CEDH, Note d’information sur l'affaire 43572/18, 15 mars 2022, 43572/18

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 15 mars 2022, n° 43572/18
Numéro(s) : 43572/18
Type de document : Note d'information
Niveau d’importance : Publiée au Recueil
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Exception préliminaire rejetée (Art. 35) Conditions de recevabilité ; (Art. 35-3-a) Ratione materiae ; Exception préliminaire rejetée (Art. 35) Conditions de recevabilité ; (Art. 35-3-b) Aucun préjudice important ; Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6-1 - Accès à un tribunal ; Droits et obligations de caractère civil ; Décider (civil) ; Contestation) ; Préjudice moral - constat de violation suffisant (Article 41 - Préjudice moral ; Satisfaction équitable)
Identifiant HUDOC : 002-13602
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Texte intégral

Note d’information sur la jurisprudence de la Cour 260

Mars 2022

Grzęda c. Pologne [GC] - 43572/18

Arrêt 15.3.2022 [GC]

Article 6

Procédure civile

Article 6-1

Accès à un tribunal

Droits et obligations de caractère civil

Absence de contrôle juridictionnel de la cessation prématurée, ex lege, consécutive à une réforme législative, du mandat de membre du Conseil national de la magistrature d’un juge en exercice de la Cour administrative suprême : violation

En fait – Le requérant est juge à la Cour administrative suprême. En 2016, l’assemblée générale des juges de cette juridiction, avec la participation des représentants des assemblées générales des juges des tribunaux administratifs régionaux, l’élut membre du conseil national de la magistrature (CNM) pour un mandat de quatre ans conformément aux dispositions pertinentes de la Constitution et de la législation applicable. Il fut cependant mis fin prématurément à ce mandat en 2018, consécutivement à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi qui s’inscrivait dans une réforme judiciaire de grande ampleur. En particulier, la loi de 2017 portant modification de la loi sur le CNM (« la loi modificative de 2017 ») disposait que les juges membres du CNM n’étaient plus élus par leurs pairs mais par la Diète (article 9), et que le mandat des membres juges qui avaient été élus en vertu des dispositions précédentes prendrait fin la veille de l’entrée en fonction des nouveaux membres du CNM (article 6). Par conséquent, lorsque la Diète élut quinze nouveaux membres juges du CNM le 6 mars 2018, le mandat de membre juge du CNM dont le requérant était titulaire prit fin ex lege, sans que l’intéressé ait été notifié officiellement de la cessation de son mandat. Le requérant se plaint de ne pas avoir eu accès à un tribunal pour contester cette mesure.

En droit – Article 6 § 1 :

Dans le cadre de son examen, la Cour tient compte des arrêts qu’elle a rendus contre la Pologne concernant la réorganisation du système judiciaire (Xero Flor w Polsce sp. Z o.o., Broda et Bojara, et Reczkowicz), des arrêts de la Cour constitutionnelle, la Cour suprême et la Cour administrative suprême de Pologne, des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), et de plusieurs rapports et avis d’institutions européennes et internationales.

a) Recevabilité – Le cas d’espèce soulève une question nouvelle, celle de l’applicabilité de l’article 6 § 1 sous son volet civil à un litige résultant de la cessation prématurée du mandat de membre juge du CNM dont le requérant était titulaire, sans cessation des fonctions de juge de l’intéressé.

i) Sur l’existence d’un droit – Au vu du cadre législatif interne en vigueur au moment de son élection et pendant son mandat, le requérant pouvait prétendre de manière défendable que le droit polonais le protégeait d’une cessation de son mandat de membre juge du CNM pendant cette période. En particulier, eu égard à la teneur de l’article 187 § 3 de la Constitution, qui prévoit et protège la durée de quatre ans du mandat des membres élus du CNM, les juges élus au CNM pouvaient prétendre de manière défendable que le droit interne leur conférait le droit d’accomplir l’intégralité de leur mandat sauf dans les cas qui étaient énumérés de manière exhaustive dans la loi et qui soit étaient liés à l’incapacité objective d’exercer le mandat, soit découlaient d’une décision ou une initiative de l’intéressé. La thèse du requérant selon laquelle il est en droit d’accomplir l’intégralité de son mandat de membre juge du CNM trouve également appui dans le fait que cet organe est investi par la Constitution de la mission de gardien de l’indépendance des juridictions et des juges.

Le Gouvernement soutient que la cessation du mandat du requérant, prévue par la loi modificative de 2017, découlait de la nécessité d’exécuter l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 20 juin 2017, dans lequel il avait été conclu que le mandat de tous les membres élus du CNM devait être non pas individuel mais commun, c’est-à-dire commencer et se terminer à la même date. Cependant, la Cour relève premièrement que la validité et la légitimité de cet arrêt sont remises en cause en raison de la présence dans la formation de jugement, composée de cinq juges, de deux magistrats dont l’élection avait été entachée de graves irrégularités (eu égard aux constats formulés par la Cour dans l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire Xero Flor w Polsce sp. z o.o. et aux constats pertinents de la Cour suprême polonaise). Deuxièmement, elle observe qu’en toute hypothèse, la Cour constitutionnelle dans son arrêt litigieux n’a jamais exigé qu’il fût prématurément mis fin au mandat des membres juges alors en exercice du CNM, pas plus qu’elle n’a mentionné l’existence de motifs extraordinaires constitutionnellement valables de nature à justifier pareille mesure à titre exceptionnel. L’arrêt litigieux n’a donc pas mis fin au mandat des membres élus du CNM, et il ne pouvait pas le faire. Troisièmement, la Cour constate que cette cessation prématurée pose à l’évidence un problème de proportionnalité. En fait, des mesures différentes auraient pu être prises qui auraient permis d’atteindre le but déclaré sans violer la règle, posée par la Constitution, établissant la durée – quatre ans – du mandat des membres juges du CNM. Enfin, ainsi que la Cour suprême l’a relevé à plusieurs occasions, la Cour constitutionnelle a, par l’arrêt litigieux, contredit ses propres conclusions sur la question et ignoré sa propre jurisprudence selon laquelle la modification du statut de membres d’organes constitutionnels devait s’accompagner d’une période d’adaptation appropriée ou ne s’appliquer qu’à compter du début du mandat suivant.

Le fait qu’il ait été mis fin ex lege au mandat du requérant à la date de l’élection des nouveaux membres du CNM ne peut anéantir, rétroactivement, le caractère défendable du droit dont l’intéressé pouvait se prétendre titulaire en vertu des règles qui étaient applicables au moment de son élection. Étant donné que c’est ce nouveau texte (la loi modificative de 2017) qui a annulé les anciennes règles, il constitue l’objet même du « litige » auquel il s’agit de savoir si l’on pouvait considérer de manière défendable que les garanties d’équité de la procédure découlant de l’article 6 § 1 devaient s’appliquer. Dans les circonstances de la présente affaire, on ne peut donc pas trancher sur la base de la nouvelle législation la question de savoir s’il existait un droit en droit interne.

Il y avait donc une contestation réelle et sérieuse sur un « droit » à mener à son terme le mandat de quatre ans de membre juge du CNM, droit que le requérant pouvait prétendre, de manière défendable, reconnu en droit interne.

ii) Sur le caractère civil du droit – La Cour applique le critère qu’elle a énoncé dans l’arrêt Vilho Eskelinen et autres c. Finlande [GC], lequel renferme deux conditions cumulatives qui, si elles sont pleinement satisfaites, permettent de renverser la présomption d’applicabilité de l’article 6. La Cour laisse ouverte la question de savoir si la première condition a été satisfaite étant donné que, en toute hypothèse, la seconde condition ne l’est pas. Partant, l’article 6 § 1 est applicable sous son volet civil.

α) La première condition (sur le point de savoir si le droit interne excluait expressément l’accès à un tribunal pour le poste ou la catégorie de salarié en question) – Eu égard au caractère inédit du cas d’espèce (celui-ci concerne non pas l’activité principale du requérant en sa qualité de juge mais son mandat de membre du CNM) ainsi qu’aux aspects de droit public plus importants qu’il revêt, la Cour juge opportun de préciser la première condition du critère Vilho Eskelinen. Cette condition est délibérément stricte, et donc rarement satisfaite, et il suffit pour conclure que l’article 6 trouve à s’appliquer de constater qu’elle n’est pas satisfaite, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si la seconde condition l’est. La Cour considère toutefois qu’il ne serait pas totalement approprié dans toutes les situations d’appliquer telle quelle la première condition du critère Eskelinen. Elle est donc disposée à admettre que cette première condition peut être considérée comme satisfaite lorsque, même en l’absence d’une disposition expresse à cet effet, il a été démontré sans ambiguïté que le droit interne exclut l’accès à un tribunal pour le type de contestation concerné. Elle considère donc que cette condition est d’abord remplie lorsque le droit interne renferme une exclusion explicite du droit d’accès à un tribunal, mais qu’elle peut aussi l’être lorsque l’exclusion en question est de nature implicite, en particulier lorsqu’elle découle d’une interprétation systémique du cadre juridique applicable ou du corpus législatif dans sa globalité.

β) La seconde condition (sur le point de savoir si l’exclusion de l’accès à un tribunal était justifiée par des motifs objectifs liés à l’intérêt de l’État) – Selon l’approche adoptée dans l’affaire Vilho Eskelinen, le simple fait que l’intéressé relève d’un secteur ou d’un service qui participe à l’exercice de la puissance publique n’est pas en lui-même déterminant.

Pour que la législation nationale excluant l’accès à un tribunal ait un quelconque effet au titre de l’article 6 § 1 dans un cas donné, elle doit être compatible avec la prééminence du droit, qui commande notamment que toute ingérence dans l’exercice d’un droit soit en principe basée sur un instrument d’application générale. L’article 6 de la loi modificative de 2017 ne peut être considéré comme un tel instrument, étant donné qu’il visait un groupe spécifique de quinze personnes clairement identifiables – les membres juges du CNM élus conformément à la réglementation en vigueur jusqu’alors, parmi lesquels le requérant – et qu’il avait pour but premier de les déchoir de leurs sièges au sein de cet organe. La Cour a déjà dit que les lois visant uniquement des individus donnés sont contraires à l’état de droit.

Dans son examen de la seconde condition du critère Eskelinen, la Cour doit dûment tenir compte du fait que le cas d’espèce est étroitement lié à la question de l’indépendance de la justice, puisque le CNM a pour mission de la protéger. L’une des manifestations fondamentales du rôle du CNM à cet égard est sa compétence exclusive pour proposer des candidats pour les nominations (initiales et promotions) à tous les niveaux du système judiciaire et dans tous les types de juridictions. L’exercice effectif du rôle fondamental qui lui est confié par la Constitution commande donc que le CNM soit indépendant des branches politiques du pouvoir de l’État. Le fait de révoquer ou de menacer de révoquer un membre juge du CNM pendant son mandat risque de porter atteinte à l’indépendance personnelle de l’intéressé dans l’exercice de ses fonctions au sein du CNM. De manière plus générale, pareille révocation est aussi susceptible de nuire à la mission de protection de l’indépendance de la justice dont est chargé le CNM, ce qui poserait un certain nombre de problèmes du point de vue de la prééminence du droit, notamment quant à la protection des droits consacrés et protégés par la Convention. Dans ce contexte, la Cour tient compte des éléments suivants. D’abord, toutes les Parties contractantes à la Convention ont dans leur droit interne des garanties explicites et formelles, soit constitutionnelles soit légales, de l’indépendance de la justice. Ensuite, l’indépendance de la justice est une condition sine qua non de l’exercice du droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention. Enfin, l’indépendance de la justice est mise en œuvre par les personnes investies du pouvoir judiciaire.

À cet égard, la Cour rappelle sa jurisprudence relative au rôle particulier que le pouvoir judiciaire joue dans la société en tant que garant de la justice, et à la nécessité de protéger ses membres contre toute mesure susceptible de menacer leur indépendance et leur autonomie. Étant donné le rôle des conseils de la magistrature, les mêmes considérations devraient s’appliquer au mandat des juges élus pour y siéger, tel le requérant en l’espèce, en raison de leur statut. À cet égard, il convient de comprendre l’indépendance de la justice de manière inclusive, comme s’appliquant aux juges non seulement dans leur rôle judiciaire, mais aussi dans le cadre des autres fonctions officielles étroitement liées au système judiciaire qu’ils peuvent être amenés à assumer.

L’obligation de garantir l’indépendance des conseils de la magistrature est confirmée par les recommandations du Comité des Ministres et d’autres organes du Conseil de l’Europe. Selon les normes pertinentes du Conseil de l’Europe, un conseil de la magistrature doit voir son autonomie en matière de nomination des juges protégée contre toute interférence des pouvoirs législatif et exécutif et son indépendance garantie. En outre, il est recommandé qu’au moins la moitié des membres des conseils de la magistrature soient des juges choisis par leurs pairs.

Si la création d’un conseil de la magistrature en tant qu’organe chargé de la sélection des juges est une pratique courante et approuvée par le Conseil de l’Europe, la Convention ne renferme aucune exigence explicite à cet effet. De l’avis de la Cour, les États membres doivent se conformer à leur obligation de garantir l’indépendance de la justice, quel que soit le système qu’ils choisissent. Par conséquent, lorsqu’un conseil de la magistrature a été mis en place, les autorités de l’État devraient être tenues de veiller à son indépendance à l’égard des pouvoirs exécutif et législatif, notamment pour préserver l’intégrité de la procédure de nomination des juges. Les États sont libres d’adopter un tel modèle afin de garantir l’indépendance de la justice, mais il ne leur est pas loisible de l’instrumentaliser pour saper cette indépendance.

Il existe un lien clair entre l’intégrité du processus de nomination des juges et l’exigence d’indépendance de la justice posée à l’article 6 § 1 de la Convention. Eu égard à ce qui précède, aux doutes qu’elle a déjà exprimés au sujet de l’arrêt du 20 juin 2017 de la Cour constitutionnelle et aux constats pertinents qu’elle a formulés dans l’arrêt Reczkowicz, ainsi qu’aux décisions de la Cour suprême et de la Cour administrative suprême relatives à l’absence d’indépendance du CNM, la Cour estime que par l’effet combiné de la modification fondamentale du mode d’élection des membres juges du CNM (nomination par la Diète et non plus par les assemblées de juges) et de la cessation prématurée du mandat des précédents membres juges, l’indépendance du CNM n’est plus garantie.

La Convention n’empêche pas les États de prendre des décisions légitimes et nécessaires pour réformer leur système judiciaire, mais une réforme du système judiciaire ne doit pas aboutir à un affaiblissement de l’indépendance du pouvoir judiciaire et de ses organes de gouvernance. À la lumière des principes de subsidiarité et de responsabilité partagée, la mission qu’ont les Parties contractantes de garantir l’indépendance de la justice revêt une importance cruciale, le système de la Convention ne pouvant fonctionner correctement en l’absence de juges indépendants.

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la Cour conclut que l’impossibilité qui a été faite au requérant d’accéder à un tribunal ne peut être justifiée par des motifs objectifs relevant de l’intérêt de l’État. Le requérant était titulaire d’un mandat de membre juge élu au CNM, l’organe investi de la responsabilité constitutionnelle de protéger l’indépendance de la justice. La loi a mis fin à ce mandat prématurément en l’absence de tout contrôle juridictionnel de la légalité de cette mesure. L’impossibilité qui a été faite à l’intéressé d’accéder à une garantie fondamentale pour la protection d’un droit défendable de caractère civil étroitement lié à la préservation de l’indépendance de la justice ne saurait passer pour relever de l’intérêt d’un État de droit. Les membres du corps judiciaire devraient bénéficier – tout comme les autres citoyens – d’une protection contre l’arbitraire susceptible d’émaner des pouvoirs législatif et exécutif ; or seule une supervision par un organe judiciaire indépendant de la légalité de mesures telles que la révocation est à même d’assurer effectivement pareille protection. En d’autres termes, la seconde condition du critère Vilho Eskelinen n’est pas satisfaite.

Conclusion : article 6 § 1 applicable.

b)  Fond – Renvoyant en particulier à l’importance de la mission de protection de l’indépendance de la justice confiée au CNM et au lien qui existe entre l’intégrité du processus de nomination des juges et la garantie de l’indépendance de la justice, la Cour considère que des garanties procédurales analogues à celles qui devraient s’appliquer en cas de révocation ou de destitution d’un juge devraient de même s’appliquer lorsque, comme en l’espèce, un membre juge du CNM a été démis de ses fonctions. La Cour souligne également qu’il est nécessaire de protéger l’autonomie des conseils de la magistrature de toute ingérence des pouvoirs législatif et exécutif, notamment dans les questions touchant la nomination des juges, et de préserver leur rôle de rempart contre toute influence politique sur le pouvoir judiciaire. Elle estime que, appelée à apprécier une justification avancée à l’appui de l’impossibilité d’accéder à un tribunal pour contester une décision relative à l’appartenance à un organe d’administration judiciaire, elle doit tenir compte de l’intérêt public fort qu’il y a à préserver l’indépendance du pouvoir judiciaire et la prééminence du droit. Elle prête attention également au contexte global dans lequel s’inscrivent les différentes réformes entreprises par le gouvernement polonais, dont le cas d’espèce reflète un aspect problématique. L’enchaînement des événements qui se sont produits en Pologne montre très nettement que les réformes judiciaires qui se sont succédées visaient à affaiblir l’indépendance de la justice. Pour commencer, de graves irrégularités ont entaché l’élection des juges à la Cour constitutionnelle en décembre 2015. Ensuite, le CNM a été remodelé et de nouvelles chambres ont été créées au sein de la Cour suprême, tandis que le contrôle du ministre de la Justice sur les tribunaux a été étendu et son rôle en matière de discipline judiciaire renforcé, entre autres mesures. Du fait des réformes successives, le pouvoir judiciaire, branche indépendante du pouvoir étatique, s’est trouvé exposé à l’ingérence des pouvoirs exécutif et législatif et, par conséquent, considérablement affaibli. Le cas du requérant est une illustration de cette tendance générale. Partant, à raison de l’absence de contrôle juridictionnel en l’espèce, l’État défendeur a porté atteinte à la substance même du droit pour le requérant d’accéder à un tribunal.

Toutes les Parties contractantes doivent se conformer aux normes de prééminence du droit et respecter leurs obligations de droit international, y compris celles qu’elles ont volontairement acceptées en ratifiant la Convention, laquelle est essentiellement un instrument de prééminence du droit. La présente affaire soulève un certain nombre de questions constitutionnelles d’ordre interne. Néanmoins, en vertu de la Convention de Vienne sur le droit des traités, un État ne peut invoquer son droit interne, y compris sa constitution, pour justifier le non-respect des engagements qu’il a pris au regard du droit international.

Conclusion : violation (seize voix contre une).

Article 41 : constat de violation suffisant pour préjudice moral.

(Voir aussi Vilho Eskelinen et autres c. Finlande [GC], 63235/00, 19 avril 2017, Résumé juridique ; Xero Flor w Polsce sp. z o.o. c. Pologne, 4907/18, 7 mai 2021, Résumé juridique ; Broda et Bojara c. Pologne, 26691/18 et 27367/18, 29 juin 2021 ; Reczkowicz c. Pologne, 43447/19, 22 juillet 2021, Résumé juridique ; Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne, 49868/19 et 57511/19, 8 novembre 2021, Résumé juridique)

© Conseil de l’Europe/Cour européenne des droits de l’homme
Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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