrement depuis 1988, et enjoignait la production de plusieurs documents.

38.  Le Président de la chambre régionale des comptes s’entretint avec la requérante le 9 février 1995.

39.  Par des lettres des 11 février, 23 février et 6 avril 1995, la requérante fit part à la chambre régionale des comptes des difficultés qu’elle avait à se procurer les documents demandés. Elle se plaignit également d’un article de presse reprenant les observations provisoires confidentielles formulées par la chambre sur la gestion de cette association.

40.  Le 17 mai 1995, le conseil de la requérante sollicita un délai supplémentaire de trois mois en raison des difficultés à rassembler toutes les pièces nécessaires à sa défense.

41.  Le jugement de déclaration définitive de gestion de fait intervint le 7 février 1996. Il fut notifié à la requérante le 24 mai 1996. Elle fit appel des dispositions définitives de cette décision le 19 juillet 1996 et soutint notamment qu’elle n’avait été que présidente de droit de l’association et n’y avait jamais exercé aucune fonction.

42.  Par un arrêt du 16 janvier 1997, la Cour des comptes rejeta cette requête et confirma le jugement du 7 février 1996. Cette décision fut notifiée à la requérante le 21 mars 1997.

43.  Le 10 juillet 1998, un troisième jugement de gestion de fait, daté du 7 avril 1998, fut notifié à la requérante. Certaines injonctions de produire des documents furent définitivement levées et d’autres provisoirement remplacées.

44.  Par une lettre datée du 14 septembre 1998, la requérante présenta ses observations sur les dispositions provisoires du jugement. Elle souligna notamment que les comptes de résultat des années 1988 et 1989 comportaient des erreurs et demanda des précisions à la chambre régionale des comptes.

45.  Le 25 mai 1999, la chambre régionale des comptes rendit un quatrième jugement de gestion de fait. Cet arrêt fut notifié le 30 juillet 1999 à la requérante.

46.  Par lettres des 30 août et 27 septembre 1999, la requérante présenta ses observations sur les dispositions provisoires de ce jugement et indiqua que les chiffres étaient à nouveau erronés.

47.  Le 12 octobre 1999, la conseillère reconnut une erreur de frappe dans le dispositif du quatrième jugement mais expliqua que cette erreur ne modifiait pas le résultat et n’avait notamment aucune incidence sur le tableau des comptes.

48.  Le 16 décembre 1999, la chambre régionale des comptes rendit un jugement de débet, le reliquat à verser dans la caisse communale ayant été fixé à 4 191 160 francs. La chambre considéra qu’il n’y avait pas lieu à l’application de l’amende prévue par les articles L 131-11 à 13 et L 123-1 du code des juridictions financières. Ce jugement fut notifié à la requérante le 9 février 2000.

49.  Le 4 avril 2000, celle-ci fit appel de cette décision devant la Cour des comptes. Le 20 avril 2000, l’appel d’une autre personne, M. B., conjointement et solidairement déclarée débitrice des deniers, fut notifié à la requérante.

50.  Le 23 mars 2001, la requérante déposa un mémoire complémentaire.

51.  Le 1er octobre 2001, la Cour des comptes sollicita de la requérante la production de pièces permettant de prouver sa cessation de fonctions de maire et de présidente de l’association. La requérante transmit les pièces les plus importantes le 10 octobre 2001.

52.  Par un arrêt du 30 mai 2002 (no 32499), notifié à la requérante le 19 août 2002, la Cour des comptes réforma le jugement du 16 décembre 1999 en fixant le reversement à effectuer dans la caisse communale à la somme de 4 126 705 francs (629 112,13 euros). La Cour des comptes se prononça également sur « le respect par la chambre régionale des comptes du caractère contradictoire de la procédure » dans les termes suivants :

«  (...) Attendu que la notion de délai raisonnable dont fait état la Convention européenne des droits de l’homme n’a pu être bafouée, dans la mesure où les phases distinctes de déclaration de gestion de fait et de fixation de la ligne de compte ne relèvent pas du champ d’application de ladite Convention ; que la longueur de la procédure résulte en grande partie du refus du comptable de fait de s’approprier une partie des opérations, ainsi que de l’usage, au demeurant légitime, de leur faculté d’appel, à deux reprises, par les intéressés ;

Attendu que le juge des comptes, sauf lorsqu’il statue à titre définitif sur une amende, ne se prononce pas sur des obligations civiles ou sur des accusations pénales, et que ses procédures ne relèvent pas du champ d’application de la Convention ; qu’en conséquence, jusqu’à l’intervention de la loi du 21 décembre 2001, ses jugements en matière de gestion de fait, hors la fixation d’une amende définitive, étaient régulièrement rendus en audience non publique ; (...) ».   

53.  Le 25 octobre 2002, la requérante forma un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

54.  Par arrêt du 30 décembre 2003, le Conseil d’Etat annula l’arrêt de la Cour des comptes du 30 mai 2002. Le Conseil jugea que l’article 6 § 1 de la Convention s’appliquait à l’ensemble de la procédure, dans la mesure où le juge des comptes, quand il prononce la gestion de fait puis en fixe la ligne de compte et met le comptable en débet, tranche à chaque étape de cette procédure, des contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil. Puis il estima que la composition de la chambre régionale des comptes chargée de se prononcer sur la fixation de la ligne de compte de la gestion de fait avait été irrégulière et que, dès lors, en ne relevant pas d’office cette irrégularité, la Cour des comptes avait entaché son arrêt d’une erreur de droit. Le Conseil d’Etat a renvoyé l’affaire à la Cour des comptes.


e) Procédure relative à l’association Noisy Communication

55.  Après sa convocation du 16 septembre 1994, la chambre régionale des comptes formula des observations provisoires lors de sa séance du 22 novembre 1994. Elles furent notifiées à la requérante par lettre confidentielle du 22 décembre 1994.

56.  Le 22 novembre 1994, la chambre régionale des comptes rendit un jugement de déclaration provisoire de gestion de fait, par lequel elle déclarait la requérante, conjointement et solidairement avec l’association Noisy Communication et une autre personne, comptable de fait des deniers publics, extraits et maniés irrégulièrement à partir de 1986. Il fut notifié à la requérante le 28 décembre 1994.

57.  Le 20 janvier 1995, la requérante présenta ses observations sur les dispositions provisoires de cette décision à la chambre régionale des comptes et sollicita une audience. Le 17 mai 1995, son conseil sollicita un délai de trois mois pour réunir et présenter les pièces nécessaires à la défense.

58.  Le 19 septembre 1995, la requérante présenta son mémoire en défense. Le 5 octobre 1995, les observations des autres parties furent notifiées à la requérante.

59.  Le 31 octobre 1996, la chambre régionale des comptes rendit un jugement de déclaration définitive de gestion de fait qui fut notifié le 28 février 1997 à la requérante.

60.  Le 28 avril 1997, la requérante fit appel devant la Cour des comptes des dispositions définitives de cette décision et présenta ses réponses aux dispositions provisoires à la chambre régionale des comptes.

61.  Par un arrêt du 2 octobre 1997, la Cour des comptes rejeta l’appel et confirma le jugement de la chambre régionale des comptes du 31 octobre 1996.

62.  La chambre régionale de comptes rendit un troisième jugement de gestion de fait les 7 et 28 avril 1998, qui fut notifié à la requérante le 13 juillet 1998.

63.  Le 28 septembre 1998, la requérante présenta à la chambre régionale des comptes un mémoire en réponse aux dispositions provisoires de ce jugement.

64.  Le 25 mai 1999, la chambre régionale des comptes rendit un jugement de débet à l’encontre de la requérante, de l’association et du directeur de celle-ci, et fixa le reliquat à verser dans la caisse communale à 789 348 francs. Statuant provisoirement, elle condamna également la requérante et le directeur de l’association à une amende de 5 000 francs et sursit à la décharge des intéressés jusqu’au complet apurement des débets ainsi que du montant de l’amende susceptible d’être infligée à titre définitif.

65.  La requérante interjeta appel des dispositions définitives de cette décision le 30 septembre 1999 devant la Cour des comptes. Elle déposa un mémoire additionnel et complémentaire en défense le 29 mars 2001.

66.  Par un arrêt du 30 mai 2002 (no 32501), la Cour des comptes annula le jugement du 25 mai 1999 en ses dispositions définitives, la requérante n’ayant pas été informée de la date de la séance devant les premiers juges et ainsi mise à même d’exercer le droit d’être entendue qui lui est ouvert par la loi. Après avoir évoqué l’affaire, elle fixa le reliquat à verser dans la caisse communale à 783 348 francs (119420,63 euros).

67.  Le 25 octobre 2002, la requérante forma un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat contre l’arrêt du 30 mai 2002.

68.  Le 15 novembre 2002, le Trésor public indiqua à la requérante qu’à la date du 14 novembre 2002, sa dette totale au titre des deux débets (arrêts nos 32499 et 32501), capitaux et intérêts compris, s’élève à 1 123 675,72 euros. Par lettre du 9 décembre 2002, la requérante demanda un sursis de paiement. Par décision du 20 décembre 2002, le trésorier-payeur général rejeta cette demande au motif que les voies de recours exercées n’ont pas d’effet suspensif. La requérante a également demandé le sursis à exécution des arrêts de la Cour des comptes devant le Conseil d’Etat.

69.  Par arrêt du 30 décembre 2003, le Conseil d’Etat annula l’arrêt de la Cour des comptes du 30 mai 2002 au motif que la composition de la chambre régionale des comptes chargée de se prononcer sur la fixation de la ligne de compte de la gestion de fait avait été irrégulière et que, dès lors, en ne relevant pas d’office cette irrégularité, la Cour des comptes avait entaché son arrêt d’une erreur de droit. Le Conseil d’Etat a renvoyé l’affaire à la Cour des comptes.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

70.  Les chambres régionales des comptes ont été créées par la loi
no 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Cette loi de décentralisation prévoit dans son article premier que « les communes, les départements et les régions s’administrent librement par des conseils élus » et que « des lois détermineront la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat ».

En contrepartie de la suppression de la tutelle est alors créée dans chaque région une chambre régionale des comptes dont les magistrats sont inamovibles. Les compétences de ces nouvelles juridictions de l’Etat sont pour l’essentiel définies dans la même loi et désormais dans le code des juridictions financières (article L 211-1 et suivants) : juger les comptes des comptables publics des collectivités territoriales et de leur établissements publics, examiner la gestion de ces collectivités ainsi que celle de tous les organismes qui, directement ou indirectement, en dépendent ou reçoivent des concours financiers, et concourir au contrôle des actes budgétaires des collectivités territoriales et de leur établissement publics.

Les chambres régionales rendent leurs jugements après une procédure contradictoire. Le jugement définitif donne décharge au comptable ou éventuellement le met en débet, c’est à dire lui impose de reverser une somme à la collectivité. Ces jugements définitifs sont susceptibles d’appel devant la Cour des comptes. Les arrêts rendus en appel par celles-ci peuvent, comme tous ses autres arrêts, donner lieu à pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le déroulement de la procédure au cours du contrôle juridictionnel de la cour régionale des comptes est le suivant :

- Production des comptes par le comptable public local

- Instruction contradictoire

- Rapport par le magistrat instructeur

- Délibéré de la chambre régionale des comptes

- Jugement provisoire : injonctions

- Réponse du comptable

- Délibéré de la chambre régionale des comptes

- Jugement définitif (public) : décharge ou éventuellement débet.

Par ailleurs, depuis l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 décembre 2003 cité au paragraphe 54 ci-dessus, la jurisprudence interne est fixée dans le sens que l’article 6 § 1 de la Convention est applicable, sous son volet civil, à l’ensemble de la procédure par laquelle le juge des comptes prononce la gestion de fait, fixe la ligne compte de celle-ci et met le comptable en débet.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

71.  La requérante allègue que la durée des procédures devant les juridictions financières a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu à l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».

72.  Le Gouvernement considère que les délais de jugement ont été « contenus » et que la durée totale de la procédure s’explique par le comportement de la requérante. Le nombre d’instances juridictionnelles ouvertes ne traduit pas de harcèlement mais résulte du fait que quatre associations, absolument distinctes, servaient de support à quatre gestions de fait à partir d’une extraction irrégulière de deniers publics imputable à la requérante.

73.  Sur la conduite de la procédure, le Gouvernement soutient que la requête entretient une confusion systématique entre les différentes procédures engagées par la chambre régionale. A cet égard, il insiste sur la distinction à opérer entre les attributions respectives de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes. La Cour des comptes statue en appel sur les jugements définitifs rendus par les chambres régionales ; elle ne dispose d’aucune possibilité d’intervention sur les contrôles administratifs conduits par les chambres dont elle peut seulement reprendre les observations dans le cadre de son rapport annuel public. Il doit également être distingué entre les attributions administratives de la chambre dans le cadre de l’examen de la gestion, lequel peut conduire à la formulation d’observations (provisoires puis définitives), et les attributions juridictionnelles, qui s’expriment dans les jugements (provisoires puis définitifs).

74.  Selon le Gouvernement, la durée des différentes instances ne paraît pas anormalement longue, s’agissant de procédures où la voie de l’appel devant la Cour des comptes a été systématiquement utilisée par la requérante à chaque phase de la procédure. Les délais constatés tirent leur origine de l’attitude de la requérante et de ses manœuvres dilatoires qui ont empêché le dénouement rapide des dossiers.

i. Pour la gestion des associations Michel Simon Arts production et Centre culturel Michel Simon

75.  Moins de quatorze mois ont séparé la déclaration provisoire de la déclaration définitive et, sur cette période, onze mois sont imputables à la requérante qui a demandé une prolongation du délai de réponse au jugement provisoire. La notification de l’arrêt rendu par la Cour des comptes en appel sur cette déclaration définitive est intervenue moins de onze mois après le dépôt de la requête. Enfin, la fixation de la ligne de compte a été retardée par l’absence de délibération du conseil municipal de la commune sur l’utilité publique des dépenses et par le refus des comptables de fait de reverser les sommes dont la restitution avait été ordonnée par la chambre.

ii. Association du personnel de Noisy-le-Grand

76.  Entre la déclaration provisoire et la déclaration définitive, le Gouvernement affirme que la requérante a demandé à quatre reprises une prolongation de son délai de réponse, arguant de difficultés matérielles qui sont indépendantes de la juridiction. Huit mois seulement ont séparé l’introduction de l’appel contre la déclaration définitive de la notification de l’arrêt rendu par la Cour des comptes. Le jugement du compte aurait été rendu particulièrement malaisé du fait de l’attitude de la requérante, qui a dans un premier temps, retardé la signature du compte jusqu’en janvier 1996, puis, dans un deuxième temps, contesté les éléments rassemblés par le rapporteur de la chambre pour les comptes 1988 et 1989, aucune opération n’étant décrite par les comptables de fait au titre de ces deux exercices, avant de ne signer un compte complet qu’en septembre 1999, soit plus de deux ans après la confirmation de la déclaration définitive de gestion de fait par la Cour des comptes. Le Gouvernement ajoute que la procédure a été compliquée par le comportement du représentant légal de l’association du personnel, qui a également différé à l’excès la signature du compte de gestion.

iii. Association « Noisy Communication »

77.  Le Gouvernement soutient que la requérante a, à nouveau, demandé un report du délai de réponse fixé à deux mois par le jugement provisoire, sa réponse ne parvenant à la chambre qu’au terme d’un délai de neuf mois. La Cour des comptes a jugé l’appel sur la déclaration définitive de gestion de fait dans un délai de cinq mois, qui marque une célérité exceptionnelle compte tenu des dispositions organisant les échanges de mémoires en appel ainsi que la complexité du dossier. Par ailleurs, la requérante a introduit un deuxième appel sur la fixation de la ligne de compte, et s’est abstenue de reverser les sommes dont elle avait été déclarée débitrice par la chambre depuis 1999, ce qui a contribué à retarder le dénouement de l’affaire : en effet, la décharge et le quitus du comptable ne peuvent intervenir qu’après apurement des sommes (débets ou amendes) mises à sa charge.

A.  Période à prendre en considération

78.  Le Gouvernement considère que les diverses instances juridictionnelles ont été ouvertes par la chambre régionale des comptes à la suite du contrôle réalisé sur les comptes de la ville de Noisy par des jugements provisoires datés de novembre et décembre 1994. La requérante ne le conteste pas. La Cour est d’avis que les jugements provisoires de déclaration de gestion de fait qui constituent des décisions juridictionnelles préparatoires peuvent être considérés comme le point de départ des périodes à prendre en considération. En conséquence, la première a débuté le 9 décembre 1994 (Association Michel Simon Arts production), la deuxième le 6 décembre 1994 (Association Centre culturel Michel Simon) et les troisième et quatrième le 22 novembre 1994. Ces procédures sont actuellement pendantes devant la chambre régionale des comptes et devant la Cour des comptes. Les procédures ont donc duré chacune, à ce jour, presque neuf ans et demi.

B. Caractère raisonnable de la procédure

79.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par la jurisprudence de la Cour, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (voir, parmi beaucoup d’autres, Comingersoll c. Portugal [GC], no 35382/97, § 19, CEDH 2000-IV, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

80.  La Cour ne conteste pas que la procédure devant les juridictions financières comporte des spécificités qui la rendent quelque peu complexe. Elle ne saurait cependant y voir une explication convaincante, à elle seule, des délais de procédures litigieux ni être d’avis que la requérante tire profit de cette spécificité pour les justifier. A cet égard, la Cour rappelle que l’article 6 de la Convention s’applique à toutes les phases de la procédure, ainsi qu’elle l’a relevé dans sa décision sur la recevabilité, en date du 7 octobre 2003, puis que l’a jugé le Conseil d’Etat dans son arrêt précité du 30 décembre 2003, y compris donc à la phase d’instruction devant mener au jugement provisoire de déclaration de gestion de fait rendu par la chambre régionale des comptes, que le Gouvernement qualifie de phase administrative.

81.  Les procédures relatives aux associations Michel Simon Arts production et Centre culturel Michel Simon sont actuellement bloquées dans l’attente de la production d’une délibération exécutoire du conseil municipal de Noisy-le-Grand sur l’utilité publique des dépenses. Celle-ci est destinée à restaurer rétroactivement les formes budgétaires des opérations, préalablement au jugement du compte de fait. Le Gouvernement n’explique pas à qui revient précisément la responsabilité de ce blocage mais soutient que la fixation de la ligne de compte est retardée par le refus des comptables de fait de reverser les sommes dont la restitution avait été ordonnée par la chambre. La Cour relève à cet égard que la chambre régionale, dans ses deux jugements du 16 décembre 1999, a sursis à statuer jusqu’à la production de la délibération municipale précitée et que la requérante explique qu’elle n’a jamais pu obtenir de ses successeurs une telle délibération. Ce n’est que très récemment, le 15 avril 2004, que la chambre régionale des comptes a ordonné, suite à une nouvelle législation adoptée en 2001 et 2002, de tout mettre en œuvre afin de permettre au conseil municipal de se prononcer sur le caractère d’utilité publique. La Cour observe ainsi que les procédures litigieuses sont, depuis le 16 décembre 1999, suspendues dans l’attente de la délivrance d’un document sans que la responsabilité de la requérante dans ce retard ne soit clairement établie. La Cour considère dès lors que la durée globale de ces deux procédures ne répond pas aux exigences du « délai raisonnable » garanti par l’article 6 § 1 de la Convention.

82.  En ce qui concerne les procédures relatives aux associations du personnel de la commune de Noisy-le-Grand et Noisy Communication, la Cour observe qu’elles sont actuellement pendantes devant la Cour des comptes à la suite de l’annulation par le Conseil d’Etat le 30 décembre 2003 des arrêts rendus le 30 mai 2002 par ladite cour. S’il est vrai que la requérante a été à l’origine d’un certain nombre de retards, son comportement ne saurait expliquer la durée totale des procédures. La Cour rappelle à cet égard que l’on ne saurait reprocher à un requérant d’avoir tiré pleinement parti des voies de recours que lui ouvrait le droit interne (Erkner et Hofauer c. Autriche, arrêt du 23 avril 1987, série A no 117, p. 63, § 68). En l’occurrence, les deux recours en cassation formés par la requérante furent couronnés de succès. S’agissant du comportement des autorités judiciaires, la Cour estime, au vu des circonstances de la cause, qui commandent une évaluation globale, que le laps de temps pour l’instant écoulé est dans l’ensemble excessif.

83.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

84.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

85.  La requérante réclame 15 000 euros (EUR) au titre de l’indemnisation du préjudice moral. Elle fonde sa demande sur la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de l’engagement à son encontre devant les juridictions pénales et financières de nombreuses actions en justice et des conséquences de la couverture médiatique à ce sujet, en particulier de son utilisation par ses adversaires politiques.

86.  Le Gouvernement considère que la requérante n’est pas recevable à demander l’indemnisation du préjudice moral qu’elle aurait subi du fait d’atteintes à sa réputation et à sa vie privée. Il rappelle que dans sa décision sur la recevabilité, la Cour a déclaré irrecevable le grief de la requérante tiré de la violation de l’article 8 de la Convention et estime au demeurant n’être en aucun cas responsable des conséquences de l’écho dans les médias des procédures engagées contre la requérante.

87.  La Cour considère, comme le Gouvernement, que le seul dommage en l’espèce, peut résulter de la durée excessive des procédures. Elle est de l’avis que leur prolongement au-delà du « délai raisonnable » a causé à la requérante un préjudice moral justifiant l’octroi d’une indemnité. Elle juge raisonnable, statuant en équité, de lui octroyer à ce titre la somme de 12 000 EUR.

B.  Frais et dépens

88.  La requérante réclame 60 775 EUR au titre des frais et dépens exposés à l’occasion de sa défense devant les juridictions nationales.

89.  Le Gouvernement considère que ces honoraires n’ont pas eu pour objet d’exposer devant les juridictions nationales le grief soumis à la Cour relatif à la durée de la procédure. En conséquence, il s’oppose au remboursement de ces frais.

90.  S’agissant des frais réclamés pour la défense devant les juridictions internes, la Cour rappelle que lorsqu’elle constate une violation de la Convention, elle n’accorde au requérant le paiement des frais et dépens qu’il a exposés devant les juridictions nationales que dans la mesure où ils ont été engagés pour prévenir ou faire corriger par celles-ci ladite violation. Tel n’est à l’évidence pas le cas en l’espèce. En ce qui concerne les frais engagés pour la procédure devant la Cour, la requérante n’a présenté aucune prétention à ce titre. Partant, elle n’alloue aucune somme à la requérante au titre des frais et dépens.

C.  Intérêts moratoires

91.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.


PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l’UNANIMITÉ,

1.  Dit, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

2.  Dit,

a)  que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 12 000 EUR (douze mille euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

3.  Rejette, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 1er juin 2004 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. DolléA.B. Baka
GreffièrePrésident

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Textes cités dans la décision

  1. Code des juridictions financières
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CEDH, Cour (deuxième section), AFFAIRE RICHARD-DUBARRY c. FRANCE, 1er juin 2004, 53929/00