CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE OGICA c. ROUMANIE, 27 mai 2010, 24708/03

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Chronologie de l’affaire

Commentaires4

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CEDH · 27 mai 2010

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CEDH · 27 mai 2010

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CEDH · 21 mai 2010

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 27 mai 2010, n° 24708/03
Numéro(s) : 24708/03
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Aliev c. Géorgie, no 522/04, 13 janvier 2009
Andrita c. Roumanie (déc.), no 67708/01, 27 janvier 2009
Artimenco c. Roumanie, no 12535/04, 30 juin 2009
Bojinov c. Bulgarie, no 47799/99, 28 octobre 2004
Brânduse c. Roumanie, no 6586/03, 7 avril 2009
Calmanovici c. Roumanie, no 42250/02, 1er juillet 2008
Eugen Gabriel Radu c Roumanie, no 3036/04, 13 octobre 2009
Giulia Manzoni c. Italie, no 19218/91, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV
Gorguiladze c. Géorgie, no 4313/04, 20 octobre 2009
Khoudoïorov c. Russie, no 6847/02, CEDH 2005-X (extraits)
Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, CEDH 2000-XI
Labita c. Italie [GC], no 26772/95, CEDH 2000-IV
Maciuca c. Roumanie, no 25763/03, 26 mai 2009
Marian Stoicescu c. Roumanie, no 12934/02, 16 juillet 2009
Petrea c. Roumanie, no 4792/03, 29 avril 2008
Rashid c. Bulgarie, no 47905/99, 18 janvier 2007
Seleznev c. Russie, no 15591/03, 26 juin 2008
Temesan c. Roumanie, no 36293/02, 10 juin 2008
Michael Joseph Walker c. Royaume-Uni (déc.), no 34979/97, CEDH 2000-I
Organisation mentionnée :
  • Comité européen pour la prévention de la torture
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Partiellement irrecevable ; Violation de l'art. 3 (volet matériel) ; Violation de l'art. 5-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation
Identifiant HUDOC : 001-98872
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2010:0527JUD002470803
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE OGICĂ c. ROUMANIE

(Requête no 24708/03)

ARRÊT

STRASBOURG

27 mai 2010

DÉFINITIF

27/08/2010

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Ogică c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Josep Casadevall, président,
Elisabet Fura,
Corneliu Bîrsan,
Boštjan M. Zupančič,
Alvina Gyulumyan,
Luis López Guerra,
Ann Power, juges,
et de Stanley Naismith, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 mai 2010,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 24708/03) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Stancu Ogică (« le requérant »), a saisi la Cour le 27 mai 2003 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Le requérant est représenté par Me Gheorghe Marin Dobre, avocat à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Răzvan-Horaţiu Radu, du ministère des Affaires étrangères.

3.  Le 4 mars 2009, le président de la troisième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond de l'affaire.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

4.  Le requérant est né en 1968 et réside à Mirău.

A.  La mise en détention provisoire du requérant et la procédure pénale engagée à son encontre

5.  En janvier 2001, le requérant déclara à son entourage et aux médias être en possession d'un billet de loterie gagnant (1 million de dollars américains), puis il déposa une plainte auprès de la police, alléguant qu'un couple l'avait agressé et lui avait soustrait ce billet.

Le 31 janvier 2001, la Loterie nationale et les époux M., en possession du billet gagnant, déposèrent chacun une plainte pénale contre le requérant pour tentative d'escroquerie et fausses déclarations.

6.  Toujours le 31 janvier 2001, le requérant fut placé en détention provisoire par un procureur. Sa détention provisoire fut prolongée ensuite tous les trente jours jusqu'à l'issue de la procédure pénale engagée à son encontre. Après le renvoi, le 27 juin 2001, du requérant en jugement devant le tribunal de première instance de Bucarest, ce tribunal procéda, en présence de l'intéressé et de l'avocat qu'il avait choisi, à une nouvelle audition d'une quinzaine de témoins entendus au cours des poursuites, dont sept témoins à décharge sollicités par l'intéressé et des témoins employés de la Loterie nationale. Le requérant fut lui aussi entendu. Le tribunal cita M.C. (époux M.) à comparaître pour être entendu, mais celui-ci informa le tribunal en août 2001 qu'il ne souhaitait ni participer à la procédure ni se constituer partie civile.

7.  Par un jugement du 3 septembre 2002, le tribunal de première instance condamna le requérant pour tentative d'escroquerie à une peine de trois ans de prison ferme et le relaxa quant aux autres charges. Se fondant sur des expertises et des déclarations de témoins, il jugea que le requérant avait délibérément tenté de se faire désigner comme le gagnant du prix.

8.  Par un arrêt définitif du 31 janvier 2003, la cour d'appel de Bucarest confirma le jugement susmentionné, mais réduisit la peine à deux ans de prison. Constatant que la peine prononcée arrivait à son terme le jour même à minuit, elle ordonna la remise en liberté de l'intéressé.

B.  Les conditions de détention du requérant

1.  Version du requérant

9.  Le requérant dénonce les conditions de sa détention provisoire dans les locaux de la police de Bucarest (DGPMB), du 31 janvier au 27 juin 2001 (avec des interruptions dues à des hospitalisations), puis dans la prison de Bucarest-Jilava.

10.  En ce qui concerne la première période précitée, le requérant soutient avoir été incarcéré avec des détenus dangereux dans une cellule dépourvue d'aération et de chauffage, et avoir dû partager un lit avec d'autres codétenus dans des mauvaises conditions d'hygiène favorisant l'apparition de poux. Il fournit des déclarations faites devant un notaire public par trois de ses anciens codétenus. Ceux-ci y précisaient que le requérant avait partagé avec eux et plusieurs autres détenus les cellules no 2 (février 2001), no 17 (mars 2001) et no 1 (avril-mai 2001), qu'ils devaient tous partager les lits de ces cellules surpeuplées, sales (présence de poux), et dépourvues de chauffage en hiver et de toute aération, alors que plusieurs autres détenus fumaient à l'intérieur. Ils mentionnaient également une insuffisance en quantité et en calories de la nourriture et un éclairage artificiel très faible, ainsi qu'une agression du requérant par d'autres codétenus. Enfin, l'un des anciens codétenus précisa que, lorsqu'il avait croisé le requérant ultérieurement dans la prison de Bucarest-Jilava, l'intéressé lui avait mentionné que les conditions de détention étaient similaires dans cette prison.

11.  Le requérant soutient avoir à plusieurs reprises subi des violences de la part des codétenus ou des gardiens, notamment dans les locaux de détention de la DGPMB et dans l'hôpital pénitentiaire de Bucarest-Jilava, et avoir même été menotté à un lit pendant dix jours. Il soumet à cet égard des copies de son dossier médical, dont il ressort qu'entre mars et mai 2001 il a été présenté au cabinet médical de la prison de Bucarest-Jilava ou dans des hôpitaux civils avec des blessures post‑traumatiques (œdème palpébral, ecchymoses, etc.) ou consécutives à des actes qualifiés d'auto-agression (ingestion de lessive, lésions au bras). Selon le requérant, ces blessures et actes auraient été provoqués par des codétenus et par des gardiens. L'intéressé ne saisit cependant pas le parquet d'une plainte pénale à cet égard.

12.  Par ailleurs, les autorités ne l'auraient pas autorisé à participer aux obsèques de son père, décédé en mars 2001.

13.  Il ressort des documents médicaux versés au dossier que le requérant a été interné à l'hôpital pénitentiaire de Bucarest-Jilava (section psychiatrie) du 5 au 14 mars 2001 et qu'il y a ensuite été conduit à plusieurs reprises, jusqu'en juin 2001, depuis les locaux de la DGPMB pour subir d'autres examens médicaux (psychiatrie, médecine interne, etc.).

14.  En ce qui concerne en particulier la période postérieure à juin 2001, celle de sa détention à la prison de Bucarest-Jilava, le requérant mentionne le surpeuplement des cellules non chauffées et l'impossibilité de les aérer, ainsi que la qualité déplorable, mauvaise pour la santé, de la nourriture et de l'eau (présence de larves, poux et punaises). Il ajoute à cela l'obligation qui lui aurait été faite de partager la cellule avec des détenus qui purgeaient déjà leurs peines.

2.  Observations du Gouvernement

15.  Sur la base de renseignements qu'il ne documente pas, le Gouvernement soutient que, lors de sa détention dans les locaux de détention de la DGPMB, le requérant a bénéficié d'un régime de détention « fermé » dans la cellule no 17 qu'il a partagée avec un autre détenu. Selon le Gouvernement, la cellule avait une surface de 14 m2 et était équipée de deux lits, d'un lavabo, d'une fenêtre d'environ 0,30 m2 et d'un radiateur « en état de marche » ; en revanche, les toilettes auraient été séparées de la cellule et les détenus y auraient eu accès « à la demande ». Le Gouvernement ajoute que le requérant pouvait se promener entre une demi-heure et deux heures chaque jour dans une « cour de promenade » de 24 m2 située à l'intérieur des locaux. En outre, l'intéressé aurait été hospitalisé à l'hôpital pénitentiaire de Bucarest-Jilava (section psychiatrie) du 5 mars au 27 juin 2001.

16.  S'appuyant sur des renseignements fournis le 23 juillet 2009 par l'Administration nationale des établissements pénitentiaires (ANP), le Gouvernement indique que, dans la prison de Bucarest-Jilava, le requérant a été détenu successivement, après le 27 juin 2001, dans six cellules différentes. D'après lui, la taille de ces cellules était comprise entre 33 m2 et 45 m2 et l'intéressé a partagé ces cellules avec 32 à 43 codétenus. En raison du flux de détenus ayant occupé ces cellules, l'ANP n'aurait pas été en mesure d'indiquer le nombre de lits dont elles étaient dotées, mais chaque cellule aurait disposé de toilettes séparées (avec lavabo), de fenêtres et de mobilier (deux tables, des bancs et des chaises). Chacune aurait bénéficié d'eau courante, mais pour se laver à l'eau chaude le requérant aurait été amené une fois par semaine dans une salle de douches. Dans sa lettre, l'ANP mentionnait également que les cellules étaient chauffées selon des tranches horaires programmées, à l'exception des périodes où l'installation aurait été défectueuse, mais qu'en raison de l'ancienneté du réseau de distribution du chauffage il y avait des pertes importantes sur le circuit, de sorte que l'eau chaude serait arrivée dans les radiateurs des cellules à une température d'environ trente degrés.

17.  Sans fournir de détails sur la qualité de l'eau, le Gouvernement précise que le régime calorique journalier, fixé par ordre du ministère de la Justice, était respecté, qu'un médecin veillait à la qualité de la nourriture, que les détenus se voyaient fournir des articles d'hygiène personnelle dans les limites réglementaires et que le linge était lavé une fois par semaine.

18.  Pour ce qui était de l'activité journalière en dehors de la cellule, le Gouvernement indique que le requérant avait droit à une promenade en plein air d'environ trente minutes et qu'il lui était possible de se livrer à des exercices physiques pendant ce laps de temps et de pratiquer des sports lors des compétitions organisées. A ce sujet, tout en mentionnant que les détenus pouvaient faire, à un intervalle non précisé, environ une heure de sport sur deux terrains et dans un espace couvert aménagé, l'ANP admet en même temps qu'à l'époque des faits la prison ne bénéficiait pas d'un terrain ou d'une salle de sport. Enfin, la prison de Bucarest-Jilava aurait disposé de deux bibliothèques pour les détenus, d'abonnements à des journaux et, dans la mesure du possible, de postes de télévision.

C.  La remise en liberté du requérant

19.  Le vendredi 31 janvier 2003, immédiatement après le prononcé de l'arrêt définitif selon lequel la peine prononcée arrivait à son terme à minuit (paragraphe 8 ci-dessus), le greffe de la cour d'appel de Bucarest rédigea une lettre pour informer la prison de Bucarest-Jilava du dispositif de l'arrêt afin que l'administration puisse prendre les mesures nécessaires.

20.  Un procès-verbal dressé le même jour à 15 h 10 par le greffe de la cour d'appel fit état des démarches faites sur la base de l'arrêt précité. Il mentionnait que le commandant de la prison de Bucarest-Jilava, joint par téléphone, avait informé le greffe que le secrétariat était fermé et que personne ne pouvait réceptionner la télécopie relative au dispositif de l'arrêt. Selon ce procès-verbal, le commandant avait dirigé l'appel vers l'officier de garde de la prison, qui aurait quant à lui précisé que la remise en liberté du requérant ne pouvait être faite sur la base d'un simple appel téléphonique, en l'absence d'un document écrit.

21.  Ayant reçu par télécopie, le lundi 2 février 2003, à 7 h 52, le dispositif de l'arrêt du 31 janvier 2003, l'administration de la prison de Bucarest-Jilava fit les démarches nécessaires et, à 10 h 40, elle remit le requérant en liberté.

II.  LE DROIT INTERNE ET LES RAPPORTS INTERNATIONAUX PERTINENTS

A.  Le droit interne pertinent

22.  Un résumé des dispositions du droit interne pertinent en l'espèce relatif aux voies de recours disponibles en matière d'exécution des peines de prison figure aux paragraphes 22 à 23 de l'arrêt Petrea c. Roumanie (no 4792/03, 29 avril 2008).

23.  L'article 504 du code de procédure pénale (CPP), dans sa rédaction postérieure à sa modification par la loi no 281/2003 et à la décision no 45/1998 de la Cour constitutionnelle (Pantea c. Roumanie, no 33343/96, § 152, CEDH 2003-VI (extraits)), prévoit que la personne qui, au cours de la procédure pénale à son encontre, a subi une restriction ou une privation de liberté illégale a le droit de se voir octroyer par l'Etat une réparation pour le dommage subi. Le caractère illégal de la privation de liberté doit être établi, selon le cas, soit par une ordonnance du procureur ou par une décision judiciaire révoquant cette mesure ou mettant fin aux poursuites/au procès pénal, soit par une décision judiciaire de relaxe ou d'acquittement. La procédure en réparation doit être introduite dans un délai de dix-huit mois après le prononcé de l'ordonnance ou de la décision judiciaire susmentionnée.

Par une décision no 417 du 14 octobre 2004, la Cour constitutionnelle a jugé que l'article 504 CPP était constitutionnel, même si ses dispositions énuméraient expressément les cas ouvrant droit à une réparation en vertu de cet article. Elle considérait que les personnes qui souhaitaient voir réparer le préjudice subi du fait d'une privation illégale de liberté non couverte par l'article 504 CPP disposaient « d'autres voies légales » pour faire valoir leurs droits.

B.  Les rapports émanant du Conseil de l'Europe

24.  Les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) rendues à la suite des visites effectuées dans des prisons de Roumanie, tout comme les observations à caractère général du CPT, sont résumées dans l'arrêt Bragadireanu c. Roumanie (no 22088/04, §§ 73-76, 6 décembre 2007).

25.  Le rapport du CPT publié en avril 2004 et relatif à sa visite en Roumanie en septembre 2002 rappelle que les conditions de détention dans les locaux de détention de la DGPMB avaient été qualifiées, à la suite de sa précédente visite de janvier 1999, d'« équivalentes à un traitement inhumain et/ou dégradant », et souligne qu'elles avaient continué à empirer jusqu'à cette visite du CPT de septembre 2002 :

« Le dépôt de l'établissement avait une capacité officielle de 132 places ; cependant, au moment de la visite, 193 personnes y étaient détenues (...). Pour la plupart, les cellules avaient un accès très limité ou inexistant à la lumière du jour ; leur éclairage artificiel était faible et l'aération était manifestement insuffisante ; les cellules étaient d'une saleté repoussante et un grand nombre d'entre elles étaient infestées de vermine.

De plus, les taux d'occupation étaient bien trop élevés ; par exemple, dans le quartier des hommes, des cellules de 4,50 à 5 m² servaient à la détention de quatre personnes et, dans des cellules d'environ 10 m², il y avait huit personnes ou plus. (...) Moins de la moitié des détenus avaient un lit pour eux tout seuls. (...) [S'agissant des activités en plein air], dans la pratique, les personnes détenues dans les établissements de police visités avaient droit, dans le meilleur des cas, à environ 45 minutes par jour d'exercice en plein air. »

26.  Dans son rapport complété à la suite d'une nouvelle visite dans les locaux de détention de la DGPMB effectuée en février 2003, à une époque où des travaux de rénovation étaient en cours, le CPT constate des améliorations quant aux conditions matérielles de détention dans la partie rénovée de la DGPMB ; néanmoins, « le taux d'occupation des cellules restait excessif », puisque « dans une cellule nouvellement aménagée de 17 m² étaient hébergées 8 personnes ».

27.  En ce qui concerne la prison de Bucarest-Jilava, le rapport du CPT publié en avril 2003 à la suite de sa visite de février 1999 faisait état de conditions matérielles généralement très médiocres : le manque drastique d'espace vital et l'insuffisance de lits entraînaient une promiscuité inacceptable pour la grande majorité des détenus. De surcroît, de nombreux détenus se plaignaient du froid et de l'humidité, en particulier la nuit. Lors de sa visite de juin 2006 dans une section de la prison de Bucarest-Jilava (rapport publié en décembre 2008), le CPT avait constaté que les caractéristiques observées à l'occasion de sa visite de 1999 restaient globalement valables pour la section en question – celle des détenus dangereux –, y compris en ce qui concernait le surpeuplement ou les conditions d'hygiène. Par ailleurs, « la direction de la prison a attiré l'attention de la délégation du CPT sur le fait que les conditions de détention étaient extrêmement médiocres dans l'ensemble de la prison », à tel point « qu'il était prévu de construire une nouvelle prison et de transférer (...) les condamnés vers d'autres locaux, en attendant la fermeture de l'ensemble de l'établissement », puisqu'« il ne servirait à rien d'investir dans une rénovation des structures de l'établissement ».

28.  Rédigé à la suite d'une visite effectuée en Roumanie par les membres du Bureau du commissaire aux droits de l'homme du 13 au 17 septembre 2004, un rapport, publié le 29 mars 2006, fournit des renseignements sur la prison de Bucarest-Jilava. Il qualifie les conditions de détention dans cet établissement de « particulièrement difficiles » et la situation d'« alarmante ». Il y est souligné en outre que « toutes les installations étaient vétustes, les fenêtres incapables de protéger du froid et le mobilier d'un autre temps ».

C.  D'autres rapports concernant les conditions de détention

29.  A la suite de sa visite effectuée le 15 avril 2003, une organisation non gouvernementale, l'Association pour la défense des droits de l'homme en Roumanie – Comité Helsinki (Apador-CH), rapportait que la prison de Bucarest-Jilava était l'une des plus surpeuplées au niveau national (3 187 détenus pour 2 551 lits).

30.  Quant aux locaux de la DGPMB, Apador-CH mentionnait à l'issue d'une visite effectuée en janvier 2009 que la DGPMB disposait de 148 places de détention dans 30 cellules, chaque cellule étant équipée de 4 ou 6 lits pour une superficie de 12 m2 ou 14 m2 respectivement.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 3 DE LA CONVENTION EN CE QUI CONCERNE LES CONDITIONS DE DÉTENTION

31.  Le requérant se plaint de mauvaises conditions de détention dans les locaux de la DGPMB et dans la prison de Bucarest-Jilava, en particulier d'une surpopulation carcérale, d'une hygiène désastreuse et d'une absence ou d'une insuffisance de chauffage et d'aération et d'éclairage naturels. Il invoque en substance l'article 3 de la Convention, ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

32.  Le Gouvernement combat cette thèse.

A.  Sur la recevabilité

33.  Le Gouvernement excipe de l'irrecevabilité de ce grief, soutenant que le requérant aurait pu introduire une action en dédommagement sur le fondement des dispositions de droit commun relatives à la responsabilité civile délictuelle (articles 998-999 du code civil). S'il ne fournit pas d'exemples de jurisprudence interne à cet égard, il avance que cela est dû au fait que les détenus ne saisissent pas les tribunaux en utilisant cette voie de recours. Il se réfère toutefois à l'affaire Stan c. Roumanie (déc.) (no 6936/03, 20 mai 2008), dans laquelle un requérant a obtenu des dédommagements après le constat par les tribunaux internes de la dégradation de son état de santé pendant sa détention.

34.  Le requérant n'a pas soumis d'observations sur ce point.

35.  La Cour observe que le grief du requérant porte sur les conditions matérielles de détention, grief qui – en l'espèce – n'a pas été accompagné d'une allégation de défaut de traitement médical. Elle réaffirme qu'il incombe au Gouvernement de démontrer qu'une voie de recours est effective en théorie comme en pratique, et rappelle avoir déjà rejeté une exception fondée sur les articles 998-999 du code civil, après avoir jugé que, au vu de la particularité d'un tel grief, identique à celui du requérant en l'espèce, il n'y avait pas de recours effectif à épuiser (Petrea, précité, § 37 ; Brânduşe c. Roumanie, no 6586/03, §§ 37 et 40, 7 avril 2009, et Eugen Gabriel Radu c Roumanie, no 3036/04, §§ 20 et 23, 13 octobre 2009). Le Gouvernement n'a fourni aucun élément susceptible de mener la Cour à une conclusion différente en l'espèce. En effet, non seulement il n'a pas présenté plusieurs exemples permettant de conclure qu'il s'agit d'un recours effectif en la matière, mais surtout la Cour observe que, à la différence de la présente espèce, l'affaire Stan portait sur des conditions de détention et une absence de traitement médical qui avaient mené à la dégradation de l'état de santé de l'intéressé.

36.  La Cour note en revanche que, même si le Gouvernement n'a pas soulevé une telle exception, une question pourrait a priori se poser quant à l'applicabilité et au respect de la règle des six mois pour ce qui est de la partie du grief du requérant relative aux conditions de détention dans les locaux de la DGPMB avant son transfert à la prison de Bucarest-Jilava (Andrita c. Roumanie (déc.), no 67708/01, § 38 in fine, 27 janvier 2009, et Michael Joseph Walker c. Royaume‑Uni (déc.), no 34979/97, CEDH 2000‑I). Eu égard au fait que, dans des affaires de ce type, il y a situation continue si le grief concerne des aspects généraux (conditions d'hygiène, surpeuplement, etc.) et des conditions de détention qui sont restées sensiblement les mêmes malgré un transfert du détenu (Seleznev c. Russie, no 15591/03, §§ 35-36, 26 juin 2008), la Cour considère que la question du respect de la règle des six mois est en l'espèce étroitement liée à l'examen du fond du grief en cause.

37.  Par ailleurs, la Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

38.  Le requérant soutient que les conditions de détention subies emportent violation de l'article 3 de la Convention.

39.  Le Gouvernement renvoie à la jurisprudence de la Cour en la matière et, se référant à la description des conditions de détention qu'il a fournie, il soutient que celles du requérant étaient conformes aux exigences de l'article 3 de la Convention.

40.  La Cour rappelle d'abord que l'article 3 de la Convention impose à l'Etat de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d'exécution ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l'emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 92-94, CEDH 2000-XI).

41.  La Cour renvoie ensuite à la manière dont, dans des affaires similaires, elle a fait application du principe affirmanti incumbit probatio (« la preuve incombe à celui qui affirme ») lorsque le Gouvernement était le seul à avoir accès aux informations susceptibles de confirmer ou d'infirmer les allégations d'un requérant (Khoudoïorov c. Russie, no 6847/02, § 113, CEDH 2005‑X (extraits), et Seleznev, précité, § 41).

42.  En l'espèce, la Cour relève que, selon le requérant, dans les locaux de détention de la DGPMB comme dans la prison de Bucarest-Jilava, les conditions de détention se caractérisaient par une surpopulation carcérale, une hygiène désastreuse, une absence ou une insuffisance de chauffage et d'aération et d'éclairage naturels.

43.  La Cour note que les thèses des parties quant aux conditions de détention en question sont diamétralement opposées en ce qui concerne les locaux de détention de la DGPMB. Toutefois, le simple fait que la version du Gouvernement contredit celle fournie par le requérant ne saurait, en soi, mener la Cour au rejet des allégations de ce dernier comme non étayées.

44.  A cet égard, en dépit de l'argument du Gouvernement selon lequel l'intéressé aurait été hospitalisé dans la section de psychiatrie de l'hôpital pénitentiaire pendant la majeure partie de la période en cause, la Cour observe d'emblée que les documents médicaux du dossier font ressortir qu'entre mars et juin 2001 le requérant a continué d'être détenu dans les locaux de la DGPMB, même si au cours de cette période il a été hospitalisé pour de brèves périodes en vue d'examens médicaux (paragraphes 13 et 15 in fine ci-dessus). La Cour relève ensuite que l'affirmation du Gouvernement, selon laquelle le requérant a été détenu dans la cellule no 17 de 14 m2 qu'il a partagée avec un seul autre codétenu, n'est étayée par aucun document issu des registres pénitentiaires et qu'elle est de nature à soulever des questions au vu des conditions de détention dans les locaux de la DGPMB décrites par le CPT pour l'époque en question (paragraphes 25‑26 ci-dessus) ; de plus, cette affirmation est contredite par les déclarations authentifiées faites par plusieurs anciens codétenus du requérant (paragraphe 10 ci-dessus).

45.  La Cour observe que ces déclarations et surtout les rapports susmentionnés décrivent, pour l'époque considérée, non seulement des mauvaises conditions de détention mais encore une dégradation de celles-ci, notamment un surpeuplement accru (1‑2 m2 par détenu dans des cellules manifestement mal aérées et comprenant un nombre de lits inférieur au nombre de détenus) et de très mauvaises conditions d'hygiène (cellules sales, infestées de vermine, etc.). En l'absence de tout document ou explication pertinents de la part du Gouvernement malgré les contradictions relevées ci-dessus, la Cour doute que, dans des conditions de surpeuplement et d'insalubrité généralisées à l'époque dans les locaux de détention en question, la cellule du requérant ait pu constituer l'unique exception et que, à la différence de l'ensemble des cellules de l'établissement, elle ait pu être convenablement éclairée, aérée et entretenue, et offrir à l'intéressé un espace vital conforme aux critères jugés acceptables par la jurisprudence de la Cour (voir, mutatis mutandis, Aliev c. Géorgie, no 522/04, §§ 77 et 82, 13 janvier 2009, et Gorguiladze c. Géorgie, no 4313/04, § 47, 20 octobre 2009).

46.  Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que la thèse du Gouvernement n'est ni motivée ni valablement documentée, alors qu'il était le seul à avoir accès aux informations susceptibles de confirmer ou d'infirmer les affirmations du requérant, étayées par les déclarations précitées. Sa thèse n'est par ailleurs pas corroborée par des éléments de preuve versés au dossier. Les pièces figurant au dossier permettent, au contraire, d'estimer « au-delà de tout doute raisonnable » que le requérant a dû effectivement subir pendant plusieurs mois et de manière constante l'essentiel des conditions de détention dont il se plaint dans son grief relatif aux locaux de détention de la DGMPB (surpeuplement, insalubrité, manque d'air frais et de lumière naturelle, etc.). Par ailleurs, eu égard aux éléments fournis par le CPT, la Cour ne saurait conclure que le temps de promenade offert au requérant dans un espace commun de 24 m2 était de nature à compenser le manque d'espace dans sa cellule (paragraphes 15 et 25 in fine ci-dessus, et Gorguiladze, précité, § 49).

47.  La Cour conclut donc que les conditions de détention dans les locaux de la DGPMB étaient de nature à causer au requérant une souffrance allant au-delà de celle que comporte inévitablement une privation de liberté.

48.  Pour ce qui est des conditions de détention du requérant entre juin 2001 et février 2003 dans la prison de Bucarest-Jilava, la Cour rappelle avoir déjà conclu à la violation de l'article 3 de la Convention dans des affaires similaires, dans lesquelles les requérants avaient mis en cause les conditions matérielles de détention dans cette prison, notamment le surpeuplement et accessoirement les conditions d'hygiène, à la même époque que celle considérée en l'espèce (voir, parmi d'autres, Maciuca c. Roumanie, no 25763/03, 26 mai 2009, et Marian Stoicescu c. Roumanie, no 12934/02, § 24, 16 juillet 2009). Rien ne permet à la Cour d'aboutir en l'espèce à une conclusion différente. Il suffit à cet égard de s'appuyer, conjointement, sur les allégations non contredites des parties ainsi que sur les renseignements issus des rapports dressés notamment par le CPT (paragraphes 27-29 ci-dessus) pour constater que, à supposer même que le requérant ait bénéficié d'un lit individuel, il n'a toutefois disposé dans sa cellule que d'environ 1 m2 d'espace vital, et ce sans prendre en compte le mobilier dont la présence réduisait encore cette superficie. A l'exception d'environ trente minutes de promenade quotidienne en plein air, le requérant se voyait donc confiné dans sa cellule surpeuplée et de surcroît confronté aux problèmes liés aux conditions précaires d'hygiène et à l'insuffisance de chauffage.

49.  Au vu de ce qui précède, la Cour observe que le grief du requérant concerne des aspects généraux relatifs aux conditions de détention (conditions d'hygiène, surpeuplement, température des cellules, etc.) qui sont restées similaires malgré le transfert du requérant des locaux de la DGMPB à la prison de Bucarest-Jilava et qu'il convient donc d'examiner comme une situation continue (voir, mutatis mutandis, Seleznev, précité, § 36, Artimenco c. Roumanie, no 12535/04, §§ 10 et 38, 30 juin 2009, et, a contrario, Branduse, précité, §§ 41-43).

50.  Même si la Cour admet qu'en l'espèce rien n'indique qu'il y ait eu véritablement intention d'humilier ou de rabaisser le requérant, l'absence d'un tel but ne saurait exclure un constat de violation de l'article 3. La Cour estime que les conditions de détention en cause, que le requérant a dû supporter pendant une période significative, n'ont pas manqué de le soumettre à une épreuve d'une intensité qui excédait le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention.

51.  Partant, il y a eu violation de l'article 3 de la Convention.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION

52.  Le requérant allègue avoir été maintenu en détention du 31 janvier au 2 février 2003 en l'absence de toute base légale. Il invoque l'article 5 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes en l'espèce sont ainsi libellées :

« 1.  Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

a)  s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;

(...) »

53.  Le Gouvernement combat cette thèse.

A.  Sur la recevabilité

54.  Le Gouvernement soulève une exception de non-épuisement des voies de recours, considérant que le requérant aurait dû saisir les tribunaux internes d'une action en réparation du préjudice allégué, fondée sur l'article 504 CPP. Il renvoie à cet égard à l'affaire Temesan c. Roumanie (no 36293/02, § 49, 10 juin 2008).

55.  Le requérant n'a pas soumis d'observations sur ce point.

56.  La Cour note d'emblée que le grief du requérant concerne le laps de temps pendant lequel il a été maintenu en détention en attendant son élargissement, prononcé le 31 janvier 2003 par une décision définitive constatant qu'il avait intégralement purgé sa peine et qu'il devait être remis en liberté. Elle relève que, après sa modification par la loi no 281/2003, l'article 504 CPP posait comme condition de recevabilité d'une action en réparation que le caractère illégal de la privation de liberté en cause fût établi par une ordonnance ou un jugement dans la limite de cas bien définis. Or elle observe que la situation du requérant en l'espèce ne répondait pas à ces cas (paragraphe 23 ci-dessus ; voir, a contrario, Temesan, précité, §§ 26 et 30) et qu'en outre le Gouvernement n'a pas fourni d'exemples de jurisprudence interne pour démontrer que, en dépit du fait que la Cour constitutionnelle avait confirmé que son usage était limité aux cas prévus par l'article 504 CPP, cette voie de recours était accessible au requérant (paragraphe 23 in fine ci-dessus).

57.  La Cour conclut que le Gouvernement n'a pas démontré que la voie de recours en question représentait, en théorie comme en pratique, une voie de recours accessible et effective que le requérant aurait dû épuiser avant d'introduire sa requête. Il y a donc lieu de rejeter cette exception préliminaire.

58.  Par ailleurs, la Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

59.  Le requérant réitère ses allégations selon lesquelles le maintien en détention durant la période concernée n'avait pas de base légale.

60.  Le Gouvernement fait observer que, le 31 janvier 2003, après 15 heures, lorsque le greffe de la cour d'appel de Bucarest a pris contact avec la prison de Bucarest-Jilava, le programme de travail du personnel de la prison était terminé, de sorte que la remise en liberté du requérant n'a été effectuée que le lundi 3 février 2003, à 10 h 40. Il soutient que, contrairement à la procédure suivie dans l'affaire Calmanovici c. Roumanie (no 42250/02, 1er juillet 2008), les autorités ont en l'espèce manifesté une diligence particulière le matin du 3 février 2003 dans l'accomplissement des procédures d'élargissement.

61.  La Cour rappelle que la liste des exceptions au droit à la liberté figurant à l'article 5 § 1 de la Convention revêt un caractère exhaustif et que seule une interprétation étroite cadre avec le but de cette disposition : assurer que nul ne soit arbitrairement privé de sa liberté (Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 170, CEDH 2000-IV). Il lui incombe dès lors d'examiner des griefs relatifs à des retards d'exécution d'une décision de remise en liberté avec une vigilance particulière (Bojinov c. Bulgarie, no 47799/99, § 36, 28 octobre 2004). Par ailleurs, elle réaffirme que, si un certain délai pour l'exécution d'une décision de remise en liberté est souvent inévitable, il faut qu'il soit réduit au minimum (Giulia Manzoni c. Italie, no 19218/91, § 25, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV).

62.  En l'espèce, la Cour observe que l'arrêt définitif du 31 janvier 2003 avait condamné le requérant à une peine d'une durée égale à celle de la détention déjà effectuée jusqu'à cette date et qu'immédiatement après son prononcé le greffe de la cour d'appel a pris contact avec la prison de Bucarest-Jilava afin que les mesures nécessaires soient prises pour l'élargissement de l'intéressé ; elle note que l'échec de ces démarches a été consigné dans un procès-verbal dressé le même jour à 15 h 10.

63.  La Cour rappelle que, lorsqu'elle a examiné le délai d'exécution des décisions de remise en liberté de requérants dans des affaires où les conditions requises pour leur libération avaient été réunies à une heure où l'employé de la prison chargé des opérations nécessaires à cette fin était absent en raison de ses horaires de travail, elle n'a pas écarté des périodes telles que le soir et la nuit (Labita, précité, §§ 24 et 172, Rashid c. Bulgarie, no 47905/99, §§ 31-32 et 79-80, 18 janvier 2007, et Calmanovici, précité, § 77). Elle saurait d'autant moins adopter une autre approche en l'espèce que, à la différence de l'affaire Calmanovici, c'est pendant la journée que le greffe de la cour d'appel a pris contact avec l'administration de la prison de Bucarest-Jilava pour l'avertir de l'arrêt définitif rendu et de la nécessité de prendre les mesures qui s'imposaient en vue de l'élargissement du requérant.

64.  La Cour ne peut accepter que, au motif des horaires de travail de son secrétariat, l'administration d'une prison ne prenne pas des mesures pour réceptionner, un vendredi en tout début d'après-midi, un document télécopié nécessaire à la remise en liberté d'un détenu, sachant qu'une telle fermeture du secrétariat aura pour conséquence le maintien en détention de l'intéressé pour une durée supplémentaire de plus de quarante-huit heures. Aux yeux de la Cour, un tel délai ne peut nullement constituer un « délai minimum inévitable » pour la mise en exécution d'une décision définitive ayant pour effet la remise en liberté d'un individu.

La détention en cause ne saurait donc relever de l'un des alinéas de l'article 5 de la Convention.

65.  Il s'ensuit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 1.

III.  SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

66.  Invoquant l'article 3 de la Convention, le requérant se plaint d'avoir été soumis à des mauvais traitements par des codétenus et par des gardiens et d'avoir été menotté à un lit pendant dix jours en 2001. Il se plaint aussi de plusieurs méconnaissances de l'article 5 §§ 1 et 3 de la Convention en lien avec son placement et son maintien en détention provisoire. Sur le terrain de l'article 6 §§ 1 et 3 d) de la Convention, il se plaint du caractère inéquitable de la procédure pénale engagée à son encontre (impossibilité de faire entendre les époux M. et des témoins à décharge, interprétation des preuves par les tribunaux, etc.). Enfin, il invoque l'article 7 de la Convention, alléguant avoir été condamné pour des faits qui ne sauraient selon lui être qualifiés de délit au regard du droit interne et du droit international, et l'article 8 de la Convention, sous l'angle duquel il reproche aux autorités de ne pas l'avoir autorisé à assister en mars 2001 aux obsèques de son père.

67.  Compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n'a relevé aucune apparence de violation des droits et libertés garantis par les articles de la Convention.

Il s'ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et qu'elle doit être rejetée, en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

IV.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

68.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

69.  Le requérant réclame 1 000 000 d'euros (EUR) pour le préjudice matériel qu'il estime avoir subi à raison de la perte du prix de Loterie litigieux. Il sollicite également une somme comprise entre 1 et 500 000 EUR, qu'il laisse à la Cour le soin de fixer, pour le préjudice moral qu'il estime avoir subi à raison des conditions de sa détention et des souffrances auxquelles il aurait été soumis au cours de celle-ci.

70.  Le Gouvernement considère que la demande visant le préjudice matériel est à rejeter pour absence de lien de causalité avec les violations alléguées. Quant au préjudice moral, il estime qu'un simple constat de violation pourrait constituer en soi une réparation satisfaisante et que, de toute manière, le montant exigé à ce titre est excessif à la lumière de la jurisprudence de la Cour.

71.  La Cour n'aperçoit pas de lien de causalité entre les violations constatées et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu'il y a lieu d'octroyer au requérant 8 000 EUR au titre du préjudice moral.

B.  Frais et dépens

72.  Sans fournir de justificatifs, le requérant demande également une somme comprise entre 10 000 EUR et 100 000 EUR, qu'il prie la Cour de fixer, pour les frais et dépens engagés devant elle.

73.  Le Gouvernement estime qu'il convient de rejeter cette demande qui n'est étayée par aucun justificatif.

74.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour rejette la demande du requérant.

C.  Intérêts moratoires

75.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1.  Joint au fond l'exception tirée du non-respect du délai de six mois soulevée à titre préliminaire par le Gouvernement au sujet du grief relatif aux conditions de détention dans les locaux de la DGPMB et la rejette ;

2.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 3 et 5 § 1 de la Convention, pour ce qui est des conditions de détention du requérant et de son maintien en détention après le 31 janvier 2003, et irrecevable pour le surplus ;

3.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 3 de la Convention ;

4.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 1 de la Convention ;

5.  Dit

a)  que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention, 8 000 EUR (huit mille euros), à convertir dans la monnaie de l'Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement, pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 mai 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stanley NaismithJosep Casadevall
Greffier adjointPrésident

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  1. Code de procédure pénale
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CEDH, Cour (troisième section), AFFAIRE OGICA c. ROUMANIE, 27 mai 2010, 24708/03