CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE ARVOIS c. FRANCE, 23 novembre 1999, 38249/97

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Chronologie de l’affaire

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DEUXIÈME SECTION AFFAIRE BROCA et TEXIER-MICAULT c. FRANCE (Requêtes nos 27928/02 et 31694/02) ARRÊT STRASBOURG 21 octobre 2003 DÉFINITIF 21/01/2004 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. En l'affaire Broca c. France et l'affaire Texier-Micault c. France, La Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de : MM.A.B. Baka, président, J.-P. Costa, Gaukur Jörundsson, K. Jungwiert, V. Butkevych, MmeW. Thomassen, …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 23 nov. 1999, n° 38249/97
Numéro(s) : 38249/97
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Demir et autres c. Turquie du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VI, p. 2660, § 63
Arrêt Doustaly c. France du 23 avril 1998, Recueil 1998-II, p. 857, § 39
Arrêt Nikolova c. Bulgarie du 25 mars 1999, § 73
Arrêt Richard c. France du 22 avril 1998, Recueil des arrêts et décisions ("Recueil") 1998-II, p. 824, § 57
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'Art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement frais et dépens - procédure de la Convention
Identifiant HUDOC : 001-62978
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1999:1123JUD003824997
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE ARVOIS c. FRANCE

(Requête n° 38249/97)

ARRÊT

STRASBOURG

23 novembre 1999

DÉFINITIF

23/02/2000

Cet arrêt peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le recueil officiel contenant un choix d'arrêts et de décisions de la Cour.


En l’affaire Arvois c. France,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

SirNicolas Bratza, président,
M.J-P. Costa,
M.L. Loucaides,
MmeF. Tulkens,
M.W. Fuhrmann,
M.K. Jungwiert,
M.K. Traja, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 novembre 1999,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République française et dont un ressortissant français, M. Armel Arvois (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 20 décembre 1996, en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 20 octobre 1997 sous le numéro de dossier 38249/97.

Sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaignait de la durée d’une procédure administrative en matière de remembrement foncier et soutenait que sa cause n’avait pas été entendue « équitablement » par un « tribunal indépendant et impartial ».

2.  Par une décision partielle du 15 septembre 1998, la Commission (deuxième chambre) a décidé de porter la requête à la connaissance du gouvernement français (« le Gouvernement ») quant au grief tiré de la durée de la procédure, en l'invitant à présenter par écrit des observations sur la recevabilité et le bien-fondé de ce grief ; elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus[1].

Le Gouvernement a présenté ses observations le 4 janvier 1999 ; le requérant, qui en avait la faculté jusqu’au 26 février 1999, n’y a pas répondu.

3.  A la suite de l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, et conformément à l’article 5 § 2 de celui-ci, l’affaire est examinée par la Cour conformément aux dispositions dudit Protocole.


4.  Conformément à l’article 52 § 1 du règlement de la Cour (« le règlement »)[2], le président de la Cour, M. L. Wildhaber, a attribué l’affaire à la troisième section. La chambre constituée au sein de ladite section comprenait de plein droit M. J.‑P. Costa, juge élu au titre de la France (articles 27 § 2 de la Convention et 26 § 1 a) du règlement), et Sir Nicolas Bratza, président de la section (article 26 § 1 a) du règlement). Les autres juges désignés par ce dernier pour compléter la chambre étaient M. L. Loucaides, Mme F. Tulkens, MM. W. Fuhrmann, K. Jungwiert, et K. Traja (article 26 § 1 b) du règlement).

5.  Le 15 juin 1999, la chambre a déclaré la requête recevable quant au grief tiré de la durée de la procédure[3].

EN FAIT

6.  Le requérant est propriétaire de 24 hectares et 50 ares de terres labourables, prés et bois. Lui-même et son épouse exploitent ce fonds ainsi qu’une petite surface appartenant à cette dernière, le tout formant un ensemble de 24 hectares et 62 ares.

7.  Dans le cadre d’une opération de remembrement rural mise en œuvre sur la commune de Drosnay, le requérant – dont les propriétés étaient concernées par cette opération – contesta certaines décisions prises par la commission communale de remembrement et d’aménagement foncier devant la commission départementale d'aménagement foncier de la Marne (la date de la saisine de ladite commission départementale n’est pas connue). Il soutenait qu’à la suite d’erreurs de classement de ses terres, les parcelles qui lui étaient attribuées étaient d’une qualité et d’une surface sensiblement inférieures à celles de ses apports. En outre, il requérait l'augmentation de ses attributions à proximité de son centre d'exploitation afin de pouvoir construire une maison d'habitation et un hangar, la suppression d'un chemin et la délimitation précise d'une parcelle.

La commission départementale rejeta les demandes du requérant par une décision du 20 décembre 1988.

8.  Le 24 mai 1989, le requérant saisit le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne d’un recours en annulation de cette décision ; le 26 janvier 1990, il déposa un mémoire complémentaire. Le préfet de la Marne produisit un mémoire en défense le 9 avril 1990.

Le 31 juillet 1991, le tribunal administratif rejeta la demande.

9.  Le 16 décembre 1991, le requérant fit appel devant le Conseil d’Etat ; le 16 avril 1992, il produisit un mémoire complémentaire.

Selon le Gouvernement, le requérant déposa une demande d’aide juridictionnelle le 10 avril 1995, laquelle fut accueillie le 23 février 1996.

Entre-temps, le 20 septembre 1995, le ministère de l’Agriculture avait déposé un mémoire en défense.

Le 11 décembre 1996, le Conseil d'État rejeta la demande du requérant.

en droit

I.SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

10.  Le requérant dénonce la durée de la procédure devant les juridictions administratives et allègue une violation de l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A.Période à prendre en considération

11.  La période à considérer a débuté avec la saisine de la commission départementale de remembrement et d’aménagement foncier de la Marne (paragraphe 7 ci-dessus) et a pris fin le 11 décembre 1996, avec l’arrêt du Conseil d’Etat (paragraphe 9 ci-dessus). Elle est donc d’environ huit années.

B.Caractère raisonnable de la durée de la procédure

12.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes (voir, parmi beaucoup d’autres, les arrêts Richard c. France du 22 avril 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998‑II, p. 824, § 57, et Doustaly c. France du 23 avril 1998, Recueil 1998‑II, p. 857, § 39).

13.  Le Gouvernement souligne que, devant le Conseil d’Etat, le requérant a demandé l’aide juridictionnelle trois ans et cinq mois après le dépôt de sa requête introductive et est ainsi responsable d’un retard de six mois. Il reconnaît toutefois que le litige n’était pas d’une particulière
complexité et que le « délai de jugement global » de l’affaire « reste relativement important », et déclare s’en remettre à la sagesse de la Cour pour juger de l’existence d’une méconnaissance des exigences de l’article 6 § 1.

14.  La Cour prend acte des déclarations du Gouvernement. Elle note en particulier que le Conseil d’Etat a mis cinq ans pour statuer et que, devant cette juridiction, le ministère de l’Agriculture a déposé fort tardivement son mémoire en défense. Elle estime que, à supposer que le requérant puisse être tenu pour responsable d’un retard de six mois dans le traitement de l’affaire par la haute juridiction administrative, force est de constater qu’un tel retard ne serait pas déterminant au regard de la durée globale de la procédure. Il apparaît en conséquence à la Cour que la lenteur de la procédure résulte très essentiellement du comportement des autorités et juridictions administratives.

Partant, la cause du requérant n’a pas été entendue dans un délai raisonnable et il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II.sur l’application de l’article 41 de la Convention

15.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.Dommages

16.  M. Arvois réclame 1 538 100 francs français (FRF) pour préjudice matériel et 1 000 000 FRF pour dommage moral.

17.  Le Gouvernement réplique que « le requérant ne saurait invoquer aucun préjudice matériel résultant de la lenteur des juridictions à juger ses requêtes dans la mesure où il a finalement été débouté au fond de l’ensemble de ses prétentions » et que « le seul préjudice dont il peut se prévaloir est (…) purement moral ». Il déclare qu’une somme globale de 30 000 FRF compenserait équitablement à la fois le dommage moral du requérant et ses frais de procédure.

18.  La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation de l'article 6 § 1 de la Convention et un quelconque dommage matériel dont le requérant aurait à souffrir ; il échet donc de rejeter les prétentions de ce dernier (voir, par exemple, les arrêts Nikolova c. Bulgarie du 25 mars 1999, à paraître dans le recueil officiel de la Cour, § 73, et Demir et autres c. Turquie du 23 septembre 1998, Recueil 1998‑VI, p. 2660, § 63).

En revanche, elle juge que le requérant a subi un tort moral certain du fait de la durée de la procédure litigieuse. Compte tenu des circonstances de la cause et statuant en équité comme le veut l’article 41, elle lui octroie 30 000 FRF à ce titre.

B.Frais et dépens

19.  L’intéressé réclame 81 000 FRF pour frais et dépens.

20.  Le Gouvernement estime que le requérant a justifié « avoir exposé la somme de 8 895 FRF pour la rémunération de son conseil devant la Cour ».

21.  La Cour constate que le requérant ne détaille ses prétentions que succinctement. Le seul justificatif qu’il fournit est un « mémoire de frais d’honoraires » portant sur un montant de 8 895 FRF, daté du 9 décembre 1991 et signé par l’avocat qui s’est chargé de la défense de ses intérêts devant le Conseil d’Etat puis la Commission et la Cour.

Dans la mesure où la Commission a été saisie de l’affaire le 20 décembre 1996 (paragraphe 1 ci-dessus), le mémoire susmentionné ne peut avoir trait qu’aux frais du requérant devant les juridictions internes. Or la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de rembourser des frais de cette nature, ceux-ci n’ayant pas été exposés pour remédier à la violation constatée.

Il n’en reste pas moins que le requérant a nécessairement encouru certains frais pour sa représentation devant la Commission et la Cour ; la Cour juge raisonnable de lui octroyer 5 000 FRF à ce titre.

C.Intérêts moratoires

22.  Selon les informations dont dispose la Cour, le taux d’intérêt légal applicable en France à la date d’adoption du présent arrêt est de 3,47 % l’an.

Par ces motifs, la Cour, À l’unanimitÉ,

1.Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

2.Dit :

a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 30 000 (trente mille) francs français pour préjudice moral ;

b) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, 5 000 (cinq mille) francs français pour frais et dépens ;

c) que ces montants seront à majorer d’un intérêt simple de 3,47 % l’an à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement ;

3.Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 23 novembre 1999, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

S. DolléN. Bratza
GreffièrePrésident


[1]Note du greffe

1.  La décision de la Commission est disponible au greffe.

[2]Notes du greffe

1.  Entré en vigueur le 1er novembre 1998.

[3]2.  La décision de la chambre est disponible au greffe.

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