CEDH, Cour (quatrième section), AFFAIRE VIRGIL DAN VASILE c. ROUMANIE, 15 mai 2018, 35517/11

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Chronologie de l’affaire

Commentaires4

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www.dbfbruxelles.eu · 18 mai 2018

Le défaut de contre-interrogatoire d'un agent infiltré dans un réseau criminel dont la déposition a entraîné la condamnation d'un individu ne viole pas l'article 6 de la Convention EDH si des éléments sont de nature à contrebalancer les difficultés rencontrées par la défense (15 mai) Arrêt Virgil Dan Vasile c. Roumanie, requête n°35517/11 La Cour EDH relève qu'en l'espèce, les autorités de poursuite ont enquêté sur les activités du requérant de manière essentiellement passive et qu'elles ne l'ont pas provoqué à commettre des infractions qu'il n'aurait pas commises autrement. Elle observe, …

 

CEDH · 15 mai 2018

Communiqué de presse sur les affaires 37326/13, 35517/11, 29951/09, 6312/13, 60902/14, 62526/15, 52550/08, 14416/06, 1385/07 et 37869/08…

 

CEDH · 9 mai 2018

Communiqué de presse sur les affaires 37326/13, 35517/11, 29951/09, 6312/13, 60902/14, 62526/15, 52550/08, 14416/06, 1385/07, 37869/08, …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Quatrième Section), 15 mai 2018, n° 35517/11
Numéro(s) : 35517/11
Type de document : Arrêt
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Non-violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure pénale ; Article 6-1 - Procès équitable) ; Non-violation de l'article 6+6-3-d - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure pénale ; Article 6-1 - Procès équitable) (Article 6 - Droit à un procès équitable ; Article 6-3-d - Interrogation des témoins)
Identifiant HUDOC : 001-182854
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2018:0515JUD003551711
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Sur les parties

Texte intégral

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE VIRGIL DAN VASILE c. ROUMANIE

(Requête no 35517/11)

ARRÊT

STRASBOURG

15 mai 2018

DÉFINITIF

15/08/2018

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Virgil Dan Vasile c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

Ganna Yudkivska, présidente,
Egidijus Kūris,
Iulia Motoc,
Carlo Ranzoni,
Georges Ravarani,
Marko Bošnjak,
Péter Paczolay, juges,
et de Andrea Tamietti, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 12 décembre 2017 et 20 mars 2018,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 35517/11) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Virgil Dan Vasile (« le requérant »), a saisi la Cour le 30 mai 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant a été représenté par Me S. Boboc, avocat à Iaşi. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

3.  Le requérant se plaint en particulier du caractère inéquitable de la procédure pénale dirigée contre lui. Il estime avoir fait l’objet d’une provocation policière menée par l’agent infiltré M. et allègue avoir été condamné sur le fondement des seules déclarations de cet agent qu’il n’aurait pu, à aucun stade de la procédure, ni interroger ni faire interroger.

4.  Le 5 février 2013, les griefs concernant l’équité de la procédure pénale ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5.  Le requérant est né en 1985 et réside à Paşcani.

A.  La procédure de flagrance

6.  En mars 2007, un procureur de la Direction d’investigation des crimes relevant de la criminalité organisée et du terrorisme (« la DIICOT ») du parquet près le tribunal départemental de Iaşi autorisa deux agents, M. et G., et leur collaborateur, C., à infiltrer un groupe international de trafiquants de stupéfiants afin de recueillir des éléments de preuve concernant la commission d’infractions réprimées par la loi no 143/2000 relative à la lutte contre le trafic et la consommation illégale de stupéfiants (« la loi no 143/2000 »), en vigueur à l’époque des faits. Les agents susmentionnés furent en outre autorisés à acheter cinq cents comprimés d’ecstasy auprès du requérant et de ses complices.

7.  Il ressort du dossier pénal versé au dossier devant la Cour par le Gouvernement que, à une date non précisée en mars 2007, C. acheta auprès du requérant huit comprimés de couleur bleue. Pendant l’opération, C. fut constamment surveillé par G. Les examens scientifiques confirmèrent que les comprimés en cause contenaient notamment du méthylène‑dioxi‑méthamphétamine (MDMA), une autre amphétamine et de la caféine.

8.  Le 16 mars 2007, le tribunal départemental de Iaşi (« le tribunal départemental ») autorisa l’interception des conversations téléphoniques du requérant pour une durée de trente jours.

9.  Il ressort également du dossier pénal que, le 18 mars 2007, M. acheta auprès du requérant cinquante comprimés de couleur bleue. Lors de cette transaction, ce dernier demanda à M. de changer la somme de 2 000 lei roumains (RON) en euros (EUR), ce qui correspondait à 600 EUR, en lui disant qu’il craignait que l’argent ne soit marqué par la police. Ensuite, le requérant ne remit pas lui‑même à M. les stupéfiants, mais le conduisit devant un immeuble et lui donna les clés d’une boîte aux lettres en lui indiquant que les comprimés s’y trouvaient. M. remit l’argent au requérant, entra dans l’immeuble en question et trouva dans la boîte aux lettres indiquée un sachet en plastique contenant les comprimés. Les examens scientifiques confirmèrent que ces comprimés contenaient notamment du méthylène-dioxi-méthamphétamine (MDMA), une autre amphétamine et de la caféine.

10.  Les autorités chargées de l’enquête décidèrent ensuite d’organiser une procédure de flagrance.

11.  Le 25 mars 2007, le requérant et M. eurent des conversations téléphoniques au sujet d’une nouvelle vente de stupéfiants. Le requérant allègue que ce fut M. qui l’appela, dans le but de lui acheter des stupéfiants, et qui lui proposa un prix supérieur à celui du marché. Dans ses observations devant la Cour, le Gouvernement indique que ce fut le requérant qui prit l’initiative d’appeler l’agent infiltré et qui fixa le prix de la transaction.

12.  La procédure de flagrance eut lieu le 26 mars 2007. Le Gouvernement a produit devant la Cour les copies des transcriptions des conversations téléphoniques que le requérant a eues le jour même avec l’agent infiltré avant la procédure de flagrance. Il en ressort que le requérant avait contacté l’agent et que ce dernier a répondu à ses appels. Il en ressort également que le requérant a encouragé l’agent à se dépêcher pour arriver au lieu de rencontre. Le déroulement ultérieur des faits ne prête pas à controverse entre les parties. Le requérant se procura des comprimés auprès de C.C.C., qui les dissimulait dans un terrain vague (paragraphe 14 ci‑dessous). Le requérant, accompagné de P.R.A., cacha les comprimés dans une boîte aux lettres. Il rencontra ensuite M., le conduisit devant un supermarché et, après y avoir reçu la somme convenue de 4 800 RON (environ 1 750 EUR), quitta les lieux. Les numéros de série des billets de banque avaient auparavant été enregistrés par la police. P.R.A. accompagna ensuite M. jusqu’à l’immeuble en question et lui remit les clés de la boîte aux lettres afin qu’il aille chercher les stupéfiants. Les agents de police intervinrent au même moment et trouvèrent dans la boîte aux lettres un petit paquet contenant cent dix‑neuf comprimés de couleur bleue. Ils interpellèrent P.R.A. Peu de temps après, le requérant fut également arrêté. À l’occasion de la perquisition de la voiture de ce dernier, la somme d’argent fournie par M. y fut retrouvée. Des examens scientifiques ultérieurs confirmèrent que le paquet récupéré pendant la procédure de flagrance renfermait des comprimés contenant du méthylène-dioxi-méthamphétamine (MDMA), une autre amphétamine et de la caféine.

13.  Toujours le 26 mars, un procès-verbal fut dressé par les autorités de l’enquête à l’occasion de la procédure de flagrance. Le requérant signa le procès-verbal et formula des objections, en déclarant que l’argent trouvé dans sa voiture était destiné à P.R.A., qu’il n’avait appelé personne et qu’il n’avait pas l’intention de vendre les comprimés, comptant les consommer lui-même.

14.  Toujours le même jour, la police se rendit sur le terrain vague où elle suspectait que des stupéfiants avaient été cachés par C.C.C. L’équipe de police comportait notamment un chien spécialement entraîné qui détecta, dissimulé sous une dalle en pierre, un sachet en plastique renfermant quatre autres sachets qui contenaient chacun cinquante comprimés de couleur bleue. Les examens scientifiques confirmèrent que ces comprimés contenaient notamment du méthylène-dioxi-méthamphétamine (MDMA), une autre amphétamine et de la caféine.

B.  La condamnation du requérant

15.  Par un réquisitoire du 4 mai 2007, la DIICOT renvoya le requérant en jugement avec P.R.A. et C.C.C. du chef de trafic de stupéfiants. Le réquisitoire présentait la succession des faits et retenait entre autres que, le 25 mars 2007, le requérant avait pris contact avec l’agent infiltré M. dans le but de lui vendre une quantité plus élevée de stupéfiants. La DIICOT relevait la manière quasi-professionnelle dont le requérant avait agi en choisissant de cacher les drogues dans une boîte aux lettres, d’utiliser P.R.A. comme intermédiaire et de demander à l’acheteur d’aller lui-même chercher les stupéfiants. Elle dressait également une liste des preuves fondant l’accusation. Parmi ces preuves figurait le procès-verbal dressé par M. à l’issue de la procédure de flagrance. D’autres preuves, dont les rapports des examens scientifiques, les dépositions de plusieurs témoins et les transcriptions de conversations téléphoniques du requérant, complétaient l’acte d’accusation.

16.  L’affaire fut enregistrée devant le tribunal départemental qui procéda à l’audition du requérant et de ses coïnculpés. Le requérant usa de son droit de garder le silence. P.R.A. reconnut les faits qui lui étaient reprochés. C.C.C. déclara avoir été consommateur de drogues et s’en être procuré auprès du requérant mais nia toute implication dans le trafic de stupéfiants et indiqua que, le 26 mars 2007, il avait seulement rendu un service au requérant en allant chercher des comprimés dans la cachette de ce dernier située sur le terrain vague (paragraphe 14 ci-dessus). Il déclara également avoir pris des comprimés dans cette cachette pour les consommer et qu’il entendait payer le prix de ces comprimés au requérant.

17.  Plusieurs témoins furent également entendus, dont P.B., qui déclara savoir que C.C.C. s’était procuré par le passé des comprimés auprès du requérant pour son usage personnel. P.B. identifia le requérant, présent dans la salle d’audience du tribunal, comme étant le fournisseur de C.C.C.

18.  Le requérant, qui était représenté par l’avocat de son choix, demanda que l’agent infiltré M. fût entendu par le tribunal départemental. Ce dernier sollicita à plusieurs reprises la DIICOT afin d’assurer la présence de M. La DIICOT informa à chaque fois le tribunal que la présence de l’agent en question était impossible car ce dernier participait à des missions urgentes et ensuite parce qu’il avait cessé de travailler pour le bureau de Iaşi. Il ressort tout de même du dossier que la présence de M. fut possible à une seule audience, laquelle fut reportée en raison de l’absence – injustifiée selon le tribunal départemental – des avocats des inculpés. Par un jugement avant dire droit du 29 janvier 2009, le tribunal départemental constata l’impossibilité de procéder à l’audition de M. et releva que la force probante de la déclaration de ce dernier devrait être analysée par le tribunal au moment de l’examen de l’ensemble des éléments de preuve.

19.  Lors de l’audience du 23 avril 2009, l’avocat du requérant présenta ses conclusions et exposa qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve confirmant que les inculpés avaient vendu des drogues à des tierces personnes, que les éléments de preuve incriminant le requérant n’avaient pas été examinés de manière directe par le tribunal et que le requérant avait fait l’objet d’une provocation policière. À la fin de l’audience du même jour, le tribunal départemental mit l’affaire en délibéré et accorda aux parties un délai de deux semaines pour présenter leurs observations écrites.

20.  Par un jugement du 8 mai 2009, il condamna le requérant à cinq ans de prison ferme pour trafic de stupéfiants, infraction prévue à l’article 2 de la loi no 143/2000. Il condamna également P.R.A. et C.C.C. à des peines de prison ferme. Il rappela que trois agents avaient infiltré le groupe dont le requérant faisait partie et qu’ils avaient facilité l’opération de flagrant délit organisée le 26 mars 2007. Il jugea ensuite que l’implication du requérant dans le trafic de drogue était confirmée par un ensemble d’éléments de preuve et s’exprima notamment ainsi :

« Les faits décrits et incriminés ci-dessus ont été établis sur la base des éléments de preuve examinés pendant les poursuites pénales et lors de l’enquête menée par le tribunal (cercetare judecătorească) suivants : le procès-verbal de constatation de la commission d’une infraction dressé par l’agent infiltré M., le procès-verbal de constatation de la flagrance dressé par le procureur de la DIICOT et par la police judiciaire (...), le procès-verbal de comparaison des [numéros de] série des billets de banque trouvés chez l’inculpé Vasile Virgil Dan à l’occasion de la procédure de flagrance et celles consignées antérieurement dans le cadre d’un procès-verbal de consignation des [numéros de] série [des billets], les procès-verbaux de transcription des conversations téléphoniques entre l’inculpé C.C.C. et les inculpés Vasile Virgil Dan et P.R.A. et [des conversations] par lesquelles [ces derniers] se sont mis d’accord avec l’agent infiltré M. sur les ventes de stupéfiants, [reflétant] (...) les préoccupations générales des inculpés quant au trafic de stupéfiants, [et qui ont aussi un caractère] ponctuel, avec une référence directe aux actes matériels qui font l’objet de la présente affaire.

(...)

Mais, en dehors des procès-verbaux dressés par l’agent infiltré, le tribunal prend aussi en considération, afin de motiver sa décision, les autres éléments de preuve du dossier, plus précisément : les éléments de preuve matériels (les drogues trouvées chez l’inculpé P.R.A., les billets trouvés lors de la perquisition de l’automobile de l’inculpé Vasile Virgil Dan, les comprimés découverts dans les paquets cachés par l’inculpé C.C.C.[)], ainsi que les déclarations des témoins entendus de manière directe, plus précisément I.A., dont la boîte aux lettres avait été utilisée sans son accord, M.L. et B.A., qui avaient connaissance des préoccupations « visibles » des inculpés comme consommateurs de drogues et C.I. [l’épouse de C.C.C.] qui avait raconté comment l’inculpé C.C.C. avait été contacté par l’inculpé Vasile Virgil Dan pour participer à la commercialisation d’une grande quantité de stupéfiants qui lui aurait pu rapporter une « belle » somme d’argent et [comment] elle lui avait conseillé [à C.C.C.] de ne pas s’impliquer, corroborées par les déclarations des inculpés C.C.C. et P.R.A. faites pendant les deux phases du procès pénal. »

21.  Quant à l’absence d’audition de M., le tribunal départemental jugea qu’elle était imputable aux inculpés et notamment à l’attitude adoptée par leurs avocats, qui étaient absents « de manière injustifiée et systématique » lors de la majorité des audiences.

22.  Le requérant, représenté cette fois-ci par un avocat désigné d’office, interjeta appel et critiqua l’interprétation des éléments de preuve opérée par le tribunal départemental. Il admit dans ses motifs d’appel qu’il était un « consommateur occasionnel de stupéfiants », mais nia être trafiquant. Il ne se plaignit pas de manière expresse, dans ses motifs d’appel, avoir fait l’objet d’une provocation policière de la part de l’agent infiltré M.

23.  Lors de l’audience du 29 avril 2010 de la cour d’appel de Iaşi (« la cour d’appel »), l’avocat que le requérant avait entretemps désigné en sa défense présenta ses conclusions et critiqua le défaut d’audition de l’agent infiltré. Il exposa qu’il n’y avait dès lors aucune preuve d’un trafic de drogues, seulement de leur consommation. Il soutint également que le requérant et ses coïnculpés avaient fait l’objet d’une provocation policière. À la fin de l’audience du même jour, la cour d’appel mit l’affaire en délibéré.

24.  Par un arrêt du 6 mai 2010, la cour d’appel rejeta l’appel du requérant. Elle se référa aux éléments de preuve tels que présentés par le tribunal départemental ainsi qu’à la déclaration de P.B. qui avait identifié, lors d’une audience publique, le requérant comme étant le fournisseur de C.C.C. (paragraphe 17 ci-dessus). Elle confirma en outre que le requérant n’avait pas fait l’objet d’une provocation policière dans la mesure où ses activités liées au trafic de stupéfiants étaient déjà connues de l’agent infiltré ainsi que de ses coïnculpés et que les procès-verbaux dressés par l’agent n’étaient pas les seuls éléments de preuve de la culpabilité du requérant. La cour d’appel fit, entre autres, les constats suivants :

« En ce qui concerne l’activité de l’agent infiltré M., celui-ci n’a pas méconnu les dispositions de l’article 68 § 2 du code de procédure pénale, [son activité] n’ayant pas été une provocation à commettre une infraction, dans la mesure où l’implication de l’inculpé Vasile Virgil Dan dans le trafic de stupéfiants était connue antérieurement par l’agent ainsi que par ses coïnculpés. En d’autres termes, l’inculpé Vasile Virgil Dan avait déjà une prédisposition à commettre de telles infractions ; la circonstance que l’inculpé a commis l’infraction après avoir été contacté par l’agent infiltré M. afin de [qu’il procure à ce dernier] une [certaine] quantité de stupéfiants ne confère pas aux démarches de [l’agent] un caractère de provocation au sens de l’article 68 [du] code de procédure pénale, (...) sanctionnée par la Cour européenne des Droits de l’Homme dans sa jurisprudence. »

25.  Pendant la procédure en appel, le requérant fut représenté par l’avocat de son choix et, pour une certaine partie de celle-ci, par un avocat commis d’office.

26.  Le requérant, assisté par son avocat, forma un recours (recurs). Dans ses motifs de recours présentés devant la Haute Cour de cassation et de justice (« la Haute Cour »), le requérant critiquait l’absence d’audition par les tribunaux de l’agent infiltré M., qui était d’après lui le principal témoin à charge. Il soutenait que l’audition de M. aurait permis aux tribunaux de vérifier si ce dernier était un agent provocateur, au sens de la jurisprudence de la Cour, et si les garanties prévues à l’article 6 § 1 de la Convention avaient été respectées. Selon le requérant, M. l’avait appelé à plusieurs reprises et avait insisté qu’il lui vende des stupéfiants, le provoquant ainsi à commettre l’infraction. À cet égard, le requérant faisait référence aux arrêts à ses yeux pertinents de la Cour en l’espèce, dont Ramanauskas c. Lituanie ([GC], no 74420/01, § 54, CEDH 2008) et Vanyan c. Russie (no 53203/99, §§ 46-47, 15 décembre 2005), et ajoutait qu’il n’existait aucun soupçon objectif selon lequel il aurait été mêlé à une quelconque activité criminelle.

27.  À l’audience du 30 novembre 2010, la Haute Cour entendit le requérant. Ce dernier nia les faits qui lui étaient reprochés et soutint avoir été provoqué à les commettre par l’agent l’infiltré.

28.  Par un arrêt du même jour, la Haute Cour rejeta le recours comme étant mal fondé. Elle jugea que l’implication du requérant dans le trafic de drogue avait été confirmée par les preuves dûment analysées par les juridictions inférieures et qu’aucun élément de preuve ne soutenait la thèse de la provocation policière. Les parties pertinentes en l’espèce de l’arrêt sont ainsi libellées :

« S’agissant de l’activité de l’agent infiltré M., celle-ci est en l’espèce légale, aucune preuve n’attestant que celui-ci ait provoqué d’une manière quelconque le déroulement des actions des inculpés jusqu’au moment de la [procédure de] flagrance, l’inculpé Vasile Virgil Dan étant antérieurement connu comme ayant des préoccupations liées au trafic illicite de drogues. »

29.  Quant à l’absence d’audition de l’agent infiltré M. et à ses conséquences sur l’équité de la procédure, la Haute Cour s’exprima ainsi :

« [S’agissant des] arguments de la défense selon lesquels l’agent infiltré M. n’a pas été entendu de manière directe et dans le respect du contradictoire pendant la phase de l’enquête menée par les tribunaux afin d’assurer le droit des inculpés à un procès équitable dans les conditions de l’article 6 § 3 d) de la Convention, il résulte, après la vérification des éléments du dossier, que les tribunaux se sont montrés diligents afin d’assurer leur rôle actif, [en précisant] les dates des audiences et [en envoyant] les citations à comparaître, mais que l’absence des avocats choisis à l’audience quand [M.] était présent et le détachement ultérieur de ce dernier ne leur sont pas imputables. Toutefois, les procès-verbaux dressés par cet agent ne sont pas les seuls moyens de preuve des actions des inculpés ; l’interception des conversations téléphoniques et leur transcription, réalisées dans le respect des normes de procédure et de compétence, révèlent leur participation et confirment le récit de l’agent. »

30.  Pendant la procédure devant la Haute Cour, le requérant fut assisté par l’avocat de son choix et, en l’absence de ce dernier, par un avocat commis d’office.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

31.  Les dispositions pertinentes en l’espèce du code de procédure pénale (« CPP ») sur l’interdiction d’user de la contrainte pour obtenir des éléments de preuve, ainsi que les dispositions pertinentes en l’espèce de la loi no 143/2000, sont décrites dans l’affaire Constantin et Stoian c. Roumanie (nos 23782/06 et 46629/06, § 34, 29 septembre 2009).

32.  Les textes du Conseil de l’Europe relatifs aux techniques spéciales d’investigation sont décrits dans l’affaire Ramanauskas, précitée, §§ 35-37.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

33.  Le requérant se plaint du caractère inéquitable de la procédure pénale dirigée contre lui. Il dénonce à cet égard sa condamnation par les tribunaux internes à la suite de ce qu’il considère comme une provocation policière menée par l’agent infiltré M., qui l’aurait poussé à lui vendre des stupéfiants. Il invoque l’article 6 § 1 de la Convention, qui est ainsi libellé dans ses parties pertinentes :

« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

A.  Sur la recevabilité

34.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B.  Sur le fond

1.  Les thèses des parties

35.  Le requérant réitère son grief tiré de la provocation policière et soutient qu’il était un consommateur de drogues et non un trafiquant. Il déclare que l’agent infiltré lui avait offert un prix supérieur à celui du marché pour le convaincre de lui fournir des stupéfiants. Il indique que la cour d’appel a jugé qu’il était « prédisposé » à en vendre, mais qu’elle n’a pas expliqué pour quelles raisons elle avait abouti à cette conclusion.

36.  Le Gouvernement expose que le requérant n’a pas fait l’objet d’une provocation policière puisque les autorités se seraient limitées à enquêter sur un groupe déjà bien constitué et impliqué dans la distribution de stupéfiants. Il indique que l’enquête préliminaire a montré que le requérant avait fait preuve de familiarité avec les drogues et qu’il avait pris plusieurs mesures de précaution lors des transactions. Il soutient qu’il n’existe dans le dossier aucun élément de preuve pour soutenir la thèse selon laquelle l’agent infiltré aurait insisté pour que le requérant lui fournisse les drogues en cause.  Il expose ensuite que les juridictions nationales ont examiné les arguments du requérant tirés de la provocation policière et que, sur la base d’un ensemble d’éléments de preuve, les ont rejetés comme étant mal fondés.

2.  L’appréciation de la Cour

a)  Les principes applicables

37.  Les principes généraux relatifs aux garanties d’un procès équitable dans le contexte du recours à des techniques spéciales d’investigation afin de lutter contre le trafic de stupéfiants ou la corruption sont détaillés dans l’affaire Ramanauskas c. Lituanie ([GC], no 74420/01, §§ 49-61, CEDH 2008) et ont été récemment rappelés dans l’affaire Pătraşcu c. Roumanie (no 7600/09, §§ 27-41, 14 février 2017).

38.  Plus particulièrement, la Convention n’empêche pas de s’appuyer au stade de l’enquête préliminaire, et lorsque la nature de l’infraction peut le justifier, sur des sources telles que des indicateurs anonymes. Toutefois, l’intervention d’agents infiltrés doit être clairement circonscrite et entourée de garanties (Ramanauskas, précité, §§ 53-54) : si elle peut agir en secret, la police ne peut pas provoquer la commission d’une infraction (Opriș c. Roumanie, no 15251/07, § 51, 23 juin 2015).

39.  Pour distinguer entre la provocation policière et l’usage permissible de techniques spéciales d’investigation, la Cour se sert principalement de deux critères : un critère de fond et un critère procédural. Elle a expliqué la méthodologie qu’elle suit lors de l’application de ces critères dans l’affaire Matanović c. Croatie (no 2742/12, §§ 131-135, 4 avril 2017).

i.  Le critère de fond

40.  La Cour rappelle qu’il y a provocation policière lorsque les agents impliqués – membres des forces de l’ordre ou personnes intervenant à leur demande – ne se limitent pas à examiner d’une manière purement passive l’activité délictueuse, mais exercent sur la personne qui fait l’objet d’une surveillance une influence de nature à l’inciter à commettre une infraction qu’elle n’aurait pas autrement perpétrée, pour en rendre possible la constatation, c’est-à-dire en apporter la preuve et poursuivre la personne en question (voir Blaj c. Roumanie, no 36259/04, § 108, 8 avril 2014).

41.  Pour se prononcer sur cette question, la Cour vérifie s’il existait des soupçons objectifs selon lesquels le requérant avait été mêlé à une quelconque activité criminelle ou avait une propension à se livrer à une telle activité, si les agents infiltrés s’étaient simplement « associés » aux actes criminels ou étaient à l’origine de ces actes, et s’ils avaient exercé des pressions sur le requérant pour qu’il commette l’infraction en cause (Bannikova c. Russie, no 18757/06, § 38-44, 4 novembre 2010, et Veselov et autres c. Russie, nos 23200/10 et 2 autres, §§ 91 in fine et 92, 2 octobre 2012). Elle rappelle en particulier que les agents infiltrés doivent éviter tout comportement pouvant être interprété comme une pression sur le requérant, comme prendre l’initiative de contacter le requérant, renouveler l’offre malgré un refus initial, inciter avec insistance, offrir un prix supérieur à celui du marché ou faire appel à la compassion du requérant en mentionnant les symptômes du sevrage (Veselov et autres, précité, § 92, avec les références citées).

42.  En plus de ce qui précède, les éléments suivants peuvent, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, être considérés comme indicatifs d’une activité criminelle préexistante ou de l’intention de déployer une telle activité : la familiarité avérée du requérant avec les prix du marché des stupéfiants et la capacité d’en obtenir promptement (Shannon c. Royaume-Uni (déc.), no 67537/01, CEDH 2004-IV) et son gain pécuniaire de la transaction (voir, a contrario, Khoudobine c. Russie, no 59696/00, § 134, CEDH 2006‑XII (extraits)).

ii.  Les garanties procédurales

43.  Lorsque l’examen du critère de fond ne permet pas de mettre en évidence des éléments décisifs, la Cour procède à la seconde étape de son analyse et examine la procédure par laquelle les juridictions nationales ont tranché les arguments tirés de la provocation policière. L’examen de ce second critère est une étape nécessaire lorsque la Cour examine des griefs tirés de la provocation policière (Pătraşcu précité, § 36).

44.  L’examen de la procédure dans le cadre de laquelle il a été statué sur l’allégation de provocation policière est nécessaire afin de vérifier, dans le cas d’espèce, si les droits de la défense ont été adéquatement protégés, notamment le respect du principe du contradictoire et de l’égalité des armes (Edwards et Lewis c. Royaume-Uni [GC], nos 39647/98 et 40461/98, §§ 46‑48, CEDH 2004‑X, Constantin et Stoian, précité, §§ 56-57, et Lagutin et autres c. Russie, nos 6228/09 et 4 autres, §§ 94-95, 24 avril 2014).

45.  La preuve de l’absence de provocation incombe à la partie poursuivante pour autant que les allégations du requérant ne soient pas dépourvues de toute vraisemblance (Ramanauskas, précité, § 70, et Furcht c. Allemagne, no 54648/09, § 53, 23 octobre 2014). À défaut d’une telle preuve contraire, il appartient aux autorités judiciaires de procéder à un examen des faits de la cause et de prendre les mesures nécessaires à la manifestation de la vérité afin de déterminer s’il y a eu ou non provocation. Les juridictions nationales doivent notamment examiner les raisons pour lesquelles l’opération d’investigation spéciale avait été montée, l’étendue de la participation de la police à l’infraction ainsi que la nature de la provocation ou des pressions exercées sur le requérant (Ramanauskas, précité, § 71).

46.  Enfin, en règle générale, la Cour exige que les agents infiltrés ainsi que toute personne qui peut témoigner sur la question de la provocation policière soient entendus par le tribunal et contre-interrogés par la défense ou qu’au moins des raisons détaillées soient données lorsque cela s’avère impossible (Lagutin et autres, précité, § 101).

iii.  La méthodologie de la Cour

47.  Il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’une question préliminaire dans son analyse d’un grief tiré de la provocation est relative à l’existence d’un grief défendable selon lequel le requérant a été soumis à une provocation de la part des autorités de l’État. À cet égard, afin de procéder à un examen complémentaire, la Cour doit s’assurer que la situation qui lui est soumise relève en apparence de la « catégorie des affaires de provocation » (voir, pour des affaires dans lesquelles ce critère n’a pas été rempli, Trifontsov c. Russie (déc.), no 12025/02, §§ 32-35, 9 octobre 2012, et Lyubchenko c. Ukraine (déc.), no 34640/05, §§ 33-34, 31 mai 2016).

48.  Si la Cour conclut que le grief du requérant doit être examiné dans la « catégorie des affaires de provocation », elle examinera dans un premier temps le critère de fond (voir, en ce sens, Matanović, précité, § 132).

49.  S’agissant du critère de fond, lorsque la Cour estime avec un degré suffisant de certitude, sur la base des informations disponibles, que les autorités nationales ont enquêté sur les activités du requérant de manière essentiellement passive et qu’elles ne l’ont pas incité à commettre une infraction, elle conclut normalement que l’utilisation ultérieure dans le cadre de la procédure pénale menée à l’encontre du requérant des preuves obtenues par le biais des mesures de surveillance ne soulève aucune question sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention (voir, en ce sens, Scholer c. Allemagne, no 14212/10, § 90, 18 décembre 2014, et Rymanov c. Russie (déc.), no 18471/03, 13 décembre 2016).

50.  Toutefois, si les conclusions de la Cour relatives au critère de fond ne sont pas concluantes en raison d’un manque d’informations dans le dossier, de l’absence de divulgation d’informations ou de contradictions dans l’interprétation des événements par les parties (Bannikova, précité, §§ 52 et 67, Edwards et Lewis, précité, § 46, et V. c. Finlande, no 40412/98, § 80, 24 avril 2007) ou si la Cour estime, sur la base du critère de fond, que le requérant a été soumis à la provocation, contrairement aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention, elle doit procéder, dans un second temps, à l’examen des garanties procédurales.

c)  L’application de ces principes en l’espèce

51.  La Cour note d’emblée que les autorités nationales ont organisé la procédure de flagrance le 26 mars 2007, soit après seulement que le requérant avait déjà vendu des stupéfiants au collaborateur de la police, à une date non précisée en mars 2007, puis à l’agent l’infiltré, le 18 mars 2007 (paragraphes 7 et 9 ci-dessus). Elle considère que la procédure de flagrance n’a donc pas été un épisode ponctuel, puisqu’elle a été précédée de deux transactions opérées par le requérant. Elle note ensuite que le requérant a soutenu devant la Haute Cour qu’il n’y avait eu aucun soupçon objectif selon lequel il aurait été mêlé à une quelconque activité criminelle (paragraphe 26 ci-dessus), mais que la Haute Cour n’a pas exprimé des doutes quant aux raisons ayant justifié le recours à l’infiltration d’un agent de la police, au motif que les éléments au dossier prouvaient que le requérant était antérieurement connu comme ayant des préoccupations liées au trafic illicite de drogues (paragraphe 28 ci-dessus). La Cour ne saurait remettre en question ce constat, d’autant plus que d’autres éléments de preuve, y compris en particulier les dépositions des coïnculpés et des témoins, supplémentaient les raisons justifiant l’opération policière (paragraphes 16 et 17 ci-dessus).

52.  Elle observe ensuite que les parties ont des versions divergentes quant au déroulement des événements survenus le 25 mars 2007, la veille de la procédure de flagrance. Le requérant allègue que c’est M. qui l’a appelé dans le but de lui acheter des stupéfiants et qui lui a proposé un prix supérieur à celui du marché, alors que le Gouvernement indique que c’est le requérant qui a pris l’initiative d’appeler l’agent infiltré et qui a fixé le prix de la transaction (paragraphe 11 ci-dessus). Toutefois, la Cour note que, dans son réquisitoire, la DIICOT, se fondant entre autres sur les transcriptions des conversations téléphoniques du requérant, a retenu que, le 25 mars 2007, le requérant avait pris contact avec l’agent infiltré M. dans le but de lui vendre des stupéfiants (paragraphe 15 ci-dessus). En tout état de cause, elle relève que le requérant a indiqué dans ses motifs de recours que M. l’avait appelé à plusieurs reprises et qu’il avait insisté pour qu’il lui vende des stupéfiants (paragraphe 26 ci-dessus) et que la Haute Cour a rejeté cet argument, jugeant qu’il n’y avait pas d’élément de preuve attestant que l’agent infiltré avait provoqué d’une manière quelconque le comportement du requérant (paragraphe 28 ci-dessus). La Cour note que la Haute Cour a également conclu, sur la base des éléments de preuve présents dans le dossier devant elle, que les préoccupations du requérant liées au trafic illicite de drogues étaient antérieurement connues par les autorités (paragraphe 28 ci-dessus). La Cour en déduit qu’il y avait des éléments objectifs justifiant l’opération policière et n’a, dès lors, de raison de mettre en doute ces constats des juridictions nationales qui ont conclu à l’absence de provocation. En effet, les transcriptions des conversations téléphoniques que le requérant a eues avec l’agent infiltré le 26 mars 2007 montrent que l’agent avait répondu aux appels antérieurs du requérant et que ce dernier avait encouragé l’agent à venir plus vite au lieu de rencontre (paragraphe 12 ci‑dessus).

53.  La Cour estime que d’autres éléments jettent de sérieux doutes sur les arguments du requérant tirés de la provocation policière. Ainsi, elle note qu’il ressort des constats des autorités nationales, non contestés par le requérant, que ce dernier a vendu, sur une période assez courte au mois de mars 2007, cent soixante-dix-sept comprimés contenant du méthylène‑dioxi-méthamphétamine (MDMA), une autre amphétamine et de la caféine. Elle observe que le requérant a vendu ces comprimés à trois reprises et qu’il se les est procurés avec une certaine facilité (voir, en ce sens, Scholer c. Allemagne, no 14212/10, §§ 86 et 89, 18 décembre 2014, et Mills c. Irlande (déc.) [Comité], no 50468/16, § 25, 10 octobre 2017). De plus, l’intéressé a pris plusieurs mesures de précaution lors des transactions : il a demandé à l’agent infiltré de changer les billets de banque, en lui indiquant qu’il craignait qu’ils ne soient marqués par la police, et il n’a jamais remis les stupéfiants directement à l’agent, mais s’est servi de P.R.A. comme intermédiaire et a choisi de déposer les comprimés dans une boîte aux lettres (paragraphes 9 et 12 ci‑dessus). De l’avis de la Cour, ces éléments peuvent être considérés comme indicatifs d’une activité criminelle préexistante que les autorités ont enquêtée de manière passive (voir, mutatis mutandis, Eurofinacom c. France, (déc.), no 58753/00, CEDH 2004/VII, et Volkov et Adamskiy c. Russie, nos 7614/09 et 30863/10, §§ 37-46, 26 mars 2015) ou de l’intention de déployer une telle activité (voir, mutatis mutandis, Shannon, décision précitée).

54.  La Cour estime dès lors que le requérant ne saurait alléguer avoir été soumis à la provocation de la part des agents de l’État afin de commettre les actions pour lesquelles il a été ensuite poursuivi et condamné. Elle note d’ailleurs que l’intéressé a soutenu devant les autorités nationales qu’il avait été victime d’une provocation policière (paragraphes 22 et 26 ci-dessus) et que les tribunaux internes, à chaque degré de juridiction, ont répondu à ses arguments et les ont rejetés pour défaut de fondement (paragraphes 20, 24 et 28 ci‑dessus ; voir, a contrario, Opriş, précité, § 61). Au vu de l’ensemble des éléments versés par les parties au dossier et compte tenu du fait que le requérant s’est plaint devant elle dans des termes généraux, sans fournir plus de précisions (paragraphe 35 ci‑dessus), la Cour ne dispose pas d’éléments pour remettre en question les constats des tribunaux internes.

55.  Eu égard à ces éléments, la Cour estime, sur la base des informations disponibles dans le dossier devant elle, pouvoir conclure avec un degré suffisant de certitude que les autorités des poursuites ont enquêté sur les activités du requérant de manière essentiellement passive et qu’elles ne l’ont pas provoqué à commettre des infractions qu’il n’aurait pas commis autrement. Les mesures de surveillance ne sont pas constitutives de provocation au sens de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 6 de la Convention. L’utilisation ultérieure, dans le cadre de la procédure pénale menée à l’encontre du requérant, des éléments obtenus par le biais des mesures de surveillance ne soulève pas de question sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention (Matanović, précité, § 145).

56.  Partant, la Cour dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention quant à la provocation policière.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 §§ 1 ET 3 D) DE LA CONVENTION

57.  Le requérant allègue également avoir été condamné sur le fondement des seules déclarations de l’agent infiltré M. qu’il n’aurait pu, à aucun stade de la procédure, ni interroger ni faire interroger. Il invoque l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, qui est ainsi libellé dans ses parties pertinentes :

« 1.  Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

(...)

3.  Tout accusé a droit notamment à :

(...)

d)  interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

(...) »

A.  Sur la recevabilité

58.  Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B.  Sur le fond

1.  Les thèses des parties

59.  Le requérant rappelle son grief tiré du défaut des juridictions nationales d’entendre l’agent infiltré M., qui, selon lui, était intervenu en l’espèce sans autorisation légale.

60.  Le Gouvernement indique que la déposition de l’agent M. n’a pas été la seule preuve à charge et qu’elle a été corroborée par les autres éléments de preuve. Selon lui, cet agent a bien été cité à comparaître dans la procédure et, lorsqu’il a comparu, son audition n’a pas été possible en raison de l’absence répétée des représentants des coïnculpés.

2.  L’appréciation de la Cour

a)  Les principes généraux applicables

61.  La Cour examinera ce grief sous l’angle des dispositions combinées de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention (Schatschaschwili c. Allemagne [GC], no 9154/10, § 100, CEDH 2015). À cet égard, elle se réfère aux principes pertinents exposés dans les arrêts Al‑Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni [GC] (nos 26766/05 et 22228/06, §§ 118-147, CEDH 2011), et Schatschaschwili (précité, §§ 100-130).

62.  Dans son arrêt Schatschaschwili (précité, § 107), la Cour a rappelé que, selon les principes dégagés dans l’arrêt Al-Khawaja et Tahery précité, l’examen de la compatibilité avec l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention d’une procédure dans laquelle les déclarations d’un témoin qui n’a pas comparu et n’a pas été interrogé pendant le procès sont utilisées à titre de preuves comporte trois étapes (ibid., § 152). Ainsi, elle doit rechercher :

i.  s’il existait un motif sérieux justifiant la non-comparution du témoin et, en conséquence, l’admission à titre de preuve de sa déposition (ibid., §§ 119‑125) ;

ii.  si la déposition du témoin absent a constitué le fondement unique ou déterminant de la condamnation (ibid., §§ 119 et 126-147) ; et

iii.  s’il existait des éléments compensateurs, notamment des garanties procédurales solides, suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense en conséquence de l’admission d’une telle preuve et pour assurer l’équité de la procédure dans son ensemble (ibid., § 147).

63.  La Cour y a également confirmé que l’absence de motif sérieux justifiant la non‑comparution d’un témoin ne pouvait en elle-même rendre un procès inéquitable, bien qu’elle demeure un élément de poids s’agissant d’apprécier l’équité globale d’un procès, qui est susceptible de faire pencher la balance en faveur d’un constat de violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention (ibid., §§ 111-131). De plus, le souci de la Cour étant de s’assurer que la procédure dans son ensemble était équitable, elle doit vérifier s’il existait des éléments compensateurs suffisants non seulement dans les affaires où les déclarations d’un témoin absent constituaient le fondement unique ou déterminant de la condamnation de l’accusé, mais aussi dans celles où elle juge difficile de discerner si ces éléments constituaient la preuve unique ou déterminante mais est néanmoins convaincue qu’ils revêtaient un poids certain et que leur admission pouvait avoir causé des difficultés à la défense. La portée des facteurs compensateurs nécessaires pour que le procès soit considéré comme équitable dépendra de l’importance que revêtent les déclarations du témoin absent. Plus cette importance est grande, plus les éléments compensateurs devront être solides afin que la procédure dans son ensemble soit considérée comme équitable (Seton c. Royaume‑Uni, no 55287/10, § 59, 31 mars 2016, et Constantinides c. Grèce, no 76438/12, § 39, 6 octobre 2016).

64.  En l’espèce, la Cour doit donc vérifier les trois étapes du critère Al‑Khawaja et Tahery – dans l’ordre défini dans cet arrêt –, qui sont interdépendantes et qui, prises ensemble, servent à établir si la procédure pénale en cause a été globalement équitable (Schatschaschwili, précité, § 118).

b)  Application de ces principes en l’espèce

65.  Faisant application de ces principes en l’espèce, la Cour observe que le tribunal départemental a demandé à plusieurs reprises la convocation de l’agent infiltré, que celui‑ci s’est présenté une fois mais que son audition n’a pas été possible à l’audience en question en raison de l’absence injustifiée des avocats des inculpés (paragraphe 18 ci‑dessus). Elle relève que les tribunaux internes ont accordé une importance considérable à cet élément, qui avait justifié à leurs yeux l’absence de comparution de l’agent infiltré pendant la procédure (voir, notamment, le jugement du tribunal départemental au paragraphe 21 ci‑dessus et l’arrêt de la Haute Cour au paragraphe 29 ci‑dessus). Elle estime que, si la conduite adoptée par les avocats des parties intéressées en l’espèce est un élément à prendre en considération dans son examen, elle ne saurait exonérer à elle seule les juridictions nationales d’entreprendre les diligences nécessaires pour assurer la comparution de l’agent infiltré.

66.  La Cour note que, s’agissant des autres audiences devant le tribunal départemental, la DIICOT a répondu au tribunal que la présence de l’agent était impossible principalement en raison des contraintes professionnelles de ce dernier (paragraphe 18 ci-dessus). Elle relève que, ensuite, le tribunal départemental a constaté l’impossibilité de procéder à son audition parce que l’agent avait entre-temps cessé de travailler pour le bureau local de la police (ibid.) et les juridictions saisies des voies de recours ont confirmé ces constats (voir, notamment, l’arrêt de la Haute Cour au paragraphe 29 ci‑dessus). Si la Cour est bien consciente des difficultés inhérentes au travail d’enquête et d’investigation de la police, elle ne peut tout de même accepter que les contraintes professionnelles puissent justifier la non-comparution de l’agent infiltré dans le cadre de la procédure pénale dans laquelle il était intervenu.

67.  Dans ces circonstances, la Cour a des doutes sur la question de savoir si les juridictions roumaines ont déployé tous les efforts que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour assurer la comparution de l’agent infiltré. Elle rappelle que, même si elle constitue un élément de poids pour apprécier l’équité globale du procès, l’absence de motif sérieux justifiant la non-comparution de l’agent infiltré n’est pas en soi décisive (voir, mutatis mutandis, Ben Moumen c. Italie, no 3977/13, § 52, 23 juin 2016).

68.  La Cour examinera donc ensuite si la déposition de l’agent infiltré a constitué le fondement unique ou déterminant de la condamnation du requérant. À cet égard, elle note que toutes les juridictions saisies en l’espèce ont exprimé l’avis que les procès-verbaux dressés par cet agent n’étaient pas les seuls moyens de preuve des actions du requérant et que d’autres éléments de preuve justifiaient la condamnation de l’intéressé. Elle note aussi que les juridictions internes se sont référées aux autres éléments de preuve, dont les transcriptions des conversations téléphoniques du requérant et les dépositions des témoins (paragraphes 20, 24 et 28 ci‑dessus). Elle en déduit que la déposition de l’agent infiltré n’a été ni le fondement unique ni l’élément déterminant pour décider de la condamnation du requérant et que si elle a revêtu un poids certain, son admission n’a pas pu causer des difficultés à la défense, au vu de l’ensemble des éléments de preuve et notamment des transcriptions des conversations téléphoniques que le requérant a eues avec l’agent (paragraphe 12 ci‑dessus).

69.  La Cour doit ensuite examiner s’il existait des éléments compensateurs suffisants pour contrebalancer les difficultés que l’impossibilité de contre‑interroger l’agent infiltré avait causées à la défense. Elle note que, lorsqu’il a constaté l’impossibilité pour l’agent infiltré de comparaître, le tribunal départemental avait déjà exprimé l’avis que la force probante de la déclaration de celui-ci devait encore être analysée au moment de l’examen de l’ensemble des éléments de preuve (paragraphe 18 ci‑dessus). Or elle observe que le tribunal départemental a bien suivi cette approche lorsqu’il a rendu sa décision sur le fond, en s’efforçant notamment de confronter les déclarations de l’agent aux autres éléments de preuve, ce qu’ont également fait les juridictions saisies ensuite des voies de recours. Ainsi, tant le tribunal départemental que la cour d’appel, lors de la deuxième phase de la procédure, ont procédé à un examen rigoureux de tous les éléments de preuve, à savoir les déclarations de l’agent infiltré et les autres preuves dont ils ont dressé la liste exhaustive (paragraphes 20 et 24 ci‑dessus). Les déclarations de l’agent ont pu être comparées aux autres éléments dont, notamment, les transcriptions des conversations téléphoniques du requérant (ibid. ; voir, mutatis mutandis, Van Wesenbeeck c. Belgique, nos 67496/10 et 52936/12, § 110, 23 mai 2017). La Haute Cour statuant en dernier ressort a confirmé cette approche (paragraphe 28 ci‑dessus). Le requérant n’a en outre pas allégué qu’il s’était vu dans l’impossibilité de proposer d’autres éléments de preuve pour sa défense. Par contre, il avait la possibilité de donner sa propre version des faits et mettre en doute la crédibilité du témoin absent, en particulier en soulignant toute incohérence ou contradiction avec les déclarations d’autres témoins (voir Schatschaschwili, précité, § 131).

70.  La Cour note enfin que les éléments de preuve dont se sont servies les juridictions nationales ne résultent pas exclusivement de la procédure de flagrance (voir, a contrario, Pătraşcu précité, § 52, et Bannikova, précité, §§ 12, 13 et 75). Ainsi, plusieurs témoins entendus dans la procédure ont confirmé que le requérant avait par le passé offert ou vendu des stupéfiants (paragraphes 20 et 24 ci-dessus).

71.  Pour conclure, la Cour rappelle ses constats quant à l’absence de motif sérieux justifiant la non-comparution de l’agent infiltré, constats cependant nuancés par l’absence injustifiée des avocats des intéressés lors de l’audience à laquelle ledit agent était présent devant le tribunal départemental (paragraphes 65 et 67 ci‑dessus). Elle a également égard aux éléments compensateurs présents en l’espèce, considérés dans leur globalité à la lumière de sa conclusion selon laquelle la déposition de l’agent infiltré n’a pas été déterminante pour la condamnation du requérant (paragraphe 68 ci‑dessus). Elle estime que ces éléments étaient de nature à contrebalancer les difficultés rencontrées par la défense.

72.  Partant, la Cour dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention quant au défaut d’audition par les juridictions nationales de l’agent infiltré.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable ;

2.  Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention quant à la provocation policière ;

3.  Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention quant au défaut d’audition par les juridictions nationales de l’agent infiltré M.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 mai 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Andrea TamiettiGanna Yudkivska
Greffier adjointPrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée du juge Bošnjak.

G.Y.
A.N.T.


CONCURRING OPINION OF JUDGE BOŠNJAK

1.  In the present case, I voted with the other judges of the composition to find that there had been no violation of Articles 6 § 1 read alone and in conjunction with Article 6 § 3 (d) of the Convention. My position is motivated by the fact that according to the documents available, the applicant failed to sufficiently substantiate his entrapment defence both at the national level as well as before this Court.

2.  During the investigation of his case, the applicant asserted that he had no intention of selling the drugs; instead, they had been destined for his personal consumption (see paragraph 13 of the judgment). During the trial, the applicant used his right to remain silent. It was only in his closing argument that the applicant’s lawyer claimed that the applicant had been incited by the police to commit the crime he was charged with, while at the same time arguing that there was no evidence to suggest that the accused had sold drugs to third persons (see paragraph 19 of the judgment). Before the hearing in the court of appeal, the applicant’s new counsel appointed by the court as well as the applicant himself failed to raise any complaint in respect of possible entrapment or the fact that the police agent M. had not been heard by the court of first instance (see paragraph 22 of the judgment). For the purposes of the hearing in the court of appeal, the applicant instructed new counsel, who in turn alleged that the applicant had been a victim of police provocation, though in his view there was no evidence to support the contention that the drugs in question had been intended for sale (see paragraph 23 of the judgment). In his extraordinary legal remedy filed before the High Court of Cassation and Justice, the applicant, assisted by his lawyer, offered for the first time some clarification as to why, in his view, he had been incited to commit the crime. According to him, it was the agent M. who had called him on several occasions and insisted that the applicant sell him drugs. The hearing of the agent would have enabled the courts to examine whether the latter indeed acted as an agent provocateur (see paragraph 26 of the judgment). Finally, before our Court the applicant explained that in his view he had been incited to commit the crime in question because the agent offered him a price higher than the going market rates (see paragraph 35 of the judgment).

3.  This course of events shows that the applicant claimed an entrapment defence only at the end of the proceeding in the court of first instance, without specifying the circumstances of the alleged entrapment. He was inconsistent in his reliance on this defence, since he failed to refer to it at all in his appeal. He only provided some explanation of his defence before the High Court of Cassation and Justice, but this actually contradicted the materials in the case file, especially the content of the wiretapping transcripts, revealing that it was the applicant who called the agent M. and not vice versa. Furthermore, his entrapment defence was mutually exclusive with another of his pleas, namely that the drugs in question were not destined for further sale, but for personal consumption only. In such circumstances, the entrapment defence appears to be speculative, affecting in turn the extent of the national courts’ duty to examine such a defence. An applicant failing to argue his case with due diligence at all stages of the proceedings cannot reasonably expect that the Court will find a violation of Article 6 § 1 either read alone or taken in conjunction with Article 6 § 3 (d) of the Convention.

4.  Nevertheless, I decided to submit this separate opinion in order to highlight certain inconsistencies in the Court’s approach to entrapment complaints. In 2017, the Court adopted judgments in the cases of Pătraşcu v. Romania, no. 7600/09, 14 February 2017, and Matanović v. Croatia, no. 2742/12, 4 April 2017. In both judgments, the Court summarised the existing criteria regarding its examination of entrapment complaints. It discerned a two-step test, whereby in the first step the Court attempts to establish on the basis of the available material whether the offence would have been committed without the authorities’ intervention (see Pătraşcu, cited above, § 31, and Matanović, cited above, § 123, both with further references - substantive test of incitement). In the second step, the Court examines the way the domestic courts dealt with the plea of incitement (see Pătraşcu, cited above, § 36, and Matanović, cited above, § 125, both with further references – procedural test of incitement).

5.  While both the Pătraşcu and the Matanović judgments mention both the substantive and the procedural steps of the test, giving priority to the substantive step, they seem to disagree as to whether the Court needs to perform both steps. In Pătraşcu, the judgment sets out the general rule that both the substantive and the procedural steps need to be performed, with an exception where, like in Teixera de Castro v. Portugal (9 June 1998, Reports 1998-IV), the Court found on the basis of the substantive test only that there were sufficient grounds to establish entrapment (see Pătraşcu, cited above, § 36). Put another way, the procedural test has to be performed unless the existence of entrapment is obvious on the basis of substantive test. In Matanović, the Court held that the procedural test was necessary only when the findings under the substantive test were inconclusive or if the Court found on the basis of the substantive test that an applicant had been subjected to incitement (see Matanović, cited above, § 134). The approaches in Pătraşcu and Matanović clearly diverge. If, in a particular case, under the substantive test, the Court found the existence of entrapment, this would lead to a finding of a violation where the Pătraşcu approach was applied. If, in the same case, the Matanović approach were applied, this would only lead to step two, namely to the application of the procedural test. In an opposite case scenario, if the Court found no existence of entrapment under the substantive test, the application of the Matanović approach would lead to a finding of no violation, while under the Pătraşcu approach this would lead to step two, that is to say the procedural test. I believe that it is clear that this divergence in the Court’s case-law is undesirable.

6.  In the present case, the Chamber decided (paragraph 39 of the judgment) to adopt the approach adopted in the Matanović judgment. No reasons were given for this choice. In my opinion, the Chamber should have thoroughly reflected on which approach to follow, and possibly have found a constructive way out of this undesirable divergence.

7.  On this point, I would first of all like to express my disagreement on the relationship between the substantive and the procedural test as outlined in the Matanović judgment. I strongly believe that if the Court finds the existence of entrapment in a specific case, it cannot but find a violation of Article 6, this also being clear practice of this Court (see Teixera de Castro, cited above). But this is not the only problem in the relationship between the two steps of the test. If the substantive step is to be understood as an attempt by the Court to establish whether the offence would have been committed without the authorities’ intervention (see Pătraşcu, cited above, § 31, and Matanović, cited above, § 123), the Court is moving rather close to becoming a court of first instance, examining evidence relating to the conduct of the applicant and of the investigating authorities. In accordance with the principle of subsidiarity, one would expect the national authorities to examine a plea of incitement, with our Court being left the task of assessing whether in that examination the national authorities acted in conformity with the requirements of the Convention. It is my opinion, in other words, that the procedural test should be of crucial importance in any substantiated entrapment complaint.

8.  This is not to say that certain elements of the substantial test are not important. In Pătraşcu (relying on the previous judgment in the case of Bannikova v. Russia, no. 18757/06, 4 November 2010) the Court underlined the need to consider whether there had been objective suspicions that the applicant had been involved in criminal activity or was predisposed to commit a criminal offence (see Pătraşcu, cited above, § 32). It is precisely the test of the quality of information on the suspect’s alleged criminal activity available to the investigating authorities at the time the covert operation was undertaken that matters in deciding whether those authorities acted in good faith and with no intention to incite the suspect to commit a criminal offence. Where no such information existed at that crucial point or where such information did not contain objective evidence, the investigative steps cannot be justified by ex post confirmation of the existence of the suspect’s criminal activity.

9.  In our present case, the national courts failed to hear the agent M., who in turn could have clarified the circumstances in which the covert purchase of drugs was conducted. What is more, it seems that those courts did not address the quality of information on the applicant’s alleged previous criminal activity, but instead merely satisfied themselves that the applicant’s activities linked to drug trafficking were known to the agent (see paragraph 24 of the judgment). In my view, this assessment could, in principle, be considered quite insufficient from the point of view of the requirements of Article 6 § 1 of the Convention. However, since the entrapment defence was raised in the circumstances described in paragraphs 2 and 3 of this separate opinion, I cannot but join the majority in finding no violation.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure pénale
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CEDH, Cour (quatrième section), AFFAIRE VIRGIL DAN VASILE c. ROUMANIE, 15 mai 2018, 35517/11