CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE HADJIANASTASSIOU c. GRÈCE, 16 décembre 1992, 12945/87

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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Conseil Constitutionnel · Conseil constitutionnel · 2 mars 2018

Décision n° 2017 - 694 QPC Articles 362 et 365-1 du code de procédure pénale Motivation de la peine dans les arrêts de cour d'assises Dossier documentaire Source : services du Conseil constitutionnel © 2018 Sommaire I. Contexte des dispositions contestées ..................................................... 6 II. Constitutionnalité de la disposition contestée .................................... 51 III. Doctrine .................................................................................................. 63 2 Table des matières I. Contexte des …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Chambre), 16 déc. 1992, n° 12945/87
Numéro(s) : 12945/87
Publication : A252
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Engel et autres c. Pays-Bas du 8 juin 1976, série A no 22, p. 41, par. 100
Arrêt Granger c. Royaume-Uni du 28 mars 1990, série A no 174, p. 20, par. 55
Arrêt Kruslin c. France du 24 avril 1990, série A no 176-A, p. 21, par. 29
Arrêt Markt Intern Verlag GmbH et Klaus Beermann c. Allemagne du 20 novembre 1989, série A no 165, p. 17, par. 26
Niveau d’importance : Importance élevée
Opinion(s) séparée(s) : Oui
Conclusions : Violation de l'Art. 6-1+6-3-b ; Non-violation de l'Art. 10 ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure nationale ; Remboursement frais et dépens - procédure de la Convention
Identifiant HUDOC : 001-62335
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1992:1216JUD001294587
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Sur les parties

Texte intégral

COUR (CHAMBRE)

AFFAIRE HADJIANASTASSIOU c. GRÈCE

(Requête no12945/87)

ARRÊT

STRASBOURG

16 décembre 1992



En l’affaire Hadjianastassiou c. Grèce[*],

La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention")[*] et aux clauses pertinentes de son règlement, en une chambre composée des juges dont le nom suit:

MM. R. Ryssdal, président,

Thór Vilhjálmsson,

J. De Meyer,

N. Valticos,

S.K. Martens,

Mme E. Palm,

MM. I. Foighel,

R. Pekkanen,

Sir John Freeland,

ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 26 juin et 23 novembre 1992,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:

PROCEDURE

1. L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") le 12 juillet 1991, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (no 12945/87) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet État, M. Constantinos Hadjianastassiou, avait saisi la Commission le 17 décembre 1986 en vertu de l’article 25 (art. 25).

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration grecque reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’État défendeur aux exigences des articles 6 et 10 (art. 6, art. 10).

2. En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 par. 3 d) du règlement, le requérant a manifesté le désir de participer à l’instance et désigné son conseil (article 30).

3. La chambre à constituer comprenait de plein droit M. N. Valticos, juge élu de nationalité grecque (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement). Le 29 août 1991, celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir M. J. Cremona, M. Thór Vilhjálmsson, M. J. De Meyer, Mme E. Palm, M. I. Foighel, M. R. Pekkanen et Sir John Freeland, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement) (art. 43).

Par la suite, M. S.K. Martens, suppléant, a remplacé M. Cremona qui avait quitté la Cour en raison de l’expiration de son mandat et dont le successeur était entré en fonctions avant l’audience (articles 2 par. 3 et 22 par. 1 du règlement).

4. Ayant assumé la présidence de la chambre (article 21 par. 5), M. Ryssdal a consulté par l’intermédiaire du greffier l’agent du gouvernement grec ("le Gouvernement"), le délégué de la Commission et le conseil du requérant au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 par. 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu le mémoire du requérant le 14 février 1992 et celui du Gouvernement le 28. Le 2 juin, le secrétaire de la Commission l’a informé que le délégué s’exprimerait en plaidoirie.

Le 12 mars, la Commission avait fourni au greffier divers documents sollicités par lui auprès d’elle sur la demande du Gouvernement.

5. Ainsi qu’en avait décidé le président, l’audience s’est déroulée en public le 23 juin 1992, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La chambre avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu:

- pour le Gouvernement

M. P. Kamarineas, conseiller

auprès du Conseil juridique de l’État, agent,

Mlle F. Dedoussi, membre

du Conseil juridique de l’État, conseil;

- pour la Commission

M. C.L. Rozakis, délégué;

- pour le requérant

Me R. Nisand, avocat, conseil.

La Cour les a entendus, de même que M. Hadjianastassiou en personne, en leurs déclarations, ainsi qu’en leurs réponses à ses questions.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. Citoyen grec et ingénieur aéronautique, M. Hadjianastassiou servait dans l’armée de l’air à l’époque des faits, avec le grade de capitaine.

Responsable d’un programme (project officer) de conception et de production d’un missile téléguidé, il présenta au Centre des recherches technologiques de l’armée de l’air (le "K.E.T.A."), en 1982, une étude sur ledit missile. En janvier 1983, il soumit à une société privée ("ELFON S.A.R.L.") une autre étude technique sur des missiles téléguidés, rédigée par ses soins.

A. La procédure devant le tribunal permanent de l’armée de l’air d’Athènes

7. Le 4 juillet 1984, une chambre du tribunal permanent de l’armée de l’air d’Athènes (Diarkes Stratodikeio Athinon) inculpa le requérant et une autre personne de divulgation de secrets militaires (article 97 du code pénal militaire - paragraphe 21 ci-dessous).

Le 22 octobre 1984, le tribunal reconnut M. Hadjianastassiou coupable d’avoir communiqué à ELFON une série de dix éléments ainsi que "toutes les autres données techniques et théoriques" figurant dans l’étude du K.E.T.A. Il lui infligea deux ans et six mois d’emprisonnement.

B. La procédure devant la cour d’appel militaire

8. Le condamné et le procureur près la cour d’appel militaire (Epitropos tou Anatheoritikou Dikastiriou) attaquèrent le jugement ainsi rendu.

9. Après avoir tenu audience les 28 février et 1er mars 1985, la cour d’appel militaire désigna deux experts, professeurs à l’Ecole polytechnique d’Athènes, qui, avec deux autres nommés par l’intéressé, comparèrent les deux études.

Dans leur rapport du 26 septembre 1985, les deux professeurs concluaient:

"(...) à notre avis, les deux études du K.E.T.A. et d’ELFON suivent une méthodologie différente, les deux missiles diffèrent entre eux et le second n’est pas une copie du premier (...). Il existe, toutefois, à un certain degré, un transfert inévitable de savoir-faire technique (...). Il n’est pas possible de déterminer à quel point ce transfert eut lieu au-delà de ce qui est mentionné aux alinéas précédents b), c) et d), car l’étude d’ELFON et encore plus celle du K.E.T.A. sont rédigées de manière bâclée et comportent beaucoup d’obscurités et d’omissions; il importe de souligner que dans les deux études les données aérodynamiques sont erronées (...)"

Ils relevèrent que M. Hadjianastassiou possédait un certain savoir-faire, acquis pendant ses études aux États-Unis. Toutefois, sa participation au programme du K.E.T.A. avait enrichi son expérience. Les composantes du missile, ainsi que certaines données théoriques contenues dans les deux études, apparaissaient dans divers manuels versés au dossier et considérés comme "bibliographie accessible". Il ne s’agissait pas de manuels classés "secrets", mais leur accessibilité aux simples particuliers n’était pas certaine.

10. Lors de nouvelles audiences, les 21 et 22 novembre 1985, la cour d’appel militaire entendit dix-neuf témoins sur les points de savoir si les deux études renfermaient des données communes, si l’on pouvait avoir librement accès, dans la littérature scientifique, aux informations leur ayant servi de base et si l’étude destinée au K.E.T.A. était classée "secret militaire".

11. Après les débats, la cour d’appel militaire délibéra en chambre du conseil et examina les questions suivantes, posées par son président:

"1. Constantinos Hadjianastassiou est-il coupable d’avoir, entre octobre 1982 et mars 1983, communiqué et divulgué à des tiers, illégalement et délibérément, des plans et renseignements militaires classés secrets et devant conserver ce caractère au nom des intérêts militaires de l’État grec? [En particulier, est-il coupable d’avoir] (...) en octobre 1982, après avoir pris contact avec la société ELFON S.A.R.L. (...) pour concevoir et rédiger à l’intention de celle-ci une étude portant sur des missiles téléguidés, moyennant une rémunération à fixer avec elle pendant que les travaux seraient en cours, illégalement et délibérément, a) communiqué à ladite société des renseignements généraux relatifs au missile téléguidé sous étude au K.E.T.A. et à ses caractéristiques techniques, bien que sachant, comme officier chargé du programme de conception et de fabrication (project officer) du missile du K.E.T.A., que ces renseignements étaient secrets et que l’intérêt militaire de l’État grec exigeait la préservation de leur caractère secret; b) transmis à ladite société plusieurs éléments provenant de l’étude correspondante, et de même objet, du K.E.T.A. ainsi que de la totalité du programme de fabrication du missile téléguidé grec (laser kit) qui existait dans ce centre et qui concernait à titre principal les dimensions du missile, sa géométrie externe, son périmètre, ses éléments aérodynamiques, son type laser Nd-YAG, son modèle dynamique, son dôme, son diagramme électronique, son système de détection, ses données électroniques de base, ainsi que tous les autres éléments théoriques ou techniques compris dans l’étude d’ELFON S.A.R.L. (...), conçue dans son intégralité sur la base des éléments transmis et divulgués par lui à la société et provenant du programme et de l’étude correspondants du K.E.T.A., bien qu’il sût, en sa qualité de project officer du programme (...), que ces éléments étaient secrets et que l’intérêt militaire de l’État grec exigeait la préservation de leur caractère secret?

2. Se trouve-t-il établi (...) qu’au moment de la divulgation de ces secrets militaires, l’accusé s’estimait, à tort, en droit de procéder à un tel acte ou [au contraire] se croyait à juste titre, pour avoir conçu l’étude du K.E.T.A. et utilisé ses propres connaissances, en droit d’élaborer une nouvelle étude et de la soumettre par l’intermédiaire de la société ELFON S.A.R.L. au Service de l’industrie d’armement? Cette illusion était- elle excusable?

3. Se trouve-t-il établi (...) que les secrets militaires ainsi divulgués, à savoir les renseignements généraux que [l’accusé] a communiqués à la société ELFON au sujet du missile téléguidé (...) et de ses caractéristiques techniques, revêtent une importance mineure?

4. Se trouve-t-il établi (...) que l’accusé pourrait bénéficier de circonstances atténuantes, ayant mené, jusqu’à l’accomplissement de l’acte susmentionné, une vie privée, familiale et professionnelle honnête et non point déréglée?

(...)"

12. Il ressort du procès-verbal des délibérations que la cour d’appel militaire répondit par l’affirmative aux questions 1 a) (quatre voix contre une), 3 et 4 (unanimité), par la négative aux questions 1 b) (quatre voix contre une) et 2 (trois voix contre deux).

13. Statuant en présence de M. Hadjianastassiou le 22 novembre 1985, elle lui infligea une peine de cinq mois d’emprisonnement avec sursis - dont elle déduisit les quatre mois et quatorze jours de détention provisoire - pour divulgation de secrets militaires d’importance mineure (article 97 par. 2 du code pénal militaire, paragraphe 21 ci-dessous).

14. Le président de la cour d’appel militaire donna lecture de l’arrêt, lequel ne mentionnait pas les questions posées aux membres de la juridiction.

15. Afin de prendre connaissance de celles-ci, ainsi que des réponses données, l’intéressé demanda, le 23 novembre 1985, le texte du procès-verbal de l’audience. Le greffier lui aurait dit qu’il faudrait attendre la "mise au propre" de l’arrêt.

C. La procédure devant la Cour de cassation

16. Le 26 novembre 1985 - dans le délai de cinq jours prévu à l’article 425 par. 1 du code pénal militaire (paragraphe 24 ci- dessous) -, M. Hadjianastassiou se pourvut en cassation; dans son pourvoi, long d’une page, il alléguait "l’application et l’interprétation erronées des dispositions en vertu desquelles il a[vait] été condamné, à savoir l’article 97 par. 2 du code pénal militaire".

17. Il reçut une copie de l’arrêt d’appel le 16 décembre; très bref et non motivé, celui-ci ne se référait qu’à la fixation de la peine.

18. Le 23 décembre 1985, le requérant exigea derechef communication du procès-verbal; il l’obtint le 10 janvier 1986. Détaillé et reproduisant en entier les six questions et les réponses recueillies, ce document se terminait ainsi:

"(...)

La Cour, par quatre voix contre une (...), estime l’accusé Hadjianastassiou coupable de divulgation de secrets militaires, infraction commise en Attique entre octobre 1982 et mars 1983.

La Cour, par trois voix contre deux (...), rejette la demande d’application de l’article 31 par. 2 du code pénal (non-culpabilité en cas d’erreur) présentée par la défense.

La Cour, à l’unanimité, admet que les secrets militaires communiqués sont d’importance mineure.

La Cour, à l’unanimité, accorde à l’accusé le bénéfice des circonstances atténuantes (article 84 par. 2 a) du code pénal).

Vu les articles: (...) 97 par. 2 combiné avec le paragraphe 1 et avec l’article 98 e) (...), 366, 368 (...) du code pénal militaire, (...);

(...) eu égard à la gravité des actes commis, à la personnalité de l’accusé, aux dommages causés par l’infraction, à la nature spécifique de celle-ci, aux circonstances particulières dans lesquelles elle a été perpétrée, au degré de l’intention criminelle de l’accusé, au caractère de celui-ci, à sa situation personnelle et sociale, à son comportement antérieur et postérieur à la commission de l’infraction;

La Cour condamne l’accusé à cinq mois d’emprisonnement et aux dépens (...)

Elle déduit de la peine susmentionnée (...) la période de quatre mois et quatorze jours de détention provisoire et fixe à seize jours le restant de la durée de l’emprisonnement.

Considérant que dans le passé l’accusé n’a été ni reconnu coupable d’une infraction ni condamné à une peine d’emprisonnement, et eu égard aux circonstances de l’accomplissement de l’infraction, la Cour estime qu’il échet de surseoir à l’exécution du restant de la peine (...)

Par ces motifs,

Vu les articles 99, 100 et 104 du code pénal,

La Cour ordonne qu’il soit sursis à l’exécution du restant de la peine pour une période de trois ans.

(...)"

19. L’audience eut lieu le 11 avril 1986 devant la Cour de cassation (Areios Pagos).

Le 14 avril, M. Hadjianastassiou déposa un mémoire par lequel il étayait sa plaidoirie. Selon lui, la formulation de son recours suffisait à écarter tout risque de rejet pour cause d’imprécision. Dénonçant la brièveté du délai de pourvoi contre les décisions des tribunaux militaires et l’impossibilité, pour les intéressés, de prendre en temps utile connaissance du contenu des arrêts attaqués, il contestait le motif de sa condamnation: la communication de "renseignements généraux" sur le missile du K.E.T.A., retenue par la cour d’appel militaire, ne justifiait pas l’application de l’article 98 du code pénal militaire, lequel visait la divulgation de renseignements secrets de caractère militaire, accusation dont la cour d’appel l’avait acquitté par sa réponse à la question 1 b) (paragraphe 11 ci-dessus). Il estimait pouvoir tout au plus tomber sous le coup de l’article 96 (paragraphe 21 ci-dessous).

20. Le 18 juin 1986, la Cour de cassation déclara le pourvoi irrecevable par les motifs suivants:

"Du pourvoi litigieux (...), demandant la cassation de l’arrêt no 616/1985 de la cour d’appel militaire d’Athènes, il ressort que celui-ci est attaqué pour application et interprétation erronées des dispositions en vertu desquelles [le requérant] a été condamné, à savoir l’article 97 par. 2 du code pénal militaire. Toutefois, cet unique moyen de cassation, tel que formulé ci-dessus, est vague car il ne reproche à l’arrêt attaqué aucune erreur concrète et particulière pouvant fonder le grief tiré de l’application et de l’interprétation erronées de la disposition précitée; il échet donc de déclarer le pourvoi irrecevable, en vertu des articles 476 par. 1 et 513 par. 1 du code de procédure pénale."

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

A. La divulgation de secrets militaires

21. Le code pénal militaire dispose:

Article 96

"Communication de renseignements militaires

Tout militaire, ou toute personne appartenant aux services des forces armées, qui, sans l’assentiment des autorités militaires, communique ou rend publics, par n’importe quel moyen, des renseignements ou appréciations sur l’armée, est puni d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas six mois."

Article 97

"Divulgation de secrets militaires

1. Tout militaire, ou toute personne appartenant aux services des forces armées, qui, illégalement et délibérément, livre ou communique à des tiers, ou permet que soient livrés ou communiqués à des tiers, des documents, plans, autres objets ou renseignements secrets d’importance militaire, est passible de réclusion criminelle (katheirxi), ou, en cas de remise ou communication à un État étranger ou à un espion ou agent de celui-ci, de la peine de mort et de la destitution.

2. (...) lorsque les [renseignements] communiqués présentent une importance mineure, le coupable est condamné à une peine d’emprisonnement (filakisi) de six mois au moins (...)"

Article 98

"Renseignements secrets

Sont considérés comme ‘renseignements secrets d’importance militaire’ ceux qui se réfèrent à l’État grec ou à ses alliés et qui concernent:

(...)

e) tout objet officiellement classé secret.

(...)"

B. L’obligation de motiver les décisions judiciaires

22. Les dispositions pertinentes de la Constitution de 1975 se lisent ainsi:

Article 93 par. 3

"Toute décision judiciaire doit être motivée de manière précise et circonstanciée; elle est prononcée en audience publique (...)"

Article 96

"(...)

4. Des lois spéciales régissent:

a) Les tribunaux militaires de l’armée de terre, de mer et de l’air, devant lesquels ne peuvent être déférés des particuliers.

b) Les tribunaux des prises.

5. Les tribunaux mentionnés à l’alinéa a) du paragraphe précédent sont composés en majorité de membres du corps judiciaire des forces armées, qui jouissent des garanties d’indépendance personnelle et fonctionnelle prévues par l’article 87 par. 1 de la présente Constitution. Les dispositions des paragraphes 2 à 4 de l’article 93 sont applicables aux audiences et arrêts de ces tribunaux. Les modalités d’application des dispositions du présent paragraphe, ainsi que la date de la mise en vigueur, sont fixées par une loi."

23. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’absence de motifs dans les décisions des juridictions militaires ne constitue pas une cause de cassation: l’application de l’article 93 par. 3 de la Constitution à ces juridictions dépend, d’après l’article 96 par. 5, de l’adoption de lois spéciales, laquelle n’a pas encore eu lieu (arrêts nos 470/1975, 483/1979, 18/1980, 647/1983, 531-535/1984 (Nomiko Vima 1984, p. 1070) et 1494/1986). Il suffit que pareille décision réponde aux questions posées par le président; elles doivent indiquer fidèlement l’ensemble des actes reprochés à l’accusé, afin de permettre le contrôle ultérieur, par cassation, de la bonne application des dispositions du droit pénal aux faits incriminés tels que les a établis le juge militaire du fond (arrêts nos 456/1986 et 1494/1986).

C. Les recours contre les décisions des juridictions militaires

1. Le code pénal militaire

24. Entrent ici en ligne de compte les textes suivants:

Article 366

"Formulation des questions. Question principale

1. Le président pose les questions concernant chaque accusé.

2. La question principale se fonde sur le dispositif de la décision de renvoi (...) et contient la question de savoir si l’accusé est coupable (...) de l’acte qui lui est reproché (...)"

Article 368

"Questions complémentaires (Parepomena zitimata)

Afin de compléter la question principale ou subsidiaire peuvent être posées des questions complémentaires relatives à l’imputation ainsi qu’à l’aggravation, l’atténuation (...) ou l’effacement (exalipsin) de l’acte punissable."

Article 425 par. 1

"Délai

Le délai de pourvoi en cassation (anairesi) est de cinq jours à compter du prononcé de l’arrêt ou, si celui-ci a été rendu en l’absence du condamné ou de son représentant, de sa notification (...)"

Article 426

"Moyens de cassation

Seuls peuvent être invoqués comme moyens de cassation:

(...)

B) L’application ou l’interprétation erronées des dispositions de fond du droit pénal."

2. Le code de procédure pénale

25. Le code de procédure pénale prévoit notamment:

Article 473 par. 3

"Délai d’exercice des voies de recours

Le délai de pourvoi en cassation court à partir de la date de la transcription de l’arrêt définitif au registre de la juridiction pénale. Cette transcription doit avoir lieu dans les quinze jours, sans quoi le président de la juridiction pénale encourt des sanctions disciplinaires."

Article 509 par. 2

"Mémoire en cassation

En sus des moyens invoqués dans le mémoire en cassation (...), des moyens additionnels peuvent être soulevés dans un mémoire ampliatif qui doit être déposé au greffe du procureur général près la Cour de cassation quinze jours au plus tard avant les audiences (...); passé ce délai, de tels moyens sont irrecevables (...)"

3. La jurisprudence pertinente de la Cour de cassation

26. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêts nos 656/1985 (Nomiko Vima 1985, p. 891), 1768/1986, 205/1988 (Nomiko Vima 1988, p. 588) et 565/1988), l’article 473 par. 3 du code de procédure pénale ne vaut pas pour les pourvois formés contre les décisions des juridictions militaires, le délai applicable en pareil cas se trouvant fixé par l’article 425 du code pénal militaire (paragraphe 24 ci-dessus).

Les moyens de cassation doivent figurer dans le mémoire introductif. En ce qui concerne "l’application ou l’interprétation erronées des dispositions de fond du droit pénal", le pourvoi doit préciser clairement les erreurs reprochées à la décision attaquée (arrêts nos 234/1968, 459/1987, 1366/1987 (Nomiko Vima 1987, p. 1659) et 1454/1987, ainsi que l’arrêt rendu en l’espèce par la Cour de cassation).

Enfin, des moyens supplémentaires ne peuvent être pris en considération que si le mémoire introductif énonce au moins un moyen déclaré recevable et suffisamment étayé (arrêts nos 242/1951, 341/1952, 248/1958, 472/1970, 892/1974, 758/1979 (Nomiko Vima 1980, p. 56), 647/1983, 1438/1986 et 1453/1987).

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

27. M. Hadjianastassiou a saisi la Commission le 17 décembre 1986. S’appuyant sur l’article 6 (art. 6), il alléguait que le défaut de motivation de l’arrêt de la cour d’appel militaire et la brièveté du délai de recours l’avaient empêché d’étayer davantage son pourvoi en cassation. Il affirmait en outre que sa condamnation pour divulgation de secrets militaires d’importance secondaire avait enfreint son droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10 (art. 10).

28. La Commission a retenu la requête (no 12945/87) le 4 octobre 1990. Dans son rapport du 6 juin 1991 (article 31) (art. 31), elle relève, à l’unanimité, une violation de l’article 6 paras. 1 et 3 b) (art. 6-1, art. 6-3-b), mais non de l’article 10 (art. 10).

Le texte intégral de son avis figure en annexe au présent arrêt[*].

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 6 (art. 6)

29. M. Hadjianastassiou invoque les paragraphes 1 et 3 b) de l’article 6 (art. 6-1, art. 6-3-b), ainsi libellés:

"1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)

(...)

3. Tout accusé a droit notamment à:

(...)

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense;

(...)"

Il dénonce l’absence de motivation de l’arrêt lu le 22 novembre 1985 par le président de la cour d’appel militaire et la brièveté du délai qui s’ouvrait à lui pour saisir la Cour de cassation. En dépit de sa présence aux débats, il n’aurait pris connaissance des raisons exactes de sa condamnation que le 10 janvier 1986, ce qui vouait à l’échec son pourvoi.

30. Le Gouvernement combat cette thèse, à laquelle la Commission souscrit en substance. D’après lui, l’intéressé n’ignorait pas le contenu des questions posées par le président de la cour d’appel militaire. Les questions nos 2 et 4 se fondaient sur les arguments avancés par M. Hadjianastassiou lui- même devant le tribunal permanent de l’armée de l’air. La réponse à la question no 3, formulée pour la première fois en appel, figurait expressément dans l’arrêt lu par le président. Quant à la question relative à la communication de renseignements "d’intérêt militaire", le président l’avait scindée en deux - 1 a) et 1 b) (paragraphe 11 ci-dessus) - pour prendre en compte les conclusions des experts et témoigner de clémence envers l’accusé, qui du reste bénéficia d’une atténuation de sa peine; de plus, lesdites questions, loin de marquer l’aboutissement des délibérations de la cour, auraient donné lieu à un intense débat durant le procès. Bref, M. Hadjianastassiou aurait été pleinement en mesure de présenter dans un délai légal des moyens de cassation détaillés et recevables.

31. Comme les exigences du paragraphe 3 de l’article 6 (art. 6-3) représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable, garanti par le paragraphe 1 (art. 6-1), la Cour examinera le grief sous l’angle de ces deux textes combinés.

32. Elle note d’emblée que si l’article 93 par. 3 de la Constitution hellénique (paragraphe 22 ci-dessus) prescrit de motiver de manière précise et circonstanciée toutes les décisions judiciaires, l’article 96 par. 5 subordonne cette exigence, pour les juridictions militaires, à l’adoption d’une loi spéciale. Or une telle loi n’est pas encore intervenue. En attendant, la Cour de cassation ne peut contrôler la bonne application du droit pénal par lesdites juridictions qu’au travers des questions des présidents et des réponses de leurs collègues, la motivation ressortant de ces éléments.

33. Les États contractants jouissent d’une grande liberté dans le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de respecter les impératifs de l’article 6 (art. 6). Les juges doivent cependant indiquer avec une clarté suffisante les motifs sur lesquels ils se fondent. C’est ainsi, par exemple, qu’un accusé peut exercer utilement les recours existants. La tâche de la Cour consiste à rechercher si la voie suivie en la matière a conduit, dans un litige déterminé, à des résultats compatibles avec la Convention.

34. En l’espèce, l’arrêt lu par le président de la cour d’appel militaire ne renfermait aucune mention des questions telles qu’elles figuraient au procès-verbal de l’audience (paragraphes 11 et 18 ci-dessus). S’il renvoyait aux articles 366 et suivants du code pénal militaire (paragraphe 24 ci-dessus) et qualifiait de peu importants les renseignements transmis, il ne reposait pas sur les mêmes motifs que le jugement du tribunal permanent de l’armée de l’air. La question 1 a), concernant la communication des "renseignements généraux relatifs au missile téléguidé" et à garder secrets, apparut pour la première fois devant la cour d’appel. Lorsque le requérant voulut, le lendemain du prononcé, se procurer le texte exact des questions, le greffier lui aurait dit qu’il faudrait attendre la "mise au propre" de l’arrêt (paragraphe 15 ci-dessus). Dans son pourvoi, formé dans le délai de cinq jours prévu à l’article 425 par. 1 du code pénal militaire (paragraphe 24 ci-dessus), M. Hadjianastassiou put seulement s’appuyer sur ce qu’il avait entendu ou saisi pendant les débats et se référer dans l’abstrait à l’article 426.

35. Selon le Gouvernement, l’intéressé avait la faculté de soulever par un mémoire ampliatif des moyens additionnels, en vertu de l’article 509 par. 2 du code de procédure pénale (paragraphe 25 ci-dessus); s’il n’en usa pas, c’est qu’il n’avait aucun moyen de cassation à faire valoir.

36. Pareil argument ne convainc pas la Cour. Quand M. Hadjianastassiou reçut le procès-verbal de l’audience, le 10 janvier 1986, il se trouvait forclos pour préciser son pourvoi: une jurisprudence constante n’autorise la prise en compte de moyens supplémentaires que si le mémoire introductif énonce au moins un moyen déclaré recevable et suffisamment étayé (paragraphe 26 ci-dessus).

37. En résumé, les droits de la défense subirent de telles limitations que l’intéressé ne bénéficia pas d’un procès équitable. Il y a donc eu violation du paragraphe 3 b) de l’article 6, combiné avec le paragraphe 1 (art. 6-3-b, art. 6-1).

II. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 10 (art. 10)

38. D’après M. Hadjianastassiou, sa condamnation par les juridictions militaires a aussi violé l’article 10 (art. 10), aux termes duquel:

"1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière (...)

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire."

39. Il échet de rappeler que le requérant, officier d’active, fut condamné pour avoir divulgué des renseignements militaires d’importance mineure. L’étude incriminée s’adressait à une société privée d’armement, moyennant finances.

Bien entendu, la liberté d’expression, telle que la protège l’article 10 (art. 10), vaut pour les militaires comme pour les autres personnes relevant de la juridiction des États contractants (arrêt Engel et autres c. Pays-Bas du 8 juin 1976, série A no 22, p. 41, par. 100). De plus, des informations du genre dont il s’agit ne sortent pas du domaine de l’article 10 (art. 10), lequel ne se limite pas à certaines catégories de renseignements, d’idées ou de modes d’expression (arrêt markt intern Verlag GmbH et Klaus Beermann c. Allemagne du 20 novembre 1989, série A no 165, p. 17, par. 26).

40. Partant, la condamnation prononcée par le tribunal permanent de l’armée de l’air, puis réduite par la cour d’appel militaire (paragraphes 7 et 13 ci-dessus), a constitué une ingérence dans l’exercice du droit de l’intéressé à la liberté d’expression. Pareille immixtion enfreint l’article 10 (art. 10) sauf si elle était "prévue par la loi", dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 (art. 10-2) et "nécessaire, dans une société démocratique", pour les atteindre.

A. L’ingérence était-elle "prévue par la loi"?

41. D’après M. Hadjianastassiou, la première de ces exigences ne se trouvait pas remplie car la "loi" ne présentait pas une prévisibilité suffisante. La cour d’appel militaire aurait procédé à une application erronée des articles 97 et 98 du code pénal militaire (paragraphe 21 ci-dessus); or ils servirent de base à sa décision et elle ne mentionnerait aucune donnée secrète précise qui ait été transférée à la société ELFON.

42. La Cour note pourtant que la manière dont la cour d’appel militaire interpréta et appliqua les textes en question ne se heurtait pas à leur libellé (paragraphe 21 ci-dessus). Rappelant qu’il incombe au premier chef aux autorités nationales d’interpréter et appliquer le droit interne (voir, entre autres, l’arrêt Kruslin c. France du 24 avril 1990, série A no 176-A, p. 21, par. 29), elle estime, avec le Gouvernement et la Commission, que l’ingérence était "prévue par la loi".

B. L’ingérence poursuivait-elle un but légitime?

43. La condamnation incriminée visait manifestement à réprimer la divulgation d’informations sur un projet d’armement classé secret, donc à protéger "la sécurité nationale", but légitime au regard de l’article 10 par. 2 (art. 10-2).

C. L’ingérence était-elle "nécessaire dans une société démocratique"?

44. M. Hadjianastassiou conteste la nécessité de l’ingérence litigieuse. D’après lui, une étude technique banale et entièrement fondée sur sa propre documentation ne pouvait passer pour préjudiciable à la sécurité nationale. Par sa réponse à la question 1 b) (paragraphes 11 et 12 ci-dessus), la cour d’appel militaire aurait reconnu l’absence d’un rapport quelconque entre l’étude de l’armée de l’air et celle destinée à la société ELFON. Selon le requérant, il faudrait interdire statutairement aux officiers grecs d’active de travailler pour des entreprises privées, ou le leur permettre à condition de ne pas disséminer des secrets militaires; en l’espèce la cour d’appel n’en aurait identifié aucun qu’il ait divulgué.

45. En l’occurrence, le projet de fabrication du missile téléguidé entrepris par l’armée de l’air était classé "secret militaire". La cour d’appel fonda cependant la condamnation du requérant sur la divulgation de "renseignements généraux" dont les intérêts militaires exigeaient de préserver le caractère secret; les experts nommés par elle avaient conclu auparavant que si les deux études suivaient une méthodologie différente, il y avait eu néanmoins "un transfert inévitable de savoir-faire technique" (paragraphe 9 ci-dessus).

Avec le Gouvernement, la Cour estime que la divulgation de l’intérêt de l’État pour une arme donnée et celle des connaissances techniques correspondantes, qui peuvent fournir des indications sur le degré d’avancement de la fabrication, sont de nature à causer à la sécurité nationale un préjudice considérable.

46. D’autre part, il y a lieu de prendre en compte les particularités de la vie militaire, les "devoirs" et "responsabilités" spécifiques des membres des forces armées (arrêt Engel et autres précité, p. 41, par. 100). Or l’intéressé, responsable au K.E.T.A. d’un programme d’expérimentation d’un missile, se trouvait astreint à une obligation de réserve pour tout ce qui touchait à l’exercice de ses fonctions.

47. Eu égard à ces constatations, on ne saurait dire que les décisions des juridictions militaires grecques aient transgressé la marge d’appréciation à laisser aux États en matière de sécurité nationale. L’examen du dossier ne révèle pas davantage l’absence d’un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but légitime visé.

En conclusion, aucune violation de l’article 10 (art. 10) ne se trouve établie.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 (art. 50)

48. Aux termes de l’article 50 (art. 50),

"Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."

En vertu de ce texte, M. Hadjianastassiou revendique le remboursement de ses frais et dépens devant les juridictions grecques (650 000 drachmes), puis devant les organes de la Convention (300 000 drachmes et 29 260 francs français).

Le Gouvernement juge ces prétentions excessives, car dépassant de loin les barèmes prévus par le droit hellénique en matière d’exercice de la profession d’avocat. Il se déclare prêt à verser 100 000 drachmes en cas de constat de violation.

49. La Cour rappelle que les tarifs ou critères nationaux ne la lient pas en la matière (voir notamment l’arrêt Granger c. Royaume-Uni du 28 mars 1990, série A no 174, p. 20, par. 55).

Avec la Commission, elle estime que seuls les frais exposés en Grèce devant la Cour de cassation - 220 000 drachmes - peuvent donner lieu à remboursement. Quant aux frais relatifs aux instances suivies à Strasbourg, leur montant cadre avec les critères qui ressortent de sa jurisprudence; il échet donc de les allouer en entier.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE,

1. Dit qu’il y a eu violation des paragraphes 1 et 3 b), combinés, de l’article 6 (art. 6-1, art. 6-3-b);

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10 (art. 10);

3. Dit que l’État défendeur doit verser dans les trois mois au requérant, pour frais et dépens, 29 260 (vingt-neuf mille deux cent soixante) francs français et 520 000 (cinq cent vingt mille) drachmes;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 16 décembre 1992.

Rolv RYSSDAL

Président

Marc-André EISSEN

Greffier

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51 par. 2 (art. 51-2) de la Convention et 53 par. 2 du règlement, l’exposé de l’opinion concordante de M. De Meyer.

R. R.

M.-A. E.



OPINION CONCORDANTE DE M. LE JUGE DE MEYER

Comme les autres membres de la chambre, j’estime qu’il n’y a pas eu, en l’espèce, violation du droit à la liberté d’expression, mais mes motifs sont plus simples que ceux développés dans les paragraphes 39 à 47 de l’arrêt. Les voici:

1. Le requérant a été condamné, en vertu de l’article 97 par. 2 du code pénal militaire[1], pour avoir divulgué des renseignements secrets d’importance mineure[2].

2. En raison des devoirs et des responsabilités qui leur sont propres, il doit nécessairement être interdit aux membres des forces armées de communiquer à des tiers, à moins d’y avoir été dûment autorisés, des informations et des idées, du genre de celles dont il s’agit dans la présente affaire, même si elles sont le fruit de leurs propres travaux.

Il en est surtout ainsi lorsque ces informations ou idées ont été classées comme secrètes par les autorités compétentes.

3. Il appartient aux juridictions dont relèvent les militaires intéressés d’appliquer à ceux-ci, si elles constatent qu’ils ont enfreint l’interdiction, les sanctions prévues par la loi.

4. En l’espèce il n’a pas été démontré que les juridictions helléniques aient fait, à l’égard du requérant, un usage abusif des pouvoirs leur appartenant en la matière.


[*] L'affaire porte le n° 69/1991/321/393.  Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.

[*] Tel que l'a modifié l'article 11 du Protocole n° 8 (P8-11), entré en vigueur le 1er janvier 1990.

[*] Note du greffier: pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (volume 252 de la série A des publications de la Cour), mais on peut se le procurer auprès du greffe.

[1] Paragraphe 21 de l'arrêt.

[2] Paragraphe 13 de l'arrêt.

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CEDH, Cour (chambre), AFFAIRE HADJIANASTASSIOU c. GRÈCE, 16 décembre 1992, 12945/87