CEDH, Cour (première section), AFFAIRE TRUDOV c. RUSSIE, 13 décembre 2011, 43330/09

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CEDH · 13 décembre 2011

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 13 déc. 2011, n° 43330/09
Numéro(s) : 43330/09
Type de document : Arrêt
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Violation de l'art. 6-1
Identifiant HUDOC : 001-107865
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2011:1213JUD004333009
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE TRUDOV c. RUSSIE

(Requête no 43330/09)

ARRÊT

STRASBOURG

13 décembre 2011

DÉFINITIF

13/03/2012

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Trudov c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Nina Vajić, présidente,
Anatoly Kovler,
Peer Lorenzen,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 22 novembre 2011,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 43330/09) dirigée contre la Fédération de Russie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Valeriy Aleksandrovich Trudov (« le requérant »), a saisi la Cour le 22 juillet 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. G. Matiouchkine, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

3.  Le requérant allègue en particulier qu’il n’a pas été dûment informé de l’audience d’appel dans un litige auquel il était partie et qu’en conséquence, l’affaire a été examinée par la juridiction d’appel en son absence.

4.  Le 27 mai 2010, le président de la première section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5.  Le requérant est né en 1948 et réside à Staraya Roussa, dans la région de Novgorod.

6.  Le 30 décembre 2008, le tribunal municipal Koriajemskiy de la région d’Arkhangelsk débouta le requérant de sa demande d’annuler son licenciement, de le reclasser et de lui payer une indemnité pour licenciement abusif.

7.  Le 19 février 2009, la cour régionale d’Arkhangelsk confirma en appel le jugement rendu. Le requérant et son représentant furent absents à l’audience d’appel alors que le représentant de la partie défenderesse et le représentant du parquet régional d’Arkhangelsk furent présents et donnèrent des explications. La décision de la juridiction d’appel du 19 février 2009 ne contient pas de données sur la convocation du requérant et de son représentant ni sur la possibilité d’ajourner l’audience d’appel au cas où le requérant et son représentant n’auraient pas été dûment convoqués. Le requérant prétend que ni lui ni son représentant n’ont été informés de l’audience d’appel.

8.  Le 31 juillet 2009, la Cour suprême de la Fédération de Russie refusa de réexaminer l’affaire dans le cadre de la procédure de supervision engagée par le requérant. Elle indiqua, entre autres, que l’argument de la non-convocation du requérant et de son représentant avait été examiné et considéré par la juridiction de supervision comme dénué de fondement, le requérant et son représentant ayant été dûment informés.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

9.  La convocation et la comparution des parties sont réglées par les articles suivants du code de procédure civile de la Fédération de Russie (no 138-FZ du 14 novembre 2002).

10.  En vertu de l’article 113, les parties au procès sont informées ou convoquées au tribunal par une lettre recommandée avec avis de réception, par une convocation avec avis de réception, par un message téléphonique ou par un télégramme, par fax ou avec utilisation d’autres moyens de communication qui garantissent leur remise au destinataire. Les convocations doivent être délivrées aux parties au procès de manière à leur laisser suffisamment de temps pour se préparer à l’audience et pour comparaître.

11.  L’article 115 dispose que les convocations sont livrées par la poste ou par une personne désignée par le juge. L’heure de leur remise au destinataire est certifiée par la poste ou dans un document à renvoyer au tribunal.

12.  Conformément à l’article 116, la convocation doit être remise à la personne contre sa signature sur une copie de la convocation, laquelle doit être renvoyée au tribunal.

13.  L’article 167 prévoit que les parties au procès doivent informer le tribunal des raisons de leur non-comparution. En l’absence de comparution d’une partie non informée de l’audience, l’audience doit être ajournée. Le tribunal peut examiner l’affaire en l’absence d’une partie au procès informée de la date et du lieu de l’audience si celle-ci n’explique pas les raisons de sa non-comparution ou si le tribunal trouve ses raisons mal fondées.

14.  En vertu de l’article 343, après avoir reçu l’acte d’appel, le juge doit en envoyer copie aux parties avec les documents joints au plus tard le lendemain de leur réception ainsi qu’informer les parties au procès de la date et du lieu de l’audience d’appel.

15.  L’article 354 énonce que l’audience d’appel doit être ajournée si des parties non convoquées sont absentes.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

16.  Le requérant allègue ne pas avoir été dûment informé de l’audience d’appel, et y voit une violation de son droit à un procès équitable tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A.  Sur la recevabilité

17.  Le Gouvernement soutient que le requérant a omis d’épuiser les voies de recours internes, à savoir de soulever ce grief dans le cadre de la procédure de supervision. Le Gouvernement affirme que la procédure de supervision représente une voie de recours interne effective et souligne que le cas où une partie au procès n’a pas été convoquée à l’audience constitue, pour la juridiction de supervision, un motif d’annulation des jugements soumis à son examen.

18.  Le requérant conteste cet argument du Gouvernement et se réfère notamment au refus de la Cour suprême de la Fédération de Russie, le 31 juillet 2009, de réexaminer l’affaire dans le cadre de la procédure de supervision.

19.  La Cour rappelle qu’au sens de l’article 35 § 1 de la Convention il incombe à l’État de prouver l’existence d’un recours disponible, adéquat, efficace en théorie comme en pratique, et propre à remédier à la violation alléguée. Selon la jurisprudence de la Cour les procédures de supervision ne sont pas prises en considération en tant que voie de recours interne effective au sens de l’article 35 § 1 de la Convention (voir Tumilovich c. Russie (déc.), no 47033/99, 22 juin 1999 ; Berdzenishvili c. Russie (déc.), no 31697/03, 29 janvier 2004 ; Denisov c. Russie (déc.), no 33408/03, 6 mai 2004 ; Martynets c. Russie (déc.), no 29612/09, 5 novembre 2009). Il convient donc de rejeter l’exception du Gouvernement.

20.  La Cour constate par ailleurs que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

21.  Le Gouvernement soutient que le requérant ainsi que son représentant ont été informés de l’audience d’appel du 19 février 2009 à temps. En effet, le 30 janvier 2009 le tribunal municipal Koriajemskiy de la région d’Arkhangelsk a envoyé aux parties au procès un avis les informant de la date et du lieu de l’audience d’appel. La copie de cet avis n’est pas jointe aux observations du Gouvernement. En revanche, le Gouvernement joint à ses observations une copie du registre du courrier expédié du tribunal municipal Koriajemskiy de la région d’Arkhangelsk pour l’année 2009. Il ressort de ce registre que le 3 février 2009 les avis ont été envoyés au requérant, à son représentant et à la partie défenderesse. Le Gouvernement souligne que ces avis ont été adressés au requérant et à son représentant suffisamment à l’avance pour leur permettre d’assister à l’audience du 19 février 2009 et d’y présenter leur cause. Le Gouvernement soutient qu’en vertu de l’article 167 du code de procédure civile de la Fédération de Russie, la juridiction d’appel pouvait examiner l’appel en l’absence du requérant et de son représentant.

22.  Le Gouvernement soutient, d’autre part, que la présence du requérant et de son représentant à l’audience d’appel ne revêtait aucune nécessité pratique, étant donné que l’affaire n’était pas compliquée et que le dossier contenait le pourvoi en appel et le mémoire ampliatif expliquant, avec les arguments exhaustifs, le désaccord du requérant avec le jugement rendu.

23.  Le Gouvernement indique également que l’absence dans le dossier d’un accusé de réception certifiant la remise d’un avis au requérant et à son représentant s’explique par des dysfonctionnements des services postaux.

24.  Le requérant maintient son grief. Il affirme, en particulier, que son droit à une audience publique a été vidé de son sens car il n’a pas été informé de l’audience de sorte à pouvoir comparaître devant le tribunal. Le requérant souligne également que la juridiction d’appel a omis de considérer la question de sa convocation pour l’audience d’appel et a examiné l’affaire en son absence.

25.  La Cour rappelle que le droit de chacun à ce que sa cause soit « entendue publiquement », au sens de l’article 6 § 1, peut impliquer le droit à une « audience publique » (Fredin c. Suède (no 2), 23 février 1994, §§ 21-22, série A no 283-A). La publicité des débats judiciaires constitue un principe fondamental, consacré par l’article 6 § 1. Certes, ni la lettre ni l’esprit de ce texte n’empêchent une personne d’y renoncer de son plein gré de manière expresse ou tacite, mais pareille renonciation doit être non équivoque et ne se heurter à aucun intérêt public important (Håkansson et Sturesson c. Suède, 21 février 1990, § 66, série A no 171-A). Le droit à une audience publique serait dénué de sens si une partie au procès n’était pas informée de l’audience de sorte à pouvoir comparaître devant le tribunal (voir Yakovlev c. Russie, no 72701/01, § 21, 15 mars 2005).

26.  La Cour prend en compte la circonstance que le code de procédure civile de la Fédération de Russie prévoit une audience publique devant la juridiction d’appel et que la compétence de la juridiction d’appel ne se limite pas aux points de droit: elle englobe aussi des questions de fait. Toutefois, la comparution des parties au procès n’est pas obligatoire. Le tribunal peut examiner l’affaire en l’absence d’une partie dûment informée de la date et du lieu de l’audience, si cette partie n’explique pas les raisons de sa non-comparution ou si le tribunal trouve ses raisons non valables. L’analyse des dispositions du droit russe concernant la convocation des parties aux audiences permet de conclure que, quel que soit le moyen de la convocation, les tribunaux internes doivent avoir une preuve de la remise de la convocation aux parties. Si ce n’est pas le cas, l’audience doit être ajournée. Il s’ensuit que le Gouvernement doit avoir en sa possession une telle preuve. A cet égard, le Gouvernement a certes présenté une copie du registre du courrier expédié du tribunal municipal Koriajemskiy de la région d’Arkhangelsk pour l’année 2009 selon lequel le 3 février 2009 les avis ont été envoyés au requérant, à son représentant et à la partie défenderesse. Toutefois, le Gouvernement n’a présenté aucun justificatif, tel qu’un accusé de réception ou une enveloppe avec un cachet, prouvant la remise de l’avis d’audience au requérant et à son représentant. De son côté, le requérant affirme que ni lui ni son représentant n’ont été informés de l’audience d’appel.

27.  La Cour rappelle que l’article 6 § 1 ne prévoit pas une forme spécifique d’envoi des documents judiciaires, tel que par exemple l’usage de lettres recommandées (voir Bogonos c. Russie (déc.), no 68798/01, 5 février 2004). La Cour considère néanmoins que, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, chaque partie au procès doit être informée de l’audience non seulement pour en connaître la date et le lieu mais aussi de façon à disposer d’assez de temps pour s’y préparer et pour y comparaître. Le simple envoi formel d’une convocation sans aucune certitude de sa remise au requérant ne saurait être considéré par la Cour comme une due information selon les voies légales. Qui plus est, rien dans le texte de la décision d’appel du 19 février 2009 ne laisse à penser que la juridiction d’appel a examiné si le requérant et son représentant avaient été dûment convoqués à l’audience d’appel et, dans la négative, si l’audience devait être ajournée conformément à l’article 354 du code de procédure civile. Il s’ensuit que le Gouvernement n’a pas démontré que le requérant avait été dûment convoqué pour l’audience d’appel.

28.  Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que le requérant n’a pas été dûment convoqué à l’audience d’appel du 19 février 2009. La Cour prend aussi en compte le fait que le représentant de la partie défenderesse ainsi que le représentant du parquet régional d’Arkhangelsk ont été présents à l’audience d’appel et ont donné des explications qui ne furent pas communiquées au requérant ni à son représentant, vu leur absence.

29.  La Cour a conclu à maintes reprises à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention dans des affaires similaires à la présente (voir Yakovlev c. Russie, précité, §§ 19-23; Groshev c. Russie, no 69889/01, §§ 27-31, 20 octobre 2005; Mokrushina c. Russie, no 23377/02, §§ 20-24, 5 octobre 2006; et Prokopenko c. Russie, no 8630/03, §§17-21, 3 May 2007). Or, le Gouvernement n’a présenté aucun fait ou argument permettant à la Cour de parvenir dans la présente affaire à une conclusion différente.

30.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

31.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

32.  Le requérant réclame 2 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral.

33.  Le Gouvernement considère que le préjudice moral subi par le requérant est lié uniquement au résultat défavorable de la procédure civile nationale.

34.  La Cour considère que le requérant a dû éprouver frustration et détresse en raison de sa non-convocation à l’audience d’appel. Statuant en équité, la Cour estime qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 1 800 EUR au titre du préjudice moral.

B.  Frais et dépens

35.  Le requérant ne revendique rien pour les frais et dépens. La Cour n’alloue, donc, aucune somme à ce titre.

C.  Intérêts moratoires

36.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable ;

2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit

a)  que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 1 800 EUR (mille huit cents euros), à convertir en roubles russes au taux applicable à la date du règlement, pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 décembre 2011, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenNina Vajić
GreffierPrésidente

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