CEDH, Cour (première section), AFFAIRE STAVRINOUDAKIS c. GRECE, 29 octobre 2009, 26307/07

  • Juridiction·
  • Grèce·
  • Argument·
  • Gouvernement·
  • Pourvoi en cassation·
  • Violation·
  • Droit d'accès·
  • Jurisprudence·
  • Recevabilité·
  • Tiré

Commentaires3

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

CEDH · 26 mai 2010

.s8AD2D3F6 { margin:0pt; text-align:right } .sB6C4B58F { font-family:Arial; font-size:11pt; font-weight:bold } .s32B251D { margin:0pt; text-align:center } .s746C8714 { margin:0pt; text-align:justify } .sAE070D1D { font-family:Arial; font-size:11pt } .s8BA61951 { font-family:Arial; font-size:11pt; font-style:italic; font-weight:bold } .s4F9E65DA { font-family:Arial; font-size:7.33pt; vertical-align:super } .sB988959F { color:#0000ff; font-family:Arial; font-size:11pt; text-decoration:underline } .sB8D990E2 { font-family:Arial; font-size:12pt } .s5F8BD1D8 { margin:0pt; …

 

CEDH · 29 octobre 2009

.s32B251D { margin:0pt; text-align:center } .sB6C4B58F { font-family:Arial; font-size:11pt; font-weight:bold } .s8AD2D3F6 { margin:0pt; text-align:right } .s58788E58 { font-family:Arial; font-size:5.33pt; vertical-align:super } .s746C8714 { margin:0pt; text-align:justify } .sAE070D1D { font-family:Arial; font-size:11pt } .s8BA61951 { font-family:Arial; font-size:11pt; font-style:italic; font-weight:bold } .s4F9E65DA { font-family:Arial; font-size:7.33pt; vertical-align:super } .s2359E37B { font-family:Arial; font-size:11pt; font-style:italic } .sB988959F { color:#0000ff; font-family:Arial; …

 

CEDH · 23 octobre 2009

.s32B251D { margin:0pt; text-align:center } .sB6C4B58F { font-family:Arial; font-size:11pt; font-weight:bold } .s8AD2D3F6 { margin:0pt; text-align:right } .sAE070D1D { font-family:Arial; font-size:11pt } .s746C8714 { margin:0pt; text-align:justify } .sB988959F { color:#0000ff; font-family:Arial; font-size:11pt; text-decoration:underline } .s13F7F956 { font-family:Arial; font-size:11pt; text-decoration:underline } .s8BA61951 { font-family:Arial; font-size:11pt; font-style:italic; font-weight:bold } .s4F9E65DA { font-family:Arial; font-size:7.33pt; vertical-align:super } .s53AD312D { …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 29 oct. 2009, n° 26307/07
Numéro(s) : 26307/07
Type de document : Arrêt
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable
Identifiant HUDOC : 001-95466
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2009:1029JUD002630707
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE STAVRINOUDAKIS c. GRÈCE

(Requête no 26307/07)

ARRÊT

STRASBOURG

29 octobre 2009

DÉFINITIF

10/05/2010

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Stavrinoudakis c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Nina Vajić, présidente,
Christos Rozakis,
Khanlar Hajiyev,
Dean Spielmann,
Sverre Erik Jebens,
Giorgio Malinverni,
George Nicolaou, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 octobre 2009,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 26307/07) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Georgios Stavrinoudakis (« le requérant »), a saisi la Cour le 16 juin 2007 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Mes N. Kourakis et K. Tokatlidis, avocats au barreau d'Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, M. M. Apessos, conseiller auprès du Conseil juridique de l'Etat et Mme Z. Chatzipavlou, auditrice auprès du Conseil juridique de l'Etat.

3.  Le 7 juillet 2008, la présidente de la première section a décidé de communiquer le grief tiré de la durée de la procédure au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

4.  Le contexte de la présente affaire concerne un litige entre le requérant et six autres personnes physiques sur la validité d'un testament olographe par lequel F.Z. avait légué au premier une partie de ses biens.

5.  Le 15 octobre 1987, les parties adverses du requérant saisirent le tribunal de grande instance d'Athènes d'une action tendant à l'annulation d'un testament rédigé en 1983 par lequel le testateur, F.Z., léguait une grande partie de sa fortune au requérant. Les parties adverses du requérant soutenaient que F.Z. leur avait précédemment légué sa fortune par voie de testament olographe, rédigé en 1972 et que le testament écrit en 1983 était soit faux soit dû au fait que le testateur, en raison de son âge avancé, n'était pas sain d'esprit lors de sa rédaction.

6.  Le 5 juillet 1988, par une décision avant dire droit, le tribunal de grande instance d'Athènes ordonna l'établissement d'une analyse graphologique et l'audition de témoins (décision no 2518/1988). Cette procédure fut clôturée le 15 décembre 1994.

7.  Le 31 janvier 1997, le tribunal de grande instance d'Athènes fit droit à l'action à l'égard de certains des plaignants (décision no 729/1997).

8.  Le 21 mai 1997, le requérant interjeta appel contre la décision no 729/1997.

9.  Par des décisions avant dire droit nos 10468/1997 et 2832/1999, la cour d'appel d'Athènes ordonna l'établissement d'analyses graphologiques complémentaires.

10.  Le 31 octobre 2000, par un arrêt dûment motivé, la cour d'appel d'Athènes fit droit à l'appel du requérant, infirma la décision no 729/1997 et rejeta l'action (arrêt no 8357/2000).

11.  Le 7 mars 2001, la partie adverse se pourvut en cassation.

12.  Le 18 juin 2002, la Cour de cassation cassa partiellement l'arrêt no 8357/2000 et renvoya l'affaire devant la cour d'appel d'Athènes (arrêt no 1149/2002).

13.  Par deux décisions avant dire droit, la cour d'appel d'Athènes ordonna l'établissement d'une nouvelle analyse graphologique et l'audition des parties (arrêts nos 1919/2003 et 5854/2005 respectivement).

14.  Le 12 mai 2006, par un arrêt dûment motivé, la cour d'appel d'Athènes rejeta l'appel du requérant et confirma la décision no 729/1997 (arrêt no 3349/2006).

15.  Le 18 juillet 2006, le requérant se pourvut en cassation contre l'arrêt no 3349/2006. Il relevait, entre autres, que le tribunal de grande instance n'avait pas correctement appliqué les règles afférentes à la charge de la preuve pour établir que le testament litigieux était faux, élément qui n'aurait pas été pris en considération par la cour d'appel tant dans ses arrêts avant dire droit que dans ceux relatifs au fond de l'affaire. Il soulevait aussi l'omission par la cour d'appel de prendre en compte certains éléments de preuve.

16.  Le 20 décembre 2006, la Cour de cassation rejeta le pourvoi en cassation. La haute juridiction considéra notamment que, selon l'article 562 § 2 du code de procédure civile, est irrecevable tout moyen de cassation fondé sur des arguments non formulés devant les juridictions inférieures. La Cour de cassation nota que, selon sa jurisprudence, celui qui se pourvoit en cassation doit indiquer dans le pourvoi que l'argument servant de base à son moyen de cassation avait précédemment été formulé devant la juridiction inférieure ayant adopté l'arrêt contesté. De plus, l'intéressé devait présenter l'argument en cause tel qu'il avait été soulevé devant la juridiction inférieure et indiquer le stade de la procédure et la manière dont celui-ci avait été soulevé. La haute juridiction civile nota que, de cette manière, il lui était possible de conclure si le moyen soulevé devant la juridiction inférieure était recevable et bien-fondé, condition nécessaire pour conclure à la recevabilité du moyen de cassation y afférent.

17.  Se basant sur cette condition de recevabilité, la Cour de cassation nota que le requérant avait omis d'indiquer dans son pourvoi en cassation que l'erreur prétendument commise par le tribunal de grande instance dans l'application des règles relatives à la répartition de la charge de la preuve avait légalement été soulevée devant la cour d'appel. En outre, elle considéra que le requérant avait aussi omis de relater dans son pourvoi en cassation le stade de la procédure et la manière dont les éléments de preuve en cause avaient été produits auprès de la cour d'appel. La haute juridiction déclara ainsi irrecevables les moyens de cassation tirés desdits défauts de la procédure devant les juridictions inférieures (arrêt no 2016/2006). Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 27 février 2007.

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

18.  Les dispositions pertinentes du code de procédure pénale prévoient :

Article 559

« Le pourvoi en cassation est autorisé seulement si une règle de fond a été violée (...) indépendamment de la question de savoir s'il s'agit d'une loi ou d'une coutume, grecque ou étrangère, du droit interne ou international (...) »

Article 562 § 2

« Un moyen de cassation qui se fonde sur un argument qui n'a pas été légalement soulevé devant la juridiction du fond est irrecevable, sauf s'il s'agit a) d'une violation qui ne pouvait pas être soulevée devant la juridiction du fond, b) d'une erreur qui résulte de la décision [attaquée] elle-même, c) d'un argument relatif à l'ordre public. »

19.  Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, pour qu'un moyen de cassation fondé sur une prétendue violation de la Constitution ou de principes généraux tirés d'autres dispositions soit recevable, cette argumentation doit figurer dans l'action principale (αγωγή) ou, du moins, avoir été légalement soulevée devant les juridictions de première instance et d'appel (Cour de cassation, nos 1507/1997, 290/2003, 237/2004). De plus, selon la jurisprudence constante de la haute juridiction civile, l'article 562 § 2 consacre le principe selon lequel la Cour de cassation contrôle la légalité des décisions prises par les juridictions inférieures sur la base des éléments factuels et juridiques qui devaient être pris en compte par le juge de fond. La Cour de cassation admet, ainsi, que l'article 562 § 2 du code de procédure civile consacre une condition spéciale de recevabilité, selon laquelle le pourvoi en cassation doit faire ressortir que les arguments servant de fondement aux moyens de cassation avaient légalement été soulevés devant les juridictions de fond (voir, entre autres, Cour de cassation (plénière) arrêt no 43/1990).

EN DROIT

I.  SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

20.  Le requérant se plaint de la durée de la procédure en cause. En outre, il allègue que le rejet de certains de ses moyens de cassation comme irrecevables a enfreint son droit d'accès à un tribunal. Enfin, le requérant se plaint d'une violation du droit à un procès équitable. A cet égard, il explique que la manière dont la Cour de cassation a apprécié les décisions des juridictions inférieures et les autres éléments de preuve contenus dans le dossier l'a placé en position défavorable par rapport à la partie adverse. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A.  Sur le grief tiré de la durée de la procédure

1.  Sur la recevabilité

21.  La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

2.  Sur le fond

a)  Période à prendre en considération

22.  La période à considérer a débuté le 15 octobre 1987, avec la saisine du tribunal de grande instance d'Athènes et s'est achevée le 20 décembre 2006 avec l'arrêt no 2016/2006 de la Cour de cassation qui fut mis au net et certifié conforme le 27 février 2007. La Cour note qu'en droit grec, les parties n'ont la possibilité de prendre réellement connaissance du contenu de l'arrêt de la haute juridiction concernée qu'à partir de la date à laquelle elles peuvent en obtenir copie certifiée (Papachelas c. Grèce [GC], no 31423/96, § 30, CEDH 1999‑II). Par conséquent, la mise au net et la certification conforme de l'arrêt est indispensable afin d'entreprendre les démarches éventuellement nécessaires en vue de son exécution. La Cour rappelle, sur ce point, que l'exécution d'un jugement, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l'article 6 (Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997–II, § 40, et, en dernier lieu, Panagiotis Gikas et Georgios Gikas c. Grèce, no 26914/07, § 34, 2 avril 2009). Partant, le laps de temps nécessaire pour la mise au net et la certification conforme d'un arrêt de la Cour de cassation doit être inclus dans la période à prendre en considération, étant donné qu'en raison de cette particularité de la pratique interne, ce stade est indispensable pour rendre ledit jugement exécutoire et, donc, exécutable pour l'une ou l'autre partie.

23.  Au vu de ce qui précède, la Cour considère que le dies ad quem de la procédure litigieuse est le 27 février 2007, date à laquelle l'arrêt no 2016/2006 a été mis au net et certifié conforme. La procédure en cause a donc duré dix-neuf ans et plus de quatre mois pour trois degrés de juridiction.

b)  Caractère raisonnable de la durée de la procédure

24.  Le Gouvernement procède à une analyse chronologique de la procédure en cause. Il argue que celle-ci a été menée avec célérité et que, par conséquent, elle ne prête pas à critique. De surcroît, il allègue que les parties ont épuisé tous les degrés de juridiction et que l'examen de l'affaire par cinq instances ainsi que les nombreux actes procéduraux intervenus n'ont pas permis l'examen de l'affaire dans des délais plus brefs. Le Gouvernement ajoute que les parties ont contribué à son rallongement surtout en sollicitant la prorogation des délais impartis pour l'audition des témoins. Enfin, il affirme que la procédure a été aussi retardée en raison de la grève des avocats du barreau, dont l'Etat ne saurait être tenu pour responsable.

25.  Le requérant combat ces thèses et affirme que son affaire a connu une durée excessive.

26.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).

27.  La Cour a traité à maintes reprises d'affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (voir Noel Baker c. Grèce, no 32155/04, §§ 17-22, 21 juin 2007).

28.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. En particulier, à supposer même que certains laps de temps entre les différents actes procéduraux fussent imputables aux parties et non pas au Gouvernement, force est de constater que, s'agissant d'une durée comme celle en cause, la lenteur de la procédure résulte essentiellement du comportement des juridictions saisies. La Cour rappelle sur ce point que même dans les cas où, comme en l'espèce, la procédure est régie par le principe de l'initiative des parties, la notion de « délai raisonnable » exige que les tribunaux suivent néanmoins le déroulement de la procédure et restent attentifs, tant lorsqu'il s'agit de consentir à une demande d'ajournement qu'en ce qui concerne le laps de temps à observer entre les différents stades de la procédure (voir en ce sens, Sogia Hellas A.E. c. Grèce, no 1989/05, § 18, 27 septembre 2007).

29.  En dernier lieu, s'agissant des arguments du Gouvernement tirés de la multitude des instances saisies en l'espèce ainsi que des grèves des avocats, la Cour réaffirme qu'il incombe aux Etats contractants d'organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d'obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (voir Comingersoll S.A. c. Portugal [GC], no 35382/97, § 24, CEDH 2000-IV). Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce, la durée de la procédure litigieuse a été excessive et ne répond pas à l'exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1 à cet égard.

B.  Sur le grief tiré du droit d'accès à un tribunal

Sur la recevabilité

30.  La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle le « droit à un tribunal », dont le droit d'accès constitue un aspect particulier, n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditions de recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat, lequel jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Toutefois, ces limitations ne sauraient restreindre l'accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même ; enfin, elles ne se concilient avec l'article 6 § 1 que si elles tendent à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir, parmi beaucoup d'autres, Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 février 1998, § 34, Recueil 1998‑I).

31.  La Cour note en outre que l'article 6 de la Convention n'astreint pas les Etats contractants à créer des cours d'appel ou de cassation (voir, notamment, Delcourt c. Belgique, 17 janvier 1970, §§ 25-26, série A no 11). Cependant, si de telles juridictions existent, les garanties de l'article 6 doivent être respectées, notamment en ce qu'il assure aux plaideurs un droit effectif d'accès aux tribunaux pour les décisions relatives à leurs « droits et obligations de caractère civil » (voir, parmi d'autres, Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, 19 décembre 1997, § 37, Recueil 1997‑VIII). En outre, la compatibilité des limitations prévues par le droit interne avec le droit d'accès à un tribunal, reconnu par l'article 6 § 1 de la Convention, dépend des particularités de la procédure en cause et il faut prendre en compte l'ensemble du procès mené dans l'ordre juridique interne et le rôle qu'y a joué la Cour suprême, les conditions de recevabilité d'un pourvoi en cassation pouvant être plus rigoureuses que pour un appel (Khalfaoui c. France, no 34791/97, CEDH 1999-IX).

32.  La Cour rappelle enfin que la réglementation relative aux formalités pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Toutefois, les intéressés doivent pouvoir s'attendre à ce que les règles soient appliquées (Miragall Escolano et autres c. Espagne, nos 38366/97, 38688/97, 40777/98, 40843/98, 41015/98, 41400/98, 41446/98, 41484/98, 41487/98 et 41509/98, § 33, CEDH 2000-I).

33.  En l'occurrence, le grief du requérant porte sur la nécessité de reproduire dans le pourvoi en cassation l'argument précédemment formulé devant la juridiction inférieure et servant de base à ses moyens de cassation. La Cour relève que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire, ce qui signifie que la Cour de cassation ne rejuge pas les affaires dont elle est saisie au fond, mais ne peut que sanctionner une violation de la loi par l'annulation totale ou partielle de la décision attaquée (voir en ce sens, Berger c. France, no 48221/99, § 35, 3 décembre 2002, CEDH 2002‑X, extraits et Tsilira c. Grèce, no 44035/05, § 21, 22 mai 2008). Si la recevabilité du pourvoi en cassation exige, entre autres, que le demandeur relate dans son pourvoi les arguments soulevés devant les juridictions inférieures sur lesquels se fonde un moyen de cassation, cette condition résulte de la nature de la procédure en cassation et répond aux exigences de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice ; quand le demandeur en cassation impute à la juridiction inférieure une application erronée du droit pertinent quant aux arguments soulevés devant celle-ci, il paraît raisonnable d'exiger que celui-ci expose dans son pourvoi lesdits arguments et démontre qu'ils avaient été avancés selon les conditions de recevabilité prescrites. Dans le cas contraire, la haute juridiction ne serait aucunement en mesure d'exercer son contrôle d'annulation à l'égard de l'arrêt attaqué ; elle serait tenue de rétablir elle-même les arguments avancés devant la juridiction de fond. Or, ceci équivaudrait à exiger en substance de la haute juridiction qu'elle formule les arguments juridiques avancés devant la juridiction inférieure et servant de fondement aux moyens de cassation soulevés devant elle.

34.  Certes, il est vrai que la condition de recevabilité faisant l'objet du grief du requérant tiré de l'article 6 § 1 de la Convention est une construction jurisprudentielle découlant de l'article 562 § 2 du code de procédure civile. Elle dérive pour autant directement de la lettre de cette disposition dans la mesure où elle exige que le pourvoi en cassation fasse ressortir que les arguments servant de fondement aux moyens de cassation avaient légalement été soulevés devant les juridictions de fond. En outre, ladite condition de recevabilité repose sur la jurisprudence de la Cour de cassation existant depuis 1990. Aux yeux de la Cour, le requérant, qui était représenté par un avocat tout au long de la procédure, devait s'attendre à ce que cette règle soit appliquée et conduise à l'irrecevabilité des moyens de cassation en cause.

35.  Au vu de ce qui précède, la Cour considère qu'en rejetant les moyens de cassation en cause comme vagues, la Cour de cassation n'a pas entravé le droit d'accès à un tribunal du requérant tel que garanti par l'article 6 § 1 de la Convention.

Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

C.  Sur le grief tiré du principe de l'égalité des armes

Sur la recevabilité

36.  S'agissant du grief tiré de l'article 6 § 1, la Cour rappelle qu'aux termes de l'article 19 de la Convention, elle a pour tâche d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. En particulier, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (voir, García Ruiz c. Espagne [GC], nº 30544/96, § 28, CEDH 1999-I). La Cour ne peut apprécier elle-même les éléments de fait ayant conduit une juridiction nationale à adopter telle décision plutôt que telle autre, sinon elle s'érigerait en juge de quatrième instance et elle méconnaîtrait les limites de sa mission (voir, mutatis mutandis, Kemmache c. France (nº 3), 24 novembre 1994, § 44, série A nº 296-C). La Cour a pour seule fonction, au regard de l'article 6 de la Convention, d'examiner les requêtes alléguant que les juridictions nationales ont méconnu des garanties procédurales spécifiques énoncées par cette disposition ou que la conduite de la procédure dans son ensemble n'a pas garanti un procès équitable au requérant (voir, Donadzé c. Géorgie, nº 74644/01, §§ 30-31, 7 mars 2006).

37.  En l'occurrence, la Cour ne décèle aucun indice d'arbitraire dans le déroulement de la procédure devant la Cour de cassation, qui, selon les éléments du dossier, a respecté les principes du contradictoire et de l'égalité des armes et au cours de laquelle le requérant avait la possibilité de présenter tous les arguments pour la défense de ses intérêts. Tel a aussi été le cas dans la procédure devant les juridictions inférieures. En conclusion, la Cour estime que, considérée dans son ensemble, la procédure litigieuse a revêtu un caractère équitable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention et que l'examen du grief ne révèle aucune apparence de violation de cette disposition.

Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

II.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

38.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

39.  Le requérant réclame, sans précisions, 20 000 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel. Il réclame en outre 200 000 EUR au titre du dommage moral qu'il aurait subi.

40.  Le Gouvernement invite la Cour à écarter la demande au titre du dommage matériel. Il affirme en outre qu'un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante au titre du dommage moral. A titre alternatif, il affirme que la somme allouée à ce titre ne saurait dépasser 3 000 EUR.

41.  La Cour rappelle que le constat de violation de la Convention auquel elle est parvenue résulte exclusivement d'une méconnaissance du droit de l'intéressé à voir sa cause entendue dans un « délai raisonnable ». Dans ces conditions, elle n'aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et un quelconque dommage matériel dont le requérant aurait eu à souffrir ; il y a donc lieu de rejeter cet aspect de ses prétentions. En revanche, la Cour estime que le requérant a subi un tort moral certain que ne compense pas suffisamment le constat de violation de la Convention. Statuant en équité, elle lui accorde 26 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt.

B.  Frais et dépens

42.  Le requérant demande également 45 000 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et relatifs à sa représentation devant la Cour. Il produit des pièces justificatives faisant état du versement de la somme de 14 486,28 EUR pour sa représentation devant les juridictions internes.

43.  Le Gouvernement affirme qu'il convient d'écarter cette demande, car le requérant ne l'étaye pas suffisamment. A titre alternatif, il affirme que la somme allouée à ce titre ne saurait dépasser 1 000 EUR.

44.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, l'allocation de frais et dépens au titre de l'article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité ainsi que le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002).

45.  En l'espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 1 000 EUR tous frais confondus et l'accorde au requérant. Cette somme est à compléter de tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par celui-ci.

C.  Intérêts moratoires

46.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit

a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 26 000 EUR (vingt-six mille euros) au titre du dommage moral et 1 000 EUR (mille euros) au titre des frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 octobre 2009 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenNina Vajić
GreffierPrésidente

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CEDH, Cour (première section), AFFAIRE STAVRINOUDAKIS c. GRECE, 29 octobre 2009, 26307/07