CEDH, Commission (plénière), LOPEZ OSTRA c. l'ESPAGNE, 31 août 1993, 16798/90

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Commission (Plénière), 31 août 1993, n° 16798/90
Numéro(s) : 16798/90
Type de document : Rapport
Date d’introduction : 14 mai 1990
Jurisprudence de Strasbourg : Cour Eur. D.H. Arrêt Marckx du 13 juin 1979, série A n° 31, p. 15, par. 31
Arrêt X. et Y. c/Pays-Bas du 26 mars 1985, série A n° 91, p. 11, par. 23
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'art. 8 ; Non-violation de l'art. 3
Identifiant HUDOC : 001-46494
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1993:0831REP001679890
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Sur les parties

Texte intégral

              COMMISSION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME

                          Requête N° 16798/90

                         Gregoria Lopez Ostra

                                contre

                                Espagne

                       RAPPORT DE LA COMMISSION

                       (adopté le 31 août 1993)

                          TABLE DES MATIERES

                                                                 Page

I.    INTRODUCTION

      (par. 1 - 15) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 - 3

      A.   La requête

           (par. 2 - 6) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

      B.   La procédure

           (par. 7 - 12). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 - 2

      C.   Le présent rapport

           (par. 13 - 15) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

II.   ETABLISSEMENT DES FAITS

      (par. 16 - 39). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 - 9

      A.   Procédure judiciaire

           (par. 16 - 28) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 - 6

      B.   Eléments de preuve présentés à la Commission

           (par. 29 - 38) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 - 8

           i)    Expertises portant analyse de l'air et

                 mesurant le bruit

                 (par. 30 - 33) . . . . . . . . . . . . . . . . 6 - 7

           ii)   Expertises médicales

                 (par. 34 - 35) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

           iii)  Témoignages écrits effectués par trois

                 policiers au juge d'instruction de Lorca

                 (par. 36 - 38) . . . . . . . . . . . . . . . . 7 - 8

      C.   Législation applicable

           (par. 39). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 - 9

III.  AVIS DE LA COMMISSION

      (par. 40 - 63). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 - 14

      A.   Griefs déclarés recevables

           (par. 40). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10

      B.   Points en litige

           (par. 41). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10

      C.   Sur la violation de l'article 8 de la Convention

           (par. 42 - 58) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 - 13

           CONCLUSION

           (par. 59). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13

      D.   Sur la violation alléguée de l'article 3

           de la Convention

           (par. 60 - 61) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 - 14

           CONCLUSION

           (par. 62). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14

      RECAPITULATION

      (par. 63) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14

ANNEXE I   : HISTORIQUE DE LA PROCEDURE . . . . . . . . . . . . . .15

ANNEXE II  : DECISION SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE . . . . . .16

I.    INTRODUCTION

1.    On trouvera ci-après un résumé des faits de la cause, tels qu'ils

ont été exposés par les parties à la Commission européenne des Droits

de l'Homme, ainsi qu'une description de la procédure.

A.    La requête

2.    La requérante est une ressortissante espagnole, née en 1955 et

domiciliée à Lorca. Devant la Commission, elle est représentée par

Maître J.L. Mazon Costa, avocat au barreau de Murcie.

3.    Le Gouvernement espagnol est représenté par son Agent,

M. Javier Borrego Borrego, Chef du Service juridique des Droits de

l'Homme du Ministère de la Justice.

4.    La requête concerne les nuisances provoquées par une station de

traitement des déchets provenant des tanneries installées à Lorca, et

située à quelques mètres du domicile de la requérante.

      En juillet 1988, la station d'épuration démarra ses activités

sans avoir obtenu le permis ("licencia") municipal exigé par le

règlement de 1961 relatif aux activités classées insalubres, nocives

et dangereuses. Les émanations de la station causèrent immédiatement

des troubles de santé et des nuisances à de nombreux habitants de

Lorca, ce qui amena la municipalité à faire évacuer les personnes

vivant à proximité de la station et à les reloger gratuitement au

centre ville pendant les mois de juillet, août et septembre 1988.

Suite à de nombreuses plaintes et au vu des rapports d'expertise des

autorités sanitaires et de l'agence régionale pour la protection de

l'environnement, le conseil municipal de Lorca ordonna

le 9 septembre 1988 l'arrêt des activités de décantation des résidus

chimiques et organiques se réalisant dans des bassins d'eau

("lagunaje"). Toutefois, l'activité d'épuration des eaux résiduelles

souillées au chrome fut maintenue.

5.    Revenue à son domicile, la requérante constata la persistance des

troubles de santé, de la dégradation de l'environnement et de la

qualité de vie. La requérante saisit la juridiction administrative d'un

recours en protection de ses droits fondamentaux, au motif en

particulier d'une ingérence illégitime dans son domicile ainsi que

d'atteintes à l'intégrité physique et morale. Par décision du

31 janvier 1989, la Chambre administrative de Murcie rejeta son

recours. La requérante interjeta appel auprès du Tribunal suprême en

invoquant expressément l'article 8 de la Convention. Par arrêt du

27 juillet 1989, le Tribunal suprême débouta la requérante au motif

qu'aucun agent public n'avait pénétré dans son domicile ni porté

atteinte à son intégrité physique. Le recours d'"amparo" présenté par

la requérante fut rejeté par le Tribunal constitutionnel

le 26 février 1990 comme étant manifestement mal fondé.

6.    Devant la Commission, la requérante allègue la violation des

articles 8 et 3 de la Convention.

B.    La procédure

7.    La requête a été introduite le 14 mai 1990 et enregistrée

le 28 juin 1990 sous le N° 16798/90.

8.    Le 2 juillet 1991, la Commission a procédé à un premier examen

de la requête. Elle a décidé de donner connaissance de la requête au

Gouvernement espagnol, en application de l'article 48 par. 2 b) de son

Règlement intérieur, et d'inviter celui-ci à présenter par écrit ses

observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête.

      Le Gouvernement a présenté ses observations le 23 octobre 1991.

Il a présenté des observations complémentaires les 14 et

19 novembre 1991 et le 26 mars 1992.

9.    Le 13 décembre 1991, la Commission a décidé d'accorder à la

requérante le bénéfice de l'assistance judiciaire.

      La requérante a fait parvenir ses observations en réponse

le 3 janvier 1992. Elle a transmis des observations complémentaires

les 10 janvier et 13 avril 1992.

10.   La Commission a repris l'examen de la requête le 31 mars 1992,

date à laquelle elle a décidé de tenir une audience contradictoire

entre les parties sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête.

      L'audience a eu lieu le 8 juillet 1992. Les parties étaient

représentées comme suit :

      Pour le Gouvernement :

      M. Javier BORREGO BORREGO du Ministère de la Justice, Agent du

      Gouvernement.

      Pour la requérante :

      Me José Luis MAZÓN COSTA, Conseil

      Me José Rios BRAVO, Conseil

      La requérante assistait à l'audience accompagnée de son mari.

11.   A l'issue de l'audience, la Commission a déclaré la requête

recevable. Le 14 septembre 1992, elle a invité les parties à lui faire

parvenir d'éventuelles offres de preuve ou observations

complémentaires. Les 26 et 31 mars 1993, le Gouvernement a présenté ses

observations complémentaires. Les 27 avril, 4 et 14 mai 1993, la

requérante a présenté les siennes.

12.   Le Gouvernement a demandé à la Commission de revenir sur la

décision de recevabilité, le requérant n'ayant pas épuisé les voies de

recours internes.  Après en avoir délibéré, la Commission n'a pas fait

application de l'article 29 de la Convention qui exige "la majorité des

deux tiers des membres de la Commission".

13.   Après avoir déclaré la requête recevable, la Commission,

conformément à l'article 28 par. 1 b) de la Convention, s'est mise à

la disposition des parties en vue de parvenir à un règlement amiable

de l'affaire. Des consultations suivies ont eu lieu avec les parties

entre le 14 août 1992 et le 11 mars 1993. Vu l'attitude adoptée par les

parties, la Commission constate qu'il n'existe aucune base permettant

d'obtenir un tel règlement.

C.    Le présent rapport

13.   Le présent rapport a été établi par la Commission conformément

à l'article 31 de la Convention, après délibérations et vote, en

présence des membres suivants :

      MM.  C.A. NØRGAARD, Président

           S. TRECHSEL

           A. WEITZEL

           F. ERMACORA

           A.S. GÖZÜBÜYÜK

           H. DANELIUS

      MM.  F. MARTINEZ

           C.L. ROZAKIS

      Mme  J. LIDDY

      MM.  L. LOUCAIDES

           J.-C. GEUS

           M.P. PELLONPÄÄ

14.   Le texte du présent rapport a été adopté par la Commission le

31 août 1993 et sera transmis au Comité des Ministres du Conseil de

l'Europe, conformément à l'artice 31 par. 2 de la Convention.

15.   Ce rapport a pour objet, conformément à l'article 31 par. 1 de

la Convention :

      (i)  d'établir les faits, et

      (ii) de formuler un avis sur le point de savoir si les

           faits constatés révèlent de la part de l'Etat

           intéressé une violation des obligations qui lui

           incombent aux termes de la Convention.

      Sont joints au présent rapport un tableau retraçant l'historique

de la procédure devant la Commission (ANNEXE I), ainsi que le texte de

la décision de la Commission sur la recevabilité de la requête

(ANNEXE II).

      Le texte intégral de l'argumentation écrite des parties ainsi que

les pièces soumises à la Commission sont conservés dans les archives

de la Commission.

II.   ETABLISSEMENT DES FAITS

A.    Procédure judiciaire

16.   La requérante et sa famille - son époux, ouvrier de profession,

et ses deux filles nées en 1980 et 1984 - résident à "Diputación del

Rio, el Lugarico", quartier éloigné de quelques centaines de mètres du

centre de Lorca, municipalité à laquelle il appartient. Lorca est le

lieu d'une forte concentration d'industries du cuir.

      Plusieurs tanneries installées à Lorca, groupées au sein d'une

société nommée SACURSA, firent construire sur des terrains appartenant

à la commune une station d'épuration des eaux et des déchets. La

station d'épuration est située à 12 mètres de l'habitation de la

requérante.

17.   En juillet 1988, la station d'épuration démarra ses activités

sans avoir obtenu le permis ("licencia") municipal exigé par le

règlement relatif aux activités classées insalubres, nocives et

dangereuses de 1961. Les émanations de gaz, d'odeurs pestilentielles

et la contamination de la station causèrent immédiatement des troubles

de santé et des nuisances à de nombreux habitants de Lorca, notamment

à ceux vivant à "Diputación del Río, el Lugarico". Le conseil municipal

évacua les résidents de ce quartier et les relogea gratuitement au

centre ville pendant les mois de juillet, août et septembre 1988.

Suite à de nombreuses plaintes et au vu des rapports des autorités

sanitaires et de l'agence régionale pour la protection de

l'environnement, le conseil municipal ordonna le 9 septembre 1988

l'arrêt de l'une des activités de la station d'épuration, à savoir

celle de décantation de résidus chimiques et organiques dans des

bassins d'eau ("lagunaje"). Toutefois, l'activité d'épuration des eaux

résiduelles souillées au chrome fut maintenue.

18.   Les versions des parties divergent quant aux conséquences de

cette décision du 9 septembre 1988. D'après le Gouvernement, la station

ne provoque plus de nuisances à la suite de l'arrêt partiel de ses

activités. Elle ne dégage plus de fumées, ni d'odeurs, ni de bruit, ce

qui fait que, toujours selon la version du Gouvernement, le cadre de

vie autour de la station est à présent agréable.

19.   Selon la version de la requérante, une fois revenue à son

domicile, elle constata la persistance des troubles de santé

(allergies, difficultés respiratoires, problèmes dermatologiques,

malaises), de la dégradation de l'environnement (air nauséabond,

insectes, bruit, fumée) et de la qualité de vie (impossibilité d'ouvrir

les fenêtres, odeurs persistantes sur les vêtements) résultant de

l'activité de la station. De plus, le stockage de produits chimiques

dangereux à proximité des habitations constituait à ses yeux un risque

pour sa sécurité.

20.   Après avoir tenté vainement de trouver une solution auprès de la

mairie, la requérante saisit la juridiction administrative d'un recours

en protection de ses droits fondamentaux. Elle se plaignait notamment

d'une ingérence illégitime dans son domicile et dans la jouissance

pacifique de celui-ci, d'une violation de son droit de choisir

librement un domicile et d'atteintes à l'intégrité physique et morale,

à la liberté et à la sécurité. Dans son recours elle demandait à la

Chambre administrative de Murcie d'ordonner soit la fermeture de la

station d'épuration, soit l'arrêt total de ses activités. Malgré l'avis

favorable du ministère public, le 31 janvier 1989 la Chambre

administrative rejeta le recours. L'arrêt considérait que malgré la

détérioration de la santé et de la qualité de vie de la requérante due

au fonctionnement de la station, cela n'était pas suffisamment grave

pour constituer une violation des droits fondamentaux invoqués. Par

ailleurs, le fonctionnement sans permis de la station, indiquait

l'arrêt, n'était pas une question susceptible d'être examinée dans le

cadre d'une procédure spéciale de protection des droits fondamentaux

telle que celle qui avait été engagée en l'espèce.

21.   La requérante fit appel, alléguant que divers témoignages et

expertises montraient que la station dégageait des fumées polluantes,

des odeurs pestilentielles et irritantes ainsi que des bruits nuisibles

et persistants responsables entre autres des problèmes de santé qu'une

de ses filles et elle-même subissaient. Le refus de l'administration

municipale d'ordonner sa fermeture malgré l'absence de permis de

fonctionnement constituait donc une ingérence illégitime dans le droit

au respect de son domicile et une atteinte à son intégrité physique.

L'article 8 par. 1 de la Convention était cité expressément.

22.   Le procureur près le Tribunal suprême formula, en date du

13 mars 1989, un avis selon lequel il y avait lieu de faire droit à la

demande de la requérante qui subissait des nuisances de santé et une

détérioration de sa qualité de vie en raison d'une activité illégale,

comme cela avait été reconnu par l'arrêt du 31 janvier 1989.

23.   Par arrêt du 27 juillet 1989, le Tribunal suprême rejeta le

recours au motif qu'aucun agent public n'avait pénétré dans le domicile

de la requérante - qui était libre de déménager - ni porté atteinte à

son intégrité physique, la question de l'absence de permis de

fonctionnement devant être traitée dans le cadre d'une procédure

judiciaire ordinaire. La requérante saisit alors le Tribunal

constitutionnel d'un recours d'"amparo" fondé sur la violation des

articles 15 (droit à l'intégrité physique), 18 (droit à la vie privée

et à l'inviolabilité du domicile familial) et 19 (droit de choisir

librement son domicile) de la Constitution espagnole.

24.   Le 26 février 1990, le Tribunal constitutionnel rejeta le recours

comme étant manifestement mal fondé. Cette juridiction indiquait que

l'existence de fumées, odeurs et bruits ne constituait pas en soi une

violation du domicile, que le refus d'ordonner la fermeture de la

station n'était pas un traitement dégradant pour la requérante dont la

vie et l'intégrité physique n'étaient pas en danger, et qu'il n'y avait

pas atteinte au droit de choisir un domicile car aucune autorité

n'avait chassé la requérante de son domicile. Le Tribunal

constitutionnel estimait enfin que le grief concernant l'atteinte à la

vie privée n'avait pas été dûment soulevé devant les tribunaux

ordinaires.

25.   D'autre part, d'autres résidents du même quartier ayant introduit

un recours contre le fonctionnement illégal de la station, la Chambre

Administrative du Tribunal supérieur de Murcie rendit, le

18 septembre 1991, un arrêt ordonnant la fermeture de la station faute

des permis exigés par la loi. L'exécution de cet arrêt est demeurée en

suspens à la suite de l'appel du conseil municipal et de la

société SACURSA. L'affaire est désormais pendante devant le Tribunal

suprême.

26.   Par ailleurs, une plainte pour délit écologique présentée par un

résident du même quartier déboucha sur une ordonnance de fermeture de

la station rendue par le juge d'instruction n° 2 de Lorca le

15 novembre 1991. Toutefois, à la suite d'un recours du ministère

public contre cette décision, l'ordonnance fut révoquée

le 25 novembre 1991.

27.   Enfin, suite à une plainte déposée en 1989 par deux belles-soeurs

de la requérante qui habitent le même immeuble, le juge d'instruction

n° 2 de Lorca a entamé, en février 1990, une procédure pour un délit

écologique contre la société propriétaire de la station d'épuration,

procédure dans laquelle les deux belles-soeurs de la requérante se sont

constituées partie civile et qui se trouve toujours au stade de

l'instruction. Dans le cadre de cette procédure, le juge d'instruction

n° 2 de Lorca a ordonné la commission de plusieurs expertises sur la

gravité des nuisances provoquées par la station d'épuration et sur ses

conséquences sur la santé des personnes habitant à proximité.

28.   Depuis le 1er février 1992, la requérante et sa famille ont été

relogées dans un appartement situé au centre de Lorca et dont les frais

de loyer sont pris en charge par la municipalité de Lorca.

B.    Eléments de preuve présentés à la Commission

29.   Les parties ont présenté un certain nombre d'éléments de preuve

(expertises, témoignages) recueillis notamment pendant l'instruction

menée par le juge d'instruction n° 2 de Lorca dans le cadre de la

procédure pour délit écologique en cours, concernant l'impact des

nuisances provoquées par la station d'épuration. La teneur des pièces

pertinentes est exposée succintement ci-dessous.

i)    Expertises portant analyse de l'air et mesurant le bruit

30.   Le Gouvernement a soumis cinq rapports d'expertise portant

analyse de l'air de la zone jouxtant la station d'épuration et un

rapport mesurant le bruit.

      Le premier, daté du 13 octobre 1992 et réalisé par le

professeur Joaquin Moreno Clavel, Docteur en sciences chimiques de

l'Université de Murcie, à la demande du juge d'instruction N° 2 de

Lorca, conclut à la présence de sulfure d'hydrogène à des niveaux

- 45 microgrammes/m3 - supérieurs à ceux autorisés, ce qui de l'avis

de l'expert constitue un danger pour la santé des habitants des

logements proches de la station. Pour ce qui est des eaux résiduelles,

le rapport indique que, selon une circulaire de la Direction Générale

des Travaux Hydrauliques, celles-ci doivent être incolores,

transparentes et inodores. L'expert est d'avis que le déversement des

eaux usées contenant du sulfure dans les cours d'eau constitue une

situation inacceptable. Le rapport conclut en revanche qu'il n'a pas

été détecté un niveau significatif de chrome dans les échantillons

prélevés. Ces conclusions ont été confirmées dans un deuxième rapport,

complémentaire du premier, remis au juge d'instruction le

25 janvier 1993.

31.   Le troisième, réalisé à la demande du même juge d'instruction par

l'Institut National de Toxicologie et remis le 27 octobre 1992, estime

en particulier que les niveaux d'acide sulfhydrique détectés dans

les habitations situées à proximité des installations émettrices de ce

gaz, bien qu'ayant probablement atteint des niveaux supérieurs à ceux

considérés comme constituant le maximum permis pour une période de

24 heures, n'ont pas constitué un risque pour la santé des personnes

qui habitaient ces logements.

32.   Dans un autre rapport présenté par ce même institut

le 10 février 1993, il est indiqué que les niveaux de mercaptan

détectés aux abords de l'installation litigieuse ne sont pas, a priori,

et au vu des connaissances actuelles, dangereux pour la santé des

personnes qui occupent temporairement les maisons riveraines de

l'installation qui émet les gaz cités. Il est ajouté qu'on ne saurait

affirmer que l'occupation desdits logements pendant 24 heures ne peut

constituer un danger, étant donné que les calculs faits portent sur une

durée de 8 heures par jour pendant 5 jours.

33.   De son côté, l'Agence pour l'Environnement et la Nature de la

région de Murcie, dans son rapport du 29 mars 1993 réalisé à la demande

de la mairie de Lorca, a effectué une étude sur les nuisances sonores

à Lorca. Il y est affirmé que le niveau du bruit produit par la station

en fonctionnement n'est pas supérieur au bruit normal mesuré dans

d'autres quartiers de la ville éloignés de l'installation.

ii)   Expertises médicales (soumises par la requérante)

34.   Certificat médical délivré par le Docteur pédiatre

José Angel de Ayola Sanchez le 12 décembre 1991

      Il y est déclaré que l'enfant Cristina Gómez Lopez (fille de la

requérante) de 6 ans a été examinée dans son cabinet à plusieurs

reprises en raison de nausées, vomissements, réactions allergiques,

anorexies, etc. qui ne trouvent pas d'explication clinique sauf dans

le fait de vivre dans une zone hautement polluée par des sels de chrome

très préjudiciables et toxiques pour la santé. Devant cette situation,

le Docteur déclare qu'il est indispensable d'éloigner la fillette du

site en question.

35.   Rapport d'expertise de l'institut médico-légal de Cartagène du

Ministère de la Justice daté du 16 avril 1993, commis par le juge

d'instruction de Lorca

      Dans ce rapport, il est exposé que le niveau d'émission de gaz

sulfhydrique dans les maisons proches de la station est supérieur au

niveau autorisé. Il est ajouté que les enfants Cristina Gómez Lopez

(fille de la requérante) et Fernando Lopez Gómez (fils de la belle-

soeur de la requérante) présentent un état typique d'imprégnation

chronique d'acide sulfhydrique avec des poussées qui se manifestent

sous forme d'infections broncho-pulmonaires aigües. Il conclut qu'il

existe une relation de cause à effet entre le niveau de concentration

de l'acide sulfhydrique et les situations cliniques décrites.

iii)  Témoignages écrits effectués par trois policiers au juge

      d'instruction de Lorca (pièces soumises par la requérante)

36.   Déclaration de M. Francisco Palazón Ruiz, policier,

le 7 avril 1992, devant le juge d'instruction de Lorca :

      "Le 9 janvier 1992, suite à un appel de l'épouse

d'Antonio Alcaraz au Commissariat expliquant qu'elle s'inquiétait

sérieusement parce que son mari était très nerveux et n'avait pas pu

manger, les policiers se dirigèrent vers la station d'épuration des

résidus des tanneries. Antonio Alcaraz, qui se disposait à partir au

travail, leur dit qu'il n'avait pas pu manger à cause de l'odeur, et

leur demanda de constater par eux-mêmes. Les policiers s'approchèrent

du lieu indiqué et, remarquant les fortes odeurs pestilentielles de la

zone, ils ne descendirent même pas de la voiture de police et partirent

rapidement, les fortes odeurs risquant de les faire vomir."

37.   Déclaration de M. José Maria Perez Garcia, policier,

le 7 avril 1992, devant le juge d'instruction de Lorca :

      "Le 9 janvier dernier, l'épouse d'Antonio Alcaraz téléphona au

Commissariat, expliquant que son mari était très nerveux et n'avait pas

pu manger. Elle demanda aux policiers de se rendre sur les lieux, ce

qu'ils firent, avec deux autres policiers. Ils trouvèrent

Antonio Alcaraz dans un état de grande nervosité, se plaignant de

n'avoir pu manger à cause des mauvaises odeurs.

      S'étant rendus aux alentours de la station d'épuration des

résidus des tanneries, ils constatèrent qu'une forte odeur nauséabonde

s'en dégageait, et qu'effectivement, il était impossible d'y manger à

cause de ces odeurs."

38.   Déclaration de M. Carmelo Ruiz Sanchez, policier,

le 7 avril 1992, devant le juge d'instruction de Lorca :

      "Le 8 janvier 1992, suite à un appel de l'épouse d'Antonio

Alcaraz au Commissariat expliquant que son mari n'avait pas pu manger

à cause de la mauvaise odeur dans la maison, les policiers, à sa

demande, se rendirent sur les lieux en compagnie de deux autres

policiers. Sur place, ils trouvèrent Antonio Alcaraz qui sortait de sa

maison en disant qu'il n'avait pas pu manger à cause de la mauvaise

odeur. Ils constatèrent qu'effectivement, l'odeur était très forte et

nauséabonde et provoquait des nausées."

C.    Législation applicable

39.   Código Penal - Sección Segunda - Delitos contra la salud pública

y el medio ambiente

      Artículo 347 bis

      "Será castigado con la pena de arresto mayor y multa de 50.000

      a 1.000.000 de pesetas el que, contraviniendo las Leyes o

      Reglamentos protectores del medio ambiente, provocare o realizare

      directa o indirectamente emisiones o vertidos de cualquier clase,

      en la atmósfera, el suelo o a las aguas terrestres o marítimas,

      que pongan en peligro grave la salud de las personas, o puedan

      perjudicar gravemente las condiciones de la vida animal, bosques,

      espacios naturales o plantaciones útiles.

      Se impondrá la pena superior en grado si la industria funcionara

      clandestinamente, sin haber obtenido la preceptiva autorización

      o aprobación administrativa de sus instalaciones, o se hubiere

      desobedecido las órdenes expresas de la autoridad administrativa

      de corrección o suspensión de la actividad contaminante, o se

      hubiere aportado información falsa sobre los aspectos ambientales

      de la misma o se hubiere obstaculizado la actividad inspectora

      de la Administración.

      ...

      En todos los casos previstos en este artículo podrá acordarse la

      clausura temporal o definitiva del establecimiento ..."

      Traduction

      Code pénal - Section seconde - Délits contre la santé publique

et l'environnement

      Article 347 bis

      "Sera puni de la peine d'emprisonnement de courte durée ("arresto

      mayor") et amende de 50.000 à 1.000.000 de pesetas, la

      personne qui, enfreignant les lois ou règlements protecteurs de

      l'environnement, provoquera ou réalisera directement ou

      indirectement des émissions ou déversements de tout type dans

      l'atmosphère, le sol ou les eaux souterraines ou maritimes,

      susceptible de mettre en grave danger la santé des personnes, ou

      qui peuvent porter gravement atteinte aux conditions de la vie

      animale, aux forêts, espaces naturels ou plantations utiles.

      La peine supérieure sera prononcée lorsque l'industrie

      fonctionne clandestinement, sans avoir obtenu les autorisations

      administratives pertinentes, ou lorsqu'il aura été désobéi aux

      ordres exprès de l'autorité administrative tendant à

      l'aménagement ou à la suspension des activités polluantes, ou

      lorsqu'il aura été soumis une information mensongère sur les

      aspects relatifs à l'impact sur l'environnement ou lorsqu'il aura

      été fait entrave à l'activité d'inspection de l'Administration.

      ...

      Dans tous les cas prévus dans le présent article, la fermeture

      provisoire ou définitive de l'installation pourra être

      décidée...".

III.  AVIS DE LA COMMISSION

A.    Griefs déclarés recevables

40.   La Commission a déclaré recevables les griefs de la requérante

selon lesquels les nuisances causées par la station d'épuration des

résidus des tanneries portent atteinte à son droit au respect de sa vie

privée et familiale, au respect de son domicile et constituent de

surcroît un traitement dégradant.

B.    Points en litige

41.   Les points en litige en l'espèce sont les suivants :

-     Les nuisances provoquées par la station d'épuration située à

proximité de l'habitation de la requérante constituent-elles une

ingérence injustifiée dans son droit au respect de sa vie privée et

familiale ?

-     Le fait de devoir vivre dans un tel environnement constitue-t-il

un traitement dégradant au sens de l'article 3 (art. 3) de la

Convention ?

C.    Sur la violation de l'article 8 (art. 8) de la Convention

42.   L'article 8 (art. 8) de la Convention dispose que :

      "1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et

      familiale, de son domicile et de sa correspondance.

      2.   Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans

      l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est

      prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une

      société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à

      la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense

      de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la

      protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des

      droits et libertés d'autrui."

i)    Sur la qualité de victime de la requérante

43.   Se plaignant des nuisances qu'elle a subies et qu'elle continue

de subir du fait de l'exploitation de la station d'épuration sise à

proximité de son domicile, la requérante soutient qu'elle n'a pas perdu

la qualité de victime en raison de son relogement à partir du

1er février 1992 aux frais de la municipalité de Lorca. Elle fait

valoir qu'il s'agit là d'une mesure de nature provisoire et de durée

limitée qui ne saurait effacer les conséquences des violations de

l'article 8 (art. 8) de la Convention qu'elle estime avoir subies.

44.   Le Gouvernement fait valoir que, même à supposer que la

requérante ait subi après le 9 septembre 1988 quelques nuisances - de

toute façon non excessives - provoquées par le fonctionnement partiel

et limité de la station d'épuration sise près de son domicile, elle a

perdu entre-temps la qualité de victime, au sens de l'article 25

(art. 25) de la Convention, des violations dont elle se plaint. Il fait

en effet valoir que le conseil municipal de Lorca verse à partir du

1er février 1992 le prix du loyer de l'appartement que la requérante

occupe dans un emplacement de son choix au centre de Lorca. Par

conséquent, ni elle ni sa famille ne subissent plus les prétendus

effets indésirables causés par le fonctionnement de la station

d'épuration.

45.   En l'espèce, la Commission relève qu'il n'est pas contesté que

la requérante et sa famille aient subi des nuisances provoquées

directement par la station d'épuration. Elle considère que l'existence

d'un foyer d'odeurs, de bruits, de fumées à quelques mètres de son

domicile est à tout moment susceptible de porter atteinte aussi bien

à la vie privée que familiale de la requérante.

46.   La Commission constate que nonobstant les nombreux recours

introduits par la requérante, celle-ci n'a pu obtenir le redressement

des violations alléguées. Dès lors, la Commission estime que le fait

que depuis février 1992, elle ait été relogée aux frais de la mairie

de Lorca dans un appartement situé en dehors de la zone jouxtant la

station d'épuration ne saurait, compte tenu notamment du caractère

provisoire de la mesure,  être de nature à lui ôter la qualité de

victime au sens de l'article 25 (art. 25) de la Convention.

ii)   Sur l'observation du droit garanti par l'article 8 par. 1

      (art. 8-1)

47.   La requérante estime qu'en dépit de l'arrêt partiel des activités

de la station décidé le 9 septembre 1988, elle-même et sa famille,

comme nombre d'habitants de son quartier, continuent de souffrir des

problèmes sérieux de santé comme conséquence de l'activité de la

station qui n'a pas cessé de dégager des fumées, odeurs, bruits, ce qui

rend leur cadre de vie insupportable. Elle se réfère notamment à des

certificats médicaux selon lesquels sa fille souffre de problèmes

dermatologiques, respiratoires, diarrhées et vomissements résultant de

son exposition constante aux émanations polluantes provenant de la

station toute proche de son domicile. L'existence d'odeurs

nauséabondes, fumées pestilentielles, bruits persistants est, selon la

requérante, confirmée par divers témoignages et rapports datés après

le 9 septembre 1988. Elle attire l'attention sur le fait que les

décisions judiciaires rendues dans les autres procédures concernant la

station d'épuration en question, pendantes maintenant en Espagne,

notamment l'arrêt du Tribunal supérieur de Murcie du 18 septembre 1991

et l'ordonnance du juge d'instruction n° 2 de Lorca du

15 novembre 1991, confirment l'existence des graves nuisances qu'elle

dénonce dans sa requête.

48.   Le Gouvernement, tout en admettant qu'entre le 9 juillet et le

9 septembre 1988, le fonctionnement de la station a provoqué de graves

nuisances à tous les habitants de Lorca, considère que la requérante

n'a plus subi à partir de l'arrêt partiel de l'activité de la station

décidé par le conseil municipal de Lorca le 9 septembre 1988, aucune

des nuisances dont elle se plaint. Il explique que la seule activité

de la station à partir de cette date est le traitement des eaux

souillées au chrome, processus qui a lieu en circuit fermé sans dégager

de fumée ni d'odeur et sans provoquer de bruit excessif. Le

Gouvernement affirme que le cadre de vie aux alentours de la station

est devenu depuis ladite date tout à fait convenable. Dès lors, le

droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale et de

son domicile, ne fait pas l'objet à présent des ingérences dont elle

se plaint devant la Commission, de sorte qu'aucun problème ne se pose

sous l'angle de l'article 8 (art. 8) de la Convention.

49.   Pour déterminer  si le niveau des nuisances subies atteint un

seuil tel qu'il puisse être considéré comme étant constitutif d'une

ingérence au sens de l'article 8 par. 1 (art. 8-1) de la Convention,

la Commission se basera sur les rapports d'expertises commis par le

juge d'instruction de Lorca et qui ont été présentés par le

Gouvernement espagnol dans ses observations, ainsi que sur les

expertises médicales et techniques soumises par la requérante.

S'agissant tout d'abord du rapport élaboré par le professeur Joaquin

Moreno Clavel, et daté du 13 octobre 1992, la Commission relève qu'il

y est affirmé que les niveaux de sulfure d'hydrogène

(45 microgrammes/m3) dépassent le seuil autorisé par la législation en

vigueur. Elle note que de l'avis de l'expert, des niveaux de ce gaz

supérieurs à ceux autorisés peuvent entraîner un danger pour la santé

des habitants des logements proches de la station. Pour ce qui est des

eaux résiduelles, selon une circulaire de la Direction Générale des

Travaux Hydrauliques, celles-ci doivent être incolores, transparentes

et inodores. L'expert estime que le déversement d'eaux usées contenant

du sulfure n'est pas acceptable. Le rapport conclut en revanche qu'il

n'a pas été détecté un niveau significatif de chrome dans les

échantillons prélevés. La Commission observe que ces conclusions ont

été confirmées par l'expert dans un rapport complémentaire remis au

juge d'instruction le 25 janvier 1993.

50.   La Commission se réfère également aux conclusions d'autres

rapports d'expertise résumés aux paragraphes 30 à 32 du présent

rapport.

51.   La Commission relève également que selon les conclusions du

rapport de l'institut médico-légal de Cartagène, il existerait une

relation de cause à effet entre les affections dont souffre la fille

de la requérante et les émanations polluantes de la station. Ce constat

vient corroborer le contenu du certificat médical concernant les

problèmes de santé de la fille de la requérante délivré le

12 décembre 1991 par le médecin pédiatre.

52.   La Commission note également que selon divers rapports

d'expertise et témoignages, de fortes odeurs nauséabondes se

dégageaient aux abords de la station d'épuration.

53.   A la lecture des divers rapports, expertises et témoignages qui

figurent au dossier, la Commission estime que les nuisances provoquées

par la station d'épuration atteignent un tel degré de gravité,

notamment pour la santé de la requérante et de sa famille, qu'elles

privent la requérante de la possibilité de jouir normalement des

agréments de son domicile, l'empêchant de mener une vie familiale et

privée normale, de sorte qu'elles portent atteinte à son droit au

respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 par. 1

(art. 8-1) de la Convention.

54.   Quant à la question de savoir si les autorités espagnoles ont

pris toutes les dispositions permettant d'éviter ou de réprimer de tels

agissements, la Commission considère tout d'abord que les autorités

espagnoles ne paraîssent pas être à première vue responsables directs

des violations alléguées par la requérante, la station d'épuration

étant exploitée par une société privée. Toutefois, aux yeux de la

Commission, cette circonstance ne saurait en elle-même exempter les

autorités espagnoles des obligations découlant de l'article 8 (art. 8)

de la Convention. En l'espèce, la Commission note que le conseil

municipal de Lorca a contribué de manière importante à l'installation

de la station d'épuration puisque les terrains sur lesquels est située

la station lui appartiennent.

55.   Au-delà même du degré de responsabilité plus ou moins directe

pouvant être imputé aux autorités municipales de Lorca, la Commission

rappelle que selon la jurisprudence des organes de la Convention,

celle-ci contient des articles qui non seulement protègent l'individu

contre l'Etat mais obligent l'Etat à protéger les droits de l'individu

même contre les agissements d'autrui (cf. Cour eur. D.H., Arrêt Marckx

du 13 juin 1979, série A n° 31, p.15, par.31 ; Affaire Young, James et

Webster, N° 7601/76 et 7806/77, série B n° 39, rapport Comm. 14.12.79,

par. 168 ; Affaire X. et Y. c/Pays-Bas, arrêt du 26 mars 1985, série A

n° 91, p. 11, par. 23). Ainsi, dans sa décision sur la recevabilité

dans l'affaire Rayner c/Royaume-Uni, la Commission a estimé que

"...l'article 8 par. 1 (art. 8-1) de la Convention (....) ne saurait

s'interpréter comme s'appliquant uniquement aux mesures directes prises

par les autorités et portant atteinte à la vie privée et/ou au domicile

d'un individu. L'article peut également couvrir les intrusions

indirectes, conséquences inévitables de mesures qui ne visent pas du

tout des particuliers". Il était ajouté qu'"une nuisance sonore

considérable peut sans nul doute affecter le bien-être physique d'un

individu et dès lors porter atteinte à sa vie privée. Elle peut

également priver un individu de la possibilité de jouir des agréments

de son domicile" (N° 9310/81, déc. 16.7.86, D.R. 47, p. 22).

56.   En l'espèce, la Commission relève que le conseil municipal tolère

le fonctionnement de la station et ce, sans que le permis municipal

nécessaire à son fonctionnement ait été délivré.

57.   Quant aux autorités judiciaires,la Commission observe que les

tribunaux espagnols ont refusé de prendre position  sur la question de

l'absence d'autorisation municipale en estimant que l'absence de permis

constituait un problème étranger à la violation des droits fondamentaux

dont se plaignait la requérante. Sans préjuger du résultat des diverses

plaintes déposées, en particulier par des membres de la famille de la

requérante habitant le même immeuble, et qui se trouvent en cours

d'instruction, la Commission ne peut que relever que ces autorités

judiciaires, non plus, ne semblent pas avoir porté remède aux

violations alléguées. Ainsi, les tribunaux, d'une part, ont estimé,

contrairement à l'avis du ministère public, que les nuisances n'étaient

pas de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux de la

requérante, tout en admettant qu'elle et sa famille aient pu subir des

troubles de santé et une dégradation de leur qualité de vie. D'autre

part, les tribunaux ont considéré que l'administration publique ne

s'était rendue elle-même responsable d'aucune violation des droits

invoqués par la requérante.

58.   Compte tenu de ce qui précède, la Commission est d'avis que le

Gouvernement défendeur a omis de prendre les mesures susceptibles

d'assurer une protection concrète et effective du droit à la vie privée

et familiale garanti par l'article 8 par. 1 (art. 8-1) de la

Convention.

CONCLUSION

59.   La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de

l'article 8 (art. 8) de la Convention.

D.    Sur la violation alléguée de l'article 3 (art. 3)

      de la Convention

60.   La requérante se plaint que le fait d'avoir été obligée de

résider à côté d'un égout immonde constitue un traitement dégradant

prohibé par l'article 3 (art. 3) de la Convention dont se sont rendues

coupables les autorités espagnoles par leur inactivité.

      Le Gouvernement combat cette thèse.

61.   La Commission estime que, quoique difficiles, les conditions dans

lesquelles la requérante a été obligée de vivre, qui constituent par

ailleurs une atteinte à l'article 8 (art. 8) de la Convention,

n'atteignent pas un degré de gravité tel qu'elles puissent être

considérées comme constituant un traitement contraire à l'article 3

(art. 3) de la Convention.

CONCLUSION

62.   La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il n'y a pas eu

violation de l'article 3 (art. 3) de la Convention.

RECAPITULATION

63.   La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de

l'article 8 (art. 8) de la Convention.

      La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il n'y a pas eu

violation de l'article 3 (art. 3) de la Convention.

          Le Secrétaire                             Le Président

        de la Commission                          de la Commission

          (H.C. KRÜGER)                           (C.A. NØRGAARD)

                               ANNEXE I

            HISTORIQUE DE LA PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

      Date                                  Acte

____________________________________________________________________

1 mai 1990                  Introduction de la requête

28 juin 1990                Enregistrement de la requête

Examen de la recevabilité

2 juillet 1991              Décision de la Commission de communiquer

                            la requête au Gouvernement et d'inviter

                            les parties à présenter leurs observations

                            sur la recevabilité et le bien-fondé de la

                            requête

23 octobre 1991             Observations du Gouvernement défendeur

14 et 19 novembre 1991      Observations complémentaires du

26 mars 1992                Gouvernement défendeur

13 décembre 1991            Octroi de l'assistance judiciaire à la

                            requérante

3 janvier 1992              Observations en réponse de la requérante

10 janvier 1992             Observations complémentaires de la

13 avril 1992               requérante

31 mars 1992                Décision de la Commission de tenir une

                            audience sur la recevabilité et le bien-

                            fondé de la requête

8 juillet 1992              Audience et décision de la Commission de

                            déclarer la requête recevable

26 et 31 mars 1993          Observations complémentaires et offres de

                            preuve du Gouvernement défendeur

27 avril 1993               Observations complémentaires et offres de

4 et 14 mai 1993            preuve de la requérante

Examen du bien-fondé

31 août 1993                Délibérations de la Commission sur le

                            bien-fondé et vote final

31 août 1993                Adoption du rapport

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CEDH, Commission (plénière), LOPEZ OSTRA c. l'ESPAGNE, 31 août 1993, 16798/90