CEDH, Note d’information sur l'affaire 69339/16, 23 juin 2020, 69339/16

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CEDH

Communiqué de presse sur l'affaire 69339/16

 

CEDH

Communiqué de presse sur les affaires 69339/16, 10795/14, 12468/15, 23489/15, 19074/16, 61919/16, 20159/15 et 1175/06

 

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 23 juin 2020, n° 69339/16
Numéro(s) : 69339/16
Type de document : Note d'information
Niveau d’importance : Importance moyenne
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale (Article 8-1 - Respect de la vie familiale ; Respect de la vie privée)
Identifiant HUDOC : 002-12864
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Texte intégral

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 241

Juin 2020

Omorefe c. Espagne - 69339/16

Arrêt 23.6.2020 [Section III]

Article 8

Article 8-1

Respect de la vie familiale

Respect de la vie privée

Carences du processus décisionnel privant une étrangère en difficulté de contact avec son bébé mis sous tutelle à sa demande puis adopté, six ans plus tard, malgré son opposition: violation

En fait – La requérante est une ressortissante nigériane. En février 2009, son fils, âgé à l’époque de presque deux mois, fut placé dans un centre d’accueil, à la demande de sa mère, mis sous tutelle de l’État et déclaré en situation légale d’abandon. L’autorité parentale de la requérante fut suspendue, mais le régime de visites fixé par les autorités et le droit des parents du mineur à être informés de sa situation furent toutefois maintenus. Au début, les autorités avaient envisagé que l’enfant puisse réintégrer sa famille biologique à moyen terme à condition que ses parents réalisent certains objectifs et cela avec l’assistance du service social. Aussi ce processus devait faire l’objet d’un examen par le service de protection des mineurs dans un délai de six mois.

Toutefois, en mai 2009, les visites de la requérante à son fils furent suspendues et l’enfant fut placé en famille d’accueil préadoptif. Cette décision fut motivée par l’absence de ressources des parents de l’enfant, en situation irrégulière et sans emploi ni logement stable, la situation de crise et de conflit qui aurait existé entre les parents et le sentiment ambivalent de la mère à l’égard de son bébé. La requérante s’opposa à la privation de contacts avec son fils et à son adoption.

S’appuyant dans une large mesure sur le manque d’aptitudes parentales de la requérante, le juge de première instance estima que l’adoption pouvait avoir lieu sans son consentement. Mais ce jugement fut annulé, en 2012, par l’Audiencia provincial car la requérante, n’ayant pas été déchue de son autorité parentale, devait nécessairement donner son accord à l’adoption. La mesure d’accueil familial préadoptif fut donc annulée. En juin 2015, le juge de première instance reconnut le droit de la requérante de rendre visite à son fils, une heure par mois, dans le cadre de rencontres supervisées.

Mais en octobre 2015, l’Audiencia provincial infirma son précédent arrêt (de 2012) et autorisa l’adoption du fils de la requérante en dépit de l’absence de consentement de cette dernière et de l’avis contraire du procureur. Cependant, elle signala la possibilité d’adopter à l’avenir « une quelconque forme de relation ou de contact au travers de visites ou de communications avec la mère biologique ».

En droit – Article 8 : Les décisions litigieuses ayant abouti à l’adoption de l’enfant de la requérante s’analysent en une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante et de son enfant biologique. Cette ingérence était prévue par la loi et poursuivait le but légitime de la protection des droits et libertés de l’enfant. La Cour a estimé, cependant et nonobstant la marge d’appréciation de l’État défendeur en la matière, que le processus à l’origine des décisions litigieuses n’a pas été conduit de manière à ce que tous les avis et les intérêts de requérante fussent dûment pris en compte et n’a pas été entouré de garanties proportionnées à la gravité de l’ingérence et des intérêts en jeu.

Premièrement, alors que la requérante était censé recevoir l’appui et l’encadrement du service social en vue de la récupération de son enfant, aucune évaluation de l’assistance menée par ce service n’a été effectuée avant 2013, laissant ainsi à la seule charge de la requérante les efforts à réaliser afin de parvenir à accomplir les objectifs déterminés à cet égard.

Deuxièmement, la décision de la commission d’évaluation proposant la mise en œuvre de l’accueil familial préadoptif de l’enfant est intervenue à peine vingt jours après que la requérante ait été informée qu’elle aurait un délai de six mois pour réaliser les objectifs susmentionnés pour retrouver son fils. Aussi, bien avant l’expiration de ce délai, elle a été privée de contacts avec son fils et l’adoption de l’enfant sans le consentement de sa mère a été proposée au juge par les autorités compétentes.

Troisièmement, comme il a été indiqué par l’Audiencia provincial dans son arrêt de 2012, la loi exige, pour que la déchéance d’autorité parentale puisse être décidée, une procédure judiciaire contradictoire, ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce. Aucun motif grave n’avait par ailleurs été invoqué à cet égard.

Quatrièmement, les autorités n’ont pas mis en balance les intérêts de l’enfant et ceux de sa mère biologique mais elles se sont concentrées sur ceux de l’enfant, et elles n’ont pas sérieusement envisagé la possibilité de réunion de l’enfant et de sa mère biologique. Elles n’ont pas dûment pris en compte les efforts de la requérante pour régulariser et stabiliser sa situation.

À cet égard, dans son arrêt de 2012, l’Audiencia provincial a relevé plusieurs insuffisances dans le processus décisionnel. Elle a indiqué qu’il n’existait aucun rapport psychologique faisant état d’une absence d’affection de la mère pour son fils et que la pauvreté ne pouvait pas être le motif principal invoqué pour priver une mère de ses droits et obligations. Elle a aussi estimé que, bien que la législation ait pour but la réintégration des mineurs dans leur famille biologique, cette question prioritaire n’avait aucunement été examinée par l’autorité publique.

Cinquièmement, le droit de visite de la requérante lui fut retiré, en mai 2009, sans aucune expertise psychologique. Ceci a considérablement restreint l’appréciation factuelle de l’évolution de la situation de la requérante et de ses aptitudes parentales à l’époque considérée. Par ailleurs, la requérante a peiné par son insistance et la cohérence de ses demandes pour que son droit à rendre visite à son fils soit finalement reconnu par le juge de première instance dans le cadre de rencontres supervisées. Toutefois, malgré ce jugement, des visites n’ont pas non plus eu lieu. Aucun contact n’a eu lieu entre la requérante et son enfant même après la dernière décision de l’Audiencia provincial indiquant qu’une possibilité « de relation ou de contact au travers de visites ou de communications avec la mère biologique » pouvait être explorée si cela devait correspondre à l’intérêt supérieur du mineur.

Au demeurant, le passage du temps a eu pour effet de rendre définitive une situation qui était censée être provisoire. En octobre 2015, l’Audiencia provincial a ainsi autorisé l’adoption du fils de la requérante au motif que l’enfant habitait dans sa famille d’accueil pratiquement depuis sa naissance et que sa mère n’avait pas toutes les compétences parentales requises et ce, sans procéder à des expertises indépendantes.

Tout en reconnaissant que les juridictions internes se sont appliquées de bonne foi à préserver le bien-être du mineur, il y a eu de graves manques de diligence dans la procédure menée par les autorités ainsi que par certaines juridictions de première instance. On peut certes comprendre que l’enfant de la requérante ait été placé sous tutelle de l’administration à sa demande. Cela étant, cette décision aurait dû s’accompagner dans les meilleurs délais des mesures les plus appropriées permettant d’évaluer en profondeur la situation de l’enfant et ses rapports avec ses parents, au besoin avec le père et la mère séparément, le tout dans le respect du cadre légal en vigueur. Cette situation était particulièrement grave compte tenu du jeune l’âge de l’enfant. La Cour n’est guère convaincue par les raisons que l’administration et les juridictions internes ont estimé suffisantes pour justifier le placement en accueil préadoptif du mineur puis son adoption, malgré l’opposition claire de la requérante qui n’a pu exercer son droit de visite que pendant trois mois, au début de la procédure, ce qui semble suggérer l’existence dès le début d’une intention de placer l’enfant en accueil familial préadoptif. Les autorités administratives n’ont pas envisagé d’autres mesures moins radicales prévues par la législation telles que l’accueil temporaire ou accueil simple, non préadoptif, qui est également plus respectueux des parents d’accueil dans la mesure où il ne crée pas de faux espoirs, Le rôle des autorités de protection sociale est précisément d’aider les personnes en difficulté, en l’espèce notamment la mère de l’enfant, qui s’est vue contrainte de placer volontairement son fils compte tenu de la gravité de sa situation personnelle et familiale.

Eu égard à ces considérations, les autorités n’ont pas déployé des efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de la requérante à garder le contact avec son enfant, méconnaissant ainsi le droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale.

Conclusion : violation (unanimité).

Article 46 : La Cour estime qu’il ne lui appartient pas de donner suite, en tant que telle, à la prétention de la requérante qui demande à se voir restituer le contact avec son enfant biologique. Cependant, eu égard aux circonstances particulières de la présente affaire et au besoin urgent de mettre fin à la violation du droit de la requérante au respect de sa vie familiale, la Cour invite les autorités internes à réexaminer, dans un bref délai, la situation de la requérante et de son fils mineur à la lumière du présent arrêt et d’envisager la possibilité d’établir un quelconque contact entre eux en tenant compte de la situation actuelle de l’enfant et de son intérêt supérieur, et à prendre toute autre mesure appropriée conformément à ce dernier. La Cour estime que l’exécution du présent arrêt devrait ainsi donner suite à la décision l’Audiencia provincial indiquant une telle possibilité. La forme la plus appropriée de redressement consiste à faire en sorte que la requérante se retrouve autant que possible dans la situation qui aurait été la sienne si l’article 8 n’avait pas été méconnu. Le droit interne prévoit la possibilité de réviser les décisions définitives déclarées contraires aux droits reconnus dans la Convention par un arrêt de la Cour « pourvu qu’elle ne porte pas préjudice aux droits acquis par des tiers de bonne foi ».

Article 41 : aucune demande formulée pour dommage.

(Voir aussi Pini et autres c. Roumanie, 78028/01 et 78030/01, 22 juin 2004, Note d’information 65 ; K.A.B. c. Espagne, 59819/08, 10 avril 2012, Note d’information 151 ; Ageyevy c. Russie, 7075/10, 18 avril 2013, Note d’information 162 ; Soares de Melo c. Portugal, 72850/14, 16 février 2016, Note d’information 193 ; Haddad c. Espagne, 16572/17, 18 juin 2019, Note d’information 230 ; Strand Lobben et autres c. Norvège [GC], 37283/13, 10 septembre 2019, Note d’information 232 ; et Zelikha Magomadova c. Russie, 58724/14, 8 octobre 2019, Note d’information 233)

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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