CEDH, Comité des ministres, L'AFFAIRE GRECQUE, 15 avril 1970, 3321/67 et autres

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Comité des Ministres, 15 avr. 1970, n° 3321/67 et autres
Numéro(s) : 3321/67, 3322/67, 3323/67, 3344/67
Résolution : DH (70) 1
Type de document : Résolution
Jurisprudence de Strasbourg : Résolution (69) 51 du 12 décembre 1969
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'art. 3 ; Violation de l'art. 5 ; Violation de l'art. 6 ; Violation de l'art. 8 ; Violation de l'art. 9 ; Violation de l'art. 10 ; Violation de l'art. 11 ; Violation de l'art. 13 ; Violation de l'art. 14 ; Violation de P1-3
Identifiant HUDOC : 001-52306
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Texte intégral

Le Comité des Ministres,

1.      Vu l'article 32 (art. 32) de la Convention de Sauvegarde des

Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée "La

Convention");

2.      Vu le rapport que la Commission européenne des Droits de

l'Homme (ci-après dénommée "La Commission") a établi, conformément à

l'article 31 (art. 31) de la Convention, au sujet des requêtes

introduites contre le Gouvernement de la Grèce le 20 septembre 1967

par les Gouvernements du Danemark, de la Norvège et de la Suède

(n° 3321/67, 3322/67, 3323/67) et le 27 septembre 1967 par le

Gouvernement des Pays-Bas (n° 3344/67);

3.      Considérant que ledit rapport a été transmis au Comité des

Ministres le 18 novembre 1969 et que le délai de trois mois prévu à

l'article 32, paragraphe 1 (art. 32-1), de la Convention s'est écoulé

sans que l'affaire ait été déférée à la Cour européenne des Droits de

l'Homme par application de l'article 48 (art. 48) de la Convention;

4.      Considérant que dans leurs requêtes, dont la Commission a

prononcé la jonction, les gouvernements requérants ont allégué que le

gouvernement défendeur avait violé les articles 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13

et 14 (art. 5, art. 6, art. 8, art. 9, art. 10, art. 11, art. 13,

art. 14) de la Convention et qu'il n'avait pas démontré que les

conditions prévues à l'article 15 (art. 15) de la Convention pour des

mesures de dérogation étaient remplies;

5.      Considérant que les Gouvernements du Danemark, de la Norvège

et de la Suède ont étendu, le 25 mars 1968, leurs allégations

initiales aux articles 3 et 7 (art. 3, art. 7) de la Convention et aux

articles 1 et 3 du Premier Protocole additionnel (P1-1, P1-3);

6.      Considérant que le 24 janvier 1968, la Commission a déclaré

recevables les requêtes initiales, et le 31 mai 1968 également les

nouvelles allégations;

7.      Considérant que dans son rapport, la Commission a exprimé l'avis:

- que les mesures législatives et les pratiques administratives du

gouvernement défendeur ont violé les articles 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13

et 14 (art. 5, art. 6, art. 8, art. 9, art. 10, art. 11, art. 13,

art. 14) de la Convention et l'article 3 du Premier Protocole

additionnel (P1-3);

- que ces mesures et pratiques n'étaient pas et ne sont pas justifiées

sur la base de l'article 15 (art. 15) de la Convention;

- que par la promulgation de l'Acte Constitutionnel "Eta" qui a été

par la suite interprété par l'Acte constitutionnel "Lambda", le

gouvernement défendeur n'a violé ni l'article 7 (art. 7) de la

Convention, ni l'article 1er du Premier Protocole additionnel (P1-1);

- que le gouvernement défendeur a violé l'article 3 (art. 3) de la

Convention;

8.      Considérant que le 12 décembre 1969, le Gouvernement de la

Grèce a dénoncé la Convention européenne des Droits de l'Homme et le

Premier Protocole additionnel et que, conformément à l'article 65,

paragraphe 1 (art. 65-1) de la Convention, cette dénonciation produira

effet le 13 juin 1970;

9.      Considérant que le paragraphe 2 de l'article 65 (art. 65-2) de

la Convention prévoit que la dénonciation "ne peut avoir pour effet de

délier la Haute Partie Contractante intéressée des obligations

contenues dans la présente Convention en ce qui concerne tout fait

qui, pouvant constituer une violation de ces obligations, aurait été

accompli par elle antérieurement à la date à laquelle la dénonciation

produit effet";

10.     Ayant procédé au vote conformément aux prescriptions de

l'article 32, paragraphe 1 (art. 32-1) de la Convention;

11.     Faisant sien l'avis exprimé par la Commission,

12.     Décide:

(a)      que le Gouvernement de la Grèce a violé les articles 3, 5, 6,

8, 9, 10, 11, 13 et 14 (art. 3, art. 5, art. 6, art. 8, art. 9, art. 10,

art. 11, art. 13, art. 14) de la Convention et l'article 3 du Premier

Protocole additionnel (P1-3),

(b)      que le Gouvernement de la Grèce n'a violé ni l'article 7

(art. 7) de la Convention, ni l'article 1er du Premier Protocole

additionnel (P1-1);

13.     Vu la dénonciation du Statut du Conseil de l'Europe par le

Gouvernement de la Grèce, le 12 décembre 1969;

14.     Vu la dénonciation susmentionnée de la Convention européenne des

Droits de l'Homme et du Premier Protocole additionnel, faite à la même

date par le même gouvernement;

15.     Vu la Résolution (69) 51 du 12 décembre 1969;

16.     Ayant examiné les propositions formulées par la Commission,

conformément au paragraphe 3 de l'article 31 (art. 31-3) de la

Convention;

17.     Considérant que le 7 décembre 1969, le Gouvernement de la

Grèce a déclaré qu'il considérait le rapport de la Commission comme

"nul et non avenu" et qu'"il se considère comme juridiquement dégagé

des conclusions du rapport en question";

18.     Considérant que la possibilité a été donnée au Gouvernement de

la Grèce de participer aux discussions du Comité des Ministres lors de

l'examen du rapport de la Commission, mais que, dans une lettre du

19 février 1970, le Gouvernement de la Grèce a déclaré qu'il n'avait

nullement l'intention de participer à celui-ci et que la présence d'un

représentant grec "serait manifestement en contradiction avec la

dénonciation officielle par la Grèce du rapport de la Commission et de

la Convention européenne";

19.     Considérant que, suite à ces circonstances et communications, il

est clairement établi que le Gouvernement de la Grèce n'est pas disposé à

se conformer à ses obligations continues en vertu de la Convention et,

ainsi, au système de garantie collective des droits de l'homme institué

par elle et que, par conséquent, le Comité des Ministres se trouve appelé

à traiter d'une affaire dans des conditions qui ne sont pas précisément

celles prévues par la Convention,

20.     Conclut que dans le cas présent, il n'y a pas de base

permettant de prendre d'autres mesures en vertu du paragraphe 2 de

l'article 32 (art. 32-2) de la Convention;

21.     Conclut qu'il lui appartient ainsi de se prononcer,

conformément au paragraphe 3 de l'article 32 (art. 32-3) de la

Convention, sur la publication du rapport établi par la Commission;

22.     Décide de rendre dès à présent public le rapport établi par la

Commission au sujet des requêtes susmentionnées;

23.     Invite instamment le Gouvernement de la Grèce à rétablir sans

délai les droits de l'homme et les libertés fondamentales en Grèce,

conformément à la Convention et au Premier Protocole additionnel, en

tenant compte entre autres des propositions formulées par la Commission

qui se trouvent ci-annexées;

24.     Invite instamment le Gouvernement de la Grèce, en particulier, à

abolir immédiatement la torture et autre mauvais traitement de détenus et

à mettre immédiatement en liberté les personnes détenues à la suite d'une

décision administrative;

25.     Et décide, par conséquent, de suivre l'évolution en Grèce à cet

égard.

A N N E X E

PROPOSITIONS FORMULEES PAR LA COMMISSION EUROPEENNE DES DROITS DE

L'HOMME

1.      L'arrestation et la détention devraient dans tous les cas être

conformes aux dispositions de l'article 5 (art. 5) de la Convention,

lequel implique en particulier que la pratique de la détention, du

transfert à certains endroits et de l'assignation à y résider ainsi

que de la consignation à domicile par acte administratif devrait être

abolie et les personnes ainsi détenues immédiatement relâchées;

2.      Le principe de l'indépendance du pouvoir judiciaire devrait

être respecté strictement, ce qui implique qu'aucun juge ne devrait

être suspendu ou révoqué, si ce n'est pour des motifs prévus par la

loi et sur décision d'un tribunal institué par la loi.

Les tribunaux militaires ne devraient avoir compétence que pour

connaître des accusations portées contre les membres des forces armées

et des accusations d'atteinte à la sécurité des forces armées portées

contre des civils, alors que les tribunaux répressifs ordinaires

devraient seuls être compétents pour connaître des autres accusations

pénales portées contre ces civils, y compris toutes les accusations

d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité nationale.  La procédure

devant les tribunaux militaires ainsi que devant les tribunaux

répressifs ordinaires devrait être conforme à l'article 6 (art. 6) de

la Convention, lequel implique que les droits de la défense soient

strictement respectés.  Les peines précédemment infligées à des civils

par des cours martiales extraordinaires devraient être soumises à

révision par un tribunal ordinaire.

3.      Le droit de saisir librement des tribunaux indépendants et

impartiaux devrait être assuré aux personnes arrêtées qui allèguent que

les méthodes d'interrogatoire appliquées par les autorités ou les

conditions de détention ne sont pas conformes aux dispositions de

l'article 3 (art. 3) de la Convention.

4.      Il conviendrait d'instaurer un contrôle étroit de la Sûreté

(Asphalia) en ce qui concerne le traitement qu'elle réserve aux

personnes en état d'arrestation, en particulier par les moyens

suivants:

(i)      la surveillance des méthodes d'interrogatoire par des

instances supérieures;

(ii)     l'examen régulier et consigné sur registres de l'état physique

et de la santé générale des détenus;

(iii)    une mesure exigeant que les membres de la famille soient

immédiatement informés par la Sûreté (Asphalia) de l'arrestation ou de

la détention d'une personne pour motifs politiques et qu'ils aient, à

des intervalles raisonnables et réguliers, l'occasion d'aller voir le

détenu;

iv.     la garantie de conditions convenables d'hygiène et

d'alimentation pour les détenus.

5.      Les cellules du sous-sol du bâtiment de la Sûreté (Asphalia),

rue Bouboulinas, à Athènes, ne devraient plus servir de lieux de

détention dans leur état actuel.

6.      Les conditions de séjour dans la prison Avéroff telles

qu'elles sont décrites au paragraphe 16, Partie VI C (Conditions de

détention) du Volume II, Partie I (Page 402), devraient être

améliorées et les camps de détention de Léros devraient cesser d'être

utilisés.

7.      Une indemnisation devrait être accordée dans les cas où il a

été établi par la Commission que des tortures ou des mauvais

traitements ont été infligés (paragraphe 17 (i) de l'Opinion de la

Commission: Vol. II, Partie I du rapport, page 421).

8.      Des enquêtes devraient être ouvertes dans les cas mentionnés

au paragraphe 17 (ii) de l'Opinion de la Commission (Volume II,

Partie I du rapport, page 422) et dans lesquels il n'a pas encore été

établi si des tortures ou des mauvais traitements ont ou n'ont pas été

infligés.

9.      Les informations ou les commentaires, oraux ou écrits, de la

presse ou d'ailleurs, qui critiquent le gouvernement ou le régime, ne

devraient pas être soumis à des sanctions de ce seul fait.

10.     Des élections libres à l'Assemblée législative nationale

devraient avoir lieu dès que les conditions nécessaires pourront être

remplies.  Ces conditions devraient assurer "la libre expression de

l'opinion du peuple" (article 3 du Premier Protocole additionnel à la

Convention) (P1-3).  Cela implique que la liberté d'association, pour

la formation de partis politiques, et la liberté de réunion, pour la

tenue de réunions politiques, soient promptement restaurées

conformément à l'article 11 (art. 11) de la Convention.  A cet égard,

la Commission rappelle aussi sa proposition faite au point 9 ci-dessus

et relative à la liberté d'expression.

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