CEDH, Commission (plénière), MANSUR c. la TURQUIE, 28 février 1994, 16026/90
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Plénière), 28 févr. 1994, n° 16026/90 |
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Numéro(s) : | 16026/90 |
Type de document : | Rapport |
Date d’introduction : | 23 novembre 1989 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusions : | Violation de l'art. 5-3 ; Violation de l'art. 6-1 |
Identifiant HUDOC : | 001-46516 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1994:0228REP001602690 |
Texte intégral
COMMISSION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME
Requête No 16026/90
Sadi Mansur
contre
Turquie
RAPPORT DE LA COMMISSION
(adopté le 28 février 1994)
TABLE DES MATIERES
Page
I. INTRODUCTION
(par. 1 - 17) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
A. La requête
(par. 2 - 6) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
B. La procédure
(par. 7 - 12). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
C. Le présent rapport
(par. 13 - 17) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
II. ETABLISSEMENT DES FAITS
(par. 18 - 52) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
A. Circonstances particulières de l'affaire
(par. 18 - 50) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
B. Législation nationale pertinente
(par. 51 - 52) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
III. AVIS DE LA COMMISSION
(par. 53 - 98). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
A. Griefs déclarés recevables
(par. 53). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
B. Point en litige
(par. 54) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
C. Sur la violation alléguée de l'article 5 par. 3
de la Convention
(par. 55 - 75) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
CONCLUSION
(par. 76) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11
D. Sur la violation alléguée de l'article 6 par. 1
de la Convention
(par. 77 - 95) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
CONCLUSION
(par. 96) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14
RECAPITULATION
(par. 97 - 98). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14
ANNEXE I : HISTORIQUE DE LA PROCEDURE. . . . . . . . . . . . . .15
ANNEXE II : DECISION SUR LA RECEVABILITE. . . . . . . . . . . . .16
I. INTRODUCTION
1. On trouvera ci-après un résumé des faits de la cause, ainsi
qu'une description de la procédure.
A. La requête
2. Le requérant, ressortissant turc par naturalisation, né en 1955,
réside à istanbul.
3. Le Gouvernement défendeur est représenté par son agent,
Prof. Bakir Caglar, et par son agent en exercice, M. Münci Özmen.
4. Dans la procédure devant la Commission, le requérant est
représenté par Maître Tekin Akillioglu, avocat au barreau d'Ankara.
5. Interpellé le 1er novembre 1984, le requérant a été condamné en
première instance en date du 19 février 1991 à Edirne. Cette
condamnation a été confirmée par arrêt de la Cour de cassation rendu
le 30 avril 1991. Suite à une modification du Code pénal, le requérant
a été mis en liberté le 1er juillet 1991.
6. La requête concerne la durée de la détention provisoire du
requérant ainsi que la durée de la procédure pénale dont il a fait
l'objet. Le requérant allègue à ces égards une violation de
7.l'article 5 par. 3 et de l'article 6 par. 1 de la Convention.
B. La procédure
8. La présente requête a été introduite le 23 novembre 1989 et
enregistrée le 22 janvier 1990.
9. Le 13 juillet 1990, la Commission, en application de
10.l'article 42 par. 2 b) (devenu 48 par. 2 b)) de son Règlement
intérieur, a décidé de porter la requête à la connaissance du
Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter par écrit ses
observations sur la recevabilité et le bien-fondé de celle-ci.
11. Le Gouvernement a présenté ses observations le 9 novembre 1990
et le requérant y a répondu le 25 janvier 1991.
12. Le 10 juillet 1991, la Commission a déclaré la requête recevable.
Le texte de la décision sur la recevabilité a été envoyé aux parties
le 16 juillet 1991.
13. Le 5 août 1991 et le 16 septembre 1992, le requérant a présenté
à la Commission des observations complémentaires. Le Gouvernement a
fait parvenir les siennes le 14 octobre 1991.
14. Après avoir déclaré les requêtes recevables, la Commission s'est
mise à la disposition des parties conformément à
15.l'article 28 par. 1 b) de la Convention en vue de parvenir à un
règlement amiable de l'affaire. Des consultations suivies ont eu lieu
avec les parties entre le 16 septembre 1992 et le 6 janvier 1993. Vu
l'attitude adoptée par les parties, la Commission constate qu'il n'y
a aucune base permettant d'obtenir un tel règlement.
C. Le présent rapport
16. Le présent rapport a été établi par la Commission, conformément
à l'article 31 de la Convention, après délibérations et votes, en
présence des membres suivants :
MM. C.A. NØRGAARD, Président
S. TRECHSEL
A. WEITZEL
F. ERMACORA
E. BUSUTTIL
G. JÖRUNDSSON
A.S. GÖZÜBÜYÜK
J.-C. SOYER
H.G. SCHERMERS
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
M. C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
MM. L. LOUCAIDES
J.-C. GEUS
M.P. PELLONPÄÄ
B. MARXER
G.B. REFFI
M.A. NOWICKI
I. CABRAL BARRETO
B. CONFORTI
N. BRATZA
I. BÉKÉS
J. MUCHA
E. KONSTANTINOV
D. SVÁBY
17. Le texte du présent rapport a été adopté par la Commission le
28 février 1994 et sera transmis au Comité des Ministres, conformément
à l'article 31 par. 2 de la Convention.
18. Ce rapport a pour objet, conformément à l'article 31 par. 1 de
la Convention :
i. d'établir les faits, et
ii. de formuler un avis sur le point de savoir si les faits
constatés révèlent, de la part de l'Etat intéressé, une
violation des obligations qui lui incombent aux termes de
la Convention.
19. Sont joints au présent rapport un tableau retraçant l'historique
de la procédure devant la Commission (Annexe I) et le texte de la
décision de la Commission sur la recevabilité de la requête
(Annexe II).
20. Le texte intégral de l'argumentation des parties, ainsi que les
pièces soumises à la Commission sont conservés dans les archives de la
Commission.
II. ETABLISSEMENT DES FAITS
A. Circonstances particulières de l'affaire
21. Le requérant, citoyen iranien à l'époque des faits, fut condamné
en Grèce le 12 juin 1981 pour trafic de stupéfiants commis en date du
24 février 1980.
22. Entre-temps, le parquet d'Ipsala (Edirne - Turquie), à l'issue
d'une instruction préliminaire déclenchée suite à la condamnation du
requérant en Grèce par la cour d'appel de Salonique, intenta, le
18 avril 1984, une action pénale par contumace contre le requérant pour
exportation de stupéfiants devant la 1ère cour d'assises d'Edirne sous
le numéro 984/110.
23. Le requérant fut libéré en Grèce en date du 12 septembre 1984 et
rentra aussitôt en Turquie afin d'acquérir la nationalité turque. Il
fut interpellé à Istanbul le 1er novembre 1984 et, sur demande du
parquet d'Edirne, mis en détention provisoire par décision du tribunal
de police d'Ipsala (Edirne) rendue le 5 novembre 1984.
24. Le parquet d'Edirne intenta dès lors, le 6 novembre 1984, une
autre action pénale contre le requérant devant la 2ème cour d'assises
d'Edirne sous le numéro 84/360 pour les mêmes faits que ceux qui
faisaient l'objet de l'action pénale pendante devant la 1ère cour
d'assises d'Edirne.
25. Les deux procédures furent ensuite menées parallèlement et sans
que les deux cours d'assises aient eu connaissance du procès pendant
devant l'autre, et ce jusqu'à leur jonction le 6 mai 1987.
1. La procédure devant la 1ère cour d'assises d'Edirne
26. Le 18 avril 1984, une action pénale par contumace fut intentée
par le parquet d'Ipsala (Edirne) contre le requérant et A.D., son
prétendu complice, pour exportation de stupéfiants. Le parquet demanda
leur condamnation à la réclusion à perpétuité pour trafic de
stupéfiants, infraction prévue par l'article 403 par. 1 et par. 2 du
Code pénal turc.
27. Le 1er mai 1984, la 1ère cour d'assises d'Edirne demanda aux
juridictions pénales grecques, par une commission rogatoire transmise
par le truchement du ministère de la Justice, les procès verbaux de la
déposition du requérant faite devant les tribunaux grecs, ainsi que les
autres documents (jugement, rapport d'analyse des substances
confisquées) qui se trouvaient dans le dossier ouvert en Grèce au nom
du requérant et de A.D.
28. Le 4 octobre 1984, le ministère de la Justice grec informa la
cour d'assises d'Edirne que les autorités grecques avaient déjà envoyé
deux fois, le 30 juin 1982 et le 23 novembre 1982, les documents requis
par l'ambassade de Turquie à Athènes.
29. Le 27 novembre 1985, la cour d'assises d'Edirne n'ayant toujours
pas reçu de réponse à sa demande, ordonna à l'Institut turc de médecine
légale de se prononcer, après examen du dossier, sur la nature des
substances chimiques confisquées. L'Institut remit son rapport le
7 février 1986 en précisant qu'il s'agissait d'héroïne.
30. Le 31 mars et le 21 novembre 1986, la 1ère cour d'assises demanda
au ministère de la Justice turc des renseignements sur la suite donnée
à ses demandes faites aux juridictions grecques.
31. Lors de l'audience du 1er mai 1987, la 1ère cour d'assises
d'Edirne ayant pris connaissance du fait que le requérant faisait
l'objet d'un procès ouvert devant la 2ème cour d'assises de la même
ville et de ce qu'il était détenu à Edirne, décida de demander la
jonction des deux dossiers sous le numéro 984/110. Lors de cette même
audience, le parquet présenta ses réquisitions et le requérant y
répondit. Par ailleurs, la 1ère cour d'assises d'Edirne, constatant que
la réponse fournie entre-temps par les autorités grecques concernait
uniquement une autre personne, A.D., complice présumé du requérant,
décida de réitérer sa demande en sollicitant des renseignements
spécifiques pour chaque type de stupéfiant confisqué dans la voiture
du requérant.
32. Le 6 mai 1987, la procédure pendante devant la 2ème cour
d'assises d'Edirne fut jointe à celle pendante devant la 1ère cour
d'assises d'Edirne (voir supra. par. 22 et infra. par. 45)
33. Le 12 avril 1988, la 1ère cour d'assises d'Edirne demanda à la
1ère cour d'assises d'Ankara de faire traduire vers le turc le rapport
d'expertise d'une page produit par les autorités judiciaires grecques
et daté du 28 octobre 1987. Le 19 juillet 1988, la 1ère cour d'assises
d'Edirne, n'ayant toujours rien reçu, réitéra sa demande de traduction
auprès de la cour d'assises d'Ankara.
34. Le 7 novembre 1988, la cour d'assises d'Ankara retourna la copie
du rapport rédigé en grec, sans pouvoir y annexer une traduction en
langue turque, faute d'avoir pu trouver de traducteur assermenté.
35. La 1ère cour d'assises d'Edirne demanda, dès lors, le
11 novembre 1988, par commission rogatoire, à la cour d'assises
d'Istanbul de faire traduire en turc le document rédigé en langue
grecque. Elle réitéra sa demande le 25 janvier 1989. La cour d'assises
d'Istanbul retourna à son tour le document à la 1ère cour d'assises
d'Edirne, sans traduction, faute d'avoir pu trouver de traducteur
assermenté.
36. Le 5 mai 1989, le requérant acquit la nationalité turque.
37. Lors de l'audience du 15 juin 1989, le requérant produisit une
traduction du rapport d'analyse. La 1ère cour d'assises d'Edirne
constata que ce document se limitait à préciser que le requérant
n'était pas un toxicomane. Elle décida alors de réitérer sa demande
auprès des autorités judiciaires grecques pour que soit transmis le
rapport d'analyse des stupéfiants saisis en Grèce.
38. Suite à cette demande, un document fut transmis à la 1ère cour
d'assises d'Edirne par le ministère de la Justice turc en date du
13 juillet 1990. La 1ère cour d'assises d'Edirne transmit ce document
le 19 juillet 1990 par commission rogatoire à la cour d'assises
d'Ankara pour que cette dernière en fasse faire une traduction turque.
En octobre 1990, la 1ère cour d'assises d'Edirne n'était toujours pas
encore en possession de cette traduction.
39. Par jugement du 19 février 1991, la 1ère cour d'assises d'Edirne
déclara le requérant coupable de l'exportation organisée des
stupéfiants et le condamna à 30 ans de réclusion criminelle. Elle
rappela que le requérant avait été déjà condamné par arrêt du
12 juin 1981 rendu par la cour d'appel de Salonique (Grèce) pour avoir
importé de l'héroïne provenant de la Turquie. Bien que le rapport
d'analyse du stupéfiant saisi dans la voiture du requérant n'eût pas
été produit par les autorités grecques malgré plusieurs demandes
formulées à cet égard, la 1ère cour d'assises d'Edirne établit que la
substance exportée par le requérant de la Turquie était bien de
l'héroïne (d'une quantité de 4700 grammes). La 1ère cour d'assises
d'Edirne se basa sur d'autres preuves, à savoir l'arrêt du 12 juin 1981
précité, sur les observations de l'Institut turc de médecine légale
turc présentées le 7 février 1986 et les aveux du requérant faits
devant les juridictions grecques et turques.
40. Le pourvoi en cassation formé par le requérant fut rejeté par la
Cour de cassation par arrêt du 30 avril 1991.
41. Suite à une modification apportée à l'article 403 du Code pénal,
la 1ère cour d'assises d'Edirne convertit la peine du requérant en
10 ans de réclusion criminelle.
42. Le requérant fut mis en liberté le 1er juillet 1991.
2. La procédure devant la 2ème cour d'assises d'Edirne
43. A la suite de l'interpellation du requérant le 1er novembre 1984,
une action pénale fut intentée le 6 novembre 1984 contre lui devant la
2ème cour d'assises d'Edirne par le parquet d'Edirne pour les mêmes
infractions que celles par lesquelles il était poursuivi devant la
1ère cour d'assises d'Edirne.
44. La 2ème cour d'assises d'Edirne demanda aux juridictions
grecques, par une commission rogatoire, de lui faire parvenir les
textes des jugements condamnant le requérant et le rapport d'analyse
des substances chimiques.
45. Le 18 juin 1985, le ministère de la Justice turc transmit à la
2ème cour d'assises d'Edirne la réponse qu'il avait reçue des
juridictions grecques.
46. Le 7 août 1985, la 2ème cour d'assises d'Edirne, faute de pouvoir
trouver un traducteur assermenté à Edirne, envoya, par commission
rogatoire, les documents en grec à la cour d'assises d'Ankara pour que
cette dernière les fasse traduire. Le 9 octobre 1985, la traduction
demandée fut versée au dossier.
47. Lors de l'audience du 25 octobre 1985, la 2ème cour d'Edirne
constata que le rapport de l'analyse ne figurait pas parmi les
documents traduits. Sur une nouvelle demande de la 2ème cour d'assises
d'Edirne, les autorités grecques répondirent que les documents demandés
avaient déjà été envoyés à deux reprises à l'Ambassade de Turquie à
Athènes. La 2ème cour d'assises d'Edirne réitéra donc sa demande auprès
du ministère de la Justice qui, par courrier du 7 octobre 1986,
transmit le rapport d'analyse. La 2ème cour d'assises d'Edirne demanda
à nouveau à la cour d'assises d'Ankara par commission rogatoire du
7 novembre 1986 la traduction de ce document complémentaire.
48. Examinant la réponse de la cour d'assises d'Ankara qui indiquait
avoir déjà envoyé la traduction de ce document, la 2ème cour d'assises
d'Edirne, à la suite de recherches, constata qu'une autre procédure
pénale était pendante devant la 1ère cour d'assises d'Edirne. Lors de
l'audience du 6 mai 1987, la 2ème cour d'assises d'Edirne décida de
joindre le dossier à celui ouvert devant la 1ère cour d'assises
d'Edirne et de se dessaisir de l'affaire au profit de cette dernière.
3. Procédure concernant la détention du requérant
49. Le requérant, qui avait été interpellé à Istanbul le
1er novembre 1984, fut, à la demande du parquet d'Ipsala (Edirne), mis
en détention par le tribunal de police d'Edirne le 5 novembre 1984. Ce
tribunal tint compte de la nature des crimes reprochés et de la date
de mise en détention. L'opposition du requérant contre l'ordonnance de
mise en détention fut rejetée le 6 décembre 1984 par la 2ème cour
d'assises d'Edirne.
50. Par la suite, lors des audiences tenues dans le cadre de la
procédure pendante devant elle, la 2ème cour d'assises d'Edirne ordonna
le maintien de la détention du requérant pour les motifs suivants :
- le 17 décembre 1984, le 5 février 1985 et le 10 avril 1985 pour
la nature du crime reproché et du contenu du dossier ;
- lors des 25 audiences tenues entre le 7 juin 1985 et le
22 avril 1987, soit sans motif, soit parce que les motifs de la
détention étaient toujours valables.
51. La 1ère cour d'assises d'Edirne ordonna à son tour le maintien
de la détention du requérant pour les motifs suivants :
- lors des 17 audiences tenues entre le 12 mai 1987 et le
2 août 1988, sans invoquer de motifs précis ;
- le 29 août, le 28 septembre et le 2 novembre 1988, pour la
nature du crime reproché au requérant ;
- le 30 novembre 1988, sans invoquer de motifs précis ;
- lors de 19 audiences tenues entre le 23 décembre 1988 et le
26 juin 1990, pour la nature du crime reproché au requérant ;
- le 25 juillet et le 22 août 1990, sans indiquer de motifs
précis ;
- le 11 septembre et le 9 octobre 1990, pour la nature du crime
reproché au requérant.
52. Il ressort du dossier que, le 24 novembre 1987, le requérant fit
observer au président de la 1ère cour d'assises d'Edirne que sa
détention avait été prolongée au-delà de trois ans, que deux ans
uniquement avaient été consacrés à la correspondance entre les
autorités judiciaires turques et grecques et que cette détention était
devenue pour lui une "forte souffrance", d'autant plus qu'il avait déjà
purgé une peine de quatre ans en Grèce pour le même délit. Il demanda
que le procès prenne fin dans les meilleurs délais. La cour d'assises
ne donna pas suite à cette demande.
53. Le requérant, qui fut condamné par jugement du 19 février 1991
rendu par la 1ère cour d'assises d'Edirne, fut mis en liberté le
1er juillet 1991 (voir par. 39).
B. Législation nationale pertinente
54. L'article 403 du Code pénal turc, tel qu'en vigueur à l'époque
des faits, dispose que :"1°. Quiconque fabrique, importe ou exporte des
stupéfiants sans permis ou contrairement au permis, ou tente de le
faire sera puni de dix ans de réclusion au moins...; 2°. Si les
stupéfiants visés au paragraphe précédent sont l'héroïne, la cocaïne,
la morphine de base ou le haschich, le délinquant sera passible de la
réclusion à perpétuité."
55. La loi n° 3756 (adoptée le 5 juin 1991 et publiée dans le journal
officiel du 14 juin 1991) modifia l'article 403 du Code pénal turc.
Elle remplaça la peine de perpétuité, prévue pour le délit
d'exportation organisée de substances hautement toxiques par une peine
de 18 ans de réclusion et stipula également que la détention subie à
l'étranger soit décomptée des peines prononcées en Turquie.
III. AVIS DE LA COMMISSION
A. Griefs déclarés recevables
56. La Commission a déclaré recevables :
- le grief du requérant selon lequel la durée de sa détention
provisoire aurait été excessive,
- le grief du requérant selon lequel sa cause n'aurait pas été
entendue dans un délai raisonnable.
B. Points en litige
57. La Commission est appelée à se prononcer sur la question de
savoir
- si la détention provisoire du requérant a excédé "le délai
raisonnable" prévu à l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention et
- si la durée de la procédure pénale engagée contre lui s'est
prolongée au delà du délai raisonnable prévu à l'article 6 par. 1
(art. 6-1) de la Convention.
C. Sur la violation alléguée de l'article 5 par. 3 (art. 5-3)
de la Convention
58. L'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention dispose :
"Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues
au paragraphe 1. c. du présent article (art. 5-1-c), a le droit
d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la
procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une
garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience."
1. Période à prendre en considération
59. La Commission rappelle en premier lieu que sa compétence ratione
temporis débute le 28 janvier 1987, date à laquelle a pris effet la
reconnaissance par la Turquie du droit de recours individuel. En
examinant la durée de la détention subie après cette date, la
Commission tient compte de l'état où se trouvait la procédure à cette
date (cf., mutatis mutandis, Cour eur. D.H., arrêt Foti et autres du
10 décembre 1982, série A n° 56, pp. 18-19, par. 53).
60. En ce qui concerne la détermination de la durée de la détention
provisoire du requérant dans le cas d'espèce , la Commission note que
le requérant a été interpellé le 1er novembre 1984, et a été condamné
par la 1ère cour d'assises d'Edirne le 19 février 1991. Il s'est donc
trouvé en détention pendant six ans et quatre mois environ, dont quatre
ans et un mois environ relevant de la compétence ratione temporis de
la Commission.
2. Caractère raisonnable de la durée de la détention
61. La Commission rappelle qu'il incombe en premier lieu aux
autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas
donné, la durée de la détention provisoire d'un accusé ne dépasse pas
la limite du raisonnable (cf. Cour eur. D.H., arrêt Kemmache du
27 novembre 1991, série A n° 218, p. 23, par. 45).
62. Selon la jurisprudence de la Cour, la durée doit s'apprécier tout
d'abord en relation aux circonstances de nature à faire admettre ou à
faire écarter l'existence d'une véritable exigence d'intérêt public,
justifiant une dérogation à la règle du respect de la liberté
individuelle. C'est essentiellement sur la base des motifs indiqués
dans les décisions relatives aux demandes de mise en liberté
provisoire, ainsi que des faits non controuvés indiqués par le
requérant dans ses recours que doit être appréciée la question de
savoir s'il y a eu ou non violation de la Convention (Cour eur. D.H.,
arrêt Neumeister du 27 juin 1968, série A n° 8, p. 37, par. 5).
63. Quand une arrestation se fonde sur des raisons plausibles de
soupçonner quelqu'un d'avoir accompli une infraction, leur persistance
est une condition sine qua non de la régularité du maintien de la
détention, mais au bout d'un certain temps elle ne suffit plus ; la
Commission doit alors établir si les autres motifs adoptés par les
autorités judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté.
S'ils se révèlent "pertinents" et "suffisants", elle recherche de
surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une
"diligence particulière" à la poursuite de la procédure (cf. Cour eur.
D.H., arrêt Herczegfalvy du 24 septembre 1992, série A n° 244, p. 23,
par. 71).
64. En l'espèce, pour maintenir le requérant en détention provisoire,
la 1ère et la 2ème cour d'assises d'Edirne ont invoqué principalement
les motifs suivants :
- la nature de l'infraction reprochée au requérant qui peut être
qualifiée de crime, ce qui constitue une présomption de danger de
fuite ;
- la date de la mise en détention ;
- le contenu du dossier.
65. Le requérant fait observer, en premier lieu, que les deux cours
d'assises qui se sont prononcées en l'espèce sur la question du
maintien de la détention provisoire n'ont pas suffisamment motivé leurs
décisions. Selon le requérant, le motif invoqué par les deux
juridictions afin de justifier sa détention et se résumant à "la nature
du crime reproché au requérant" ne reflète aucunement la situation
réelle dans laquelle il se trouvait. Les cours n'auraient pris en
considération ni l'état de santé du requérant, ni sa "souffrance
morale".
66. Se basant sur une chronologie détaillée des actes de procédure
accomplis dans cette affaire, le Gouvernement fait observer qu'à chaque
audience, la situation du requérant a été examinée par la cour soit à
sa demande, soit d'office. Le Gouvernement souligne que les
juridictions pénales ont fondé leurs décisions de prolonger la
détention provisoire du requérant sur la gravité des faits qui lui
étaient reprochés, sur celle des peines encourues, ainsi que sur
l'absence de domicile fixe du requérant en Turquie.
67. Le Gouvernement ajoute que le requérant a été condamné à une
peine d'emprisonnement largement supérieure à la durée de sa détention
provisoire. Il en résulte, selon le Gouvernement, que la détention
était légale et justifiée.
68. La Commission a examiné les arguments présentés par les parties
et est parvenue aux conclusions suivantes.
69. En ce qui concerne le risque de fuite, motivé par la 1ère et
la 2ème cour d'assises par la "nature des infractions reprochées" (en
fonction de la présomption de danger de fuite que prévoit la loi pour
les accusés de crime) et par "la date de mise en détention", la
Commission rappelle que pareil risque ne peut s'apprécier uniquement
sur la base de la gravité de la peine encourue ; il doit s'analyser en
fonction d'un ensemble d'éléments supplémentaires pertinents, tels que
le caractère de l'intéressé, sa moralité, son domicile, sa profession,
ses ressources, permettant soit de le confirmer, soit de le faire
apparaître à ce point réduit qu'il ne peut plus au-delà d'un certain
temps justifier une détention provisoire (arrêt Neumeister précité,
série A n° 8, p. 39, par. 10 ; arrêt Letellier du 26 juin 1991, série A
n° 207, p. 19, par. 43).
70. La Commission relève que lors de sa détention provisoire, le
requérant n'avait pas d'adresse précise en Turquie étant donné qu'il
avait été arrêté un mois après son arrivée en Turquie. Cette
circonstance pourrait donner à penser que c'est à bon droit que les
juridictions ont pu conclure à la réalité du danger de voir le
requérant se soustraire à la justice, au moins pour ce qui est des
premières années de sa détention.
71. La Commission constate, en revanche, que le requérant, après
avoir purgé sa peine d'emprisonnement en Grèce de 1980 à 1984, est
rentré en Turquie afin d'acquérir la nationalité turque, qui lui fut
accordée en mai 1989. On peut raisonnablement en déduire, dès lors, que
le requérant avait l'intention de mener sa vie en Turquie. Ce fait
semble militer en faveur de la conclusion selon laquelle la fuite du
requérant en cas de mise en liberté paraissait dans les circonstances
de la cause plus qu'improbable.
72. La Commission observe également que les décisions judiciaires
concernant la détention du requérant ne sont pas suffisamment motivées
afin d'établir que le danger de fuite existait jusqu'à la condamnation
du requérant, plus de six ans après sa mise en détention. Les cours
d'assises ont examiné de manière purement abstraite la nécessité de
prolonger la privation de liberté, se bornant à insister notamment sur
la "nature des infractions reprochées".
73. Quant au motif tiré du "contenu du dossier", tel que mentionné
dans les décisions de maintien en détention, la Commission estime qu'il
n'a pas une signification indépendante des autres motifs invoqués par
la cour d'assises.
74. Par ailleurs, la Commission considère qu'il se pose également,
en l'espèce, la question de savoir si, au fur et à mesure que la
détention était maintenue et que les motifs invoqués pour la justifier
perdaient de leur pertinence, les autorités judiciaires turques ont
fait preuve de la "diligence particulière" requise dans le cas d'un
détenu.
75. La Commission relève à cet égard que suite à la saisine, par
erreur, de deux cours d'assises de la même affaire, la procédure pénale
s'est déroulée à partir du 1er novembre 1984 jusqu'au 6 mai 1987 devant
ces deux instances, qui ont procédé en fait à l'accomplissement d'actes
de procédure similaires. Ainsi, plus de deux ans et demi, dont plus de
trois mois situés dans la période pour laquelle la Commission est
compétente ratione temporis, se sont écoulés sans que la 1ère cour
d'assises soit en possession d'une partie des éléments de preuve
contenus dans le dossier ouvert au sein de l'autre juridiction qui
s'est par la suite déclarée incompétente.
76. Par ailleurs, du 12 avril 1988 au 15 juin 1989, pendant plus de
quatorze mois, la 1ère cour d'assises d'Edirne, essaya d'obtenir en
vain, auprès des cours d'assises d'Ankara et d'Istanbul, la traduction
d'un document pouvant constituer un des éléments de preuve.
77. Ce document, traduit en définitive par la défense, ne fut pas
considéré comme pertinent dans cette affaire. Plus de treize mois plus
tard, en date du 19 juillet 1990, un autre document en langue grecque
fut transmis à la 1ère cour d'assises d'Edirne. En octobre 1990,
celle-ci n'était toujours pas en possession de la traduction en turc
de ce dernier document. Pendant tout ce laps de temps, le requérant se
trouvait toujours en détention provisoire.
78. Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, la Commission
estime que la détention provisoire du requérant pendant quatre ans et
un mois environ à partir du 28 janvier 1987, alors qu'il était déjà à
cette date en détention provisoire depuis deux ans et trois mois
environ, a connu une durée excessive et qu'en l'espèce, les autorités
judiciaires n'ont pas témoigné de la diligence nécessaire en pareille
matière.
CONCLUSION
79. La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de
l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention.
D. Sur la violation alléguée de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)
de la Convention.
80. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dispose :
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ... dans
un délai raisonnable, par un tribunal .. qui décidera ... du
bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre
elle."
1. Détermination de la durée de la procédure
81. La Commission rappelle en premier lieu que sa compétence ratione
temporis débute le 28 janvier 1987, date à laquelle a pris effet la
reconnaissance par la Turquie du droit de recours individuel. En
examinant la durée de la procédure pénale qui s'est déroulée après
cette date, la Commission doit tenir compte de l'état où se trouvait
la procédure à cette date (cf. supra par. 56).
82. Le requérant fut arrêté en Turquie le 1er novembre 1984. Le
jugement de condamnation du requérant rendu par la cour d'assises le
19 février 1991 fut confirmé par la Cour de cassation en date du
30 avril 1991.
83. La durée de la procédure mise en cause en l'espèce s'étend donc
du 1er novembre 1984 au 30 avril 1991, soit de six ans et six mois
environ, dont quatre ans et trois mois environ relevant de la
compétence ratione temporis de la Commission.
2. Appréciation de la durée de la procédure
84. Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure doit
s'apprécier suivant les circonstances de la cause et eu égard au
critères consacrés par la jurisprudence des organes de la Convention.
Alors qu'il est vrai que seules les lenteurs imputables à l'Etat
peuvent amener à conclure à l'inobservation du "délai raisonnable", il
échet de relever que le caractère raisonnable de la durée de la
procédure s'apprécie en tenant compte de la complexité de l'affaire,
du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes
(Cour eur. D.H., arrêt Eckle du 15 juillet 1982, série A n° 51, p. 35,
par. 80).
85. Le Gouvernement conclut à l'absence de violation de la
Convention. Il argue de la difficulté d'obtenir des éléments de preuve
dans le cadre du système bilatéral d'entraide judiciaire entre la
Turquie et la Grèce.
86. Le requérant estime que le délai raisonnable prescrit à
l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention n'a pas été respecté.
a. La complexité de l'affaire
87. Le Gouvernement défendeur expose que l'affaire présentait une
certaine complexité en raison des difficultés d'obtenir des éléments
de preuve qui se trouvaient dans le dossier pénal du requérant en
Grèce. Il met surtout l'accent sur les retards auxquels les
juridictions pénales ont été confrontées afin d'obtenir un rapport
d'expertise contenu dans le dossier en Grèce et concernant la nature
des stupéfiants transportés par le requérant de la Turquie en Grèce.
88. Le requérant conteste que l'affaire ait revêtu une complexité
particulière. Il expose que les documents sollicités par les
juridictions turques, notamment les rapports d'analyse des stupéfiants
saisis, avaient été transmis par les autorités grecques en temps utile.
Il ajoute que les juridictions turques ont finalement fondé leur
jugement sur d'autres éléments de preuve que les rapports d'analyse
contenus dans le dossier pénal grec.
89. La Commission constate que les juridictions pénales turques,
appelées à se prononcer sur les accusations portées contre le requérant
et tirées de l'exportation de stupéfiants, ont considéré ce fait comme
établi, en tenant compte des conclusions auxquelles les juridictions
grecques étaient parvenues dans le cadre des poursuites pénales
engagées contre le requérant en Grèce pour importation de drogues. Les
documents concernant ces poursuites avaient été versés au dossier de
la 2ème cour d'assises d'Edirne le 18 juin 1985. La 1ère cour d'assises
d'Edirne a été en possession de ces documents au plus tard le
6 mai 1987.
90. La Commission relève également que dans son jugement du
19 février 1991, la 1ère cour d'assises d'Edirne, alors qu'elle avait
longtemps attendu la production et la traduction d'un rapport d'analyse
qui avait été préparé en Grèce et qui portait sur la composition des
stupéfiants saisis, s'est finalement basée sur d'autres éléments de
preuve que ceux contenus dans le rapport précité, afin d'établir la
culpabilité du requérant. Dans ces circonstances, la Commission ne
saurait admettre que l'affaire présentait une complexité particulière.
b. Comportement du requérant
91. Le requérant soutient qu'en l'espèce, aucun retard de la
procédure ne lui est imputable. Le Gouvernement ne le conteste pas.
92. La Commission ajoute pour sa part qu'en l'espèce, le requérant,
en produisant lui-même, lors de la session du 15 juin 1989, la
traduction d'un document en grec qui se trouvait dans le dossier du
procès, a débloqué une période d'inactivité alors que la 1ère cour
d'assises d'Edirne attendait la traduction officielle de ce document
et a ainsi contribué à accélérer la procédure.
c. Le comportement des autorités judiciaires
93. Le Gouvernement défendeur estime qu'en l'espèce, la 1ère cour
d'assises d'Edirne s'est efforcée de conclure rapidement le procès, en
tenant une audience tous les mois, conformément au Code de procédure
pénale. Selon le Gouvernement, c'est le retard mis par les autorités
grecques pour produire les pièces de procédure qui a été à l'origine
de la durée de la procédure. Il fait observer en outre que le rapport
d'analyse des stupéfiants saisis, n'a jamais été communiqué aux
autorités judiciaires turques. Il soutient que la 1ère cour d'assises
d'Edirne, dès qu'elle a pu établir la nature des stupéfiants en cause
par d'autres moyens, a rendu son jugement sans délai.
94. Le requérant conteste l'argumentation du Gouvernement et soutient
que les autorités grecques ont communiqué les pièces de procédure
conformément à la demande des juridictions turques, mais que celles-ci
n'ont pas utilisé ces pièces en temps utile pour diverses raisons,
entre autres pour n'avoir pas trouvé de traducteur assermenté.
95. La Commission rappelle qu'il incombe aux Etats contractants
d'organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs
juridictions puissent rendre, dans un délai raisonnable, une décision
définitive sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre un justiciable (cf. mutatis mutandis Cour eur. D.H.,
arrêt Pugliese (II) du 24 mai 1991, série A n° 206 A, p. 8, par. 19).
Elle rappelle également que les longues périodes d'inactivité pour
lesquelles le Gouvernement ne fournit aucune explication adéquate (voir
entre autres Cour eur. D.H., arrêt Triggiani du 19 février 1991,
série A n° 197, p. 24, par. 17) ainsi qu'une activité judiciaire trop
intense concentrée sur une phase déterminée de la procédure (cf.
mutatis mutandis Cour eur. D.H., arrêt Bock du 29 mars 1989, série A
n° 150, p. 22, par.47) entrent en ligne de compte pour apprécier le
comportement des autorités judiciaires.
96. La Commission se réfère, à cet égard, à ses considérations
concernant le comportement des autorités judiciaires turques dans la
conduite de la procédure pénale en cause (voir par. 71-74).
97. Il est vrai que le mauvais fonctionnement du système de
l'entraide judiciaire entre la Turquie et la Grèce, semble avoir
contribué à allonger la procédure. Cependant, la Commission est d'avis
qu'il n'en demeure pas moins que les juridictions pénales turques ont
mis un temps considérable pour obtenir la traduction des documents de
faible volume reçus par la voie d'entraide judiciaire, ce qui a retardé
d'autant la procédure.
98. Sur la base des éléments considérés, la Commission estime que la
durée de la procédure dans la mesure où elle se situe dans la période
pour laquelle la Commission est compétente ratione temporis, est
imputable au comportement tenu en l'occurrence par les autorités, en
particulier les autorités judiciaires qui ont connu de l'affaire.
CONCLUSION
99. La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de
l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
RÉCAPITULATION
100. La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de
l'article 5 par. 3 (art. 5-3) de la Convention (par. 76).
101. La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de
l'article 6 par 1 (art. 6-1) de la Convention (par. 96).
Le Secrétaire de la Commission Le Président de la Commission
(H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)
ANNEXE I
HISTORIQUE DE LA PROCEDURE
23 novembre 1989 Introduction de la requête
22 janvier 1990 Enregistrement de la requête
Examen de la recevabilité
13 juillet 1990 Décision de la Commission de porter la requête
à la connaissance du Gouvernement défendeur et
d'inviter les parties à présenter des
observations sur sa recevabilité et son
bien-fondé
9 novembre 1990 Observations du Gouvernement
25 janvier 1991 Observations en réponse du requérant
10 juillet 1991 Décision de la Commission sur la
recevabilité de la requête.
Examen du bien-fondé
15 août 1991 et Observations complémentaires du requérant
16 septembre 1992
14 octobre 1991 Observations complémentaires du Gouvernement
28 février 1994 Adoption du rapport
Textes cités dans la décision