CEDH, Cour (première section), AFFAIRE SAKKOPOULOS c. GRECE, 15 janvier 2004, 61828/00

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 15 janv. 2004, n° 61828/00
Numéro(s) : 61828/00
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Pelissier et Sassi c. France, arrêt du 25 mars 1999, Recueil 1999-II, p. 302, § 80
Philis c. Grèce (no 1), arrêt du 27 août 1991, série A, no 209, p. 25, §74
Assenov et autres c. Bulgarie arrêt du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3288 § 94
Georgiadis c. Grèce, arrêt du 29 mai 1997, Recueil 1997-III, p. 960, §§ 42-43
Chartier c. Italie, no 9044/80, rapport de la Commission du 8 décembre 1982, Décisions et Rapports (DR) 33, p. 48, § 53
Dulaurans c. France, no 34553/97, § 43, 21 mars 2000
Karakasis c. Grèce, no 38194/97, § 27, 17 octobre 2000
Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 91 et § 94, CEDH 2000-XI
McGlinchey et autres c. Royaume-Uni, no 50390/00, § 45, CEDH 2003-...
Mouisel c. France, no 67623/01, §§ 40-42, CEDH 2002-IX
Papon c. France (déc.), no 64666/01, 7 juin 2001
Peers c. Grèce, no 28524/95, § 67 et § 74, CEDH 2001-III
Price c. Royaume-Uni, no 33394/96, § 30, CEDH 2001-VII
Ruiz Torija c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 303- A, p. 12, § 29
Organisation mentionnée :
  • Comité européen pour la prévention de la torture
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Non-violation de l'art. 3 ; Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; Préjudice moral - réparation pécuniaire ; Remboursement partiel frais et dépens - procédure de la Convention
Identifiant HUDOC : 001-66139
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2004:0115JUD006182800
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE SAKKOPOULOS c. GRÈCE

(Requête no 61828/00)

ARRÊT

STRASBOURG

15 janvier 2004

DÉFINITIF

15/04/2004

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Sakkopoulos c. Grèce,

La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

MM.P. Lorenzen, président,
C.L. Rozakis,
MmesF. Tulkens,
N. Vajić,
M.E. Levits,
MmeS. Botoucharova,
MM.A. Kovler, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 29 août 2002, le 24 octobre 2002 et 11 décembre 2003,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 61828/00) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Panagiotis Sakkopoulos (« le requérant »), a saisi la Cour le 4 octobre 2000 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté devant la Cour par Me H. Mylonas, avocat à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par le délégué de son agent, M. M. Apessos, conseiller auprès du Conseil juridique de l'Etat, et M. K. Georgiadis, auditeur auprès du Conseil juridique de l'Etat.

3.  Le requérant alléguait en particulier qu'il avait subi pendant sa détention provisoire des traitements inhumains et dégradants, contraires à l'article 3 de la Convention, et qu'en violation de l'article 6 § 1 de la Convention, la décision de la cour d'appel d'Athènes lui refusant toute indemnité pour la détention provisoire n'avait pas été motivée.

4.  La requête a été attribuée à la deuxième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.

5.  Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la première section ainsi remaniée (article 52 § 1).

6.  Par une décision du 29 août 2002, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.

7.  Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l'affaire (article 59 § 1 du règlement).

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

8.  Le requérant, né en 1934, était conservateur des hypothèques de Kropia (Attiki). Il fut accusé de faux ayant entraîné un préjudice financier important (50 000 000 drachmes) au détriment d'une personne morale de droit public.

9.  Le 7 septembre 1999, la chambre d'accusation du tribunal correctionnel d'Athènes, tranchant entre le juge d'instruction et le procureur (article 283 du code de procédure pénale) ordonna la détention provisoire du requérant (décision no 4003/1999). La décision précisait : « Il ressort des éléments rassemblés pendant l'instruction et de ce qui est contenu dans la proposition du procureur, (...) qu'il existe des indices sérieux de culpabilité à l'encontre de l'accusé pour l'infraction qui lui est reprochée (...). Du reste, il ressort des circonstances particulières de l'infraction et surtout du fait que l'accusé l'a accomplie en tant que conservateur des hypothèques de Kropia (...), fonction qui exige un degré supérieur d'honnêteté, de conscience professionnelle et de responsabilité, que l'accusé risque de commettre, s'il est remis en liberté, d'autres infractions similaires à celles qui lui sont reprochées ».

10.  Hospitalisé le 23 août 1999, le requérant séjourna à l'hôpital jusqu'au 20 novembre 1999, date à laquelle il fut transféré dans un autre établissement hospitalier, où il resta placé sous surveillance policière jusqu'au 25 novembre 1999.

11.  Le 10 novembre 1999, le juge d'instruction rejeta une demande de mise en liberté du requérant.

12.  Le 25 novembre 1999, il fut transféré à la prison de Korydallos. L'hôpital transmit au secrétariat de la prison les documents pertinents relatifs à l'état de santé du requérant, indiquant notamment qu'il avait subi un triple pontage cardiaque, souffrait d'une insuffisance cardiaque et de diabète et devait suivre un régime alimentaire spécial et un traitement comportant neuf médicaments par jour. Le requérant prétend qu'il fut détenu dans une cellule de 8 m² aux fenêtres cassées, déjà occupée par trois autres détenus et dont les toilettes – de type « turc » –étaient immondes et sans porte.

13.  Le 26 novembre 1999, le requérant fut reçu au dispensaire de la prison, où il séjourna jusqu'au 15 mars 2000. Il prétend qu'il fut placé dans une salle de 35 m² contenant onze lits, tous occupés par des détenus qui fumaient en permanence. Selon ses dires, le sol était rarement balayé et jamais lavé ; des cafards et des souris y circulaient. Les toilettes, au nombre de trois pour soixante détenus, présentaient une fuite, de sorte que de l'eau sale coulait sur le sol. Celui qui distribuait la nourriture aux malades était atteint d'hépatite et aurait dû être hospitalisé lui aussi. Les repas n'étaient pas adaptés à la maladie du requérant et le médecin du dispensaire aurait changé la médication prescrite par l'hôpital sans raison apparente. Le requérant prétend en outre que les infirmiers seraient restés passifs chaque fois qu'il aurait eu des crises de tachycardie et le cardiologue qui l'examina lui promit d'effectuer un contrôle médical qui n'aurait jamais eu lieu.

14.  Les 11 et 21 janvier 2000, ainsi que le 8 février 2000, la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Athènes rejeta trois demandes de mise en liberté du requérant (décisions no 7/2000, no 101/2000 et no 344/2000 respectivement). Deux des trois magistrats qui ont pris la décision no 344/2000 avaient aussi participé à la formation à l'origine du rejet de sa demande du 21 janvier 2000.

15.  Dans sa décision no 101/2000, la chambre d'accusation ne suivit pas la proposition du procureur qui préconisait la mise en liberté provisoire du requérant et de ses co-accusés et décida de prolonger la détention de six mois. Sans distinguer les co-accusés, la chambre d'accusation estima que s'ils étaient mis en liberté, les accusés risquaient de commettre de nouvelles infractions et de ne pas comparaître devant le tribunal. Elle rejeta aussi une demande du requérant à comparaître personnellement, ou par l'intermédiaire de son avocat, devant la chambre d'accusation, au motif qu'il avait eu l'occasion de présenter de manière adéquate ses arguments, tant dans ses observations écrites que pendant l'instruction.

16.  Dans sa décision no 344/2000, alors que le procureur avait proposé d'accueillir la demande, la chambre d'accusation considéra que les motifs exposés dans sa décision précédente n'avaient pas disparu. Quant à l'état de santé du requérant, elle jugea que celui-ci n'était pas tellement grave et pouvait être suivi au dispensaire de la prison. En tout cas, le requérant n'avait fourni aucun certificat du médecin légiste pour étayer ses allégations selon lesquelles son état de santé ne pouvait être traité au dispensaire.

17.  Le 16 mars 2000, le requérant eut une crise cardiaque. Le 24 mars 2000, il retourna en prison. L'attestation médicale de l'hôpital précisait, entre autres, que le requérant devait éviter le froid, l'humidité, les émotions et la fatigue, suivre un régime alimentaire et être contrôlé régulièrement par un cardiologue et un spécialiste du diabète. Toutefois, les conditions de sa détention ne changèrent pas.

18.  Le 7 avril 2000, suite à une chute dans la prison, le requérant eut, sur le coup, les quatre membres paralysés. Placé sur une civière, il dut attendre trois heures au dispensaire de la prison avant d'être envoyé vers un hôpital civil, car les gardiens qui devaient l'accompagner n'étaient pas disponibles. Le document qui autorisait sa sortie de la prison précisait qu'il s'agissait d'une « personne extrêmement dangereuse et risquant de fuir », mais ne mentionnait pas les médicaments qui devaient lui être administrés.

19.  Le requérant soutient que les autorités de la prison passèrent outre ses supplications d'avertir sa famille, de sorte qu'à l'hôpital où il devait se faire opérer d'urgence, aucun membre de sa famille ne se trouvait présent pour signer l'autorisation d'opérer. Finalement, il fut opéré le lendemain, car la note de transfert à l'hôpital n'aurait, d'après le requérant, pas contenu pas les informations médicales nécessaires. La semaine qui suivit son opération, il n'eut droit qu'à deux visites de sa famille.

20.  Le 13 avril 2000, le requérant fut transféré vers un autre hôpital, où il demeura pendant quatre mois.

21.  Le 17 avril 2000, date à laquelle l'audience devait avoir lieu devant la cour d'appel criminelle d'Athènes, statuant en première instance, celle-ci ajourna l'audience, car le requérant était alité et ne pouvait pas être présent, mais elle rejeta une nouvelle demande de mise en liberté du requérant (arrêt no 1185/2000). Le requérant avait déposé à cet effet sept certificats médicaux, confirmant le caractère grave de son état de santé, et le procureur s'était prononcé en faveur de la libération provisoire. La cour d'appel criminelle estima que le mauvais état de santé du requérant n'était pas affecté par sa détention provisoire car celui-ci était de toute façon hospitalisé.

22.  L'audience eut lieu le 29 mai 2000. La cour d'appel criminelle refusa à nouveau de faire droit à une demande de mise en liberté du requérant ; elle admit cependant que le requérant pouvait comparaître tant que son état le permettait et s'absenter de l'audience s'il en exprimait le souhait. Par un jugement du 26 juin 2000, la cour d'appel acquitta le requérant (jugement no 1926/2000).

23.  Le conseil du requérant demanda qu'une indemnité soit versée à ce dernier pour la durée de la détention provisoire. Toutefois, la cour d'appel criminelle affirma qu'il n'y avait pas lieu de lui accorder une indemnité à ce titre, car il existait des indices sérieux de sa culpabilité, au sens de l'article 533 § 2 du code de procédure pénale.

24.  Par trois lettres des 26 et 29 novembre 2001 et 11 janvier 2002 (certificats nos 7177/2001, 7521/2001 et 7494/2002, respectivement), le directeur du dispensaire de la prison de Korydallos fournit au Gouvernement certaines informations relatives à l'hospitalisation du requérant. En premier lieu, il soulignait le souci d'hygiène des locaux et le fait que le Comité pour la prévention de la torture et des peines et traitements inhumains ou dégradants n'avait exprimé aucun commentaire quant à la propreté des chambres. Plus particulièrement, en ce qui concerne le requérant, le directeur affirmait que les proches du requérant avaient été informés à temps, le 7 avril 2000, de sorte qu'ils avaient pu se rendre assez vite près de lui. Quant au retard du transfert du requérant à l'hôpital extérieur, cela relevait du service des ambulances (« l'EKAV ») et du service de transfert de détenus qui devaient coordonner leur action. La décision de transférer le requérant fut prise et envoyée immédiatement. Le fait que le requérant ait été transféré dans un hôpital autre que celui mentionné sur la décision de transfert s'explique par le fait que celui-ci n'était plus l'hôpital de garde au moment où le requérant se trouvait dans l'ambulance. De plus, la date d'opérer le requérant le lendemain de son transfert relevait de la décision de l'hôpital.

25.  Par un certificat du 21 février 2002, le cardiologue du dispensaire attesta que le requérant était suivi par lui, qu'il était placé sous traitement constant, que le taux de sa glycémie était mesuré matin et soir et qu'il suivait le régime alimentaire pour les diabétiques.

26.  De son côté, le requérant déposa quinze attestations médicales sur son état de santé. Il en résulte que le requérant devait éviter le froid, l'humidité, les émotions et la fatigue, suivre un régime alimentaire pour diabétique et se faire contrôler régulièrement par un cardiologue et un diabétologue.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

27.  Le code de procédure pénale contient les dispositions pertinentes suivantes :

Article 533 § 2

« Les personnes placées en détention provisoire puis acquittées (...) ont le droit de demander réparation (...), s'il a été établi au cours de la procédure qu'elles n'avaient pas commis l'infraction pénale à l'origine de leur détention (...) ou qu'il n'y avait pas d'indices sérieux en ce sens.»

Article 535 § 1

« L'Etat n'est nullement dans l'obligation d'indemniser une personne qui (...) a été placée en détention provisoire si celle-ci, volontairement ou à la suite d'une faute lourde, s'est rendue responsable de sa propre détention. »

Article 536

« 1.  Sur demande orale de la personne acquittée, la juridiction qui a examiné l'affaire statue sur l'obligation de l'Etat d'indemniser l'intéressé en rendant, en même temps que le verdict, une décision distincte. Toutefois, cette juridiction peut aussi rendre d'office une telle décision (...)

2.  La décision relative à l'obligation d'indemnisation de l'Etat ne peut être contestée séparément; elle est toutefois annulée lorsque la décision portant sur la question principale de l'instance pénale est infirmée. »

Article 537

« 1. Quiconque a subi un préjudice peut, à un stade ultérieur,  saisir la même juridiction d'une demande en réparation.

2.  En ce cas, la demande doit être présentée au procureur [Epitropos] de cette juridiction dans les quarante-huit heures suivant le prononcé du jugement en audience publique. »

Article 539 § 1

« Lorsqu'il a été décidé que l'Etat doit verser une réparation,  la personne y ayant droit peut intenter une action devant les juridictions civiles, qui ne peuvent pas remettre en cause l'obligation de l'Etat. »

Article 540 § 1

« Les personnes qui ont été injustement (...) mises en détention provisoire doivent être indemnisées pour tout préjudice matériel qu'elles pourraient avoir subi en raison de leur (...) détention. Elles doivent également être indemnisées du préjudice moral (...) »

III.  LES RAPPORTS DU COMITE EUROPEEN POUR LA PREVENTION DE LA TORTURE

28.  A la suite de sa visite du 25 mai au 6 juin 1997 au dispensaire de la prison de Korydallos, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (« CPT ») rédigea un rapport, rendu public le 13 septembre 2001, qui releva ce qui suit :

« It was noted in the report drawn up after the 1993 visit that the Prison Hospital was not in a position to provide the services of a fully-fledged hospital, and that the transfer of prisoners in need of hospital care to a civil hospital often proved problematic.

At the time of the second periodic visit, the Prison Hospital was accommodating 70 patients.  The number of permanent medical staff had increased and comprised six full-time doctors (two general practitioners, a surgeon, a pathologist, an anaesthetist and a dentist). In addition, a range of visiting consultants attended the Hospital twice a week. The nursing staff consisted of nine nurses (several of whom were fully qualified).

It is also noteworthy that, in contrast to the situation observed in 1993, the state of cleanliness of the patient accommodation and the condition of the bed linen were satisfactory.

The CPT welcomes the above-mentioned improvements in the Hospital's staffing levels and material conditions.

Nevertheless, the establishment can still not be described as a fully-fledged hospital, and medical staff stated that the transfer of a patient in need of hospital care to a civilian hospital remained problematic. Such transfers were often subject to long delays, at least partly because of the lack of police escorts. Further, certain difficulties persisted as regards the actual process of authorisation of transfers, which require the relevant public prosecutor's approval.

The CPT recommends that the Prison Hospital at Korydallos be resourced as a hospital in the true sense of the term or, when appropriate, ready access to fully-equipped hospital services elsewhere be guaranteed. »

29.  Dans un second temps, suite à une visite du 26 octobre au 2 novembre 1999, le CPT rédigea un rapport, rendu public le 13 septembre 2001, qui releva ce qui suit :

« At Korydallos Prison for men, the staffing levels of the health-care service continued to be a serious problem. The delegation was informed that 85% of the health-care staff posts were not filled (60% of the nursing staff posts). The full-time medical staff comprised one general practitioner (GP) and one psychiatrist; in addition, a number of outside doctors held surgeries. Further, as in 1997, there was a shortage of qualified nursing personnel: the establishment employed two qualified nurses and seven prison officers acting as auxiliary nurses.

Health care at the Avlona Institution for Male Juvenile Offenders was provided by two nurses working in the mornings; further, a prison officer acting as an auxiliary nurse was present in the afternoons. As regards doctors, two visiting GPs attended the establishment twice a week, and a psychiatrist and a dentist, once a week. In case of emergency, inmates were transported to the communal health-centre in the nearby town, and could also be transferred for treatment to Korydallos Prison Hospital.
The CPT recommends that steps be taken:

-to fill the vacant posts in the health-care service at Korydallos Prison for men;

-to increase the GPs' and the dentist's attendance hours at the Avlona Institution for Male Juvenile Offenders; as regards the former, their presence should be equivalent to at least one full-time post;

-to increase the nurses' attendance hours at the Avlona Institution for Male Juvenile Offenders, and ensure that someone qualified to provide first aid is always present at the establishment.

It became obvious that there was no systematic medical screening of inmates on admission at either Korydallos Prison for Men or the Avlona Institution for Male Juvenile Offenders. The CPT has stressed in its previous visit reports the importance of medical screening of new arrivals; such screening is indispensable, in particular in the interest of preventing the spread of transmissible diseases, suicide prevention and the timely recording of injuries. Consequently, the CPT recommends that the Greek authorities ensure that every newly-arrived prisoner at Korydallos Prison for Men and the Avlona Institution for Male Juvenile Offenders is properly interviewed and physically examined by a medical doctor as soon as possible after his admission. Such medical screening on admission could also be performed by a fully qualified nurse reporting to a doctor. »

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

30.  Le requérant allègue une violation de l'article 3 de la Convention, qui dispose :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A.  Arguments des parties

31.  Le requérant souligne qu'il était gravement malade et que son état de santé nécessitait des soins particuliers. En dépit du fait que les autorités pénitentiaires étaient au courant de la situation, les conditions de sa détention restèrent inhumaines. La détention d'une personne gravement malade comme il l'était, même pour un jour sans aucun soin médical, constitue un traitement inhumain. Le requérant souligne que son transfert au dispensaire de la prison eut lieu seulement après l'intervention de son avocat auprès du directeur de la prison. Le CPT n'a jamais consacré d'étude au dispensaire de la prison. Selon le requérant, il ressortirait d'une lettre du dispensaire de la prison de Korydallos, qu'il n'a fait l'objet d'aucun examen médical pendant son séjour au dispensaire. Le requérant met aussi en doute la véracité des certificats produits par les différents médecins qui l'ont examiné. Aucun spécialiste du diabète ni diététicien ne l'auraient examiné et le cardiologue lui rendait visite seulement les mardi et jeudi de 13h à 15h. Le certificat d'hospitalisation de l'hôpital de Nikaia prouve que le requérant avait eu un incident cardiaque grave. Le requérant allègue que les retards de transfert à l'hôpital civil, dus exclusivement aux autorités pénitentiaires, ont mis sa vie en péril. En effet, il soutient que son transfert à un hôpital civil intervint seulement après les protestations de ses codétenus. De plus, sa famille fut informée par une infirmière et non par les autorités pénitentiaires à une heure très tardive. La note de transfert du 7 avril 2000 n'indiquait aucun des médicaments prescrits au requérant alors que ceux-ci, et notamment la dose d'insuline auraient dû être mentionnés. Son opération fut pratiquée seulement lorsque sa femme eut apporté la liste des neuf médicaments qu'il prenait.

32.  Le Gouvernement admet que les conditions de détention à la prison de Korydallos ne sont pas idéales, comme l'a du reste constaté le CPT, lors de sa visite en octobre 1999, mais prétend que le requérant tente de les présenter de manière tragique afin de créer de fausses impressions. Toutefois, cette situation ne peut en aucun cas être qualifiée de mauvais traitement car elle n'atteint pas le degré de gravité exigé par la jurisprudence de la Cour. Le Gouvernement rappelle que dans l'arrêt Peers c. Grèce du 19 avril 2001, la Cour avait constaté une violation de l'article 3, en raison d'une détention de deux mois au quartier disciplinaire de la prison de Korydallos. Dans le cas d'espèce, le recours du requérant pour avoir été détenu un seul jour, du 25 au 26 novembre 1999, dans une cellule ordinaire constitue un abus du droit de recours.

33.  Quant aux allégations du requérant pour la période allant du 26 novembre 1999 au 15 mars 2000, le Gouvernement souligne que l'état du dispensaire de la prison est satisfaisant, comme l'a du reste constaté le CPT, et que le médecin qui a suivi le requérant avait affirmé dans un rapport (versé au dossier) que celui-ci était sous contrôle médical et pharmaceutique constant car il était diabétique. Quant à l'incident cardiaque du 16 mars 2000, les seuls symptômes qu'aurait présentés le requérant, d'après le rapport du médecin, consistaient en une nausée et un malaise. Quant au transfert d'un prisonnier vers un hôpital extérieur, il s'opère par le service d'ambulances, mais la durée du transfert dépend de la disponibilité des ambulances. En outre, il faut tenir compte du fait que l'hôpital a besoin d'enregistrer l'admission, ce qui peut aussi prendre un certain temps.

34.  Quant à la chute du requérant le 7 avril 2000 et la paralysie temporaire que cette chute aurait entraînée, le Gouvernement soumet un document du directeur de la prison, dont il ressort que les proches du requérant avaient été immédiatement avertis. Le requérant avait été transféré à l'hôpital de garde et la note de transfert contenait toutes les informations médicales nécessaires. Le choix de la date de l'opération du requérant relevait de la compétence de l'hôpital.

35.  Enfin, quant au refus de la cour d'appel criminelle d'Athènes d'ordonner la libération provisoire, alors que le requérant était encore hospitalisé, le Gouvernement se fonde sur l'arrêt Kudla c. Pologne du 26 octobre 2000, et rappelle que l'article 3 ne peut être interprété comme établissant une obligation générale de libérer un détenu pour motifs de santé ou de le placer dans un hôpital civil afin de lui permettre d'obtenir un traitement médical d'un type particulier. Le Gouvernement conclut que les autorités pénitentiaires ont tout fait pour parer aux problèmes de santé du requérant, soit au dispensaire de la prison, soit en le transférant dans un hôpital public quand son état le nécessitait vraiment.

B.  Appréciation de la Cour

36.  La Cour rappelle que selon sa jurisprudence constante, pour tomber sous le coup de l'article 3, un traitement doit atteindre un minimum de gravité (McGlinchey et autres c. Royaume-Uni, no 50390/00, § 45, CEDH 2003-...). L'appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l'ensemble des données de la cause et notamment de la nature et du contexte du traitement, de ses modalités d'exécution, de sa durée, de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime (voir parmi autres, Peers c. Grèce, no 28524/95, § 67, CEDH 2001-III ; Assenov et autres c. Bulgarie arrêt du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3288 § 94 ; Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96,  § 91, CEDH 2000-XI). Il est vrai que l'article 3 de la Convention a égard au but du traitement infligé et en particulier, à l'intention d'humilier ou d'abaisser l'individu. Néanmoins, l'absence d'un tel objectif ne saurait forcément conduire à un constat de non violation de l'article 3 (Peers c. Grèce, précité, § 74).

37.  Par conséquent, s'agissant de personnes privées de liberté, l'article 3 impose à l'Etat l'obligation positive de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d'exécution de la mesure ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l'emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate, notamment par l'administration des soins médicaux requis (Kudla c. Pologne, précité, § 94).

38.  Tout particulièrement, les conditions de détention d'une personne malade doivent garantir la protection de la santé du prisonnier, eu égard aux contingences ordinaires et raisonnables de l'emprisonnement. Si l'on ne peut en déduire une obligation générale de remettre en liberté ou bien de transférer dans un hôpital civil un détenu, même si ce dernier souffre d'une maladie particulièrement difficile à soigner (voir Mouisel c. France, no 67623/01, § 40, CEDH 2002-IX), l'article 3 de la Convention impose en tout cas à l'Etat de protéger l'intégrité physique des personnes privées de liberté. La Cour ne saurait exclure que, dans des conditions particulièrement graves, l'on puisse se trouver en présence de situations où une bonne administration de la justice pénale exige que des mesures de nature humanitaire soient prises pour y parer (voir Chartier c. Italie, no 9044/80, rapport de la Commission du 8 décembre 1982, Décisions et Rapports (DR) 33, p. 48, § 53).

39.  En appliquant les principes susmentionnés, la Cour a déjà conclu que le maintien en détention pour une période prolongée d'une personne d'un âge avancé, et de surcroît malade, peut entrer dans le champ de protection de l'article 3 (Papon c. France (déc.), no 64666/01, 7 juin 2001). De plus, la Cour a jugé que maintenir en détention une personne tétraplégique, dans des conditions inadaptées à son état de santé, était constitutif d'un traitement dégradant (Price c. Royaume-Uni, no 33394/96, § 30, CEDH 2001-VII). Cela étant, la Cour doit tenir compte, notamment, de trois éléments afin d'examiner la compatibilité d'un état de santé préoccupant avec le maintien en détention du requérant : (a) la condition du détenu, (b) la qualité des soins dispensés et (c) l'opportunité de maintenir la détention au vu de l'état de santé du requérant (Mouisel c. France, précité, §§ 40-42).

40.  Dans le cas d'espèce, il ressort que la condition de santé du requérant était, sans aucun doute, préoccupante. Avant son transfert à la prison de Korydallos, il souffrait d'une insuffisance cardiaque et de diabète et il était hospitalisé. Néanmoins, il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'aggravation de l'état de santé du requérant pendant sa détention, consécutive à une crise cardiaque et à une chute dans la prison, soit imputable aux autorités pénitentiaires.

41.  Quant à la qualité des soins dispensés au requérant, la Cour note d'emblée que le requérant ne se plaint pas de traitements de la part des autorités nationales visant expressément à l'humilier mais plutôt des omissions, des retards et des négligences de leur part. La Cour constate que pendant sa détention provisoire, qui dura neuf mois et dix-neuf jours, le requérant resta tant dans un hôpital civil que dans le dispensaire de la prison de Korydallos. Des certificats médicaux des médecins qui ont examiné et soigné le requérant font ressortir que celui-ci était sous contrôle médical et pharmaceutique régulier et qu'il recevait une alimentation adaptée à son état de santé (voir ainsi les certificats nos 7177/2001, 7521/2001 et 7494/2002 du directeur du dispensaire de la prison de Korydallos – paragraphe 24 ci-dessus). En particulier, le cardiologue du dispensaire attesta que le requérant était placé sous traitement constant, que le taux de sa glycémie était mesuré matin et soir et qu'il suivait le régime alimentaire pour les diabétiques (voir le certificat daté du 21 février 2002 – paragraphe 25 ci-dessus).

42.  En ce qui concerne les conditions de séjour dans le dispensaire de la prison, le requérant n'étaye pas ses allégations sur les questions de surpeuplement et d'hygiène. Certes, lors de ses visites à la prison de Korydallos en 1997 et 1999, le CPT constata des insuffisances en matière d'effectifs de médecins et d'infirmiers mais, conclut, néanmoins, que les conditions d'hospitalisation étaient d'une manière générale « satisfaisantes ». De surcroît, la Cour ne perd pas de vue que pendant une période de neuf mois et dix-neuf jours, le requérant n'a été détenu qu'un seul jour (du 25 au 26 novembre 1999) dans une cellule ordinaire de la prison de Korydallos. A supposer même que les conditions de détention dans cette prison (cellule de 8 m2 aux fenêtres cassées avec toilettes de type « turc ») aient été inadaptées à l'état de santé du requérant et que cette situation trouve sa raison dans une omission ou négligence de la part des autorités pénitentiaires, la Cour ne saurait conclure à une violation de l'article 3 sur ce fondement, en raison de la très brève durée de l'incarcération du requérant dans cette cellule.

43.  En dernier lieu, la Cour note que le requérant n'étaye pas ses allégations concernant les retards mis par les autorités pénitentiaires pour le transférer à l'hôpital civil après sa crise cardiaque et pour avertir ses proches, ni ses allégations relatives à l'absence de note de transfert contenant toutes les informations médicales nécessaires. En revanche, il ressort du certificat no 7521/2001 du directeur du dispensaire de la prison de Korydallos que le retard du transfert du requérant vers l'hôpital extérieur après sa chute n'a pas mis sa vie en péril et que ses proches ont été avertis à temps. En outre, la Cour constate que la note de transfert du 7 avril 2000 attirait l'attention de l'hôpital civil sur le fait que le requérant était diabétique et souffrait de problèmes cardiaques. En tout état de cause, à supposer même que les autorités pénitentiaires puissent être considérées comme responsables d'omissions et de retards, la Cour relève que ceux-ci n'ont pas eu de conséquences atteignant le seuil de gravité exigé par l'article 3 de la Convention.

44.  Quant à l'opportunité de maintenir le requérant en détention, la Cour note que le requérant occupait un poste qui exigeait un degré supérieur de responsabilité et de conscience professionnelle : il était conservateur des hypothèques. De surcroît, il était inculpé d'un crime sérieux, à savoir de faux ayant entraîné un préjudice financier important au détriment d'une personne morale de droit public. Les juridictions internes ont plusieurs fois refusé de faire droit à ses demandes de mise en liberté. Elles se sont fondées sur le risque de commettre d'autres infractions similaires et le fait que l'état de santé du requérant n'était pas affecté car celui-ci était hospitalisé. La Cour rappelle qu'elle ne peut pas substituer son point de vue à celui des juridictions internes quant au maintien ou non de la détention provisoire. Qui plus est, la Cour observe que, pendant la période litigieuse, les autorités nationales ont satisfait, en général, à leur obligation de protéger l'intégrité physique du requérant, notamment par l'administration de soins médicaux appropriés.

45.  Après s'être livrée à une appréciation globale des faits pertinents sur la base des preuves produites devant elle, la Cour n'estime pas établi que les conditions de détention du requérant ont constitué un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention.

46.  Partant, il n'y pas eu violation de cette disposition.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

47.  Le requérant se plaint que le jugement de la cour d'appel criminelle lui refusant toute indemnité pour la détention provisoire n'était pas motivé. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention qui, dans sa partie pertinente, dispose :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

48.  Le requérant précise que l'arrêt no 1926/2000 de la cour d'appel criminelle se contente de répéter les conditions d'applicabilité de l'article 533 § 2 du code de procédure pénale sans exposer en détail les « indices sérieux » existant contre lui. Ainsi, les motifs de l'arrêt, sur ce point particulier, sont stéréotypés et contradictoires, car ils renvoient aux faits de la cause sur lesquels la cour d'appel s'est fondée pour l'acquitter.

49.  Le Gouvernement soutient que la cour d'appel criminelle ne s'est pas contentée de reprendre le texte de l'article 533 § 2 du code de procédure pénale, comme le soutient le requérant, mais qu'elle a suffisamment motivé son refus de l'indemniser. En effet, le Gouvernement affirme que la cour d'appel renvoie aux faits ayant conduit à l'arrestation du requérant et sur lesquels se sont fondées les chambres d'accusation pour conclure qu'il y avait des indices sérieux que celui-ci avait commis l'infraction reprochée.

50.  La Cour rappelle sa jurisprudence en la matière (Georgiadis c. Grèce, arrêt du 29 mai 1997, Recueil 1997-III, p. 960, §§ 42-43 ; Karakasis c. Grèce, no 38194/97, § 27, 17 octobre 2000), selon laquelle l'étendue du devoir qu'ont les tribunaux de motiver leurs décisions peut varier notamment en fonction de la nature de la décision. La question de savoir si un tribunal a manqué à son obligation de motiver découlant de l'article 6 de la Convention ne peut s'analyser qu'à la lumière des circonstances de l'espèce (Ruiz Torija c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 303- A, p. 12, § 29).

51.  Dans la présente affaire, la Cour note que la cour d'appel d'Athènes se borna à répéter les dispositions de l'article 533 § 2 du code de procédure pénale et à conclure qu'elles s'appliquaient en l'espèce, sans offrir d'autre motivation.

52.  Par conséquent, il y a eu violation de l'article 6 § 1.

III.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

53.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

54.  Le requérant réclame une somme de 150 000 euros (EUR) pour le dommage matériel et moral subi en raison de la violation de l'article 6 de la Convention. En particulier, il allègue que, pendant sa détention, il n'a pas pu exercer ses fonctions, ce qui entraîna une perte de revenus correspondant à un montant de 87 324,24 EUR. Le reste de la somme demandée correspond au dommage moral subi par lui.

55.  Le Gouvernement affirme que la demande du requérant est « démesurée ». La perte de revenus dont se prévaut le requérant est « erronée » et « infondée ». Par conséquent, le Gouvernement estime que le constat de violation de la Convention constitue une satisfaction équitable suffisante pour tout préjudice subi par le requérant.

56.  La Cour relève que la seule base à retenir pour l'octroi d'une satisfaction équitable réside en l'espèce dans le fait que le requérant n'a pas pu jouir devant la cour d'appel criminelle des garanties de l'article 6. Plus particulièrement, la Cour a conclu en l'espèce à une violation de ladite disposition, du fait que le refus d'accorder au requérant une indemnité pour sa détention n'était pas suffisamment motivé. Elle ne saurait certes spéculer sur ce qu'eût été l'issue du procès dans le cas contraire, mais n'estime pas déraisonnable de penser que l'intéressé a subi une perte de chances réelles (mutatis mutandis, Pelissier et Sassi c. France, arrêt du 25 mars 1999, Recueil 1999-II, p. 302, § 80). A quoi s'ajoute un préjudice moral auquel le constat de violation de la Convention figurant dans le présent arrêt ne suffit pas à remédier (Dulaurans c. France, no 34553/97, § 43, 21 mars 2000). Statuant en équité, comme le veut l'article 41, la Cour alloue au requérant la somme de 15 000 EUR.

B.  Frais et dépens

57.  Le requérant sollicite le paiement des frais et dépens concernant la procédure devant la Cour. Il réclame à ce titre la somme de 6 500 EUR.

58.  Le Gouvernement juge cette somme exagérée. Il affirme que les frais remboursés au requérant ne doivent pas dépasser la somme de 2 000 EUR.

59. La Cour relève que, selon sa jurisprudence constante, pour avoir droit à l'allocation de frais et dépens, la partie lésée doit établir leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Philis c. Grèce (no 1), arrêt du 27 août 1991, série A, no 209, p. 25, §74). La Cour ne voit pas de raison de douter du caractère nécessaire des frais afférents à la procédure devant elle, pour laquelle des pièces justificatives ont été produites. Elle trouve cependant excessifs les frais totaux revendiqués à ce titre. Elle note d'ailleurs qu'elle a rejeté une partie des griefs du requérant. La Cour considère dès lors qu'il n'y a lieu de rembourser qu'en partie les frais exposés par le requérant devant elle. Statuant en équité, elle décide d'allouer au requérant 3 500 EUR au titre des frais et dépens.

C.  Intérêts moratoires

60.  La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À l'UNANIMITÉ,

1.  Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 3 de la Convention ;

2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit

a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i.  15 000 EUR (quinze mille euros) pour dommage matériel et moral;

ii.  3 500 EUR (trois mille cinq cent euros) pour frais et dépens ;

iii.  tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur lesdites sommes ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 janvier 2004 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenPeer Lorenzen
Greffier adjointPrésident

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  1. Code de procédure pénale
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CEDH, Cour (première section), AFFAIRE SAKKOPOULOS c. GRECE, 15 janvier 2004, 61828/00