CEDH, Cour (première section), AFFAIRE ZOLOTAS c. GRÈCE (N° 2), 29 janvier 2013, 66610/09

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Chronologie de l’affaire

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Garance Cattalano · Revue des contrats · 1er mars 2023

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Alors qu'en France le principe constitutionnel de liberté contractuelle est resté indifférent à la question de la réalité du pouvoir, le droit constitutionnel allemand a élaboré toute une théorie de la liberté contractuelle servant un objectif républicain de non-domination pour reprendre la terminologie de Philip Pettit. La conception républicaine de la liberté permet de penser et de contraster, selon nous, les différences théoriques des juges constitutionnels français et allemand et de comprendre leur idéologie. Nous voudrions donc contraster ici la position du Conseil constitutionnel …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 29 janv. 2013, n° 66610/09
Numéro(s) : 66610/09
Publication : Recueil des arrêts et décisions 2013 (extraits)
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, § 143, CEDH 2004-V
Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, 19 décembre 1997, § 31, Recueil 1997-VIII
Deweer c. Belgique, 27 février 1980, §§ 37-38, série A no 35
Fouklev c. Ukraine, no 71186/01, §§ 89-91, 7 juin 2005
Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 février 1998, § 33, Recueil 1998-I
G. c. Italie, 27 février 1992, § 2, série A no 228-F
Kesyan c. Russie, no 36496/02, §§ 79-80, 19 octobre 2006
Kin-Stib et Majkic c. Serbie, no 12312/05, § 84, 20 avril 2010
Kotov c. Russie [GC], no 54522/00, §§ 109-110, 3 avril 2012
J.A. Pye (Oxford) Ltd et J.A. Pye (Oxford) Land Ltd c. Royaume-Uni [GC], no 44302/02, CEDH 2007-III
Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000-XII
Marcic et autres c. Serbie, no 17556/05, § 56, 30 octobre 2007
Matheus c. France, no 62740/00, §§ 68 et suiv., 31 mars 2005
Nejdet Sahin et Perihan Sahin c. Turquie [GC], no 13279/05, § 56, 20 octobre 2011
Öneryildiz c. Turquie [GC], no 48939/99, § 134, CEDH 2004-XII
Optim et Industerre c. Belgique (déc.), no 23819/06, § 35, 11 septembre 2012
Paduraru c. Roumanie, no 63252/00, § 88, CEDH 2005-XII
Pandolfelli et Palumbo c. Italie, 27 février 1992, § 2, série A no 231-B
Raimondo c. Italie, 22 février 1994, § 2, série A no 281-A
Scherer c. Suisse, 25 mars 1994, §§ 31-32, série A no 287
Sovtransavto Holding c. Ukraine, no 48553/99, § 96, CEDH 2002-VII
Sporrong et Lönnroth c. Suède, 23 septembre 1982, § 69, série A no 52
Stubbings et autres c. Royaume-Uni, 22 octobre 1996, § 51, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV
Tejedor García c. Espagne, 16 décembre 1997, § 31, Recueil 1997-VIII
Tunnel Report Limited c. France, no 27940/07, § 39, 18 novembre 2010
Vocaturo c. Italie, 24 mai 1991, § 2, série A no 206-C
X c. France, 31 mars 1992, § 26, série A no 234-C
X c. Royaume-Uni, 5 novembre 1981, § 32, série A no 46
Niveau d’importance : Publiée au Recueil
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Partiellement irrecevable ; Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété (article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Respect des biens) ; Dommage matériel et préjudice moral - réparation
Identifiant HUDOC : 001-116120
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2013:0129JUD006661009
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE ZOLOTAS c. GRÈCE (No 2)

(Requête no 66610/09)

ARRÊT

STRASBOURG

29 janvier 2013

DÉFINITIF

29/04/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Zolotas c. Grèce (no 2),

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

 Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
 Elisabeth Steiner,
 Khanlar Hajiyev,
 Mirjana Lazarova Trajkovska,
 Julia Laffranque,
 Linos-Alexandre Sicilianos,
 Erik Møse, juges,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 janvier 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 66610/09) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Anastasios Zolotas (« le requérant »), a saisi la Cour le 7 décembre 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, à savoir Mme F. Dedoussi, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, et Mme Z. Hadjipavlou, auditrice auprès du Conseil juridique de l’Etat.

3.  Le requérant alléguait en particulier une violation du droit garanti par l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

4.  Le 31 août 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et sur le fond.

EN FAIT

5.  Le requérant, né en 1924, est décédé le 27 février 2011 alors que sa requête était pendante devant la Cour. Son fils, M. Panayotis Zolotas, a exprimé le souhait de reprendre l’instance.

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6.  Le 11 juillet 1974, le requérant, qui exerçait alors la profession d’avocat, ouvrit un compte bancaire auprès de la Banque générale de Grèce, sur lequel il versa la somme de 660 000 drachmes (1 936,90 euros (EUR)). A partir du second semestre 1981 et jusqu’en 2003, il ne fit aucune opération sur son compte (prélèvement ou dépôt d’argent, ou inscription des intérêts sur le carnet prévu à cet effet). En raison de graves problèmes de santé invalidants pour lui-même et son épouse, il dut séjourner des années durant à l’étranger. Le 6 février 2003, il demanda à la banque de l’informer de l’état de son compte. La banque lui répondit que, comme il n’y avait eu aucun mouvement sur le compte depuis le second semestre 1981, toutes ses prétentions à l’égard dudit compte avaient été frappées de prescription. Toutefois, elle lui fit savoir qu’elle tenait à jour dans son livre de comptes la fiche personnelle du requérant, sur laquelle elle inscrivait les intérêts produits par le compte.

7.  Le 3 juin 2003, le requérant saisit les juridictions civiles d’une action contre la banque. Il réclamait la somme qu’il avait déposée à la banque, augmentée des intérêts, soit un total de 30 550,74 EUR. Dans son jugement no 1481/2005 du 21 avril 2005, le tribunal de première instance d’Athènes rejeta l’action en considérant que les prétentions du requérant étaient frappées par la prescription de vingt ans prévue pour les prétentions émanant d’une convention de dépôt irrégulier (anomali parakatathiki), au sens de l’article 830 du code civil (paragraphes 18-19 ci‑dessous). Plus particulièrement, le tribunal précisa :

« (...) [Le requérant] invoque l’article 1 du Protocole no 1 (...) ainsi que le Protocole de Paris du 20 mars 1952 relatif au respect de la propriété, lesquels ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce, car la prescription, en tant qu’institution du droit national, l’emporte sur ceux-ci. Cette prescription [prévue à l’article 247 du code civil] est indépendante du fait que, conformément à l’article 3 du décret-loi no 1195/1942, les dépôts en espèces auprès des banques nationales et les intérêts y afférents sont définitivement dévolus à l’Etat lorsqu’ils n’ont pas été réclamés par leurs titulaires, pour les dépôts, pendant une durée de vingt ans, et pour les intérêts, pendant une durée de cinq ans (...). »

8.  Le requérant interjeta appel de ce jugement. Il se fondait sur les dispositions du droit interne pertinent et sur l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Il soutenait que le délai de prescription avait été suspendu pour cause de force majeure ou interrompu en vertu de l’article 260 du code civil, car la banque mettait son dossier à jour tous les six mois en y inscrivant les intérêts produits.

9.  Dans son arrêt no 2452/2006 du 6 avril 2006, la cour d’appel d’Athènes rejeta l’appel, considérant que l’application de la prescription de vingt ans pour les contrats de dépôt irrégulier était justifiée par un but d’intérêt public : la liquidation, dans l’intérêt de la collectivité (koinoniki oikonomia), des rapports juridiques qui avaient été créés dans un passé si lointain que leur existence était devenue incertaine. Le fait que la banque continuait à inscrire des intérêts sur le compte du requérant ne constituait pas, selon la cour d’appel, un acte de reconnaissance des prétentions du requérant susceptible d’interrompre le délai de prescription de vingt ans. Dans le cas de dépôts bancaires, le cours de ce délai ne pouvait être interrompu que par un nouvel acte de dépôt ou de retrait, un transfert d’argent ou le paiement d’intérêts. La cour d’appel se fonda, en outre, sur le décret-loi no 1195/1942, qui prévoit que les sommes d’argent placées sur des comptes bancaires restés inactifs pendant une période de vingt ans reviennent à l’Etat à l’expiration de ce délai.

10.  La cour d’appel rejeta aussi l’objection du requérant selon laquelle le délai de prescription aurait été suspendu pour cause de force majeure (les maladies de son épouse et les siennes). Elle considéra qu’il n’y avait pas eu en l’espèce de cas de force majeure car ces maladies n’avaient pas été continues pendant tout le délai de la prescription et notamment pas pendant les six derniers mois de celui-ci, de sorte que le requérant ne se trouvait pas dans l’impossibilité de retirer lui-même ou par l’intermédiaire d’un représentant la somme déposée et les intérêts relatifs à celle‑ci.

11.  Le requérant se pourvut en cassation. Il se fondait sur l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

12.  Le 12 janvier 2009, la Cour de cassation rejeta le pourvoi pour défaut de fondement au motif que l’application de la législation en cause ne portait pas atteinte au droit du requérant au respect de ses biens tel que défini par l’article 1 du Protocole no 1 (arrêt no 50/2009). Plus précisément, la Cour de cassation considéra que :

« (...) du fait que la prescription précitée, comme toute prescription, est imposée par l’intérêt général, qui exige la régularisation des relations qui relèvent du passé et de ce fait sont devenues incertaines, et dictée aussi par l’intérêt de la collectivité, les dispositions litigieuses ne sont pas contraires [au Protocole no 1]. »

13.  Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 9 juin 2009.

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

14.  L’article 3 du décret-loi no 1195/1942 « relatif à la prescription au bénéfice de l’Etat des dépôts auprès des banques et d’autres valeurs et prétentions » se lit comme suit :

Prescription des dépôts et intérêts en faveur de l’Etat

« Les dépôts en espèces auprès de banques nationales et leurs intérêts (...) reviennent définitivement à l’Etat lorsqu’ils n’ont pas été réclamés par le titulaire du compte ou n’ont fait l’objet d’aucun mouvement sur le compte pendant une période de vingt ans à partir du moment où ils étaient disponibles et, pour les intérêts, pendant une période de cinq ans à partir du moment où ils sont devenus exigibles. »

15.  Le décret-loi no 1195/1942 a été ratifié par l’acte no 315 du Conseil des ministres du 30 mai 1946 ; il est resté en vigueur après l’adoption du code civil.

16.  En vertu de ce décret-loi, la prescription de certaines créances et prétentions, au lieu de profiter au débiteur comme c’est le cas en vertu du droit ordinaire, joue au bénéfice de l’Etat. Outre les dépôts auprès des banques et des établissements de crédit, ces créances et prétentions recouvrent celles issues des capitaux et des rentes des titres et valeurs mobilières existant auprès de banques et de sociétés anonymes.

17.  L’article 16 § 2 du décret-loi prévoit que, dans certains cas, le créancier a le droit, après restitution à l’Etat de ses prétentions, de se retourner contre l’Etat par une action devant les juridictions civiles qui doit être introduite dans le délai de prescription de la prétention.

18.  Les dispositions pertinentes du code civil sont ainsi libellées :

Article 247

Prescription des prétentions

« Le droit d’exiger d’autrui un acte ou une abstention (prétention) est sujet à prescription. »

Article 249

Prescription de vingt ans

« Sauf disposition contraire, le délai de prescription des prétentions est de vingt ans. »

Article 250

Prescription de cinq ans

« Sont prescrites dans un délai de cinq ans les prétentions : (...) 15. issues des intérêts (...) ».

Article 251

Commencement de la prescription

« La prescription commence dès que la prétention a pris naissance et qu’il est possible d’en poursuivre la réalisation par voie juridique. »

Article 255

Suspension de la prescription

« La prescription est suspendue aussi longtemps que le titulaire du droit est empêché de faire valoir sa prétention en raison de (...) ou d’un autre cas de force majeure au cours des six derniers mois du délai de prescription. (...) »

Article 260

Interruption - Reconnaissance

« La prescription est interrompue par la reconnaissance de la prétention, de quelque manière que ce soit, par la personne tenue à la prestation (l’obligé). »

Article 272

Effets de la prescription accomplie

« Lorsque la prescription est échue, l’obligé a le droit de refuser la prestation.

(...) »

Article 274

Prescription des prétentions accessoires

« Lorsque la prétention principale est prescrite, sont également prescrites les prétentions accessoires qui en découlent, même si la prescription qui leur est applicable n’est pas encore échue. »

Article 827

Temps de restitution

« Si le déposant réclame la chose, le dépositaire doit la restituer même si le délai fixé pour sa garde n’a pas expiré. »

Article 830

Dépôt irrégulier

« Le dépôt d’une somme d’argent ou d’autres choses fongibles est, dans le doute, considéré comme un prêt si le dépositaire a le pouvoir d’en user. Toutefois, en ce qui concerne le temps et le lieu de restitution, sont applicables, dans le doute, les dispositions relatives au dépôt. (...) »

19.  On désigne par l’expression « dépôt irrégulier » le dépôt, après accord des parties, d’argent ou d’autres choses fongibles aux fins de la garde par l’autre partie lorsque celle-ci a le pouvoir d’en disposer. Selon la doctrine et une jurisprudence bien établie, le dépôt d’argent dans une banque au taux d’intérêt habituel et avec possibilité de retrait immédiat de la somme déposée revêt le caractère d’une convention de dépôt irrégulier.

20.  En vertu de l’article 260 du code civil, la prescription est interrompue lorsque l’obligé reconnaît la prétention de quelque manière que ce soit. Il est généralement admis que pour qu’il y ait une telle reconnaissance, il suffit d’un acte ou d’un comportement qui démontre clairement que le débiteur reconnaît son obligation ainsi que la prétention du créancier. Une telle reconnaissance peut prendre la forme d’un remboursement partiel de la dette, du paiement d’intérêts, de la constitution d’une sûreté, d’une demande d’octroi d’un délai ou d’une demande d’exonération de la dette (Georgiadis-Stathopoulos, Code civil. Interprétation article par article, p. 461).

21.  Pour que l’acte de reconnaissance du débiteur entraîne interruption de la prescription (article 260 du code civil), il doit être adressé au créancier et lui parvenir (arrêt no 1178/1976 de la Cour de cassation, Nomiko Vima 25/710). Le simple fait que le débiteur enregistre la dette dans ses livres de comptes ne constitue pas une reconnaissance de la prétention au sens de l’article 260 et ne peut donc interrompre la prescription (arrêt no 924/1977 de la Cour de cassation, Nomiko Vima 26/726).

22.  En ce qui concerne la prescription des prétentions des titulaires d’un compte à l’égard de ce compte, il est admis que celle-ci est interrompue par tout nouveau dépôt ou retrait ou par tout acte qui entraîne une modification du compte. La prescription n’est pas interrompue par les intérêts que produit le compte, même si ceux-ci sont transformés en capital, ni par la mise à jour du dossier du titulaire du compte qui a lieu tous les six mois (arrêts no 739/2004 et no 50/2009 de la Cour de cassation).

23.  Par un acte no 2501 du 31 octobre 2002, le gouverneur de la Banque de Grèce a précisé :

« Les établissements de crédit doivent fournir un minimum d’informations aux contractants, de la manière suivante :

1.  Conditions générales

(...)

c)  informer les contractants, avant l’établissement du contrat, de toutes les conditions qui régissent la relation entre eux et leur en fournir un exemplaire complet après l’établissement de celui-ci.

(...)

e)  En cas de modification unilatérale des conditions des contrats, dans les domaines où cette modification est permise, [les établissements de crédit] informent les contractants des modifications des conditions initiales, de manière soit collective soit individuelle, et annoncent dans les deux cas la date de l’entrée en vigueur de nouvelles conditions.

(...)

2.  Information périodique

a)  Dépôts : une information est donnée au moins tous les trois mois pour les éléments a) et f) du chapitre B, paragraphe 1, ainsi que sur le solde du compte, sauf s’il n’y a pas de mouvement sur le compte ; dans ce cas, l’information est donnée tous les six mois.

En ce qui concerne les comptes d’épargne pour lesquels un livret est fourni, la mise à jour se fait par la présentation du livret.

(...) »

24.  Dans le même ordre d’idées, la Cour de cassation a jugé qu’une banque n’a pas l’obligation de prévenir l’intéressé avant l’expiration du délai de prescription. Comme un livret de compte lui est remis par la banque, il lui appartient de le faire tenir à jour, ce livret constituant la preuve du montant déposé sur son compte et de l’existence de mouvements sur celui-ci (arrêts de la Cour de cassation no 432/1990 et no 1623/1995).

EN DROIT

I.  REMARQUE GÉNÉRALE

25.  La Cour doit tout d’abord trancher la question de savoir si M. Panayotis Zolotas a le droit de maintenir la requête originellement introduite par le requérant, décédé en février 2011.

26.  La Cour rappelle que, dans plusieurs affaires où un requérant était décédé pendant la procédure, elle a pris en compte la volonté de poursuivre celle-ci exprimée par des héritiers ou parents proches (voir, par exemple, Deweer c. Belgique, 27 février 1980, §§ 37-38, série A no 35 ; X c. Royaume-Uni, 5 novembre 1981, § 32, série A no 46 ; Vocaturo c. Italie, 24 mai 1991, § 2, série A no 206-C ; G. c. Italie, 27 février 1992, § 2, série A no 228-F ; Pandolfelli et Palumbo c. Italie, 27 février 1992, § 2, série A no 231-B ; X c. France, 31 mars 1992, § 26, série A no 234‑C ; Raimondo c. Italie, 22 février 1994, § 2, série A no 281‑A ; Malhous c. République tchèque (déc.) [GC], no 33071/96, CEDH 2000‑XII, et, a contrario, Scherer c. Suisse, 25 mars 1994, §§ 31-32, série A no 287).

27.  En l’espèce, la Cour note que M. Panayotis Zolotas est le fils du requérant et son héritier ab intestat et par indivis, et que le droit garanti par l’article 1 du Protocole no 1 est éminemment transférable. M. Panayotis Zolotas a donc un intérêt légitime lui donnant qualité pour se plaindre au nom de son père décédé.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION

28.  Le requérant se plaint que les juridictions civiles internes, en se fondant sur le délai de prescription de vingt ans prévu par le code civil ainsi que sur le décret législatif no 1195/1942, ont considéré que ses prétentions envers la banque où il disposait d’un compte étaient prescrites et que le solde de son compte revenait à l’Etat, qui est le bénéficiaire ultime des comptes bancaires inactifs. Il allègue une violation de l’article 1 du Protocole no 1, qui se lit ainsi :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

A.  Sur la recevabilité

29.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B.  Sur le fond

1.  Arguments des parties

a)  Le Gouvernement

30.  Le Gouvernement souligne que l’objectif essentiel du décret-loi no 1195/1942 est de servir l’intérêt général en évitant la captation par les banques, sociétés anonymes et autres personnes morales des sommes d’argent correspondant aux capitaux et aux rentes issues de titres et valeurs mobilières, et ce à la suite de l’inactivité de leurs titulaires, laquelle est due le plus souvent au fait que ceux-ci décèdent sans descendants ou à leur volonté d’abandonner leurs prétentions.

31.  La prétention du requérant serait tombée sous le coup de la prescription prévue par les dispositions générales du code civil, qui seraient en vigueur parallèlement à celles du décret-loi et indépendamment de celles‑ci. Le décret-loi différerait des articles 247 et suivants du code civil en ce que la créance prescrite serait dévolue à l’Etat et non à la banque où est ouvert le compte inactif. L’application des dispositions du décret-loi dans le cas du requérant n’aurait eu aucune incidence particulière sur la prescription car, selon le Gouvernement, sa prétention aurait de toute manière été prescrite même sur le simple fondement du code civil, à cette différence près le bénéficiaire aurait alors été la banque et non l’Etat.

32.  La banque n’aurait pas eu l’obligation de prévenir le requérant avant l’expiration du délai de prescription. Un livret de compte lui ayant été remis par la banque, il lui aurait appartenu de le faire tenir à jour, ce livret constituant la preuve du montant déposé sur son compte et de l’existence de mouvements sur celui-ci (arrêts de la Cour de cassation no 432/1990 et no 1623/1995 – paragraphe 24 ci-dessus).

33.  Il en résulterait que la mise à jour tous les six mois du relevé de compte du requérant par la banque, par le biais de l’inscription des intérêts produits par le compte, n’emporterait pas interruption du délai de prescription, car cet acte n’aurait pas été adressé au requérant et ne lui serait pas parvenu, mais aurait seulement concerné l’actualisation des données de la banque, ce qui constituerait une procédure interne à la banque. Cet acte n’aurait pas été porté à la connaissance du requérant, celui-ci ne s’étant pas présenté pour effectuer une opération ou pour faire inscrire sur son livret les modifications apportées sur son compte.

34.  Par ailleurs, le Gouvernement reproche au requérant de ne pas avoir fait preuve d’un minimum de diligence. Enfin, les juridictions internes auraient rejeté les motifs de force majeure invoqués par le requérant à l’appui de son argument selon lequel le délai de prescription était suspendu en raison des maladies de lui-même et de son épouse.

b)  Le requérant

35.  Le requérant soutient que son intention, au moment de l’ouverture de son compte et dans l’esprit de la liberté contractuelle, était de conclure un contrat de rente viagère. Le jeu de la prescription, alors qu’il était manifeste que l’ordre public n’était pas menacé, n’était selon lui pas compatible avec les principes de la bonne foi, des bonnes mœurs et des pratiques synallagmatiques. En outre, la capitalisation du dépôt par le biais de l’accumulation d’intérêts ne pouvait pas à son avis être sujette à prescription dans la mesure où, par ce moyen, la banque reconnaissait, indirectement mais sûrement, sa prétention. Par ailleurs, la capitalisation d’intérêts constituerait une cause de suspension de la prescription.

36.  Le requérant souligne que la banque aurait dû l’informer du risque qu’il courait de perdre son argent et que l’Etat aurait dû garder les fonds pendant un délai minimum raisonnable au-delà de la date de prescription pour protéger sa propriété et celle de son ayant droit. Le requérant fait valoir l’exemple des législations française, italienne et allemande, qui prévoient une telle information.

37.  Le requérant affirme que le fait qu’il n’y a eu aucun mouvement sur son compte pendant le délai de prescription était dû à une cause de force majeure, en particulier entre le dernier semestre du délai et la date (6 février 2003) à laquelle il a demandé à la banque de l’informer de l’état de son compte.

38.  Enfin, le requérant soutient que le décret-loi no 1195/1942 n’a jamais été ratifié et n’a pas la force d’un acte juridique valable. Il estime qu’il est accablant qu’un pays démocratique comme la Grèce applique un texte qui date de l’époque de son occupation par l’Allemagne nazie et procède de manière tacite à la confiscation des fonds d’un individu. A ses yeux, l’intérêt public ne peut pas être invoqué au détriment de l’intérêt privé en l’espèce, en l’absence d’une loi qui prévoirait l’indemnisation des personnes concernées pour la perte de leurs biens.

2.  Appréciation de la Cour

a)  Rappel des principes applicables

39.  La Cour rappelle que l’article 1 du Protocole no 1, qui tend pour l’essentiel à prémunir l’individu contre toute atteinte par l’Etat au respect de ses biens, peut également impliquer des obligations positives entraînant pour l’Etat certaines mesures nécessaires pour protéger le droit de propriété, notamment là où il existe un lien direct entre les mesures qu’un requérant pourrait légitimement attendre des autorités et la jouissance effective par ce dernier de ses biens (Öneryıldız c. Turquie [GC], no 48939/99, § 134, CEDH 2004-XII, Păduraru c. Roumanie, no 63252/00, § 88, CEDH 2005-XII, Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, § 143, CEDH 2004-V, et Sovtransavto Holding c. Ukraine, no 48553/99, § 96, CEDH 2002-VII). Même dans le cadre de relations horizontales il peut y avoir des considérations d’intérêt public susceptibles d’imposer certaines obligations à l’Etat. Ainsi, dans l’arrêt Broniowski (précité, § 143), la Cour a dit que les obligations positives découlant de l’article 1 du Protocole no 1 peuvent entraîner pour l’Etat certaines mesures nécessaires pour protéger le droit de propriété. Dès lors, des considérations d’intérêt général susceptibles d’imposer certaines obligations à l’Etat peuvent entrer en jeu même dans le cadre de relations horizontales (Kotov c. Russie [GC], no 54522/00, § 109, 3 avril 2012).

40.  La frontière entre les obligations positives et les obligations négatives de l’Etat au titre de l’article 1 du Protocole no 1 ne se prête pas à une définition précise, mais les principes applicables sont néanmoins comparables. Que l’on analyse l’affaire en termes d’obligation positive de l’Etat ou d’ingérence des pouvoirs publics qu’il faut justifier, les critères à appliquer ne sont pas différents en substance. Tant une atteinte au respect des biens qu’une abstention d’agir doivent ménager un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la collectivité et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (voir, parmi d’autres, Sporrong et Lönnroth c. Suède, 23 septembre 1982, § 69, série A no 52, et Kotov, précité, § 110).

41.  La Cour a également affirmé que, dans certaines circonstances, l’article 1 du Protocole no 1 peut imposer « certaines mesures nécessaires pour protéger le droit de propriété (...), même dans les cas où il s’agit d’un litige entre des personnes physiques ou morales » (Sovtransavto Holding, précité, § 96). Ce principe a été largement appliqué dans le contexte de procédures d’exécution dirigées contre des débiteurs privés (Fouklev c. Ukraine, no 71186/01, §§ 89-91, 7 juin 2005 ; Kesyan c. Russie, no 36496/02, §§ 79-80, 19 octobre 2006 ; voir également Kin-Stib et Majkić c. Serbie, no 12312/05, § 84, 20 avril 2010, Marčić et autres c. Serbie, no 17556/05, § 56, 30 octobre 2007, et, mutatis mutandis, Matheus c. France, no 62740/00, §§ 68 et suiv., 31 mars 2005).

42.  Pour apprécier la conformité de la conduite de l’Etat avec l’article 1 du Protocole no 1, la Cour doit se livrer à un examen global des divers intérêts en jeu, en gardant à l’esprit que la Convention a pour but de sauvegarder des droits « concrets et effectifs ». Elle doit aller au-delà des apparences et rechercher la réalité de la situation litigieuse. Cette appréciation peut porter non seulement sur les modalités d’indemnisation applicables – si la situation s’apparente à une privation de propriété – mais également sur la conduite des parties, y compris les moyens employés par l’Etat et leur mise en œuvre. A cet égard, il faut souligner que l’incertitude – qu’elle soit législative ou administrative ou qu’elle tienne aux pratiques appliquées par les autorités – est un facteur qu’il faut prendre en compte pour apprécier la conduite de l’Etat. En effet, lorsqu’une question d’intérêt général est en jeu, les pouvoirs publics sont tenus de réagir en temps utile, de façon correcte et avec la plus grande cohérence (Tunnel Report Limited c. France, no 27940/07, § 39, 18 novembre 2010).

43.  La Cour rappelle en outre sa jurisprudence selon laquelle le seul fait que les prétentions d’un requérant soient soumises à un délai de prescription ne pose aucun problème sous l’angle de la Convention. L’institution de délais de prescription est un trait commun aux systèmes juridiques des Etats contractants qui vise à garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions et à empêcher l’injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des événements survenus dans un passé lointain (J.A. Pye (Oxford) Ltd et J.A. Pye (Oxford) Land Ltd c. Royaume-Uni [GC], no 44302/02, § 68, CEDH 2007-III ; Stubbings et autres c. Royaume-Uni, 22 octobre 1996, § 51, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV).

44.  Enfin, la Cour souligne que la notion d’« utilité publique » mentionnée à la seconde phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 est ample par nature. Les autorités nationales se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour déterminer ce qui est « d’utilité publique ». Estimant normal que le législateur dispose d’une grande latitude pour mener une politique économique et sociale, la Cour respecte la manière dont il conçoit les impératifs de l’« utilité publique » sauf si son jugement se révèle manifestement dépourvu de fondement. Quant à des solutions de rechange, leur existence éventuelle ne rend pas à elle seule injustifiée la législation en cause. Tant que le législateur ne dépasse pas les limites de sa marge d’appréciation, la Cour n’a pas à dire s’il a choisi la meilleure façon de traiter le problème ou s’il aurait dû exercer son pouvoir différemment (J.A. Pye (Oxford) Ltd c. Royaume-Uni, no 44302/02, §§ 43-45, 15 novembre 2005).

b)  Application au cas d’espèce

45.  Dans la présente affaire, la Cour relève tout d’abord que lorsque le requérant s’est rendu le 6 février 2003 à sa banque pour s’enquérir de l’état de son compte, il a appris que, en l’absence de tout mouvement sur celui-ci depuis le second semestre 1981, toutes les prétentions le concernant étaient touchées par la prescription. Il ressort des décisions des juridictions internes qu’en ouvrant son compte, le requérant a conclu avec la banque une convention qui, selon la jurisprudence et la doctrine constantes en Grèce, constituait une convention de dépôt irrégulier (article 830 du code civil). Les prétentions du requérant nées de cette convention étaient soumises à la prescription de vingt ans prévue par le code civil (articles 247 et 249).

46.  La Cour note aussi que les juridictions internes saisies par le requérant ont fait application de l’article 3 du décret-loi no 1195/1942, aux termes duquel les dépôts en espèces et leurs intérêts auprès de banques reviennent définitivement à l’Etat lorsqu’ils n’ont pas été réclamés par le titulaire du compte ou qu’il n’y a eu aucun mouvement sur le compte pendant une période de vingt ans. La cour d’appel a de surcroît jugé que le délai de prescription n’était ni interrompu – l’inscription des intérêts produits par le compte du requérant sur les livres de comptes de la banque ne constituant pas un cas d’interruption du délai (paragraphe 9 ci-dessus) – ni suspendu pour la cause de force majeure invoquée par le requérant (paragraphe 10 ci-dessus).

47.  Pour la Cour, la prescription des prétentions du requérant sur son propre compte a constitué une atteinte au droit de propriété de celui-ci qui ne correspondait ni à une expropriation ni à une mesure de réglementation de l’usage des biens et qui doit donc être examinée sous l’angle de la première phrase du premier alinéa de l’article 1 (voir, mutatis mutandis, Optim et Industerre c. Belgique (déc.), no 23819/06, § 35, 11 septembre 2012). Aussi convient-il de déterminer si un juste équilibre a été ménagé entre les exigences relatives à l’intérêt général de la société et les impératifs liés à la protection des droits fondamentaux de l’individu.

48.  La Cour ne doute pas que la prescription instituée par les articles 247 et 249 du code civil et l’article 3 du décret-loi no 1195/1942 poursuit un but légitime. Comme l’a souligné la cour d’appel dans son arrêt du 6 avril 2006, la prescription de vingt ans pour les contrats de dépôt irrégulier est justifiée par un but d’intérêt public : la liquidation, dans l’intérêt de la collectivité, des rapports juridiques créés dans un passé si lointain que leur existence devient incertaine.

49.  Eu égard entre autres à sa jurisprudence en matière de prescription (paragraphe 43 ci-dessus), la Cour estime que le système grec de prescription susmentionné est raisonnable : le délai de vingt ans est ample et il n’est ni difficile ni impossible pour les intéressés d’arrêter la prescription.

50.  En se prononçant dans l’affaire du requérant, les juridictions grecques ont suivi et appliqué la législation et la jurisprudence pertinentes en vigueur : d’une part, l’article 3 du décret-loi, qui prévoit que la prescription des prétentions du titulaire d’un compte est interrompue seulement lorsque le titulaire réclame son dépôt ou effectue une opération sur le compte et, d’autre part, l’article 260 du code civil, qui prévoit que le délai de prescription est interrompu par la reconnaissance de la prétention par l’obligé, en l’occurrence la banque. A cet égard, la Cour de cassation a jugé que cette reconnaissance doit avoir été adressée au créancier et lui être parvenue, et que la simple inscription de la dette dans les livres de comptes de la banque ne constitue pas une reconnaissance de la prétention au sens de l’article 260 et ne peut donc interrompre le délai de prescription (paragraphes 18 et 21 ci-dessus).

51.  Toutefois, la Cour estime qu’une mesure aussi radicale que la prescription des prétentions afférentes à un compte bancaire au motif qu’il n’y a eu aucun mouvement sur ce compte pendant une certaine période, couplée à la jurisprudence selon laquelle l’inscription d’intérêts ne constitue pas un mouvement sur un compte, est de nature à placer les détenteurs des comptes, surtout lorsque ceux-ci sont de simples particuliers non rompus au droit civil ou bancaire, dans une situation désavantageuse par rapport à la banque ou même à l’Etat pour le cas où l’article 3 du décret-loi s’applique.

52.  La Cour note qu’en vertu de l’article 830 du code civil, si la personne qui dépose une somme d’argent à la banque transfère à celle-ci le droit d’en user, la banque doit la garder et, si elle l’utilise pour son compte, elle doit rendre au déposant une somme équivalente au terme de la convention. Le titulaire d’un compte peut alors de bonne foi s’attendre à ce que son dépôt auprès de la banque soit en sécurité, surtout lorsqu’il remarque que des intérêts sont portés sur son compte. Il est légitime qu’il escompte qu’une situation menaçant l’équilibre de la convention qu’il a conclue avec la banque et ses intérêts financiers lui soit signalée afin qu’il puisse prendre à l’avance ses dispositions pour se conformer à la loi et sauvegarder son droit de propriété. Pareille relation de confiance est inhérente aux opérations bancaires et au droit y relatif.

53.  La Cour rappelle par ailleurs que le principe de la sécurité juridique est implicite dans l’ensemble des articles de la Convention et qu’il constitue l’un des éléments fondamentaux de l’Etat de droit (Nejdet Şahin et Perihan Şahin c. Turquie, [GC], no 13279/05, § 56, 20 octobre 2011). Or, de l’avis de la Cour, l’Etat a l’obligation positive de protéger le citoyen et de prévoir ainsi l’obligation pour les banques, compte tenu des conséquences fâcheuses que peut avoir la prescription, d’informer le titulaire d’un compte inactif de l’approche de la fin du délai de prescription et de lui donner ainsi la possibilité d’interrompre la prescription en effectuant par exemple une opération sur le compte. N’exiger aucune information de ce type risque de rompre le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la collectivité et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu.

54.  Faute d’une telle information, la Cour estime que le requérant a été amené à supporter une charge excessive et disproportionnée que ne sauraient justifier ni la nécessité de liquider des rapports juridiques dont l’existence serait incertaine – comme l’a affirmé en l’espèce la cour d’appel – ni le bon fonctionnement du système bancaire.

55.  Dès lors, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 dans le chef du requérant.

III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

56.  Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de l’application de la règle de prescription opérée par les juridictions civiles, qui a conduit au rejet de ses prétentions.

57.  La Cour rappelle qu’elle n’a pas pour tâche de se substituer aux juridictions internes. C’est au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux cours et tribunaux, qu’il incombe d’interpréter la législation interne (voir, mutatis mutandis, les arrêts Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, 19 décembre 1997, § 31, Recueil 1997‑VIII, et Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 février 1998, § 33, Recueil 1998‑I), et la Cour ne substituera pas sa propre appréciation du droit à la leur en l’absence d’arbitraire (voir, entre autres, Tejedor García c. Espagne, 16 décembre 1997, § 31, Recueil 1997‑VIII). En l’espèce, la Cour note que les juridictions internes ont appliqué dans le cas du requérant la législation et la jurisprudence pertinentes en la matière.

58.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit dès lors être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

59.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

60.  Le fils du requérant réclame d’abord l’indemnisation du dommage matériel subi par son père. Il renvoie à cet effet à la requête de celui-ci devant la Cour, dans laquelle il demandait le remboursement de la somme de 660 000 drachmes qu’il avait déposée à la banque, augmentée des intérêts, et telle qu’elle était indiquée dans son action du 3 juin 2003 devant le tribunal de première instance d’Athènes, à savoir 30 550,74 EUR. Pour dommage moral, il réclame la somme de 100 000 EUR.

61.  En ce qui concerne le dommage matériel, le Gouvernement soutient que le fils du requérant n’a pas présenté de demande spécifique, exprimée dans la monnaie de l’Etat défendeur et dans le délai imparti, comme l’exige l’article 60 § 2 du règlement de la Cour. Il renvoie seulement au formulaire de requête, qui ne contenait pas de demande claire et qui lui-même renvoie à l’action du requérant devant le tribunal de première instance d’Athènes. Quant au dommage moral, le Gouvernement considère non seulement que la somme sollicitée est infondée et excessive, mais encore que le fils du requérant ne saurait prétendre à une indemnité à ce titre car la personne affectée par la mesure litigieuse était le requérant lui-même et en aucun cas ses héritiers.

62.  La Cour estime que le fils du requérant n’a pas manqué de présenter comme il le devait ses prétentions au titre du dommage matériel. Il réclame en fait la somme que le requérant lui-même demandait dans son action du 3 juin 2003 devant le tribunal de première instance d’Athènes et qui était clairement exprimée en euros dans cette action, soit 30 550,74 EUR.

63.  La Cour, d’une part, rappelle avoir conclu qu’il y a eu en l’espèce violation de la première phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1, et, d’autre part, estime qu’elle ne saurait spéculer sur la somme que les juridictions helléniques auraient accordée au requérant si celui-ci avait obtenu gain de cause. Elle considère cependant qu’il y a lieu d’allouer au fils du requérant la somme de 15 000 EUR, tous dommages confondus.

B.  Frais et dépens

64.  Le fils du requérant demande également 5 000 EUR pour frais et dépens mais sans préciser si cette somme porte sur les frais engagés devant les juridictions internes ou devant la Cour ou les deux.

65.  Le Gouvernement souligne que le fils du requérant ne fournit aucune preuve à l’appui de ses prétentions.

66.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. Dans le cas d’espèce, la Cour note que le requérant ne produit aucune facture en ce qui concerne les frais engagés devant les juridictions saisies et la Cour. Il échet donc de rejeter ses prétentions au titre des frais et dépens.

C.  Intérêts moratoires

67.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 et irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 ;

3.  Dit

a)  que l’Etat défendeur doit verser au fils du requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 15 000 EUR (quinze mille euros) tous dommages confondus, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 janvier 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

André Wampach Isabelle Berro-Lefèvre
Greffier adjoint de section Présidente

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  1. Code civil
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CEDH, Cour (première section), AFFAIRE ZOLOTAS c. GRÈCE (N° 2), 29 janvier 2013, 66610/09