CEDH, Comité des ministres, AFFAIRE SAUNDERS c. LE ROYAUME-UNI, 21 décembre 2004, 19187/91 et autres

  • Royaume-uni·
  • Gouvernement·
  • Procès·
  • Violation·
  • Comités·
  • Accusation·
  • Département·
  • Contrainte·
  • Preuve·
  • Industrie

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CEDH, Comité des Ministres, 21 déc. 2004, n° 19187/91 et autres
Numéro(s) : 19187/91, 29522/95, 30056/96, 30574/96
Résolution : DH (2004) 88
Type de document : Résolution
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Informations fournies par le gouvernement concernant les mesures prises permettant d'éviter de nouvelles violations. Versement des sommes prévues dans l'arrêt.
Identifiant HUDOC : 001-67800
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

Résolution ResDH(2004)88

Deux arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme contre le Royaume-Uni concernant des violations du droit de ne pas s'auto-incriminer
- arrêt du 17 décembre 1996 dans l'affaire Saunders contre le Royaume-Uni

- arrêt du 19 septembre 2000 (définitif le 19 décembre 2000) dans l'affaire I.J.L., G.M.R. et A.K.P. contre le Royaume-Uni

(adoptée par le Comité des Ministres le 21 décembre 2004,
lors de la 906e réunion des Délégués des Ministres)

Le Comité des Ministres, en vertu de l'ancien article 54 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ainsi qu' en vertu de l'article 46, paragraphe 2 de la Convention (ci‑après dénommée « la Convention »),

Vu les arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme rendus dans les affaires Saunders et I.J.L. et autres[1], et transmis au Comité des Ministres afin de surveiller leur exécution ;

Rappelant qu'à l'origine de ces affaires se trouvent des requêtes dirigées contre le Royaume-Uni et que la Commission européenne et la Cour européenne ont déclaré recevables les griefs des requérants selon lesquels, dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre eux, ils avaient été privés d'un procès équitable en raison de l'utilisation par l'accusation des preuves qu'ils avaient fourni sous contrainte légale1 ;

Rappelant que la Cour européenne par la suite a constaté dans ces affaires qu'il y avait eu violation du droit des requérants, garanti par l'article 6, paragraphe 1, à ne pas s'auto-incriminer en raison de l'utilisation par l'accusation lors de leur procès des déclarations de nature à les incriminer, déclarations qu'ils avaient faites sous contrainte légale aux inspecteurs nommés par le Département du Commerce et de l'Industrie1 et a octroyé aux requérants des sommes variables en tant que satisfaction équitable1 ;

Vu les Règles adoptées par le Comité des Ministres relatives à l'application de l'article 46, paragraphe 2, de la Convention telle qu'amendée par le Protocole no 11, règles qui s'appliquent par décision du Comité des Ministres aux affaires relevant de l'ancien article 54 ;

Ayant invité le gouvernement de l'Etat défendeur à l'informer des mesures prises à la suite des arrêts susmentionnés, eu égard à l'obligation qu'a le Royaume-Uni de s'y conformer selon l'ancien article 53 de la Convention ainsi que l'article 46 de la Convention ;

S'étant assuré que, dans le délai imparti, le gouvernement britannique a versé aux requérants les sommes octroyées par la Cour européenne en tant que satisfaction équitable1 ;

Considérant que, pendant l'examen de l'affaire par le Comité des Ministres, celui-ci a été informé de l'issue de la procédure interne déclenchée par les requérants en vue d'obtenir l'annulation de leur condamnations, ainsi que des mesures prises par les autorités du Royaume-Uni afin d'éviter de nouvelles violations semblables à celles constatées dans les présents arrêts (ces informations sont incluses dans Annexe I) ;

Considérant, en ce qui concerne l'obligation du Royaume-Uni d'assurer, en tant que possible, la restitutio in integrum pour les requérants, que les motifs invoqués par le gouvernement défendeur afin de ne pas rouvrir la procédure en question ne dispensent par le Comité d'examiner, du point de vue de la Convention, si une telle mesure, ou d'autres mesures visant à effacer les conséquences de la violation, s'imposent ;

Considérant à cet égard que les circonstances spécifiques dans lesquelles les preuves incriminées ont été obtenues et utilisées ne paraissent pas jeter de doutes sérieux quant à leur crédibilité et que nul autre élément ne paraît suggérer que les condamnations ont été erronées ou arbitraires, le Comité est satisfait que les violations constatées par la Cour européenne n'étaient pas de nature à jeter de doutes sérieux sur le résultat de la procédure se trouvant à l'origine des griefs des requérants (cf. Recommandation no R (2000)2 sur le réexamen ou la réouverture de certaines affaires au niveau interne suite à des arrêts de la Cour européenne des Droits de l'Homme) ;

Concluant que le Royaume-Uni n'était dès lors pas tenu, en vertu de l'article 46 de la Convention, d'adopter aucune mesure, outre la satisfaction équitable octroyée par la Cour, afin d'effacer les conséquences pour les requérants de la violation constatée ;

Rappelant, en ce qui concerne les mesures d'ordre général que l'Etat responsable était appelé à adopter sans retard afin de prévenir de nouvelles violation similaires de la Convention, que de telles mesures ont été adoptées à la suite de l'arrêt de la Cour dans l'affaire Saunders (voir la Résolution Intérimaire DH(2000)27 et les informations supplémentaires contenues dans Annexe II) ;

Déclare qu'il a rempli ses fonctions en vertu de l'ancien article 54 ainsi que l'article 46 de la Convention dans les présentes affaires.

Annexe I à la Résolution ResDH(2004)88

Informations fournies par le Gouvernement du Royaume-Uni
lors de l'examen de l'affaire Saunders et de l'affaire I.J.L. et autres
par le Comité des Ministres

En ce qui concerne les mesures de caractère individuel

Le Gouvernement rappelle que les requérants ont été condamnés pour des infractions pénales, nonobstant le fait que de l'avis de la cour d'appel selon lequel une partie importante des poursuites menées à leur encontre consistait en des transcriptions d'informations qu'ils avaient données sous contrainte légale aux inspecteurs nommés par le Département du Commerce et de l'Industrie, et que la Cour européenne a constaté que l'utilisation faite de ces preuves dans la procédure criminelle violait leur droit au silence et à ne pas s'auto incriminer.

Etant donné que ce type de preuve était spécifiquement autorisée par la législation en vigueur au moment des faits (Section 434 du « Companies Act » de 1985), la demande d'annulation de leur condamnation, soumise par les requérants dans ces affaires à la suite de l'arrêt de Strasbourg, a été rejeté par les juridictions internes (la cour d'appel et la « House of Lords »), qui ont souligné que le bien-fondé des condamnations pénales devait être examiné au regard de la loi telle qu'elle existait au moment du procès ; dans la mesure où ni la réforme législative de 1999 (voir mesures de caractère général ci-dessous) ni l'adoption du « Human Rights Act » de 1998 n'ont d'effet rétroactif.

Par ailleurs, le Gouvernement note que, selon la cour d'appel, il existait contre les requérants d'autres preuves substantielles en dehors des auditions données aux inspecteurs nommés par le Département du Commerce et de l'Industrie, et qu'il était dès lors impossible de spéculer sur l'issue du procès en l'absence des preuves litigieuses. De plus, la « House of Lords » a souligné que s'il existait d'autres allégations d'iniquité, en dehors de celle relative aux preuves obtenues sous contrainte légale, le tribunal du fond aurait pu les examiner sur la base de la section 78 du « Police and Criminal Evidence Act » de 1984. Enfin, la cour d'appel s'est référée au fait qu'un procès d'assises plus de 10 ans après le premier procès et plus de 14 ans après les faits concernés ne serait pas approprié, en particulier à la lumière de l'âge et de l'état de santé des requérants.

Dans ces circonstances, le Gouvernement considère que des mesures complémentaires, telles que l'annulation des condamnations ou d'autres moyens d'effacer les conséquences de la violation, placeraient les requérants dans une position plus favorable que celle dans laquelle ils étaient avant la violation, ce qui irait au-delà des obligations du Royaume-Uni sous l'article 46 de la Convention.

En ce qui concerne les mesures de caractère général

Des mesures provisoires ont été adoptées par le Procureur Général (Attorney General) en février 1998 en vue de prévenir dans la mesure du possible que de nouvelles violations semblables de la Convention ne se  produisent de nouveau sous l'empire de la législation existante. Ces mesures ont été incluses dans une circulaire à l'intention des procureurs (Guidance Note for Prosecutors) sur le traitement des affaires dans lesquelles l'accusation dispose, parmi les pièces visant à soutenir sa thèse, de déclarations obtenues sous la contrainte.

Selon cette circulaire, les déclarations obtenues en vertu d'une procédure comportant le pouvoir de contraindre à fournir des réponses, quel que soit le système d'instruction ou de réglementation, ne peuvent être utilisées dans le cadre d'une procédure pénale ultérieure pour soutenir la thèse de l'accusation, sauf aux fins très limitées des procédures pour infractions liées à l'administration des preuves (par exemple en cas de parjure). La circulaire concerne donc non seulement les preuves obtenues grâce à l'exercice des pouvoirs prévus par l'article 434 de la loi de 1985 sur les sociétés, qui constituait une question litigieuse dans l'affaire Saunders contre le Royaume-Uni, mais aussi les preuves obtenues en vertu de pouvoirs analogues. La circulaire limite également l'emploi par les procureurs de déclarations faites sous la contrainte aux fins d'une audition contradictoire.

Des démarches ont été initiées aussi sur le plan législatif, ayant abouti à l'adoption de la loi de 1999 sur la justice pour les mineurs et les preuves pénales (Youth Justice and Criminal Evidence Act), entrée en vigueur en 2000. Cette loi ajoute une nouvelle disposition à l'article 434 de la loi de 1985 sur les sociétés, qui prévoit que nulle preuve fondée sur les déclarations données aux inspecteurs nommés par le Département du Commerce et de l'Industrie par des personnes enquêtées ne peut pas être utilisée, sauf aux fins très limitées, dans le cadre des procédures pénales contre eux.

Le Gouvernement du Royaume-Uni estime, en vue des mesures adoptées, que les violations de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention constatées par la Cour européenne dans ces affaires ont été pleinement remédiées et que le Royaume-Uni a dès lors respecté ses obligations en vertu de l'article 46, paragraphe 1, de la Convention.

Annexe II

A l'origine de l'affaire Saunders se trouve une requête (no 19187/91) dirigée contre le Royaume-Uni, introduite devant la Commission européenne des Droits de l'Homme le 20 juillet 1988 en vertu de l'article 25 de la Convention, par M. Ernest Saunders, ressortissant britannique. La Commission a déclaré recevable le grief selon lequel l'utilisation à son procès des déclarations faites par lui devant les inspecteurs nommés par le Département du Commerce et de l'Industrie « Department of Trade and Industry » en vertu de leurs pouvoirs contraignants l'avait privé d'un procès équitable.

L'affaire a été portée devant la Cour par la Commission et par le Gouvernement du Royaume-Uni les 9 et 13 septembre 1994 respectivement ;

Dans son arrêt du 17 décembre 1996  la Cour:

-  a dit, par seize voix contre quatre, qu'il y avait eu violation de l'article  6, paragraphe 1, de la Convention ;

-  a dit, à l'unanimité, que le constat d'une violation fournissait en soi une satisfaction équitable pour le préjudice moral éventuellement subi ;

-  a dit que le Gouvernement du Royaume-Uni devait verser au requérant, dans les trois mois, 75 000 livres sterling pour frais et dépens, et que ce montant serait à majorer d'un intérêt non-capitalisable de 8 % l'an à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement ;

- a rejeté, à l'unanimité, les prétentions du requérant pour le surplus ;

Le 27 février 1997, dans le délai imparti, le Gouvernement de l'Etat défendeur a versé au requérant les sommes prévues dans l'arrêt du 17 décembre 1996.

A l'origine de l'affaire I.J.L. et autres se  trouvent trois requêtes (nos 29522/95, 30056/96 et 30574/96) dirigées contre le Royaume-Uni, introduite devant la Commission européenne des Droits de l'Homme le 30 novembre, 18 décembre et 8 décembre respectivement, en vertu de l'ancien article 25 de la Convention, par M. I.J.L., M. G.M.R. et M. A.K.P., trois ressortissants britanniques. La Cour, saisie de cette affaire en vertu de l'article 5, paragraphe 2, du Protocole no 11, a déclaré recevables les griefs des requérants portant sur le fait que, dans le cadre de la procédure pénale dirigée contre eux, ils ont été privés d'un procès équitable en raison de (1) l'utilisation par l'accusation des preuves qu'ils avaient fourni sous contrainte légale ; (2) la prétendue collusion illicite entre les différents organes impliqués ; (3) la prétendue omission de l'accusation de divulguer des matériaux pertinents pour leur défense et (4) la prétendue durée non raisonnable de la procédure pénale.

Dans son arrêt du 19 septembre 2000, la Cour, à l'unanimité :

- a dit qu'il y avait eu violation de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention quant à l'usage fait par l'accusation au procès des requérants des déclarations les incriminant qu'ils avaient données sous contrainte légale aux inspecteurs nommés par le Département du Commerce et de l'Industrie ;

- a dit qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention quant à l'allégation de collusion illégitime entre les inspecteurs nommés par le Département du Commerce et de l'Industrie et les autorités de poursuite ;

- a dit qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention quant à l'allégation de non-divulgation d'éléments par l'accusation ;

- a dit qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention quant à la durée de la procédure pénale dirigée contre les requérants ;

- a dit que le grief tiré par les requérants de l'article 6, paragraphe 2, de la Convention quant à l'usage fait par l'accusation à leur procès des procès-verbaux de leurs entretiens avec les inspecteurs du DTI ne soulèvait aucune question distincte.

Dans son arrêt sur la satisfaction équitable du 25 septembre 2001 (définitif le 25 décembre 2001), la Cour, à l'unanimité :

- a dit que le Gouvernement de l'Etat défendeur devait verser aux requérants, dans les trois mois à partir de la date quand l'arrêt devient définitif, une somme globale de 40 000 livres sterling au titre des frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, et que ces montants seraient à majorer d'un intérêt simple de 7,5 % l'an à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement ;

- a rejeté les prétentions des requérants en matière de satisfaction équitable pour le surplus ;

Le 24 mars 2002, dans le délai imparti, le Gouvernement de l'Etat défendeur a versé aux requérants les sommes prévues dans l'arrêt du 25 septembre 2001.


[1] Pour plus de détails, voir l’annexe II à la présente résolution.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Comité des ministres, AFFAIRE SAUNDERS c. LE ROYAUME-UNI, 21 décembre 2004, 19187/91 et autres