CEDH, Commission (première chambre), MAGNO DI GASPARE, Luisa, 5 décembre 1995, 26007/94
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CEDH, Commission (Première Chambre), 5 déc. 1995, n° 26007/94 |
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Numéro(s) : | 26007/94 |
Type de document : | Rapport |
Date d’introduction : | 3 mai 1993 |
Niveau d’importance : | Importance faible |
Opinion(s) séparée(s) : | Non |
Conclusions : | Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner P1-1 |
Identifiant HUDOC : | 001-47275 |
Identifiant européen : | ECLI:CE:ECHR:1995:1205REP002600794 |
Texte intégral
COMMISSION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME
PREMIERE CHAMBRE
Requête N° 26007/94
Luisa Magno Di Gaspare
contre
Italie
RAPPORT DE LA COMMISSION
(adopté le 5 décembre 1995)
I. INTRODUCTION
1. Le présent rapport concerne la requête No 26007/94 introduite le
3 mai 1993 contre l'Italie et enregistrée le 20 décembre 1994. La
requérante est une ressortissante italienne née en 1946 et réside à
Alba Adriatica (Teramo).
Le Gouvernement défendeur est représenté par son Agent,
M. Umberto Leanza, Chef du service du Contentieux diplomatique au
ministère des Affaires étrangères.
2. Cette requête a été communiquée le 17 janvier 1995 au
Gouvernement. A la suite d'un échange de mémoires, la requête a été
déclarée recevable le 13 septembre 1995 quant au grief de la requérante
tiré de la durée d'une procédure civile et le grief de la requérante
relatif à la violation de l'article 1 du Protocole n° 1. Le texte de
la décision sur la recevabilité est annexé au présent rapport.
3. Ayant constaté qu'il n'existe aucune base permettant d'obtenir
un règlement amiable au sens de l'article 28 par. 1 b) de la
Convention, la Commission (Première Chambre), après délibération, a
adopté le 5 décembre 1995 le présent rapport conformément à
l'article 31 par. 1 de la Convention, en présence des membres
suivants :
M. C.L. ROZAKIS, Président
Mme J. LIDDY
MM. E. BUSUTTIL
A.S. GÖZÜBÜYÜK
A. WEITZEL
M.P. PELLONPÄÄ
B. MARXER
B. CONFORTI
N. BRATZA
I. BÉKÉS
E. KONSTANTINOV
G. RESS
A. PERENIC
C. BÎRSAN
K. HERNDL
4. Dans ce rapport, la Commission a formulé son avis sur le point
de savoir si les faits constatés révèlent, de la part de l'Italie, une
violation de la Convention.
5. Le texte du présent rapport sera transmis au Comité des Ministres
du Conseil de l'Europe conformément à l'article 31 par. 2 de la
Convention.
II. ETABLISSEMENT DES FAITS
6. Le 11 mai 1971, l'entreprise N. assigna le mari de la requérante
devant le tribunal de Teramo afin d'obtenir le paiement d'une somme
pour les travaux de construction d'une maison effectués pour le
défendeur. Le 4 juin 1971, ce dernier présenta une demande
reconventionnelle par laquelle il demanda le dédommagement pour vices
de construction de la maison. En outre, le 22 septembre 1973 le mari
de la requérante assigna, devant la même juridiction, l'entreprise N.
afin que celle-ci lui remette la maison, quoique ne pas encore
terminée. Le 18 décembre 1973, il assigna également l'architecte M.,
l'ingénieur M. et le géomètre M. pour qu'ils fussent condamnés,
solidairement avec l'entreprise N., au paiement des dommages pour vices
de construction de la maison.
7. La mise en état de la première affaire commença le 16 juin 1971.
Après neuf audiences d'instruction, le 28 novembre 1973 cette affaire
fut jointe avec la deuxième. Dix-huit audiences plus tard (le
8 mai 1978), elles furent jointes à la troisième. La mise en état de
l'affaire se termina, treize audiences plus tard, le 25 mars 1980 par
la présentation des conclusions. L'audience de plaidoirie devant la
chambre compétente, fixée au 1er juillet 1980, fut renvoyée d'office
2 décembre 1980.
8. Par un jugement du 6 janvier 1981, dont le texte fut déposé au
greffe le 11 février 1981, le tribunal fit droit aux demandes du mari
de la requérante. Par ordonnance rendue le même jour, il renvoya les
parties devant le juge de la mise en état pour la fixation du
dédommagement.
9. Par actes des 20 et 24 mars, 14 octobre et 6 novembre 1981,
l'ingénieur M., l'architecte M., le géomètre M. et l'entreprise N.
interjetèrent appel de ce jugement partiel.
10. La mise en état de l'affaire commença le 16 juin 1981 devant la
cour d'appel de L'Aquila et se termina, douze audiences plus tard, le
5 février 1985 par la présentation des conclusions. L'audience de
plaidoirie devant la chambre compétente fut fixée au 4 juin 1985. Par
arrêt du 25 juin 1985, dont le texte fut déposé au greffe le
16 juillet 1985, la cour d'appel confirma le jugement de première
instance.
11. Le 14 novembre 1985, l'entreprise N. se pourvut en cassation. Le
26 décembre 1985, le mari de la requérante déposa un pourvoi incident.
Par arrêt du 12 avril 1988, dont la texte fut déposé au greffe le
8 février 1989, la Cour de cassation cassa l'arrêt de la cour d'appel
de L'Aquila et renvoya les parties devant la cour d'appel de Pérouse.
12. Le 23 janvier 1990, le mari de la requérante reprit l'instance
devant la juridiction de renvoi. La mise en état de l'affaire commença
le 29 mars 1990. Par la suite, le mari de la requérante étant
entre-temps décédé, ses héritiers - parmi lesquels figurait la
requérante, se constituèrent lors de l'audience du 13 février 1992.
Après douze autres audiences d'instruction, l'audience du 27 avril 1995
fut d'abord reportée au 25 mai 1995 et, ensuite, renvoyée d'office au
22 juin 1995. Cette audience n'eut pas lieu en raison d'une grève des
avocats. Le 1er août 1995, les parties présentèrent leurs conclusions
et le juge de la mise en état fixa l'audience de plaidoirie devant la
chambre compétente au 9 novembre 1995.
13. Quant à la continuation de la procédure de premier degré portant
sur le quantum du dédommagement (par. 8, in fine, ci-dessus), la mise
en état de l'affaire redémarra le 24 mars 1981 et se poursuivit, au
cours de vingt-deux audiences, jusqu'au 3 octobre 1989. Cette audience
fut renvoyée d'office au 27 février 1990. Ce jour-là, le procès fut
interrompu en raison du décès de l'un des défendeurs. Par décision du
30 novembre 1990, le juge de la mise en état déclara l'extinction de
l'instance, celle-ci n'ayant été reprise dans le délai prévu par la
loi.
14. Par recours du 14 mai 1991, le mari de la requérante demanda au
juge de la mise en état l'annulation de la décision du 30 novembre 1990
pour violation du principe du contradictoire au motif qu'il n'avait pas
été informé du renvoi d'office de l'audience du 3 octobre 1989. Par
ordonnance rendue le 30 septembre 1991, le juge de la mise en état
accueillit cette demande et fixa l'audience pour la continuation de
l'instruction au 25 février 1992. Toutefois, le titulaire de
l'entreprise N. ayant déposé un pourvoi en cassation contre cette
ordonnance, la mise en état de l'affaire fut suspendue dans l'attente
de la décision de la Cour de cassation. L'audience de plaidoirie devant
cette juridiction, fixée au 17 mai 1995, fut renvoyée d'office sine
die.
III. AVIS DE LA COMMISSION
15. La requérante se plaint de la violation du principe du délai
raisonnable prévu à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
Elle fait valoir en outre que la longueur de la procédure litigieuse
aurait porté atteinte au droit au respect de ses biens garanti par
l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1).
16. Cette procédure tend à faire décider d'une contestation sur des
"droits et obligations de caractère civil" et se situe donc dans le
champ d'application de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
17. La procédure litigieuse, qui a débuté le 11 mai 1971 et était
encore pendante au 9 novembre 1995, avait déjà duré, à cette date,
vingt-quatre ans et presque six mois.
Toutefois, la période à considérer ne commence qu'avec la prise
d'effet, le 1er août 1973, de la reconnaissance du droit de recours
individuel par l'Italie et est donc de vingt-deux ans et un peu plus
de quatre mois.
18. Conformément à la jurisprudence de la Cour et de la Commission
en la matière et sur la base des informations fournies par les deux
parties, la Commission a relevé des retards imputables aux juridictions
nationales l'amenant à considérer que la durée de la procédure
litigieuse est excessive et ne répond pas à l'exigence du "délai
raisonnable".
19. La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu, en l'espèce,
violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
20. Quant à la violation alléguée du droit au respect des biens de
la requérante, la Commission ne juge pas nécessaire, vu les
circonstances de la cause et la conclusion figurant au paragraphe 19,
d'examiner s'il y a eu, en l'espèce, violation de l'article 1 du
Protocole N° 1 (P1-1) (voir Cour eur. D. H., arrêt Zanghì du
19 février 1991, série A n° 194-C, pag. 47, par. 23).
21. La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il n'y a pas lieu
d'examiner s'il y a eu, en l'espèce, violation de l'article 1 du
Protocole N° 1 (P1-1).
RECAPITULATION
22. La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il y a eu, en l'espèce,
violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention.
23. La Commission conclut, à l'unanimité, qu'il n'y a pas lieu
d'examiner s'il y a eu, en l'espèce, violation de l'article 1 du
Protocole N° 1 (P1-1).
Le Secrétaire Le Président
de la Première Chambre de la Première Chambre
(M.F. BUQUICCHIO) (C.L. ROZAKIS)