CEDH, Commission (première chambre), SPINELLI c. l'ITALIE, 8 janvier 1993, 13961/88
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Première Chambre), 8 janv. 1993, n° 13961/88 |
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Numéro(s) : | 13961/88 |
Type de document : | Rapport |
Date d’introduction : | 1 février 1988 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusion : | Violation de l'art. 6-1 |
Identifiant HUDOC : | 001-46546 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1993:0108REP001396188 |
Sur les parties
- Juge : Luigi Ferrari Bravo
Texte intégral
COMMISSION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME
PREMIERE CHAMBRE
REQUETE No 13961/88
Franco SPINELLI
contre
Italie
RAPPORT DE LA COMMISSION
(adopté le 8 janvier 1993)
TABLE DES MATIERES
Page
I. INTRODUCTION
(par. 1-5). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
II. ETABLISSEMENT DES FAITS
(par. 6-12) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
III. AVIS DE LA COMMISSION
(par. 13-22). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
A. Grief déclaré recevable
(par. 13). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
B. Point en litige
(par. 14). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
C. Sur la violation de la Convention
(par. 15-21) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
CONCLUSION
(par. 22) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
ANNEXE : Décision sur la recevabilité de la requête . . . . . . . . 6
I. INTRODUCTION
1. Le présent rapport concerne la requête No 13961/88 introduite le
1er février 1988, par Franco Spinelli contre l'Italie et enregistrée
le 15 juin 1988.
Le requérant est un ressortissant italien né en 1943 et résidant
à Caravaggio (Bergame).
Le requérant est représenté devant la Commission par
Me Angelo Castelli, avocat à Bergame.
Le Gouvernement défendeur est représenté par son Agent,
M. Luigi Ferrari Bravo, Chef du Contentieux diplomatique au ministère
des Affaires étrangères.
2. Cette requête a été communiquée le 11 juin 1989 au Gouvernement.
A la suite d'un échange de mémoires, la requête a été déclarée
recevable le 20 octobre 1992 dans la mesure où elle porte sur la durée
de la procédure (article 6 par. 1 de la Convention). Le texte de la
décision sur la recevabilité est annexé au présent rapport.
3. Ayant constaté qu'il n'existe aucune base permettant d'obtenir
un règlement amiable au sens de l'article 28 par. 1 (b) de la
Convention, la Commission (Première Chambre), après délibération, a
adopté le 8 janvier 1993 le présent rapport conformément à
l'article 31 par. 1 de la Convention, en présence des membres
suivants :
MM. J.A. FROWEIN, Président de la Première Chambre
F. ERMACORA
E. BUSUTTIL
A.S. GÖZÜBÜYÜK
Sir Basil HALL
M. C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
MM. M.P. PELLONPÄÄ
G.B. REFFI
4. Dans ce rapport, la Commission a formulé son avis sur le point
de savoir si les faits constatés révèlent, de la part de l'Italie, une
violation de la Convention.
5. Le texte du présent rapport sera transmis au Comité des Ministres
du Conseil de l'Europe conformément à l'article 31 par. 1 de la
Convention.
II. ETABLISSEMENT DES FAITS
6. Par citation notifiée le 9 décembre 1981, M. Spinelli assigna
l'Unité Sanitaire et Sociale Locale (USSL) n° 32 de Treviglio (Bergame)
et la Région de la Lombardie devant le tribunal de Bergame en vue
d'obtenir le paiement des analyses qu'il avait effectuées dans son
laboratoire en raison de l'impossibilité de l'USSL de procéder à ces
analyses dans les délais prévus par la législation relative à la santé
publique.
7. La première audience eut lieu le 18 février 1982 ; elle fut
suivie des audiences des 29 avril 1982 et 17 juin 1982. A l'audience
du 29 avril 1982 les parties se mirent d'accord pour que l'intégration
du contradictoire fut effectuée à l'égard de l'USSL n° 29 de Bergame,
qui s'avérait être le "payeur officiel" pour une certaine période, et
pour que le juge ordonnât la comparution des parties à des fins de
conciliation.
Par ordonnance, hors audience, du 29 octobre 1982 le juge de la
mise en état refusa d'accéder à la demande en référé, formulée par le
requérant le 18 février 1982, visant à lui permettre de procéder aux
analyses chaque fois que la structure publique ne serait pas en mesure
de le faire dans les trois jours.
Une audience prévue pour le 23 février 1983 fut renvoyée
d'office. Elle fut suivie de deux autres audiences les 25 mars et
18 juin 1983. Dix témoins furent cités à comparaître à l'audience du
30 janvier 1984, mais à cette date l'USSL n° 32 déclara avoir déposé
devant la Cour de cassation une exception d'incompétence de la
juridiction judiciaire demandant à ce que l'affaire fut tranchée par
le tribunal administratif. Le juge dut suspendre la procédure et
remettre ce dossier à la Cour de cassation afin que celle-ci statue sur
la compétence.
8. Par un arrêt du 24 octobre 1985, les Chambres réunies de la Cour
de cassation confirmèrent la compétence de la juridiction judiciaire.
Le texte fut déposé au greffe le 21 mai 1986. Devant la Commission le
requérant a déclaré n'avoir pu en obtenir une copie que le
22 octobre 1986.
9. Le 19 novembre 1986 le requérant reprit la procédure devant le
même juge et il s'ensuivit une audience le 14 janvier 1987.
10. Le juge de la mise en état devant être muté à partir du
28 janvier 1987, le 27 janvier 1987 les parties demandèrent la
désignation d'un autre juge, devant lequel eut lieu l'audience du
12 février 1987.
11. Le 17 décembre 1987, M. Spinelli présenta au juge de la mise en
état ses conclusions écrites et des doubles de documents qui faisaient
partie des pièces versées au procès depuis le début mais qui avaient
été momentanément égarées, puis retrouvées, au greffe de la Cour de
cassation. L'USSL n° 32 demanda le renvoi afin de pouvoir prendre
connaissance des documents et présenter ses conclusions.
12. A l'audience du 12 mai 1988, l'affaire fut transmise à la chambre
compétente du tribunal qui devait décider le 25 octobre 1990 aussi sur
l'opportunité d'entendre les témoins admis en 1984. Par jugement du
30 novembre 1990, la juridiction rejeta la demande du requérant. Le
12 décembre 1990, les parties furent informées du dépôt au greffe de
cette décision.
Le 14 novembre 1991, le requérant interjeta appel devant la cour
d'appel de Brescia. A cette juridiction, le requérant demanda
l'audition de cent-deux témoins. Une audience fut fixée pour le
7 octobre 1992 afin que les parties présentent leurs conclusions.
D'après les informations fournies le 17 décembre 1992 par le
Gouvernement, l'affaire est encore pendante devant la cour d'appel.
III. AVIS DE LA COMMISSION
A. Grief déclaré recevable
13. La Commission a déclaré recevable le grief du requérant, selon
lequel sa cause n'aurait pas été entendue dans un délai raisonnable.
B. Point en litige
14. Le seul point en litige est le suivant : la durée de la procédure
litigieuse a-t-elle excédé le délai raisonnable prévu à
l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention ?
C. Sur la violation de la Convention
15. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dispose notamment
:
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
.... dans un délai raisonnable, par un tribunal .... qui
décidera .... des contestations sur ses droits et
obligations de caractère civil ...."
16. L'objet de la procédure en question est l'obtention du paiement
d'analyses médicales. Cette procédure tend à faire décider d'une
contestation sur des "droits et obligations de caractère civil" et se
situe donc dans le champ d'application de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)
de la Convention.
17. La durée de la procédure litigieuse, qui a débuté le
9 décembre 1981 et était au 17 octobre 1992 encore pendante, est d'au
moins onze ans.
18. La Commission rappelle que le caractère raisonnable de la durée
d'une procédure doit s'apprécier suivant les circonstances de la cause
et à l'aide des critères suivants : la complexité de l'affaire, le
comportement des parties et le comportement des autorités saisies de
l'affaire (voir Cour Eur. D.H., arrêt Vernillo du 20 février 1991,
série A n° 198, p. 12, par. 30).
19. Selon le Gouvernement, la durée de la procédure s'explique par
la complexité de l'affaire, le comportement du requérant qui demanda
la comparution personnelle des parties à des fins de conciliation,
l'intervention forcée de l'USSL n° 29 ainsi que le respect du principe
du contradictoire (dans la procédure incidente par référé et pendant
l'instruction) et le fait qu'il n'y a pas eu d'instances visant à
accélérer la procédure ("istanze sollecitatorie").
20. La Commission constate qu'il peut y avoir une certaine complexité
de droit dans la mesure où celle-ci concernerait la compétence des
juridictions de l'ordre judiciaire, mais elle est d'avis que cette
complexité ne justifie pas la durée de la procédure. La Commission
estime que le comportement du requérant n'explique pas, à lui seul, la
durée de la procédure. D'autant plus qu'en ce qui concerne le respect
du principe du contradictoire, la Commission note que son application
ne dispense pas les juges de se conformer aux exigences de l'article 6
(art. 6) en matière de délai raisonnable. Du reste, aux termes de
l'article 175 du code de procédure civile, le juge de la mise en état
exerce tous les pouvoirs tendant au déroulement le plus rapide et loyal
de la procédure (voir, mutatis mutandis, l'arrêt Capuano du
25 juin 1987, série A n° 119, p. 11, par. 25).
En ce qui concerne la possibilité pour le requérant de solliciter
des audiences plus rapprochées, la Commission estime que le
Gouvernement n'a pas démontré qu'une telle possibilité eût été
effective (voir requête Cifola c/Italie, rapport Com. 15.01.91,
par. 32, Cour Eur. D.H., série A n° 231-A, p. 13).
D'autre part, la Commission constate qu'est également imputable
au Gouvernement le fait que la Cour de cassation, au regard de la
procédure incidente devant elle, a eu besoin d'un an et neuf mois pour
statuer sur l'exception d'incompétence, ce qui retarda d'autant la
procédure principale ; en outre sa décision ne fut déposée qu'au bout
de sept mois. Le requérant affirme qu'il n'a pu obtenir une copie de
cet arrêt qu'au bout de cinq mois, mais il ne fournit pas d'éléments
suffisants pour permettre à la Commission d'évaluer la longueur de ce
délai.
De plus pendant la procédure d'examen du bien-fondé devant le
tribunal de Bergame, les délais de renvoi entre certaines audiences
sont également constitutifs de retards imputables à l'Etat : du
17 juin 1982 au 23 février 1983, soit huit mois environ ; du
25 mars 1983 au 18 juin 1983, soit trois mois environ ; du 18 juin 1983
au 30 janvier 1984, soit sept mois environ ; du 12 février 1987 au
17 décembre 1987, soit dix mois environ ; du 17 décembre 1987 au
12 mai 1988, soit cinq mois environ ; et du 12 mai 1988 (date de la
présentation des conclusions) au 25 octobre 1990 (date à laquelle
devait avoir lieu l'audience), soit deux ans et cinq mois environ.
Elle considère qu'aucune explication pertinente de ces délais
n'a été fournie par le Gouvernement défendeur.
Elle réaffirme qu'il incombe aux Etats contractants d'organiser
leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent
garantir à chacun le droit d'obtenir une décision définitive sur les
contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil
dans un délai raisonnable (cf. Cour Eur. D.H., arrêt Vocaturo du
24 mai 1991, série A n° 206-C, p. 32, par. 17).
En ce qui concerne la procédure d'appel, la Commission note, avec
le Gouvernement, que le requérant a attendu onze mois avant
d'interjeter appel. D'autre part, le requérant n'a fourni aucun
élément qui puisse permettre à la Commission de constater des retards
dans la procédure d'appel.
21. A la lumière des critères dégagés par la jurisprudence et compte
tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la Commission
considère que la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne
répond pas à la condition du "délai raisonnable".
Conclusion
22. La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu, en l'espèce,
violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
Le Secrétaire Le Président
de la Première Chambre de la Première Chambre
(M. F. BUQUICCHIO) (J.A. FROWEIN)
Textes cités dans la décision