CEDH, Communiqué de presse sur l'affaire 11002/05, 27 février 2007

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 27 févr. 2007
Type de document : Communiqués de presse
Organisation mentionnée :
  • ECHR
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 003-1938649-2038518
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Sur les parties

Texte intégral

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

133

27.2.2007

Communiqué du Greffier

ARRÊT DE CHAMBRE
ASSOCIATED SOCIETY OF LOCOMOTIVE ENGINEERS & FIREMEN (ASLEF)
c. ROYAUME-UNI

La Cour européenne des Droits de l’Homme a communiqué aujourd’hui par écrit son arrêt de chambre[1] dans l’affaire Associated Society of Locomotive Engineers & Firemen (ASLEF) c. Royaume-Uni (requête no 11002/05).

La Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 11 (liberté de réunion et d’association) de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

En application de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour alloue à l’association requérante 53 900 euros (EUR) pour frais et dépens. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

1.  Principaux faits

Le requérant, Associated Society of Locomotive Engineers & Firemen (ASLEF), est un syndicat indépendant qui représente principalement les conducteurs de trains des chemins de fer britanniques. Il compte environ 18 000 adhérents, et la plupart des conducteurs de train en sont membres. Les différentes sociétés intervenant dans le réseau ferroviaire britannique ne sont pas liées par des accords de « closed shop », et les cheminots, y compris les conducteurs de train, sont libres d’adhérer à l’ASLEF ou à un autre syndicat, ou de ne pas se syndiquer du tout.

L’un des buts déclarés de l’ASLEF est « d’aider à faire évoluer le mouvement syndical vers une société socialiste » et «  de promouvoir et développer des politiques volontaristes en ce qui concerne l’égalité de traitement dans notre secteur d’activité et au sein de l’ASLEF, quels que soient le sexe, l’orientation sexuelle, la situation de famille, la religion, les croyances, la couleur, la race ou l’origine ethnique ».

En 1978, le Congrès annuel des délégués de l’ASLEF, l’organe dirigeant du syndicat, décida de combattre et de « dénoncer les politiques détestables de partis politiques tels que le Front national ».

En février 2002, un certain M. Lee (membre du Parti national britannique – BNP –, parti légal d’extrême-droite, qui s’appelait auparavant le Front national) demanda à adhérer à l’ASLEF, ce qui fut accepté. En avril 2002, M. Lee se présenta comme candidat du BNP aux élections locales à Bexley.

Le 17 avril 2002, un syndicaliste de l’ASLEF envoya un rapport au Secrétaire général concernant M. Lee, qui contenait des informations indiquant que celui-ci était un militant actif du BNP, avait distribué des brochures anti-islamiques déguisé en prêtre et s’était présenté en 1998 sur la liste du BNP à Newham. Le rapport incluait un article rédigé par M. Lee pour Spearhead, la revue du BNP, et une télécopie provenant du comité de Bexley pour l’égalité raciale expliquant que M. Lee avait gravement harcelé des militants de la ligue contre le nazisme.

Lors d’une réunion tenue le 19 avril 2002, le bureau exécutif de l’ASLEF se prononça à l’unanimité pour l’exclusion de M. Lee, au motif que son appartenance au BNP ne pouvait se concilier avec l’adhésion à l’ASLEF, que l’intéressé était susceptible de porter atteinte à la réputation du syndicat et qu’il était hostile aux objectifs de celui-ci.

La procédure engagée par M. Lee devant le tribunal du travail pour contester son exclusion aboutit à une décision qui lui était favorable, fondée sur l’article 174 de la loi codifiant les dispositions relatives aux syndicats et aux relations du travail, qui interdit aux syndicats d’exclure totalement ou partiellement une personne, adhérente ou non, en raison de l’appartenance de cette personne à un parti politique.

Le syndicat requérant saisit la cour du travail qui, le 10 mars 2004, annula la décision de première instance et renvoya l’affaire devant un autre tribunal du travail. La cour estima qu’un syndicat pouvait exclure un de ses membres en raison de son comportement mais pas en raison de son appartenance à un parti politique.

M. Lee obtint de nouveau gain de cause devant le deuxième tribunal du travail au motif que son exclusion « était motivée principalement par son appartenance au BNP ».

En conséquence, le syndicat requérant a été obligé de réintégrer M. Lee parmi ses membres, au mépris de ses propres règles. Si le requérant n’avait pas réadmis M. Lee, il aurait dû lui verser une indemnité, dont le montant minimum est actuellement fixé par la loi à un peu plus de 8 600 EUR, et qui n’est pas plafonné. Alors même qu’il a réadmis M. Lee, le syndicat requérant risque toujours d’être condamné à verser à M. Lee, si celui-ci présente une demande d’indemnisation, un montant pouvant aller jusqu’à 94 200 EUR.

2.  Procédure et composition de la Cour

La requête a été introduite devant la Cour européenne des Droits de l’Homme le 24 mars 2005.

L’arrêt a été rendu par une chambre de sept juges composée de :

Josep Casadevall (Andorran), président,
Nicolas Bratza (Britannique),
Stanislav Pavlovschi (Moldave),
Lech Garlicki (Polonais),
Ljiljana Mijović (ressortissante de la Bosnie-Herzégovine),
Ján Šikuta (Slovaque),
Pâivi Hirvelä (Finlandaise), juges,

ainsi que de Lawrence Early, greffier de section.

3.  Résumé de l’arrêt[2]

Grief

Invoquant l’article 11 de la Convention, le syndicat requérant alléguait s’être trouvé dans l’incapacité d’exclure l’un de ses membres au motif que celui-ci adhérait au Parti national britannique, parti politique défendant des idées contraires aux siennes propres.

Décision de la Cour

Article 11

La Cour relève que, de même qu’un employé ou un salarié doit être libre d’adhérer ou de ne pas adhérer à un syndicat sans être sanctionné ou subir des pressions, un syndicat doit pouvoir librement choisir ses membres. L’article 11 ne saurait s’interpréter comme faisant obligation aux associations ou organisations d’admettre en leur sein quiconque souhaite en devenir membre. Les associations étant composées de personnes qui, mues par des valeurs ou idéaux particuliers, ont l’intention de poursuivre des buts communs, ce serait aller à l’encontre de l’effectivité même de la liberté en jeu si elles n’avaient aucun contrôle sur l’affiliation de leurs membres.

La question soulevée dans la présente affaire concerne la mesure dans laquelle l’Etat peut intervenir pour protéger un syndiqué, en l’occurrence M. Lee, contre des mesures prises à son encontre par son syndicat, le requérant.

Nul ne conteste qu’il y a eu ingérence dans la liberté d’association du requérant (article 174), que l’ingérence était prévue par la loi et qu’elle visait à protéger le droit des individus, tels que M. Lee, d’exercer leurs divers droits et libertés politiques sans entrave injustifiée.

Concernant la question de savoir si l’Etat a ménagé un juste équilibre entre les droits de M. Lee et ceux du syndicat requérant, la Cour n’est pas convaincue que la mesure d’expulsion ait porté atteinte de façon notable à l’exercice par M. Lee de sa liberté d’expression ou de ses activités politiques légales. De même, il n’apparaît pas que M. Lee ait subi un préjudice particulier, hormis la perte de l’affiliation au syndicat. Etant donné, par exemple, qu’il n’y avait pas d’accord de « closed shop » en jeu, M. Lee ne semble pas avoir subi de préjudice apparent en termes de revenus ou de conditions d’emploi. La Cour tient compte du fait que l’affiliation à un syndicat est souvent considérée, eu égard en particulier du contexte historique du mouvement syndical, comme une garantie fondamentale pour le salarié contre les abus des employeurs, et elle a quelque sympathie pour l’idée que tout travailleur devrait être en mesure d’adhérer à un syndicat. Toutefois, l’ASLEF représente tous les salariés dans le cadre des négociations collectives, et rien ne laisse entendre que M. Lee courait un risque particulier d’être victime, ou n’était pas protégé, d’une quelconque action arbitraire ou illégale de la part de son employeur.

Le droit du syndicat de choisir ses membres prime dans cette affaire. Historiquement, les syndicats au Royaume-Uni et partout ailleurs en Europe étaient, et, dans une moindre mesure, sont toujours communément liés à des partis ou mouvements politiques, de gauche en particulier. Il ne s’agit pas seulement d’organes se consacrant à des aspects politiquement neutres du bien-être de leurs membres ; ce sont souvent des organisations idéologiques ayant des positions qu’ils défendent vigoureusement sur des questions sociales et politiques. Rien dans la procédure interne ne donne à croire que le requérant se soit trompé dans sa conclusion selon laquelle les valeurs et idéaux politiques de M. Lee étaient en contradiction fondamentale avec les siennes propres. Rien n’indique que le requérant se soit vu conférer un devoir ou un rôle public, ou qu’il ait bénéficié de fonds publics de sorte que l’on pourrait raisonnablement estimer qu’il soit tenu d’accepter des membres afin de s’acquitter de responsabilités plus vastes.

Quant à l’affirmation du Gouvernement selon laquelle le droit interne aurait autorisé l’exclusion de M. Lee si le syndicat requérant s’était contenté de justifier l’exclusion en invoquant un comportement de l’intéressé non lié à son affiliation à la BNP, la Cour relève que le tribunal du travail a estimé que les objections du requérant concernant M. Lee se fondaient essentiellement sur son appartenance à ce parti. La Cour estime qu’il n’était pas raisonnable d’attendre du requérant qu’il se contente d’invoquer la conduite générale de M. Lee, celle-ci étant essentiellement dictée par l’appartenance de l’intéressé à la BNP et traduisant son adhésion aux buts de ce parti.

En conséquence, en l’absence de tout inconvénient notable subi par M. Lee et de toute conduite abusive ou déraisonnable du syndicat requérant, la Cour conclut à la violation de l’article 11.

***

Les arrêts de la Cour sont disponibles sur son site Internet (http://www.echr.coe.int).

Contacts pour la presse

Emma Hellyer (téléphone : 00 33 (0)3 90 21 42 15)
Stéphanie Klein (téléphone : 00 33 (0)3 88 41 21 54)
Beverley Jacobs (téléphone : 00 33 (0)3 90 21 54 21)
 

La Cour européenne des Droits de l’Homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950.


[1].  L’article 43 de la Convention européenne des Droits de l’Homme prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre (17 membres) de la Cour. En pareille hypothèse, un collège de cinq juges examine si l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses protocoles ou encore une question grave de caractère général. Si tel est le cas, la Grande Chambre statue par un arrêt définitif. Si tel n’est pas le cas, le collège rejette la demande et l’arrêt devient définitif. Autrement, les arrêts de chambre deviennent définitifs à l’expiration dudit délai de trois mois ou si les parties déclarent qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.

[2].  Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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