CEDH, Commission (plénière), PIZZETTI c. l'ITALIE, 10 décembre 1991, 12444/86

  • Commission·
  • Gouvernement·
  • Violation·
  • Délai raisonnable·
  • Juge d'instruction·
  • Observation·
  • Durée·
  • Procédure·
  • Délibération·
  • Italie

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Plénière), 10 déc. 1991, n° 12444/86
Numéro(s) : 12444/86
Type de document : Rapport
Date d’introduction : 29 juillet 1986
Jurisprudence de Strasbourg : Cour Eur. D.H. Arrêt Vernillo c. France du 20 février 1991, série A n° 198, par. 30
Arrêt Vocaturo c. Italie du 24 mai 1991, série A n° 206-C, par. 17
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'art. 6-1 ; Non-violation de l'art. 13
Identifiant HUDOC : 001-47948
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1991:1210REP001244486
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

COMMISSION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

REQUETE No 12444/86

Bartolomeo PIZZETTI

contre

ITALIE

RAPPORT DE LA COMMISSION

(adopté le 10 décembre 1991)

12444/86                          - i -

TABLE DES MATIERES

                                                                   Page

I.      INTRODUCTION

        (par. 1 - 15) 1

     A. La requête

        (par. 2 - 5) 1

     B. La procédure

        (par. 6 - 10)  1

     C. Le présent rapport

        (par. 11 - 15) 2

II.     ETABLISSEMENT DES FAITS

        (par. 16 - 26) 3

III.    AVIS DE LA COMMISSION

        (par. 27 - 44) 4

     A. Griefs déclarés recevables

        (par. 27)               4

     B. Points en litige

        (par. 28)                4

     C. Quant à la violation alléguée de l'article 6 par. 1

        de la Convention

        (par. 29 - 38) 4

        Conclusion

        (par. 38)               5

     D. Quant à la violation alléguée de l'article 13 de la

        Convention

        (par. 39 - 41)  5

        Conclusion

        (par. 42)               6

        Récapitulation

        (par. 43 - 44) 6

Opinion dissidente de MM. A. WEITZEL et H. DANELIUS, Mme G.H. THUNE,

Sir Basil HALL, MM. C.L. ROZAKIS et M.P. PELLONPÄÄ 7

ANNEXE I   : Historique de la procédure devant la Commission              8

ANNEXE II  : Décision sur la recevabilité de la requête....              9


  I.      INTRODUCTION

1.      On trouvera ci-après un résumé des faits de la cause, ainsi qu'une description de la procédure.

A.      La requête

2.      Le requérant, Bartolomeo Pizzetti, est un ressortissant italien né en 1915, résidant à Fontanella (Bergamo).  Il est représenté par Me Mario Giannetta du barreau de Bergamo.

3.      Le Gouvernement défendeur est représenté par son Agent, M. Luigi Ferrari Bravo, Chef du Service du Contentieux diplomatique du Ministère des Affaires étrangères.

4.      La requête concerne la durée d'une procédure civile qui a débuté le 6 septembre 1983 et ne s'est pas encore terminée.  Celle-ci a pour objet la réparation des dommages résultant des coups et des blessures infligés au requérant au cours d'un litige.

5.      Devant la Commission, le requérant se plaint de la durée excessive de la procédure.  Il allègue la violation de l'article 6 par. 1 de la Convention.  Il se plaint également de l'absence en droit italien d'un recours effectif contre la durée excessive de la procédure et allègue la violation de l'article 13 de la Convention.

B.      La procédure

6.       La requête a été introduite le 29 juillet 1986 et enregistrée le 7 octobre 1986.  Le 10 mars 1988, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement de l'Italie, mais sans l'inviter à ce stade à lui présenter des observations.  Le 11 octobre 1988, la Commission a décidé d'inviter le Gouvernement de l'Italie à lui présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête.

7.      Le Gouvernement a présenté ses observations le 27 janvier 1989 et le requérant y a répondu le 29 mars 1989.  Le 2 juillet 1990, la Commission a déclaré la requête recevable.

8.      Le 9 juillet 1990, les parties ont été invitées à présenter, si elles le souhaitaient, des offres de preuve et observations complémentaires sur le bien-fondé de la requête.  Le Gouvernement ne s'est pas prévalu de cette faculté.  Les observations du requérant sont parvenues à la Commission le 19 septembre 1990.

9.      Le 27 septembre 1991, le requérant a été invité à présenter des renseignements complémentaires concernant l'état de la procédure, qui sont parvenus à la Commission le 28 octobre 1991.  Le Gouvernement, auquel ces renseignements ont été transmis le 30 octobre 1991, n'a formulé aucun commentaire.

10.     Après avoir déclaré la requête recevable, la Commission, conformément à l'article 28 par. 1 (b) de la Convention, s'est mise à la disposition des parties en vue de parvenir à un règlement amiable de l'affaire.  Des consultations suivies ont eu lieu avec les parties entre le 9 juillet 1990 et le 28 septembre 1990.  Vu l'attitude adoptée par les parties, la Commission constate qu'il n'existe aucune base permettant d'obtenir un tel règlement. 

C.      Le présent rapport

11.     Le présent rapport a été établi par la Commission, conformément à l'article 31 de la Convention, après délibérations et votes, en présence des membres suivants :

        MM. C.A. NØRGAARD, Président

            J.A. FROWEIN

            S. TRECHSEL

            F. ERMACORA

            G. SPERDUTI

            G. JÖRUNDSSON

            A. WEITZEL

            J.C. SOYER

            H.G. SCHERMERS

            H. DANELIUS

        Mme G.H. THUNE

        Sir Basil HALL

        MM. F. MARTINEZ

            C.L. ROZAKIS

        Mme J. LIDDY

        MM. L. LOUCAIDES

            J.C. GEUS

            A.V. ALMEIDA RIBEIRO

            M.P. PELLONPÄÄ

            B. MARXER

12.     Le texte du présent rapport a été adopté par la Commission le 10 décembre 1991 et sera transmis au Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, conformément à l'article 31 par. 2 de la Convention.

13.     Ce rapport a pour objet, conformément à l'article 31 par. 1 de la Convention :

        (i)  d'établir les faits, et

        (ii) de formuler un avis sur le point de savoir si les faits

             constatés révèlent de la part de l'Etat intéressé une

             violation des obligations qui lui incombent aux termes

             de la Convention.

14.     Sont joints au présent rapport un tableau retraçant l'historique de la procédure devant la Commission (ANNEXE I) ainsi que le texte de la décision de la Commission sur la recevabilité de la requête (ANNEXE II).

15.     Le texte de l'argumentation écrite des parties ainsi que les pièces soumises à la Commission sont conservés dans les archives de la Commission.

II.     ETABLISSEMENT DES FAITS

16.     Le 6 septembre 1983, le requérant assigna M.G. devant le tribunal de Bergamo en réparation de dommages résultant des coups et des blessures subis au cours d'une altercation.

17.     L'instruction de l'affaire débuta à l'audience du 27 octobre 1983, suivie de quatre autres audiences les 14 novembre 1983, 2 février, 6 avril et 14 juin 1984.  L'audience suivante, fixée au 22 novembre 1984, fut reportée d'office, le juge d'instruction ayant été appelé à d'autres fonctions.  Ce juge fut ensuite muté.

18.     Le 21 juin 1986, le tribunal de Bergamo rejeta une demande du requérant visant à obtenir la nomination d'un autre juge d'instruction et la fixation d'une nouvelle audience, au motif que la charge de travail des divers magistrats ne permettait pas de leur confier d'autres affaires.

19.     Le 3 février 1988, le requérant renouvela sa demande et, le 9 février 1988, un nouveau juge d'instruction fut nommé.  L'examen de l'affaire reprit à l'audience du 31 mars 1988, reportée à la demande du requérant à l'audience du 22 septembre 1988.  L'audience suivante eut lieu le 19 janvier 1989.

20.     Par ordonnance du 15 mars 1989, le juge d'instruction, faisant droit à une demande du requérant, ordonna la citation de certains témoins à l'audience du 31 octobre 1989 et convoqua un expert à l'audience du 2 novembre 1989.

21.     Ces deux audiences furent ajournées au motif qu'une tentative de règlement amiable était en cours.  A l'audience du 7 novembre 1989, le juge d'instruction constata que cette tentative n'avait pas abouti.

22.     Entretemps, le requérant avait révoqué le mandat de son représentant, de sorte que l'audience du 7 novembre 1989 et celle du 22 mars 1990 furent renvoyées pour lui permettre de nommer un nouveau conseil.

23.     L'audience suivante, fixée au 5 juillet 1990, fut reportée d'office au 11 avril 1991, puis - à la demande du requérant - anticipée au 4 octobre 1990.

24.     A cette date le juge d'instruction, faisant droit à la demande du représentant du requérant - qui se constitua à nouveau - ordonna l'accomplissement d'une expertise et nomma un expert à cet effet.

25.     Une audience fut fixée au 18 octobre 1990 pour l'assermentation de l'expert.  Toutefois, cette audience fut reportée au 29 novembre 1990, l'expert n'ayant pas comparu.  A cette date l'expert désigné prêta serment.

26.     L'audience suivante, fixée au 28 mars 1991, fut reportée d'office au 3 octobre 1991.  Cette dernière audience n'a pas eu lieu.

  III.    AVIS DE LA COMMISSION

A.      Griefs déclarés recevables

27.     La Commission a déclaré recevable le grief du requérant selon lequel sa cause n'aurait pas été entendue dans un délai raisonnable, ainsi que le grief concernant l'absence en droit italien d'un recours effectif pour se plaindre de la durée de la procédure litigieuse.

B.      Points en litige

28.     Les points en litige dans la présente affaire sont les suivants :

        la durée de la procédure litigieuse a-t-elle excédé le délai raisonnable prévu à l'article 6 par. 1 de la Convention ?

        y-a-t-il violation de l'article 13 de la Convention du fait de l'absence en droit italien d'un recours effectif pour se plaindre de la durée de la procédure litigieuse ?

C.      Quant à la violation alléguée de l'article 6 par. 1

        de la Convention

        Considérations générales

29.     Aux termes de l'article 6 par. 1 de la Convention, "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue <...> dans un délai raisonnable, par un tribunal <...> qui décidera <...> des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil <...>".

30.     La Commission constate que la procédure en question, qui a pour objet le droit du requérant à la réparation des dommages résultant des coups et des blessures subis au cours d'une altercation, tend à faire décider d'une contestation sur des "droits et obligations de caractère civil" et se situe dans le champ d'application de l'article 6 par. 1 de la Convention.

31.     Elle rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure doit s'apprécier suivant les circonstances de la cause et à l'aide des critères suivants : la complexité de l'affaire, le comportement des parties et le comportement des autorités saisies de l'affaire (voir Cour Eur. D.H., arrêt Vernillo du 20 février 1991, série A n° 198, à paraître, par. 30).

        Détermination et appréciation de la durée de la procédure

32.     La procédure litigieuse a commencé le 6 septembre 1983 avec l'assignation devant le tribunal de Bergamo.  Elle est actuellement pendante devant ce tribunal.  La période à examiner est donc, à ce jour, de huit ans et trois mois environ.

33.     Selon le requérant, ce laps de temps ne saurait passer pour "raisonnable" au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention.  Le Gouvernement estime, quant à lui, que la durée de la procédure s'explique par le comportement du requérant.  Le Gouvernement mentionne également la mutation du juge chargé de l'instruction ainsi que la charge de travail des autres magistrats du tribunal.

34.     La Commission constate que l'affaire n'était pas complexe et considère que le comportement du requérant n'explique pas la durée de la procédure.

35.     Elle constate, par contre, que la procédure a connu une période d'inactivité imputable à l'Etat, notamment du 14 juin 1984 au 31 mars 1988.

36.     Quant à l'argument tiré de la mutation du juge d'instruction et de la surcharge de travail, la Commission rappelle que l'article 6 par. 1 de la Convention garantit à chacun le droit d'obtenir, dans un délai raisonnable, une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil.  Il incombe aux Etats contractants d'organiser leur système judiciaire de telle sorte que  leurs juridictions puissent remplir cette exigence (voir, en dernier lieu, Cour Eur. D.H., arrêt Vocaturo du 24 mai 1991, série A n° 206-C, à paraître, par. 17).

37.     Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la Commission considère que la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à la condition du "délai raisonnable".

        Conclusion

38.     La Commission conclut à l'unanimité qu'il y a eu en l'espèce violation de l'article 6 par. 1 de la Convention.

D.      Quant à la violation alléguée de l'article 13 de la

        Convention

39.     Aux termes de l'article 13 de la Convention, "toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la <...> Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles".

40.     Invoquant cette disposition, le requérant se plaint de l'absence en droit italien d'un recours par lequel il aurait pu faire valoir son droit à une décision judiciaire dans un délai raisonnable.

41.     La Commission rappelle que cet article a pour but de garantir à tout individu la possibilité de s'adresser à une instance nationale pour faire statuer sur un grief tiré d'une violation des droits que lui garantit la Convention.  En l'espèce l'organe dont il est allégué qu'il aurait méconnu ces droits est un tribunal.  Or, la Convention ne garantit pas le droit à un double degré de juridiction, celui-ci n'étant reconnu par l'article 2 du Protocole n° 7 que dans des cas limités.  En conséquence les dispositions de la Convention ne peuvent pas être interprétées comme obligeant les Etats à créer des organes de contrôle du pouvoir judiciaire.  Pour cette raison la Commission est d'avis que l'article 13 n'est pas applicable lorsque la violation alléguée de la Convention consiste dans un acte judiciaire.

        Conclusion

42.     La Commission conclut par quatorze voix contre six qu'il n'y a pas eu violation de l'article 13 de la Convention.

        Récapitulation

43.     La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu en l'espèce violation de l'article 6 par. 1 de la Convention.

44.     La Commission conclut par quatorze voix contre six qu'il n'y a pas eu, en l'espèce, violation de l'article 13 de la Convention.

Le Secrétaire de la                                   Le Président

    Commission                                      de la Commission

  (H.C. KRÜGER)                                      (C.A. NØRGAARD)

OPINION DISSIDENTE DE

MM. A. WEITZEL et H. DANELIUS, Mme G.H. THUNE,

Sir Basil HALL, MM. C.L. ROZAKIS et M.P. PELLONPÄÄ

        Nous estimons que l'article 13 de la Convention s'applique en principe également à des violations de la Convention commises par les tribunaux.  Il peut s'agir à cet égard de violations non seulement de l'article 6 mais aussi d'autres articles de la Convention.  Il est vrai qu'en ce qui concerne certains griefs l'article 6 doit être vu comme une lex specialis par rapport à l'article 13, dont les garanties sont donc, dans ce cas, absorbées par celles de l'article 6 (voir, par exemple, les arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme du 23 septembre 1983, dans l'affaire Sporrong et Lönnroth, série A n 52 et dans l'affaire Hakansson et Sturesson du 21 février 1980, série A n 171), mais dans d'autres cas une telle relation n'existe pas entre ces deux articles.

        En ce qui concerne le droit d'une personne à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable, garanti par l'article 6 de la Convention, nous considérons que l'article 13 donne un droit à un recours effectif contre les éventuelles violations de ce droit.  Le Gouvernement italien n'ayant pas fait valoir qu'un tel recours existe en droit italien, nous devons conclure que l'article 13 a été violé en l'espèce.

A N N E X E   I

HISTORIQUE DE LA PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

a.      Examen de la recevabilité

        Date                                  Acte

29 juillet 1986                         Introduction de la requête

7 octobre 1986                          Enregistrement de la requête

10 mars 1988                            Délibérations de la Commission

                                        et décision de la Commission

                                        de porter la requête à la

                                        connaissance du Gouvernement

                                        italien sans l'inviter à

                                        présenter des observations

                                        à ce stade

11 octobre 1988                         Délibérations de la Commission

                                        et décision de la Commission

                                        d'inviter le Gouvernement

                                        italien à présenter ses

                                        observations sur la

                                        recevabilité et le bien-fondé

                                        de la requête

27 janvier 1989                         Observations du Gouvernement

29 mars 1989                            Observations en réponse du

                                        requérant

2 juillet 1990                          Délibérations et décision

                                        de déclarer la requête

                                        recevable.  Décision

                                        d'inviter les parties à

                                        soumettre, si elles le

                                        désirent, des

                                        observations

                                        complémentaires sur le

                                        bien-fondé de la requête

b.      Examen du bien-fondé

19 septembre 1990                       Observations complémentaires

                                        du requérant sur le bien-fondé

                                        de la requête

28 octobre 1991                         Réception des renseignements

                                        concernant l'état de la

                                        procédure

5 décembre 1991                         Délibérations sur le

                                        bien-fondé, vote final

10 décembre 1991                        Adoption du rapport

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Commission (plénière), PIZZETTI c. l'ITALIE, 10 décembre 1991, 12444/86