CEDH, Communiqué de presse sur l'affaire 18712/03, 8 mars 2007

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Texte intégral

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

153

08.03.2007

Communiqué du Greffier

AUDIENCE DE CHAMBRE
THIERMANN ET AUTRES c. NORVÈGE

La Cour européenne des Droits de l’Homme tient ce 8 mars 2007 à 9 heures une audience de chambre sur la recevabilité et le fond dans l’affaire Thiermann et autres c. Norvège (requête no 18712/03).

Les requérants

Les requérants sont 154 ressortissants norvégiens, quatre ressortissants suédois et un ressortissant allemand. Ils sont tous nés de mères norvégiennes et de pères allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Certains d’entre eux furent enregistrés comme ayant été conçus dans le cadre de la « Lebensborn », une politique nazie qui fut instituée par Heinrich Himmler en 1935 pour encourager la procréation d’enfants considérés comme racialement et génétiquement purs.

Résumé des faits

Entre la fin de l’année 1940 et le 8 mai 1945, 10 000 à 12 000 enfants naquirent en Norvège de mères norvégiennes et de pères allemands. On les qualifie d’« enfants de guerre » (krigsbarn).

Vers la fin de la guerre et après la libération, ils furent couverts d’opprobres par un certain nombre de personnalités publiques, au nombre desquelles figuraient des ecclésiastiques et des médecins, qui les décrivirent comme étant des attardés mentaux atteints d’anomalies génétiques et susceptibles de se rallier à l’idéologie nazie.

Beaucoup de mères « d’enfants de guerre » furent marginalisées, eurent de grandes difficultés à trouver un emploi et durent faire adopter leurs enfants ou les placer en  famille d’accueil ou en institution. Nombre d’entre eux furent privés du nom qu’ils avaient reçu à la naissance et de leur identité, firent l’objet de discrimination, de brimades, de mauvais traitements, ne reçurent aucun soin pour les problèmes psychologiques dont ils souffraient et furent reconnus invalides dès leur plus jeune âge. Certains furent internés dans des hôpitaux psychiatriques sans avoir été examinés par des spécialistes, d’autres se virent refuser la délivrance d’un acte de baptême.   

Dans les vœux qu’il adressa au peuple norvégien le 1er janvier 2000, le premier ministre Kjell Magne Bondevik présenta ses excuses aux nombreux « enfants de guerre » qui avaient été victimes de discrimination et avaient subi des injustices.


Les intéressés soutiennent avoir été soumis à différentes sortes de mauvais traitements, harcèlements et discriminations, notamment : 

  • Werner Hermann Thiermann (né en 1941) et un autre « enfant de guerre » furent enfermés pendant toute une journée dans une porcherie où régnait une chaleur intolérable parce qu’ils « puaient ». Bien qu’ils fussent pratiquement inconscients quand on les en fit sortir, on les lava de la manière la plus énergique en utilisant une brosse de piassava, de l’eau et de l’ammoniaque. L’intéressé subit des brimades qui ne furent jamais sanctionnées et fut violé à l’âge de neuf ans par des élèves plus vieux que lui dans l’enceinte de l’école qu’il fréquentait sans que son professeur tentât de s’y opposer ;
  • Harriet von Nickel (née en 1942) était souvent enfermée et parfois attachée à une laisse par son père adoptif, qui la battait lorsqu’il regagnait son domicile. Elle avait neuf ou dix ans lorsqu’on lui grava avec les ongles une croix gammée sur le front ;
  • Anne-Marie Grübe (née en 1944) était régulièrement battue par sa grand-mère et ses tantes qui la séquestraient fréquemment dans la maison où elle habitait ;
  • Gerd Synnøve Andersen (née 1944) était lavée à l’eau bouillante dans le foyer pour enfants dans lequel elle avait été placée. En classe de CM2, un professeur abusa sexuellement d’elle en présence de tous les autres élèves. Lors de son mariage, le prêtre lui recommanda de se faire stériliser ;
  • Karl Otto Zinken, (né en 1941) fut placé dans une école spéciale pour déficients mentaux où il fut violé par deux hommes ;
  • Tove Laila Strand (née en 1941) subit des brûlures infligées par sa mère au moyen d’un fer à repasser et des abus sexuels de la part de son beau-père entre sa sixième et sa quinzième année.
  • Paul Hansen (né en 1942) fut interné dans un établissement pour aliénés jusqu’en 1965 sans avoir subi d’examen psychiatrique.

Le 10 décembre 1999, les sept requérants susmentionnés saisirent le tribunal d’Oslo, dénonçant les violations des articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention européenne des Droits de l’Homme dont ils disaient avoir été victimes en raison de leur statut d’« enfants de guerre ». Le 16 novembre 2001, cette juridiction conclut entre autres que la demande d’indemnisation des requérants avait été soumise trop tard (notamment après l’expiration du délai légal de 20 ans).

Par un arrêt du 21 juin 2002, la Cour d’appel confirma la décision du tribunal d’Oslo à l’unanimité. Le 11 décembre 2002, le comité de sélection des recours devant la Cour suprême leur refusa l'autorisation de la saisir. Certains des autres intéressés intentèrent eux aussi des actions sur lesquelles il fut sursis à statuer en attendant qu’une décision juridiquement contraignante fût rendue dans l’affaire concernant les sept premiers requérants.   

Griefs

Invoquant les articles 3, 8 et 14, les requérants se plaignent du traitement qu’ils ont subi en raison de leur statut d’ « enfants de guerre » et du fait que les autorités n’ont pris aucune mesure de réparation par la suite. Ils allèguent que les violations dont ils disent avoir été victimes revêtent un caractère continu car on leur rappelle toujours le jugement négatif que l’on porte sur leurs origines et leur valeur.


Procédure

La requête a été introduite devant la Cour européenne des Droits de l’Homme le 10 juin 2003.

Composition de la Cour

L’affaire sera examinée par une chambre qui siégera dans la composition suivante :

Christos Rozakis (Grec), président,
Loukis Loucaides (Cypriote),
Anatoli Kovler (Russe),
Elisabeth Steiner (Autrichienne),
Khanlar Hajiyev (Azerbaïdjanais),
Dean Spielmann (Luxembourgeois),
Sverre Erik Jebens (Norvégien), juges,
Nina Vajić (Croate),
Giorgio Malinverni (Suisse), juges suppléants,

ainsi que Søren Nielsen, greffier de section.

Représentants des parties

Gouvernement :Thomas G. Naalsund, agent,

Therese Steen, Fanny Platou Amble, Jorunn Nygaards, Heidi Rusten Lohrmann, conseillers ;

Requérants :Randi Hagen Spydevold, conseil,

Katrine Hellum Øren, conseillère.

***

Après les débats commenceront les délibérations de la Cour, qui se tiendront en chambre du conseil. Une décision sur la recevabilité suivie le cas échéant d’un arrêt, sera rendue ultérieurement.[1]

Contacts pour la presse

Emma Hellyer (téléphone : 00 33 (0)3 90 21 42 15)
Stéphanie Klein (téléphone : 00 33 (0)3 88 41 21 54)
Beverley Jacobs (téléphone : 00 33 (0)3 90 21 54 21)
 

La Cour européenne des Droits de l’Homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950.


[1] Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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